sey you won't let go |kristina

- but i never showed
i wanna stay with you -

— @prune coleman

Une soirée. Elle s’est accordée une soirée bien méritée, Kristina. Une soirée avec ses amis de l’université, une soirée à faire la fête, chez l’un d’eux. Sa vie a tellement changé récemment qu’elle a presque l’impression de perdre le fil parfois. Et la cause de tout ceci n’est nul autre que sa relation avec Katheryn. Elle est tombée folle, littéralement folle amoureuse de son enseignante, Kristina. Au point d’officialiser sa relation avec, au point de devenir un véritable couple. Mais tout a été si compliqué. Entre l’ex-femme de Katheryn pour commencer et puis maintenant sa propre mère qui les a dénoncés à l’université, elle a dû faire face à énormément d’épreuves pour pouvoir être libre d’être celle qu’elle est. Pour pouvoir aimer celle qu’elle aime. Mais plus encore, elle a dû affronter ses propres démons. Ceux qui planent au-dessus de sa tête depuis plusieurs mois, menaçant sans cesse de s’effondrer sur elle. Ce viol. Son viol. Parce qu’elle commence tout juste à réaliser que cela lui est réellement arrivé à elle, Kristina. Elle a passé des mois dans le déni. Des mois à essayer d’oublier. A essayer d’oublier leurs visages, leurs trois visages. Des mois à prétendre qu’elle est toujours la même, que rien n’a changé. Alors qu’intérieurement, elle est totalement bousillée. Mais elle tente de continuer à vivre, Kristina. Elle tente de se reprendre, de le surmonter. Et petit à petit, peut-être qu’elle y arrivera. Elle le doit. Elle a des personnes qui comptent sur elle. Elle a Katheryn. Katheryn qui essaie de l’aider du mieux qu’elle peut. Mais il faut qu’elle arrive par elle-même à se libérer de ce poids, à se libérer de ce qui lui fait si mal. Pour le moment, elle n’y pense pas. Elle se contente d’essayer de régler les problèmes plus apparents. Marchant dans la rue pour regagner l’appartement de sa petite-amie, la jolie rousse est perdue dans ses pensées. Perdue, jusqu’à ce qu’elle entende des cris, ou plutôt des gémissements. Son regard se porte alors en direction du bruit, et c’est alors qu’elle la voit. Elle. Cette femme. Cette brune. Celle qui se fait agresser par un homme. Celle qui tente de se débattre, mais qui perd ses forces, visiblement sous l’emprise bien trop violente de ce sale type. Et immédiatement, cela lui rappelle ce qu’elle a elle-même vécu. Elle la regarde, et elle ne veut pas la voir subir la même chose. Elle ne veut pas que sa vie soit brisée, comme la sienne l’a été. Une partie d’elle reste pourtant paralysée, l’espace de quelques secondes seulement. Comme bloquée par une force extérieure, par des souvenirs bien trop intenses, bien trop réels. Mais elle se ressaisit, Kristina. Elle se ressaisit parce qu’elle doit le faire. Elle s’approche alors de cette femme et repousse immédiatement l’homme qui la tient. Lâchez-la ! Elle ne sait pas si il la connait. Elle ne sait pas s’il est un parfait inconnu. Et au fond, elle n’en a rien à faire. Qui qu’il soit, il est hors de question qu’elle le laisse s’en prendre à cette si belle inconnue. Et son intervention semble porter ses fruits, puisqu’il se détache rapidement d’elle pour prendre la fuite. Vraisemblablement, il espère ne pas être vu. Kristina se retourne alors tout de suite vers cette femme, avant de demander d’une douce voix. Est-ce que ça va… ? Elle se doute que non, mais elle tient surtout à vérifier qu’elle n’a rien. Qu’elle n’est pas blessée. C’est tout ce qui compte aux yeux de la jolie rousse, à cet instant précis.

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— @prune coleman

Elle se trouve là, face à cette jeune femme qui s’effondre littéralement. Elle s’effondre au sol alors que le lâche plus loin a déjà pris la fuite. Et en la voyant, le cœur de Kristina se brise déjà en mille morceaux. Une partie d’elle est complètement ramenée dans le passé, quelques mois plus tôt, lorsqu’elle a elle-même subit une agression par plusieurs hommes. Cette même partie se retrouve de nouveau dans l’horreur, lorsqu’elle a ouvert les yeux dans cette chambre, et qu’elle les a vu. Eux. En train d’abuser d’elle. Lorsqu’elle a puisé dans ses dernières forces pour se relever et fuir. Lorsqu’elle a erré dans les rues, encore sous l’effet des stupéfiants glissés dans son verre. Une partie d’elle revit ce cauchemar, mais l’autre est bien présente. Ici. Ce soir. Elle est bien présente, face à cette jolie brune qui semble en plein désarroi. Et ces deux parties d’elle sont en plein duel, l’une essayant tant bien que mal de prendre le dessus sur l’autre. Quelques mois, quelques semaines auparavant, c’est la partie d’elle effrayée, brisée, qui aurait pris le dessus. Mais aujourd’hui, grâce à Katheryn, elle a réussi à laisser tomber ce déni dans lequel elle s’était murée, pour enfin affronter la réalité. Aujourd’hui, elle ne peut pas affirmer qu’elle va mieux, mais elle essaie, et c’est la seconde partie d’elle qui prend finalement le dessus. La partie d’elle qui s’inquiète pour cette femme. Alors elle s’accroupit juste devant elle, et rapidement, elle sent la jeune femme venir se blottir dans ses bras, les larmes coulant sur son visage. Kristina la laisse faire, elle l’enlace même à son tour, posant une de ses mains contre sa nuque. En réalité, elle essaie de se montrer la plus rassurante possible. Parce qu’au fond, en la voyant dans un tel état, elle a mal, elle aussi. Elle se sent connectée à cette inconnue, plus que jamais. - Ce n’est rien, vraiment. La serrant un peu contre elle, elle reste quelques instants dans cette position, incroyablement silencieuse. Et puis finalement, elle se détache d’elle, mais elle pose ses mains contre ses épaules pour maintenir ce contact. Ses yeux se plongent dans les siens lorsqu’elle reprend la parole. - Vous ne risquez plus rien, ça va aller. Elle ne va pas la laisser ici, de toute manière. Pas seule. Pas en pleine rue. Et surtout pas après ce qui vient de se passer. - Est-ce que vous habitez loin d’ici ? Sa voix se fait plus douce encore. Elle se focalise sur la belle brune, elle se focalise sur sa détresse, pour pouvoir oublier la sienne.

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— @prune coleman

La douleur est si grande qu’elle est partagée. La douleur est telle, qu’une seule et unique personne ne pourrait l’assumer. Elle sent toute cette souffrance, nichée dans le regard de la belle inconnue. Cette souffrance dévorant son âme, dévorant son être. Est-elle uniquement causée par ce qui vient d’arriver ? Par cette agression ? Elle n’en a aucune idée, Kristina, mais elle ne peut pas la laisser l’affronter. Elle ne peut pas la laisser affronter cette douleur seule. Parce que tu ne sais que trop bien ce que c’est, Kristina. Tu le sais parce que t’aurais pu t’effondrer, complètement. T’aurais pu t’effondrer complètement, sans une main tendue. Et la main est arrivée. Elle est apparue, comme un ange dans l’obscurité. Aujourd’hui, c’est comme si la vie lui laissait une chance d’en faire de même à son tour. Comme si elle avait l’occasion de remercier un peu le destin de ne pas être totalement à terre. De ne pas s’être laissée sombrer. Elle à l’occasion d’en faire autant, pour cette femme, aujourd’hui. Et même si cela est douloureux, plus que jamais, de se retrouver confronter à ce qu’elle a vécu, il n’est même pas envisageable pour elle de s’en aller. T’as beaucoup de défauts, Kristina, mais t’as un cœur immense. Un cœur qui peut parfois te jouer des tours, mais qui sait toujours te guider. Et en voyant la brune se relever aussi difficilement, laissant des larmes couler contre ses joues, l’air inhabitée, la peur au ventre, sa main vient directement saisir la sienne. - Je vais vous raccompagner… D’accord ? Qu’elle demande, avec une grande douceur, laissant sa main caresser doucement son bras. Elle se montre la plus rassurante possible. La plus douce possible. Peut-être qu’elle a juste besoin de craquer, l’inconnue. Mais même si cela est le cas, elle ne la laissera pas craquer seule. - Ce sera bien mieux comme cela, croyez-moi… Son immeuble n’est pas tout près, et elle semble gelée, perdue, déboussolée. Elle est abîmée, comme t’as pu l’être. Et ton cœur se brise, à l’idée même que d’autres femmes puissent subir de telles souffrances. T’aimerais pouvoir faire plus, Kristina. T’aimerais pouvoir être capable d’aider, de changer les choses. Et peut-être que commencer par l’aider, elle, c’est un premier pas vers la guérison. Peut-être que commencer par l’aider, elle, c’est une promesse d’aider un jour beaucoup plus d’autres femmes. Tu dois juste être capable de te libérer de ce souvenir, des ces mains sur toi, de cette douleur que tu sens encore.

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— @prune coleman

L’inconnue se laisse finalement aider. Elle se laisse aider comme Kristina a pu le faire par le passé. Comme elle aurait dû le faire, bien plus encore. Elle aurait dû demander de l’aide. Elle aurait dû parler. S’exprimer. Plutôt que de se terrer dans le déni le plus total, rongée par le malheur, seule dans la noirceur et le désespoir. Tu aurais aimé en être capable. Tu aurais aimé que quelqu’un te force à le faire. Que quelqu’un te prenne par la main pour te prouver que ce n’était pas ta faute. Tu aurais aimé, mais ce n’est jamais arrivé. Et c’est comme un soulagement, un réel soulagement, d’entendre qu’elle accepte. Qu’elle saisit cette main, elle. Qu’elle se laisse raccompagner, aider. Ce qu’elle fait de bon cœur, Kristina. Ce qu’elle fait parce que c’est juste. Parce que c’est ce qu’il faut faire. Ce qu’elle doit faire. Parce que cette brune si jolie mérite bien que quelqu’un prenne soin d’elle, au moins une fois. Esquissant un doux sourire à ses premières paroles, c’est d’une doux encore plus douce qu’elle prend la parole, soufflant… - C’est normal… C’est normal. Normal de l’aider. Parce que tu le sais, désormais. Cette femme n’est pas responsable de ce qui vient de lui arriver. Comme tu n'es pas responsable de ce qui t’es arrivé. Et elle s’élance, dans la ruelle à ses côtés. Elle s’élance, jusqu’à cet appartement qui pourra les maintenir en sécurité. Cet appartement dans lequel elles n’auront plus rien à craindre. Et la voix mélodieuse de la brune se fait entendre, de nouveau. Un compliment qu’elle lui offre. - Parce que je sais ce que c’est. Qu’elle lâche, simplement, en toute transparence. La première fois. La première fois qu’elle avoue sans détour qu’elle a été victime d’une agression, elle aussi. La première fois qu’elle parle, à une parfaite inconnue, de cette nuit-là. Tu parles à demi-mots, Kristina, mais pour toi, c’est déjà énorme. Pour toi, c’est déjà un grand pas. Parce quelques mois plus tôt, elle n’osait même pas y penser. Parce que quelque mois plus tôt, elle gardait le secret, y compris envers elle-même. Mais elle se sent proche d’elle. Proche de cette femme. Proche parce qu’elles ont vécu quelque chose de similaire. Et cette proximité ne peut que la pousser à être honnête. Cette proximité ne peut que la pousser à franchir ses propres limites. A se jeter dans le vide, pour, peut-être, se libérer de ses chaines. - Je m’appelle Kristina. Et tu offres ton prénom, également. Tu offres ton prénom comme un gage de bonne foi, de sincérité, pour la mettre en confiance.