one stupid mistake (romy)

elle n'est pas du genre bordélique ainhoa. au contraire, sans être spécialement maniaque, elle aime que chaque chose soit à sa place, que rien ne dépasse. et ces derniers temps, les évènements avaient fait qu'elle était un peu passé à côté de son lieu d'habitation, de ses habitudes élémentaires. elle n'avait même pas vu le bazar s'accumuler, ni même ce que son père laissait derrière lui s'entasser. jamais, elle ne lui reprochait quoique ce soit, elle avait simplement besoin de prendre son courage à deux mains pour faire que tout redevienne aussi clean qu'à l'accoutumée. c'était d'ailleurs cet exercice improvisé qui lui avait permis de mettre la main sur le camion de pompiers de jimmy. celui qui avait sans mal glissé un sourire attendri sur ses lèvres. elle avait aimé ce gosse dès qu'elle avait posé les yeux sur lui, pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas. peut-être qu'à l'approche de la trentaine, elle commençait à ressentir le besoin de fonder sa propre famille elle aussi. alors elle s'attachait plus facilement à tous ces petits êtres si innocents. si elle possédait la situation professionnelle idéale pour ce nouveau projet de vie, il n'en allait pas de même en ce qui concernait sa situation sentimentale. du moins, ça n'était plus le cas depuis quelques mois. pourtant, elle y avait cru très fort. mais encore une fois, elle n'avait pas été fichue de faire en sorte que ça ne foire pas. c'était ce qu'elle s'était répété encore et encore quand sur le test de grossesse qu'elle venait de se procurer, elle avait vu s'afficher le mot magique. pregnant. l'annonce l'avait assise, dans tous les sens du terme. parce que c'était la dernière chose qu'elle attendait. ce n'était juste pas le moment et pourtant, il était bel et bien là, encore moins ce qu'elle avait prévu. immédiatement, elle n'avait plus vu que le mauvais chez elle. tentant de se persuader par tous les moyens qu'elle ne serait jamais à la hauteur, qu'elle n'y connaissait rien, qu'elle ne parviendrait pas à élever correctement cet enfant, ni même à faire ce qu'on attendait véritablement d'une mère. se rabaisser à tout va devint tout à coup sa principale occupation, son nouveau passe-temps favori. ses pensées s'étaient emballées presque aussitôt, alors qu'elle cherchait à savoir ce qui avait bien pu arriver. et le constat avait été assez rapide, la chute tout autant. elle portait l'enfant d'un inconnu, le fruit d'une relation d'un soir. bien joué ainhoa, t'as touché le fond, ou le pactole. tu remporteras le prix de la mère de l'année sans aucun doute. certainement dans l'optique d'oublier le temps d'un instant le nouveau désastre qui s'abattait sur sa tête, elle avait pris la direction du lieu de vie de romy. afin de rendre son dû au petit garçon. deux coups frappés plus tard, elle se retrouvait nez-à-nez avec sa voisine. elle afficha un sourire malgré tout, ça lui faisait toujours plaisir de la voir. certain n'entretenait pas de relation de bon voisinage ou ne communiquait même pas avec ceux qui vivaient à coté d'eux, mais ce n'était pas le cas de ces deux-là. romy, j'te dérange pas ? s'imposer n'était pas ce qu'elle souhaitait, préférant de loin y être invitée. ce pourquoi elle offre une porte de sortie à son amie, il serait toujours temps de repasser plus tard si le moment ne s'y prêtait pas. elle n'était pas pressée après tout, elle pouvait bien prendre le temps de vivre. au point où elle en était, elle ne maîtrisait déjà plus rien.

elle n'était pas de ceux qui jugeaient, elle ne l'avait jamais été ainhoa. que ce soit leurs choix, leurs erreurs, leurs relations, leurs vies en général. qui était-elle pour le faire ? alors qu'elle était déjà incapable de gérer les propres coups du sort qui s'acharnaient à lui dégringoler sur la tête. à la place, elle s'efforçait d'être celle sur laquelle on pouvait compter, celle sur laquelle on pouvait se reposer. elle tentait de se rendre importante, de devenir un soutien sans faille. c'était sans doute cette générosité prédominante chez elle qui avait toujours facilité ses liens avec les gens qui l'entouraient. à l'image de l'amitié qu'elle avait développé avec celle qui aurait pu ne rester qu'une simple voisine, fondue dans la masse. c'était un gosse au milieu qui avait tout changé. et c'est encore à propos de lui qu'elle débarque à la porte de chez romy. dans sa hâte, elle s'assure tout de même de ne pas interrompre son amie dans quoique ce soit. un certain savoir-vivre l'habitait, ce pourquoi elle savait s'effacer pour ne jamais déranger. belli, vas-y, rentre. elle sourit à la femme en passant le seuil de sa maison. peut-être qu'à côté d'elle, elle parviendrait à oublier un peu ce qui la tracassait. peut-être qu'elle lui ferait penser à autre chose, qu'elles s'aventureraient sur des sentiers qui ne risqueraient pas de les voir tomber à la renverse. l'esprit plein de promesses, elle s'invite entre les murs pour le moins chaleureux de la belle harrington. j’pensais justement à toi. l'interrogeant d'abord du regard, ce sont des mots qui passent ensuite la barrière de sa bouche. j'avais deviné, c'est pour ça que j'suis là, elle commence en plaisantant. dis-moi tout. elle a le sentiment qu'elle a fait le bon choix en se pointant ici. ressentant déjà bien trop fort ce besoin de se noyer dans les histoires des autres pour s'oublier rien qu'un peu. n'était-ce pas ce qu'elle faisait déjà chaque jour qui passait dans cet hôpital où elle exerçait ? ça avait toujours été tellement plus simple de s'apitoyer sur les maux des autres. elle profite de la table basse pour y reposer le camion de pompiers que jimmy se chargerait bien de venir récupérer quand il aurait cinq minutes, toute son attention se focalisant déjà sur son amie. tu veux boire un truc ? un jus de fruits ou un verre d'eau, ça ira très bien. l'alcool ne réussirait à aucune des deux, ce pourquoi l'autre option était toujours très vite choisie. elle venait peut-être tout juste d'apprendre sa grossesse ainhoa, elle en avait pourtant déjà adoptée toutes les recommandations. elle avait même déjà le sentiment qu'elle deviendrait très vite la patiente idéale pour sa gynécologue. en attendant que romy revienne de la cuisine chargée des boissons qu'elle leur ramènerait, elle s'installe sur le canapé sur lequel elle avait pris l'habitude de se poser. avec les années, ça lui était arrivé de plus en plus souvent de passer du temps dans cet endroit. elle avait même développé un sentiment de sécurité et de bien-être à cette adresse. quand sa voisine réapparaît, elle la suit du regard jusqu'à ce qu'elle rejoigne le fauteuil à son tour. alors, comment ça va en ce moment ? une question simple qui réclamait pourtant une réponse qu'elle imaginait plus que complète. parce qu'elle entendait tout savoir de la vie de romy, de ses dernières semaines. que ce soit en ce qui concernait son fils, son boulot, sa santé, ses excès. est-ce que tu tiens le coup romy ? tu sais que tu peux tout me dire. quand le navire prend l'eau, une main tendue prête à vous tirer de ce mauvais pas était toujours la bienvenue. elle avait envie d'être la bouée de sauvetage la demoiselle harrington, ainhoa. et si elle devait faire en sorte que celle-ci ne s'égare pas davantage, elle serait en première ligne.