She's in my every thought. (Ainswell)

Elle a la sensation de brûler, de se consumer de l’intérieur. Elle a la sensation que Katheryn a allumé un feu en elle, un feu qu’elle est incapable d’éteindre. Elle l’a quitté, elle l’a quitté depuis une dizaine de jours maintenant et Kristina ne va pas mieux. Elle n’ira jamais mieux, elle en est persuadée. Pour cause, elle est toujours désespérément folle amoureuse de Katheryn. Elle l’aime, même si elle ne le veut pas. Elle l’aime, même si Katheryn est en train de la briser. Elle l’aime, même si elle ne reconnait plus la femme qu’elle a eu sous ses yeux. Elle l’aime, même si elle ne parvient pas à oublier cette image d’elle, avec une autre femme, à la terrasse de ce café. Kristina est certaine que son ancienne petite-amie a déjà tourné la page, qu’elle est de nouveau en couple, avec celle femme. Elle a tiré un trait sur elle, sur ce qu’elles ont vécu. Si seulement tout ceci était réel, si elle a été sincère, ne serait-ce qu’une fois durant ces mois de relation. Elle regrette tellement, Kristina. Elle regrette tellement d’être tombée amoureuse d’elle, d’avoir vécu avec elle, de lui avoir donné sa confiance. Elle a tout brisé. Elle a tout détruit. Et la jolie rousse ne parvient pas à se défaire de cette souffrance. Elle essaie pourtant, elle essaie par tous les moyens. Elle sort tous les soirs, elle boit tous les soirs, elle se laisse séduire par tous les hommes qui veulent bien s’en donner la peine, mais rien n’y fait. Elle n’oublie pas Katheryn. Elle est dans toutes ses pensées. Elle est bloquée dans son esprit. Elle prétend ne pas se sentir seule alors qu’au fond, elle est en train de crevée sans elle. Rien n’est plus pareil. Rien ne le sera plus jamais. A l’université, c’est le même schéma. Kristina est ailleurs, distraite, rien n’a plus d’importance. Tout ce qu’elle souhaite, c’est oublier la quadragénaire. Ce soir, elle prévoit de sortir, une fois encore. Se mettre la tête à l’envers, voilà l’objectif. C’est d’ailleurs ce de quoi elle discute en sortant de l’université avec ses amis. Ses amis, et ce garçon qui à qui elle plait. Il a un bras autour de ses épaules, comme s’ils étaient ensemble, tous les deux. Ce n’est pas le cas, mais elle le laisse faire. Si c’est la seule façon de ne plus rien ressentir pour Katheryn, après tout, pourquoi ne pas essayer. Elle le laisse alors la prendre dans ses bras, sans voir que la quadragénaire se trouve justement à quelques mètres d’elle. 

Elle resserre son étreint, elle se serre dans les bras de ce garçon, Kristina. Comme si ses bras pouvaient lui faire oublier ceux de Katheryn. Comme s’il pouvait lui faire oublier Katheryn. Elle aimerait, elle aimerait tellement, mais c’est impossible. Elle tente juste de combler le vide atroce que la quadragénaire lui a laissé. Parce que la vérité, c’est qu’elle ne s’est jamais sentie aussi bien que dans ses bras à elle. Avec Katheryn, Kristina s’est sentie entière, complète, pour la première fois depuis des mois. Elle s’est sentie heureuse, comblée de bonheur, et surtout totalement amoureuse, pour la première fois de sa vie. Alors non, elle ne pourra jamais ressentir cela de nouveau pour quelqu’un, parce que Katheryn restera son premier amour. Peu importe si elle l’a détruite, peu importe si elle tente de se convaincre qu’elle ne l’aime plus, le souvenir de la première personne qu’elle a aimé ne pourra jamais disparaitre. Et ce garçon qui la tient dans ses bras, il n’est qu’un moyen pour la jolie rousse de ne plus penser à la femme qu’elle aime. Il n’est qu’un moyen pour elle de ne plus se laisser sombrer dans cette souffrance qui la ronge de l’intérieur. Il n’est qu’une compensation. Il est n’est rien. Rien face au visage de Katheryn qu’elle ne parvient pas à effacer de son esprit. La jolie rousse est complètement bousillée, voilà la réalité, et le pire dans tout ceci est qu’elle a l’impression d’être la seule à souffrir. Elle a le sentiment que Katheryn continue sa vie, comme si elle ne l’avait jamais rencontré. Et elle a ce fichu tatouage sur sa cheville. Ce fichu tatouage qu’elle a fait avec elle et qu’elle ne parvient même plus à regarder tant il la dégoûte. Mais alors qu’elle continue sa discussion, ne se rendant compte de rien, elle entend soudainement une voix, une voix qu’elle ne connaît que trop bien et qui l’interpelle immédiatement. C’est Katheryn. Là. Juste à côté d’elle. Et l’espace d’une seconde, elle reste paralysée, Kristina. Elle se demande ce qu’elle fait ici. Jusqu’à ce qu’elle réalise que toutes ses affaires sont au sol, et surtout, son ancienne petite-amie n’a pas l’air dans son état normal. Et pour cause, Kristina la connait par cœur. Elle voit une fatigue sur son visage comme elle n’en a jamais vu, elle semble même bien plus frêle que d’ordinaire, presque tremblante. La voir comme cela l’inquiète immédiatement et cela la rend dingue. Pourquoi ne parvient-elle pas à se foutre d’elle ? Pourquoi ne parvient-elle pas à la laisser vivre sa vie sans se soucier de ce qu’il lui arrive ? Son cœur se serre et c’est insupportable. Son cœur se serre et menace d’exploser à tout instant. Pourtant, elle se détache finalement des bras de son ami pour s’approcher de Katheryn. Elle ne devrait pas, elle le sait. Elle ne devrait pas, surtout après la dernière fois, lorsqu’elle a vu Katheryn et cette femme. Elle ne devrait pas et elle risque de s’en mordre les doigts. Et elle s’accroupit tout de même pour ramasser les affaires de Katheryn et les remettre en ordre. - Tiens. Dit-elle en se relevant pour lui rendre son carton. Sa voix est étrangement calme. Bien plus que la dernière fois qu’elles se sont vues. Peut-être parce que là, face à elle, Kristina voit bien que quelque chose cloche. - Tu es venue récupérer le reste de tes affaires ? Pourquoi est-ce qu’elle lui parle, bon sang ? Pourquoi est-ce qu’elle se fait autant de mal à elle-même ? Mais la voir ici lui rappelle tellement de souvenir. C’est au sein de cette université qu’elle est tombée amoureuse d’elle, c’est ici que leur histoire a débuté. Et elle sent déjà le regard désapprobateur de ses amis, pourtant, elle n’y prête pas attention. Elle est bien trop obnubilée par Katheryn et par la détresse qu’elle peut lire en elle.

C’est la première fois, la première fois depuis leur rupture que Kristina pose véritablement ses yeux sur le visage de Katheryn, et le constat est sans appel, elle n’a pas l’air heureuse. La femme qu’elle aime l’a quitté et elle n’a pas l’air heureuse sans elle. Kristina ne comprend plus rien, elle est à bout de nerfs, elle est complètement déboussolée. Elle a l’impression de se faire des idées. Elle a l’impression d’entrevoir ce qu’elle voudrait, et non la réalité. Peut-être qu’elle s’invente une histoire qui la rassure, une histoire où Katheryn souffrirait autant qu’elle. Peut-être que sa vision est brouillée, peut-être qu’elle va bien, sans elle. Pourtant son cœur lui hurle que non. Son cœur lui hurle à quel point Katheryn a l’air exténuée, irritée. A quel point elle n’a pas l’air bien, elle non plus. Et lorsqu’elle l’entend lui dire merci, elle sent une certaine douceur dans sa voix. Elles sont douces, l’une comme l’autre, et ce n’est pas normal. Ce n’est pas normal après une rupture. Ce n’est pas normal si l’amour n’existe plus. Mais pour Kristina, c’est indéniable, elle aime toujours Katheryn. Elle est toujours amoureuse d’elle. Sinon elle ne serait pas encore là en train de veiller sur elle, de se faire du mauvais sang pour elle. Et elle se contente de lui dire simplement. - De rien. Et elle voit son ancienne petite-amie détourner les yeux, fuir son regard, mais les yeux verts de Kristina restent figés sur Katheryn, eux. Figés sur elle, son visage, son regard. Comme si elle cherchait à décrypter quelque chose en elle. Elle devrait plutôt lui crier dessus, déverser toute sa haine, comme l’autre fois. Elle devrait, mais elle est tellement détruite qu’elle ne parvient plus à savoir comment réagir. Et lorsqu’elle entend Katheryn évoquer son « copain », elle ne dément pas, Kristina. Elle ne dit rien, laissant volontairement planer le doute, laissant Katheryn croire qu’elle est de nouveau en couple avec quelqu’un, un garçon. Elle veut lui faire mal. Elle veut qu’elle ressente ce qu’elle, elle ressent. Et puis après tout, elle a une femme dans sa vie, elle aussi. Elle veut lui faire mal, et pourtant une partie d’elle ne supporte pas de la voir si faible. Doux paradoxe, à l’image de l’amour qu’elle lui porte toujours. Katheryn partait, justement, et elle l’invite à retourner dans les bras de son aime, la remerciant même une nouvelle fois pour son aide. Pourtant, elle ne bouge pas. Katheryn ne bouge pas, elle reste là, face à elle, avec toutes ses affaires dans les bras. Elle reste là, comme si elle ne voulait pas s’éloigner d’elle. Et Kristina ne bouge pas non plus. Ce serait pourtant tellement plus simple de retourner avec les autres, tellement plus simple de la planter là, de l’oublier, de la laisser se débrouiller seule. Mais à la place, elle reprend la parole, toujours de cette douce voix, toujours en la regardant. - Tu veux que je t’aide à tout apporter dans ta voiture ? Elle veut la faire souffrir en lui faisant croire qu’elle a quelqu’un dans sa vie, mais elle ne peut pas se résoudre à laisser la femme qu’elle aime de cette façon. Si faible. Katheryn n’a pourtant pas eu autant de considération pour elle lorsqu’elle l’a quitté comme une mal propre, lorsqu’elle l’a laissé se retrouver à la rue, lorsqu’elle a brisé son cœur.

Cette conversation lui arrache le cœur. C’est juste horrible pour Kristina de réaliser qu’elle n’est maintenant plus qu’une ex petite-amie dans la vie de cette femme qu’elle a tant aimé. Et qu’elle aime toujours, au fond. Qu’elle aime toujours, même si elle n’en a plus le droit. C’est douloureux de réaliser que tout est bien terminé entre elles, définitivement terminé. C’est douloureux de réaliser qu’elles ne seront plus jamais ensemble alors qu’elle l’aime encore à mourir, Kristina. Alors qu’elle pourrait tout donner pour elle. Il n’y a qu’à observer comment elle se comporte aujourd’hui, prête à tout apporter à sa voiture pour l’aider, alors qu’elle l’a vu la dernière fois en compagnie d’une femme. Elle ne devrait pas. Elle ne devrait plus continuer à prendre soin d’elle, ce n’est plus son rôle. Sa nouvelle petite-amie n’a qu’à le faire. Pourtant, elle ne parvient pas à reprendre son chemin, à partir loin d’elle. Les paroles de Katheryn l’interpellent tout de même, elle a conscience de lui avoir brisé le cœur, c’est déjà cela. Elle ne peut pas lui répondre. Elle ne peut pas lui répondre à cela. Parce qu’après tout, que pourrait-elle dire ? Ce n’est pas parce que Katheryn a été un véritable monstre que Kristina ne doit plus avoir de cœur. Toutefois, alors que la quadragénaire s’apprête à partir, elle lui balance une phrase qui fait écho dans son esprit. Une phrase à laquelle elle est obligée de répondre, cette fois. - Oui, sauf que c’est toi qui a décidé que c’était terminé entre nous, pour te remettre avec quelqu’un une semaine après, pas moi. C’est elle qui l’a quitté, c’est elle qui ne veut plus d’elle, alors elle sera toujours la fautive et Kristina a bien le droit de sortir avec qui elle veut, maintenant.  Elle n’en revient pas qu’elle ose lui dire cela alors même qu’elle n’aurait eu qu’à claqué des doigts pour la récupérer. Du moins, au début. Parce que maintenant les choses sont beaucoup plus compliquées dans la tête de Kristina. Elle aime Katheryn, c’est certain, mais elle l’a tellement détruite qu’elle ne pourra plus lui faire confiance. Pas cette fois.  Pourtant lorsqu’elle regarde son visage, Kristina ne parvient pas à rester insensible. Elle la voit toute fatiguée, toute faible, elle a même la sensation que Katheryn peine déjà à rester là, debout, devant elle. Passant alors une main dans ses cheveux, l’étudiante reprend finalement la parole. - Est-ce que ça va Katheryn ? Peut-être que pour une fois, elle sera honnête. Peut-être que pour une fois, elle lui dira la vérité. Et c’est tout ce qu’elle souhaite, Kristina, que Katheryn soit honnête avec elle-même rien qu’une fois.

Elles sont en train de se déchirer comme si elles ne s’étaient jamais aimées. Ou bien, au contraire, peut-être parce qu’elles se sont bien trop aimées. Bien trop, mais peut-être pas comme il le fallait. Tout du moins, Kristina a aimé Katheryn. Le contraire est une énigme aux yeux de la jolie rousse. Elle en vient sincèrement à douter de l’amour de Katheryn pour elle. Parce que, on ne peut pas traiter de cette façon quelqu’un qu’on aime. On ne peut pas piétiner son cœur, le prendre et le jeter à la poubelle sans considération. Et si elle l’aimait, si elle l’aimait vraiment, elle reviendrait en voyant à quel point elle souffre. Elle reviendrait vers elle. Mais ce n’est pas le cas. Elle ne revient pas, elle n’essaie pas non plus de se faire pardonner, elle n’en a strictement rien à faire. Rien. Mise à part lui faire des reproches. Des reproches qui lui restent en travers de la gorge. Mais c’est lorsqu’elle entend cette phrase, « couche avec qui tu veux », c’est lorsqu’elle entend cette phrase qu’elle vrille complètement, Kristina. Elle est écœurée et à cet instant précis, Katheryn la dégoûte. Elle est blessée, aussi, parce qu’elle se demande comment une femme qui est censée l’avoir aimé peut lui parler de la sorte.  Surtout à elle, alors que Kristina a toujours été parfaitement droite avec Katheryn, contrairement à elle. Elle lui a toujours tout donné. Elle a toujours tout fait pour elle et elle n’a jamais fait aucune erreur avec elle. Elle l’a attendu des mois pendant que Katheryn était encore avec Madison. Elle a tenu bon pour sauver leur histoire et ce même lorsqu’elle souffrait. Et maintenant, Katheryn a le culot de lui cracher en pleine figure qu’elle peut coucher avec qui elle veut. Ses yeux brillent légèrement mais elle tente de ne rien montrer, elle tente de cacher à quel point elle est blessée. Toutefois, elle reprend la parole d’un ton dur. D’un ton sec. D’un ton qui ne cache pas à quel point elle lui en veut, à quel point elle lui fait du mal en disant de telles choses. Et les mots sortent de sa bouche sans qu’elle ne s’y attende elle-même. Ils sortent machinalement. - Vas te faire foutre Katheryn ! Oui, elle est blessée. Elle a mal. Et elle se demande encore pourquoi est-ce qu’elle vient à s’intéresser à elle aujourd’hui. Pourquoi est-ce qu’elle s’inquiète alors que Katheryn la traite comme une moins que rien. Si elle va mal ? Si elle a un problème ? Et bien tant mieux, et qu’elle le règle seule désormais. Cette phrase était la phrase de trop. La phrase qui a terminé de bousiller son cœur. - T’as raison, t’es morte à mes yeux alors que tu ailles bien ou mal j’en ai plus rien à faire ! Elle n’a plus rien pour elle. Plus aucune tendresse. Plus aucun respect. Plus aucune bienveillance. Katheryn vient de tout briser en une fraction de seconde.