eighteenth century (ft.Nika)

A peu d'choses près, t'as l'impression d'vivre une rupture amoureuse, qu'elle t'a sorti la fameuse disquette de "c'est pas toi, c'est moi". Mais le fait est qu't'as jamais connu ça toi. Avoir l'cœur brisé. (Facile de t'en targuer quand tu n'as jamais confié ton cœur à personne) En tout cas, jamais par amour! Alors, du coup, tu n't'autorises pas la comparaison. Mais reste qu'c'est difficile à imaginer et qu't'arrives même pas à l'concevoir. Devoir vivre et assumer un quotidien sans elle. Rentrer dans un appartement vide et délaissé, abandonné par celle qui partageait ton foyer. Soupir. Partager au passé. Ça aussi, ça va être une autre épine dans l'pied. T'as clairement pas l'cash pour t'payer solo c'que réclame le proprio. Alors qu'est-ce qu'tu vas faire ? Déménager ? Trouver une autre colocation ? T'es tellement agacée par la situation qu'tu veux même pas y penser. Parce que si t'y penses trop, tu vas arriver à des conclusions dont, là tout de suite, tu pourrais t'en passer. Mais n'en déplaise à ta volonté, l'amertume a décidé d'se pointer. Si seulement t'avais suivi ton instinct qui t'intimait d'rester dans tes retranchements, au lieu d'baisser la garde et t'impliquer dans cette relation ! Si seulement t'étais restée dans ton coin ! Si seulement t'avais pas été naïve à t'attacher bêtement. Maintenant tu t'retrouves sans elle et sans toit ! Ouais, non, franchement tu préfères faire sans. T'façon y'a que les riches qui ont l'temps d'penser aux "si seulement". Et même si tu dois t'retrouver à la rue, au fond t'sais bien que jamais tu pourrais vraiment regretter d'avoir rencontré ta chica préférée. D'autant qu'c'est assez tordu d'ta part d'te désoler sur tes p'tites misères alors qu'Nika a remporté l'loto niveau galère.

Vu qu't'es plus aussi minable qu'avant, t'essaies de t'vider la tête. Réajuster le flux de tes pensées vers l'autre brunette. T'aurais d'ailleurs réussi si y'avait pas eu cette pensée qui te suit. Celle qui t'harcèle depuis qu'tu t'es levée. Elle persiste et résiste. Elle t'laisse pas en paix. Tu tentes d'la taire, t'concentrant sur le nombre de gorgées. Quelle pathétique tentative ! L'idée à germer, maintenant impossible d'la déraciner. Quant aux excuses de Nika, elles te consternent. Pire elles ne font rien pour apaiser ta pensée. Pourquoi s'excuser ?« Je pense que c'est la meilleure solution quand même … » Faut croire que Nika, dans sa volonté d'rassurer (s'rassurer ? t'rassurer ? qui sait ?) ne fait que t'enfoncer. « J'comprends pas » tu finis par céder. Et déjà tu regrettes d'avoir parlé. Où est passée la milice chargée de t'censurer ? « J'veux pas en rajouter dans ton plat mais ... » Mais tu vas l'faire quand même, parce qu't'es une pute. « Pourquoi t'as pas cherché à m'contacter ? J'aurais pu t'aider. J'aurais peut-être pu être là pour toi. J'sais pas, j'aurais pu être ton témoin. Merde, j'aurais pu être la mariée ! On vit ensemble putain ! » Ça tombe sous l'sens. Tu penserais que de marier la personne qui partage son quotidien serait plus crédible qu'épouser l'premier venu. Pour autant t'arrives pas à croire qu't'aies déballé ta pensée comme ça. Tu veux t'convaincre qu'c'est sa faute, qu'elle l'a cherché, qu'elle t'a forcé, pendant toute cette cohabitation, à t'ouvrir, à t'confier et partager … Tu t'enfonces dans c'raisonnement minable ! C'pour ça que tu voulais pas l'ouvrir, à la base. Tu savais que t'allais finir par la faire culpabiliser. Comme si qu'elle s'en voulait pas assez. Alors qu'elle n'est coupable de rien. Ni du destin de sa mémé, de celui de sa sœur, ni même du sien. Encore moins du tien. « Je sais qu'c'est trop tard maintenant. J'ai bien compris qu'on peut plus rien changer au risque que tu sois ... » T'as d'nouveau la nausée en pensant à Nika menotée. « J'ai conscience que l'autre gueux t'a sauvé ... Mais... je veux juste comprendre. J'ai besoin de comprendre, autrement … Autrement, je m'en voudrais à vie de n'pas t'avoir aidé. » Et ça t'ronge déjà d'l'intérieur de savoir qu'elle avait besoin de quelqu'un et qu't'as pas été cette personne pour elle. T'aurais rien pu faire pour mémé. T'sais même pas c'qu'il en est de Malohe. Peut-être qu'y a encore moyen de te rendre utile. Mais c'est pour Nika que t'aurais voulu t'démerder. Parce qu'elle fait toujours tout pour toi. Et toi, quand elle est dans la merde, bah t'es pas là.

T’aimes pas la situation. Laquelle ? Celle d’être mariée ou celle d’avoir un putain de nœud au ventre en pensant que tu as peiné ta chica ? Tu n’en sais trop rien. Tu l’écoutes, ton cœur qui se fend douloureusement sous ses mots, ses reproches. Tu pourrais pleurer encore, mais t’es même pas sûre d’avoir assez de larme dans ton petit corps pour en donner. Mais t’es mal, ça se lit sur ton putain de minois. Tu te sens mal de l’avoir vexé, d’avoir était sur le qui-vive au lieu de réfléchir. La peur sans doute, peut être bien. Elle ne comprend pas et tu as du mal avec les mots qui suivent, pinçant tes lèvres, tu as l’impression que ton cœur il se déchire. L’impression d’avoir annoncé à ton copain que tu venais de le tromper. Le cœur en vrac, les mots qui manquent et les mots n’en n’ont pas fini de tomber sur toi, de te briser. Et tu ne peux pas en vouloir à ta chica, c’est impossible, inconcevable même. Pinçant tes lèvres, tu tentes de prendre un peu de courage, mais ce con il est parti, il t’a lâché en pleine guerre. Des émotions qui se mélangent, qui te fracassent en cœur. Tes lèvres que tu tortures de tes dents, pour tenter de trouver les mots, la bonne chose à dire. Pas qu’elle a tort, car à sa place t’aurais pu lui dire la même chose. Exactement. Tout se mélange et tu es silencieuse, bien trop longtemps. « Euh … » Alors, tu le tentes, parler. Mais putain tout est coincé dans ta gorge ce qui te rend folle, t’as besoin de reprendre tes esprits, retrouver un semblant de dignité. Cette fille devant ta chica, ce n’est pas toi c’est qu’un sosie avec un caractère de merde, qui a arrêté de se battre dans cette pièce quand elle a dit oui, elle a dit ok. D’accord pour tout abandonner. L’amour, ses rêves. Tout. Alors, tu n’es plus là et là tu as la sensation de ne plus être à ta place. Mais ce n’est pas ce que tu veux, tout au contraire. « Je suis désolée. » Pale excuse. Des excuses bidons, car tu ne sais pas trop quoi penser en vrai. T’es rassuré, tu joues la forte, mais ça t’a angoissé l’idée envoyé ailleurs. « Je ne sais pas quoi dire … t’as sans doute raison. » C’est le cas. « Je suis qu’une conne … » tu t’étais promise de ne pas pleurer, de ne pas craquer, mais non faut bien que ton putain de corps te fâche chier et craque tout seul sous le poil de merde que tu viens de créer. « Sur le coup … j’ai pensé à rien … j’ai dit non hors de question, puis le dea qui frappe à la porte, j’ai flippé, flippé de partir, pense à ma abuela qui s’était déjà fait prendre. » La lèvre qui trembles-tu t’en veux. Tu t’approches de ta chica et t’as le cœur douloureux, beaucoup plus, tu prends sa main finissant par l’attirer vers toi. « Je suis désolée Chica … » t’embrasse son front, elle est pourtant un peu plus grande que toi, tu as toujours était la plus sage et tu es la plus jeune. Mais cette fois tu as la sensation de l’avoir déçu et ça te brise le cœur. Jules est plus qu’une amie ou une colocataire avec qui la vie est rocambolesque, elle est une personne de ta famille, une sœur et tu n’es pas prête à lui dire adieu. Impossible, vraiment. Tu aimes bien trop cette fille et t’as du mal à concevoir que tu l’as tant peiné, tant déçu. Une conne ne ferait pas autant d’erreur. « tu ne dois pas t’en vouloir … je le promet, il m’arrivera rien … et je serais toujours ici pour toi, indéfiniment même avec le déambulateur pour nous déplacer. » Tu piétines, tu n’es pas sure d’être clair, de donner de bonnes explications. « Je ne sais pas si j’aurais pu te joindre, que tu arrives ou même que je te rejoigne pour réussir à me marier avec toi … mais j’aurais préféré le faire avec toi … » Tu ris, tu tentes d’oublier les larmes. « J’aurais préféré vendre mon corps à toi qu’à quiconque ! » Pinçant tes lèvres, tu n’as qu’une envie qu’elle ne t’en veuille pas, mais dans le fond tu l’as comprend.

Les drames passés, les émotions bien présentes. Toujours face à face, tu la regardes souriant un peu plus. « Tu veux bien dodo avec moi ? » Une petite voix qui se fait entendre, tu souris à ton amie. « Je veux pas dodo seule … et je suis épuisée. » Une fin de journée qui fût bien trop pleine. Une vie qui vient de prendre un tournant, une aventure qui t’es encore inconnue. Tu ne sais pas trop comment tout ça va se passer, comment tu vas devoir gérer ta abuela, ton peut être faux mariage qui pourrait découler par un départ dans le fond. T’en sais rien. « Tu veux hein ? » Que tu lui demande. Sans penser que tu pourrais ne plus vivre ici, mais en vrai, tu ne peux pas l’imaginer, tu ne veux pas quitter l’endroit que tu partages avec elle et un autre oiseau que tu ne vois qu’une fois par an et encore. Mais t’y pensera plus tard à ça, bien plus tard.

Tu es sincèrement lassée. Lassée par ta velléité combative, ton envie d'contester, de dire que t'aurais pu aider, que t'aurais voulu aider. D'autant qu'tu t'expliques pas tes sentiments, ni même ton comportement. P'tain mais depuis quand tu fais dans l'abnégation ? Depuis quand t'es chaude pour sacrifier ton bonheur contre celui d'une autre ? Depuis quand Nika est d'venue ton talon d'Achille ? Tu la regardes, elle et ses lèvres tremblantes. Alors naturellement, ton premier instinct est d'lui en vouloir. Incarnation de cette faiblesse ultime, tu l'as diagnostiquée comme responsable de ce dysfonctionnement. (d'ailleurs, t'sais pas si c'est une anomalie passagère – tu pries pour – ou un début d'bipolarité.) Du coup, tantôt t'es frustrée pour elle, tantôt t'es agacée par elle. Parfois ton cerveau te dit d'faire le beau temps 'Qu'est-ce que j'peux faire pour t'soulager ? Dis l'mot et il sera buté !' Mais parfois c'est la tempête qui est exigée. 'J'fous quoi moi à être là et à m'prendre la tête pour que dalle ? Chacune ses misères, cousine.' Sauf que là, y'a prédominance de c'nouveau toi fébrile et fragile qui veut s'la jouer héroïne. T'façon c'est trop tard pour sauver ta gueule d'jà bien trop investie dans cette amitié T'es plongée jusqu'au cou dans ce bordel affectif. Et puis t'es pas une baltringue, à déguerpir et rendre les armes dès que plus rien n'va. Pas question d'la laisser seule face à cette merde. Et fuck ! quelle belle grosse merde c'est ! Elle a déroulé, sous tes yeux, ce déplorable tableau dépeignant une situation accablante qui slalome entre déportation et mariage blanc. Concrètement, face à ça, il n'te reste plus qu'à t'rendre à l'évidence et à accepter les faits. Alors qu'elle t'explique en long et en large que t'es pas fautive, tu t'martèles ces faits, espérant les assimiler. Sa grand-mère a été déportée. Tu n'y peux rien. Elle n'est pas américaine. Tu n'y peux rien. Elle est mariée. Tu n'y peux rien. Tu répètes ces mots inlassablement attendant que la pilule passe. Seulement, l'effet n'est pas instantané, t'obligeant ainsi à continuer ton chant. Tu n'y peux rien. C'est finalement sa voix qui t'ramène au présent.  « Tu veux bien dodo avec moi ? Je veux pas dodo seule … et je suis épuisée. » A peine ces mots prononcés, tu prends un petit coup d'massue. Comme si qu'le temps, qui était suspendu, reprenait son cours. Conséquence de quoi, toutes forces mentale et physique en toi s'éclipsent. Faut dire qu'c'tait pas de tout repos entre le marathon improvisé, l'inquiétude éreintante et ses nouvelles assommantes ... P'tain, toi tu t'plains, mais Nika elle devrait dire quoi ?! Ta pauvre chica doit être tellement HS moralement, qu'elle risque fortement d'entrer en hibernation. Et honnêtement, qui lui en voudrait ? Tu acquiesces alors en la rassurant. « Évidement que j'veux bien dormir avec toi. »  De toute façon, comment et pourquoi lui refuser ta compagnie ? C'est probablement l'une de ses dernières nuits ici, dans cet appartement que vous appeliez maison. Bientôt la maison, ça s'ra avec lui. Soupire. C'est donc paume contre paume que tu la guides vers sa chambre. Là où rien ni personne ne pourra l'atteindre. (encore moins quand tu fais l'chien de garde) T'espères tout d'même que ta présence lui suffit, que pour elle la nuit sera un doux temps d'accalmie.