corbeau. (bear)

elle ne devrait pas lui faire confiance et ça la surprend, meera. un peu, seulement. bien sûr qu’elle a été entraînée à le détester. lui et tous ceux qui l’entourent, voleurs et criminels. bien sûr qu’elle ne devrait pas lui faire confiance - c’est ce que papa lui a toujours dit. mais elle a beau le vouloir de toutes ses forces, meera n’est pas comme papa. meera voit juste. meera voit la vérité plutôt que ce qui l’arrange, une constatation qui lui est venue il y a des années déjà, derrière les portes closes et les réunions d’adultes, entre blaise et papa. meera ne devrait pas lui faire confiance et c’est pourtant ce qu’il voudrait, quand il a passé tout ce temps à convaincre le monde entier de son innocence. et voilà maintenant qu’elle ne devrait pas le croire ? pourquoi pas ? elle hausse les épaules, meera. sans doute que ça n’a pas d’importance. sans doute que ça ne change rien, finalement.
mais elle était comme ça meera. elle voulait croire encore que le monde était bon.
désolée de te décevoir. le rictus est imperceptiblement doux, bien présent pourtant. c’est comme une trêve signée dans les airs. quelques instants de répit, drapeau blanc levé pour l’instant. peut-être de quoi lui changer les idées, de penser à autre chose que cette aiguille qui s’apprête à lui graver la peau, de ce dessin inconnu qui restera plaqué contre elle à jamais. et meera sait bien qu’elle devrait bien. que c’est une erreur, que ça ne lui ressemble pas. mais il y a de ces erreurs qu’on a besoin de faire et meera ressent le besoin d’aller au bout de celle-ci. de porter avec elle le drapeau de quelque chose qu’elle a accompli d’elle-même. pas pour papa, pas pour maman ni pour xander. mais pour elle, juste pour elle. elle a le palpitant qui bat comme un fou, l’adrénaline pompant jusque dans ses tempes. meera a le coeur qui pourrait exploser et l’envie de rire mêlée à la nervosité. aux côtes serrées, guindées. au dos raidi, d’une caresse qui, dans sa tête, court encore le long de son dos. à l’esprit tiré ailleurs, aux problèmes qui ne leur appartiennent même pas, au fond. à ceux qui sont devenus les leurs, le jour où ils ont appartenu à une famille trop imposante, trop égoïste quand ils n’auraient voulu qu’être libre. mais c’est ça meera, la justice au fond de ses poumons bombés de fierté, à mettre son nez partout là où elle ne le devrait pas. surtout là où elle ne le devrait pas. parce que meera veut savoir pourquoi elle se bat. pour une cause vaine ou pour la vérité, celle qu’elle a toujours prêché. peu importe combien elle est vraie. peu importe combien elle fait mal. meera veut la vérité, encore et par-dessus tout et sans doute qu’elle ferait tout pour l’avoir. tout ce qu’on lui interdit de faire.
meera est une énigme et meera s’en fiche. caprice d’enfant ou quête d’adulte, elle a besoin de savoir, comme une urgence, une nécessité. viscéral. meera se bat pour le bien, elle l’a toujours fait. ce en quoi elle se détache un peu des marks, fermés sur leur héritage, sur leur entreprise, sur leur nom, plus important que tout le reste. peut-être même plus importants qu’eux mêmes. meera est différente. comme une anomalie placée là par hasard, elle l’a toujours un peu sentie, meera, au fond d’elle-même comme un doute qu’elle a trop souvent balayé. aujourd’hui la quête existe de plus belle, plus importante que jamais. et elle est déterminée, meera. déterminée à obtenir des réponses, à y voir clair dans toute cette histoire. et enfin balayer les doutes que, peut-être, papa n’avait pas agi en bien. où est-ce qu’il est, alors ? si ce n’est pas toi, alors qui ? la première d’une nombreuse liste d’incohérences à côté desquelles meera n’arrive pas à passer. sans doute une déformation professionnelle, un classic textbook trop souvent vu en cours de droit pour ne pas s’arrêter ici. une affaire taille réelle, dont elle est au centre, à résoudre d’elle-même. dans une autre situation, elle aurait été aux anges. la réalité, elle, avait toujours été bien plus compliquée.
je parle des preuves qui te déclaraient coupable. alors quoi, elles ne sont plus valables ? c’est le plus étrange à ses yeux. jamais dans aucun de ses cas pratiques elle n’avait croisé cette situation. jamais elle n’avait été entraînée à la résoudre. jamais elle n’y avait face ou encore été préparée à la traiter. il n’y a que le vide qui l’entoure et l’esprit de meera qui perd pied. parce que ça n’a pas de sens. parce que l’esprit s’embrouille, se noie. parce qu’il y a forcément une explication et qu’elle lui échappe, à meera. ça la rend furieuse. et plus que tout, ça la rend impuissante. et jamais, oh jamais, meera ne se laissera marcher dessus.

@bear rosenwald

petit ricanement qui sort de tes lèvres. tout simplement parce que je pourrais être un connard, non ? t’es franc avec elle, le sourcil qui se hausse, comme si ça coulait de source. tu l’es pas, tant mieux pour elle. mais n’importe quelle personne pourrait se venger marks. tu pourrais te retrouver avec un truc obscène dans le dos ou bien pire et qui ne concerne pas forcément ton dos. c’est pas ce que tu lui souhaitais. étrangement, tu ne l’expliquais pas, parce que tu devais la haïr, parce que tu pourrais lui souhaiter du malheur, mais tu ne voulais pas qu’il lui arrive quelque chose. qu’un détraqué tombe sur elle. si ta haine englobée tous les marks, elle se focalisait surtout sur le père. sur ce mec qui n’avait même pas daigné être présent à ton procès, à ce procès qui t’enfonçait plus bas que terre alors que tu étais innocent. il est même pas venu. c’est sa fille qui est venue. c’est celle qui te tourne le dos. ce sont ses avocats, ses chiens, qu’il a envoyé contre toi. et tu peux le dire, t’as même jamais vu sa tête à celui-là. tu ne sais même pas à quoi il ressemble. t’as jamais été capable d’aller voir sur le net, de mettre un visage sur le nom, de mettre un visage sur ton bourreau. tu sais même pas pourquoi. peut-être parce que tu ne saurais pas comment tu réagirais. peut-être qu’à voir son visage tu pourrais péter un câble et partir dans un désir de vengeance. dans une stupide vendetta. t’en sais rien. et tu préfères ne pas savoir. tu préfères t’en tenir à ce que tu fais de ta vie en ce moment. c’est-à-dire, réapprendre à vivre. te réinsérer dans la vie. parce que tu as tout perdu, beaucoup de choses. ta perspective de carrière, certains de tes amis qui t’ont tourné le dos comme si t’étais devenu un paria, comme s’ils ne te connaissaient pas réellement, ta grand-mère. celle-ci, le marks n’y est pour rien. mais il t’a pris ses derniers instants de vie parce que t’étais coincé dans une putain de prison alors qu’elle s’éteignait à petit feu, alors que la maladie la grignotait. tu la vues au parloir une dernière fois avant que ce soit dans une tombe en bois.
tu ne comprends pas réellement ce que te veux réellement la fille marks. pourquoi elle est là. ni où elle veut en venir avec son énumération des faits, avec ses questions. Ils sont loin d’ici, marks. tu lances dans son dos, ton souffle se répercutant sur son épiderme alors que tu tatoues son corps de ton art, alors que tu poses une partie de toi sur elle. t’as le froncement des sourcils, t’as le coeur palpitant de la mauvaise des manières quand tu penses à ton père et ta belle-mère, ces voleurs. t’as jamais caché que tu ne connaissais pas l’identité des voleurs. tout simplement parce que tu l’as toujours crié haut et fort. ce n’est pas toi. c’est eux. et tu te rends compte qu’elle n’est même pas au courant de ce détail, de qui sont les vrais coupables. mais c’est pas pour ça que tu le précises. tout comme tu te rends compte que tu ne connais même pas son prénom à elle. planqués je ne sais où, sur une île ou un endroit où on les retrouvera jamais sans doute. c’est tout eux. c’est carrément eux putain. ils ont toujours fait cela. disparaître sans jamais laisser de trace. puis réapparaître du jour au lendemain chez ta grand-mère, comme si d’un seul coup ils se souvenaient que vous existiez, autumn et toi. comme s’ils se souvenaient que oh tiens, ils avaient des gosses. ils vous ramenaient des cadeaux comme un mec trompant sa femme et à qui il ramène un joli bouquet de roses, comme un homme offrant des tas de cadeaux à son enfant pour ne pas qu’il parle.
apparemment non, parce qu’elles ne sont qu’une pure fabrication des avocats de ton père. et tu ne remercierais jamais assez celle qui t’as aidé pour cela. celle qui t’as mis en relation avec le bon avocat, au péril de t'endetter pour au moins toute ta vie. mais ça valait le coup. ta putain de vie, ta putain de liberté, valait le coup. elle vaut le coup. demande à ton père marks. j’ai aucune réponse à t’apporter sauf le fait que je suis innocent et que tu cherches du mauvais côté. comme dans une partie de cluedo, la jolie blonde était sur le mauvais suspect alors qu’elle avait sans aucun doute la bonne heure, la bonne arme du crime et le bon endroit. et voilà. t’arrêtes la machine, le petit tatouage étant terminé. si tu veux regarder, apprécier ou me détester. tu pointes du doigt le miroir plus loin. tes yeux dessus avant qu'elle ne se lève, t’observes un instant en silence la marque de ton passage. autre qu’une marque de dents, qu’une trace de tes lèvres sur sa peau de porcelaine ou que le passage de tes mains sur son corps, il y avait quelque chose de toi sur ta pire ennemie. sur la fille de ton pire ennemi. et c’était galvanisant. tu sais pas pourquoi l’idée de lui tatouer une rose t’es venu à l’idée. peut-être parce que meera est belle. meera est élégante et piquante.

@meera marks

ça avait l’air si simple. si évident. tu ne peux pas lui faire confiance meera, c’est un connard. c’était bien ce qu’il avait dit, non ? et sans doute qu’il avait raison. ils ne se connaissaient pas. ne s’étaient jamais vus, jamais parlé avant ce procès qui avait mis l’un d’eux en prison. là où les criminels purgaient leur peine. certainement pas là où les gens de confiance se trouvaient. elle n’aurait pas de mal à le croire, meera. elle n’avait même jamais tenté de croire le contraire. elle se contentait simplement de relever l’ironie de la situation, ne pas lui faire confiance d’un côté quand il voudrait, de l’autre, qu’on le croit les yeux fermés.
et le pire, c’est qu’il arrivait presque à la culpabiliser. elle, meera l’imperturbable. meera l’impétueuse. meera qui marchait la tête haute, sans se préoccuper de ce que l’on pouvait bien penser d’elle.
c’est un peu tard pour faire marche arrière, non ?
meera n’avait jamais été fan des leçons de morale. si elle avait voulu prouver que l’homme était bon à nouveau pour que cela ne résulte qu’à une explosion magistrale en plein visage, elle ne pourrait s’en prendre qu’à elle-même. elle et son altruisme décalé. elle et sa curiosité à toute épreuve, bien loin des chemins tout tracés par papa.
elle avait l’impression que ses questions ne se résumaient qu’à de vulgaires bouteilles jetées à la mer. de vulgaires morceaux de pierre loupant le ricochet. ils ne faisaient que s’enfoncer dans l’océan, si bien qu’on les oublieraient à jamais. comme s’ils n’avaient jamais existés. les questions de meera prenaient la même apparence. elles restaient pour la plupart sans réponse, en particulier parce qu’elle ne parvenait pas à les formuler. l’esprit embrumé, peut-être d’avoir si mal jugé le bouc-émissaire. peut-être par crainte de mettre le doigt sur quelque chose qui la dérangerait vraiment, une information cruciale qui mettrait papa dans les eaux troubles. il ne reste qu’un bloc de glace, congestionné dans le cerveau, incapable de faire la part des choses. meera ne voit qu’en blanc ou en noir, oublie souvent que le monde est fait de nuances de gris. jusqu’à, peut-être, que l’écho vienne titiller son esprit.
alors tu sais qui c’est. et tout ce temps, il n’avait rien dit. elle n’avait rien entendu. l’appel à la réalité était brutal, l’aiguille transperçant la peau fine de son dos. mais ça n’importait pas. la douleur était futile, un dommage collatéral. les réponses avaient un prix et c’est à peine si elle s’en soucie meera. elle tient peut-être pour la première fois la première preuve tangible de quelque chose de nouveau. quelque chose de flou qui se dessine dans l’ombre, sans qu’elle ne distingue encore de quoi il s’agisse. mais c’est là. quelque part. et meera ne le laissera pas filer entre ses doigts.
et le silence retombe parce que meera n’a rien à y redire. enfin, si, des milliers de choses. une colère sourde qui gronde au fond de son estomac, lui fait froncer les sourcils, se raidir un peu. comme à chaque fois que l’on parle mal de papa ou des marks. parce qu’ils ne méritent pas ça. parce qu’ils s’en sortent, ou ils essaient. comme tout le monde. elle ne dit rien, meera. elle laisse simplement le bruit de l’aiguille mourir entre eux, puisqu’il n’y a rien d’autre à faire. rien d’autre à dire, à part peut-être une chose. tu te trompes sur lui tu sais. elle aimerait bien le convaincre, meera. parce que meera déteste penser qu’il y a quelqu’un dans le monde crachant du venin dans leur dos. meera déteste savoir que l’on puisse les penser imparfaits, elle et sa famille. meera déteste encore plus penser qu’elle puisse avoir des choses à se reprocher, elle l’enfant chérie, elle l’enfant génie. meera contrôle chaque détails de sa vie, jusqu’au moindre plis sur sa jupe. et quand meera pense que quelqu’un a tort, c’est probablement qu’elle a raison. papa est capable de beaucoup de choses, mais il ne mettrait pas un innocent en prison. il ne ferait pas ça. sans savoir qui elle tente le plus de persuader. lui, ou bien elle. parce qu’elle a besoin d’y croire meera. elle a besoin d’encore avoir quelque chose à quoi se raccrocher. un espoir même minime, une garantie que son existence toute entière, son honneur et son nom ne reposent pas sur des mensonges. sur des arnaques cachées sous le tapis et ressorties en plus jour quand le monde entier a le dos tourné. elle sait meera, que personne n’est parfait. personne, pas même papa. mais elle a envie d’y croire. l’aiguille cesse enfin de creuser sa peau et c’est le moment de vérité. découvrir avec effroi la marque de sa vengeance. admettre qu’elle ne peut pas toujours avoir raison, faire un pacte de confiance tacite avec l’ennemi juré et se tromper royalement. ou bien s’admirer dans le miroir et découvrir avec surprise les pétals qui parsèment son dos. le pari était risqué mais a payé. meera avait raison.
le monde a encore du bon.
si tu veux savoir, je ne te déteste pas. en réponse au dessin qui marque désormais sa peau, peut-être aussi à tout le reste. peut-être qu’elle le trouve réussi meera. peut-être qu’elle trouve ça beau. peut-être même qu’elle aime avoir un secret, un secret qu’elle peut cacher à papa. elle remet son pull et cherche à nouveau la précieuse au fond de son sac.
je te dois combien ? plus vraiment comme une insulte. plutôt comme un échange bien mené, lorsque les deux partis n’attendent pas le prochain deal avec impatience.
mais presque.

@bear rosenwald

c’était bien trop tard pour faire marche arrière. autant pour elle que pour toi à l’époque. tu aurais pu, tu mettrais le temps sur pause et reviendrait à cet instant où tu as fait cette chose stupide pour ton père, où t’as accepté de lui prendre ses billets et de les conduire à cet endroit précis. où t’en viens même à regretter le bonheur que tu as ressenti en voyant cette lueur dans les yeux de ton père. pour une fois tu existais. ouais, l’enfoiré. ouais, t’es stupide. t’étais comme un gamin stupide recherchant la reconnaissance de son père. tu t’es fait entuber par ton propre sang.
alors tu sais qui c’est. evidemment. question stupide. et je ne suis pas le seul à connaître son identité. affirmation que c’est le cas. tu le connais plus que bien l’identité du vrai coupable, les identités des coupables. parce que oui, les marks ne sont pas les seuls responsables de ta déchéance et de la destruction de ta vie. ton géniteur l’est bien plus encore, tout comme sa salope de femme, ta belle-mère. tu les détestes tous les deux. tu leur en veux tellement que ça pourrait devenir maladif si tu y pensais trop. et tu y penses, alors que tu tatoues sur l’épiderme blanche ta signature, une trace de ton passage, vous plongeant un léger instant dans le silence coupé par ta machine à chaque fois que ton aiguille plante sa peau. jusqu’à ce qu’elle évoque le sien, de père. et tu ne peux empêcher ce petit ricanement mauvais, le petit reniflement qui montre à quel point tu n’es pas d’accord avec elle, à point c’est absurde ses mots, ses croyances. tu sais, j’ai cru pendant de longues années que mon père était quelqu’un de bien. que tu révèles, faisant écho à ses certitudes. rien ne dit dans les tiens de mots que tu lui donnes le nom du véritable coupable, ton père mais c’est qu’une observation, qu’une expérience que tu souhaites partager avec elle. tu sais que tout le monde est différent mais c’est ancré en toi, c’est véridique, son père est plongé jusqu’au cou dans ce genre d’affaire. et ça te fait grincer les dents qu’elle insinue encore que t’es le voleur. donc, tu penses que je suis tout de même coupable ? si tu suis sa logique, c’est le cas car son père ne mettrait pas un innocent en prison. le père marks est capable de beaucoup de choses, oui, même des plus inégales, même des plus immorales, même de mettre un innocent en prison pour assouvir une vengeance...
le tatouage terminé, tu la regardes se relever pour aller jeter un oeil à petite rose noir tatoué dans son dos. aucune appréciation dessus, aucun compliment, tu t’en doutais. mais tu ne te doutais pas qu’elle t’avouerais qu’elle ne te déteste pas. vraiment ?. tes yeux parcourent le devant de son corps alors qu’elle observe son tatouage par dessus son épaule et t’as le sourire comique qui lui répond en retour alors que tu commences à ranger et nettoyer tes affaires.
combien elle te doit ? combien ils te doivent ? tellement beaucoup mon coeur, vous m’avez tellement pris, même seulement pour une année.
qu’est-ce que tu cherches à faire… début de cette interrogation qui t’envahit de plus en plus l’esprit, tes yeux se posent sur sa carte bancaire de petits riches qu’elle te tend. meera ? c’est là que tu la termines, en découvrant son prénom inscrit sur le rectangle que t’as entre les mains. meera ça coule sur ta langue, ça passe en toi, s’incruste dans tes souvenirs. meera marks. tu pourrais continuer de l’appeler par son nom de famille, juste pour montrer à quel point, toi, tu les détestes, les marks. elle aussi, d’une certaine manière. sa carte qui tourne entre tes doigts, tes yeux sur elle, tu l’observes en silence, quelques secondes, peut-être même une minute tandis que la vie continue à côté. tu entends le bruit de la machine de ton collègue, la voix de ton autre collègue qui discute avec un client, ou le rassure, sans doute l’un des tiens qui râle que tu sois en retard. pas de ta faute. t’as été pris dans l’étau de la blonde. sans réellement le savoir t’as déjà défailli face à elle alors que tu penses seulement pour l’instant l’avoir fait pour qu’elle te foutre la paix. pourquoi t’es vraiment là ? autre question alors que tu lèves ton cul de la chaise roulante, lui faisant face avant de t’avancer d’un pas ou deux. tu gardes en main sa carte bancaire même si tu sais pertinemment que cette prise d’otage est futile. la marks s’en fout. tu commences à la comprendre, étrange nan ? parce que c’est la première fois que tu lui adresses la parole, tout comme la première fois que t’es aussi proche. les autres fois, vous étiez dans une autre ambiance, séparés par des rangs de bancs, par des avocats et des flics, comme si t’étais le pire des mecs sur terre, le plus dangereux au monde.
t’as besoin de comprendre réellement ce qu’elle essaye de faire, de comprendre ses questions, sa venue. si elle a envie de jouer la rebelle, si elle est venue là pour te narguer ou si c’est tout autre chose.

@meera marks

le sous-entendu attire l’oeil et l’oreille de meera. pas le seul. ce qui voudrait dire, que d’autres preuves, d’autres indices seraient disséminés quelque part. ce qui voudrait dire que la quête personnelle de meera pourrait continuer, prenant ainsi un tournant inattendu. qui d’autre ? de quoi abreuver sa curiosité. de quoi taire le moindre de ses doutes, trouvant une bonne fois pour toutes le coupable de cette histoire. innocentant qui aurait besoin d’être innocenté, papa ou bien bear, laissant l’un ou l’autre dans un gouffre dont il ne remonterait sûrement pas. pas qu’elle ne soit persuadé de l’innocence du garçon rosenwald, meera. jamais vraiment convaincue de la culpabilité de papa, elle sait, pourtant, que personne n’est parfait. elle sait, aussi, ce qu’il se passe derrière les portes closes et elle sait aussi que papa n’en dit que le tiers à maman, à elle et à xander. pour ne pas les inquiéter. pour être sûr de ne jamais les mêler à des histoires d’adultes, des histoires qui ne les concerne pas. et cela n’avait jamais changé, pas tant que meera acceptait d’être la fille bien sage de son papa. pour la première fois elle avait désobéi. et son secret resterait secret à jamais. si elle était sûre d’une chose, c’était qu’il n’y avait absolument aucun moyen pour que son insubordination remonte aux oreilles de papa et c’était tout ce que meera demandait. un instant rebel qui la revigorait.
et elle se sent vivante, meera. probablement à cause de l’aiguille qui fait frémir sa peau. probablement à cause de l’interdit qu’elle se plaît à braver. ou probablement parce que pour la première fois depuis longtemps, le monde ne tourne pas autour des marks. elle se plaît à écouter, meera. à construire des illusions en papier-mâché. il ne l’est pas ? parce qu’elle ne sait rien de ses parents, meera. parce que les pièces du puzzle ne s’ajustent pas comme il le faudrait. parce que meera finira par comprendre, un jour, que les mots ne sont pas prononcés au hasard. tout a un sens, peu importe ce qu’elle en pense. de son histoire à sa culpabilité. bear n’est qu’un nuage de fumée,
une magnifique interrogation.
est-ce que c’est important, ce que j’en pense ? et elle le dit dans la plus grande des sincérités, meera. sans dire qu’elle n’en sait rien, vraiment. qu’elle n’est pas celle qui décide qui est coupable et qui ne l’est pas. qu’elle aimerait bien que les preuves soient incontestables, qu’elles lui montrent le chemin. oubliant sans doute qu’il ne s’agit pas d’un exercice en cours de droit, que la réalité est bien plus sinueuse, compliquée. meera s’enfonce dans les sables mouvants, elle sait bien qu’elle devrait pas.
elle a l’esquisse de sourire qui se meurt, au coin des lèvres, quand sort des siennes les cinq lettres de son prénom,
et le puzzle se dévoile.
et devant elle, il s’impose. elle le dévisage, meera, elle décrypte, essaye au moins. elle n’aurait pas pensé le trouver si imposant, face à elle, et elle ressent presque le besoin de redresser les épaules meera, de prouver qu’elle a le droit d’être là. je pensais que ce serait évident. elle a le sourire fugace meera, la théâtralité des grands hommes au bout des doigts. je viens m’assurer que ce qu’il s’est passé s’arrête ici. elle a les mots doucereux et l’air un peu trop innocent. qu’il n’y aura pas de… représailles. pas de grand geste démesuré. pas de nom jeté dans les airs pour les traîner dans la boue. pas de grand drame, que l’on tournerait si facilement en ridicule. pas de quoi envenimer la situation, et peut-être risquer le pire. ça sonne comme un avertissement et peut-être que c’en est un. meera ne sait plus, si les causes qu’elle défend sont encore les bonnes. tu penses que c’est possible ? et c’est sans doute trop demander, bien sûr qu’elle le sait meera. il est trop tôt pour le drapeau blanc. peut-être un peu déstabilisée par la conversation à dos, mais à coeur ouvert d’il y a quelques minutes. sans savoir si elle le demande pour les marks, pour papa, pour lui ou bien pour elle. une faveur trop grande pour être accordée.
même dans un sourire effacé,
même pour les beaux yeux de meera.

@bear rosenwald

si ton père est quelqu’un de bien ? question intéressante. plus d’un an en arrière, tu aurais défendu cet homme contre vents et marais. il y a plus d’un an, tu aurais trouver n’importe quelle excuse à ton père pour son comportement et particulièrement ses absences, pour son manque cruellement d’amour, pour sa façon médiocre d’être un bon père.
mais aujourd’hui, à cette heure, tu ne peux plus faire cela. tu ne trouves même plus rien de bien chez cet homme. ou peut-être seulement le fait qu’il t’est donné une demi-soeur que tu aimes tant. mais à côté de cela, tout sentiment mauvais remplisse tes pores quand tu dois parler de lui. pas vraiment non. que tu réponds à son sujet. c’est lui qui t’a précipité en prison, c’est comme s’il t’avait lui même poussé à l’intérieur de la cellule. t’as même pas eu de ses nouvelles pendant toute la durée de ton enfermement. parce que tu te juges sans importance ? toutes les pensées le sont. même sincérité dans ta voix quand elle s’interroge sur l’importance de ses pensées. et il faut dire que tu te fais avoir parce que oui, étrangement, sans savoir pourquoi, tu aimerais connaître le fond de sa pensée, tu voudrais savoir si elle te pense être le criminel tout droit désigné. et ça, c’est pas bon. tu devrais en avoir strictement rien à foutre. de même, t’aurais dû la virer de ce salon de tatouage bien avant de te pencher sur sa peau, sur son corps. t'aurais dû laisser rhea la raccompagner à la porte ou le faire toi-même, juste pour t'assurer de son départ.
tatouage terminé, son observation dans le miroir, t'as fini par t'approcher pour attraper sa carte bancaire mais pas que. il y a évidemment quelque chose d'autre derrière cela, derrière tes pas qui t'ont conduit à elle au lieu de garder la distance désirée par ton cerveau protecteur.c’est une menace meera ? c’est si doux, si bon de prononcer son prénom en la dévisageant ainsi. t’as le sourcil qui se lève, l’interrogation au visage à la fois sérieux mais aussi totalement amusé. tu le sais, tu devrais, si c’est le cas, prendre la menace au sérieux car tu sais pertinemment que tu ne fais pas le poids face aux marks. ils t’ont déjà bousillé la vie une première fois, ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils trouvent un autre moyen de te remettre en prison. tu le sais tout aussi bien que cette possibilité est encore envisageable, notamment à partir du moment où ton père et ta belle-mère n’ont pas été retrouvés et rattrapés. c’est pour ça que tu es venue là ? juste pour rapporter à papa que je serais pas un problème pour lui ? sourire ironique, tes yeux dans les siens le temps encore de quelques instants. le temps de découvrir la couleur et les détails de ses iris, le moment d’essayer de sonder son âme.
et finalement, sa carte que tu tapes dans ton autre main un instant, tu le lui rends. je vais y réfléchir. une promesse inexistante, une phrase que tu ne penses même pas. d’une, pour l’emmerder. de deux, parce qu’elle est tellement loin de la vérité que ç’en est affligeant, t’aimerais dire blessant si tu la connaissais mieux cela. t’as jamais été le mec vengeur, t’as toujours eu l’âme rancunière mais pas partisane de la vendetta. si elle n’était pas venue te trouver, t’aurais jamais cherché à reprendre contact avec les marks, t’aurais jamais voulu en revoir un des membres et surtout pas la blonde de qui tu t’éloignes. tes pas vers l’arrière, tu ne la lâches pas du regard comme si elle était un animal sauvage, comme si tu ne pouvais tourner le dos au danger. vois avec rhea pour le paiement. est-ce que c’est une manière de te débarrasser d’elle là ? de la remercier ? de lui demander de se barrer de là ? clairement. tout cque tu veux, c’est que les marks te foutent la paix et encore plus la jolie meera. qu’elle reste loin de toi, ses menaces, ses interrogations, ses accusations et elle. t’as aucun compte à lui rendre. ah, si tu veux des réponses, cherche plutôt du côté de jonathan et lin rosenwald. tu balances par dessus ton épaule une fois que tu t’es retourné pour retourner vers ton coin de travail. tu te décides à lui tourner le dos, espérant qu'elle ressorte de ta vie. prends ça et fous moi la paix, meera marks. dégage de là.

@meera marks

les mots surprennent, peut-être un peu trop. toutes les pensées sont importantes, oui, mais meera n’aurait jamais pensé que les siennes auraient une quelconque importance dans une situation comme celle-ci. meera ne porte pas la justice sur ses épaules et n’a aucune incidence sur la situation. je ne pensais pas que ça pouvait t’importer, c’est tout. c’est papa qui décide de tout ça d’habitude et c’est bien pour cette raison que meera ne lui a pas parlé de sa petite escapade clandestine au salon de tatouage. sans vraiment pouvoir l’expliquer et sans raison apparente. sur un coup de tête sûrement, un besoin viscéral de savoir que sa famille n’est pas en danger. que rien ne va changer. et que tout ira bien.
tout pour se réconforter d’une façon ou d’une autre.
sans doute aussi pour mieux dormir la nuit.
elle feint la conscience tranquille meera, renferme au plus profond d’elle même tous les secrets qu’elle s’est juré de garder pour papa. au nom d’un homme qui manigance lorsqu’ils ont le dos tourné. au nom d’un honneur que jamais, jamais, on ne doit bafouer, parce qu’il n’en a jamais été le cas et que ce ne sera probablement jamais le cas non plus. parce que les marks se battent, sortent les griffes et passent à l’offense avant même que les problèmes ne leur tombent dessus. une force ou une faiblesse, là, et meera en pleine ligne de mire. prête à se jeter dans la gueule du loup pour éclaircir ses doutes, minimes, mais si évidents, et pour quoi finalement ? pour la justice ?
ah, la justice.
est-ce que c’est la justice qu’elle voit, quand elle sonde ses prunelles ? le rictus étiré, prêt à défier, prêt à abaisser, prêt à mordre aussi. tout ce qu’elle voit, c’est la justice qui lui rit au nez. est-ce que tu veux vraiment le savoir ? et elle y répond elle aussi, de ce même sourire un poil insolent, assez pour ne pas dévoiler ce dont ils seraient capables, si meera passait le mot. elle même n’en est pas certaine, et elle se dit que c’est peut-être mieux ainsi. je te l’ai dit, il n’est pas au courant. elle finit par trancher meera, parce que bear se trompe. bear croit la connaître, elle et les filles comme elle. ne voit que le mirage qu’elle veut bien lui offrir. elle laisse un temps passer, reprend sur le même fil d’honnêteté qu’ils semblaient partager il y a peu. j’ai besoin de le savoir, pour moi. parce qu’il sait déjà tout ce qui pourrait lui arriver si papa l’apprenait et meera sait aussi tout ce qu’ils risqueraient, elle et sa famille, si bear dévoilait son dernier tour de cartes. c’est sans doute ce qu’elle craint, rien qu'un tout petit peu, sans parvenir à le lire.
elle fait l’impasse sur la pique si bien lancée qu’elle en froisse l’égo, pour mieux languir d’une réponse qui ne viendra jamais.
oh il joue, bear, et il agace. assez pour faire froisser le nez et piquer un caprice, vrombir d’impatience. il devrait savoir que meera n’est pas de celles qui attendent et peut-être même qu’il le sait déjà. peut-être même qu’il s’en amuse et ça contrarie meera d’autant plus. jamais elle ne le laissera l’apercevoir. jamais elle ne lui accordera cette victoire, parce qu’elle est fière, meera. et elle refuse de se laisser battre si facilement. elle se contente de récupérer la carte du bout des doigts, de se laisser diriger vers la sortie sans plus de superflus.
et enfin, alors même que le bruit de ses escarpins résonnant contre le carrelage résonne dans la pièce quand elle s’apprête à passer la porte, la délivrance vient jusqu’à elle. des mots qui pèsent dans l’air, prononcés si méticuleusement que meera en vient même à douter. mais c’est l’aube d’une nouvelle piste qu’elle aperçoit, de l’autre côté, un merci muet sous la forme d’un hochement de tête incertain. fais-moi signe quand tu auras pris ta décision. un dernier regard par-dessus l’épaule et elle disparaît derrière la porte, le souvenir d’une matinée agitée gravée au fer rouge dans son dos.

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