fucked up at 3am --/ flip.

say amen / les hoenikker ne sont pas de là. les hoenikker viennent de hongrie — et ça s’entend dans presque tous leurs accents. les plus jeunes seulement ont réussi à s’en débarrasser, sans pour autant perdre de cette langue maternelle qu’ils continuent d’utiliser dans la plupart des repas de famille. pourtant, les hoenikker, ils n’ont rien de plus que le hongrois pour les souder. rien d'autre que l’argent — celui qu’ils amassent, celui qu’ils dépensent, et celui dont ils hériteront tous un jour. golden boys, qu’une main ne suffit pas à compter. des sept, flip est le cinquième. ce sont ses aînés qui se sont mis les premiers à utiliser ce surnom, et personne n’a jamais arrêté. seuls leurs parents continuent de l’appeler filip, sans se soucier d’ainsi l’horripiler. les parents, fortunés. le père, qui avait finalement choisi de foutre le camp de son pays natal pour des raisons qu’il n’a jamais crachées à ses enfants. les états-unis lui ont ouvert les bras — et ils avaient de l’argent à leur offrir. beaucoup d’argent. maman en a profité, elle aussi. prenant un poste d’attaché à l’ambassade de hongrie, pour officialiser ce départ dans les règles et ne laisser aucune amertume à leurs compatriotes. aujourd’hui encore, maman se faufile dans les couloirs l’ambassade américaine de hongrie. papa passe ses journées on ne sait trop où, à remplir les fonds de cet héritage que dilapident progressivement ses enfants. pourtant, chaque fois qu’ils le dépensent, l’argent leur revient avec plus d’acharnement encore. formule magique que flip, comme plusieurs autres de ses frères, a très vite compris. bienheureux hasard dont il abuse depuis.

bad habit / flip, il a toujours eu un faible pour les femmes. tombeur des cours d’école, il a fait lever les yeux au ciel à ses parents quand il était encore trop jeune pour comprendre pourquoi ses frères aînés, eux, ricanaient autant. et il ne s’est jamais arrêté à ce qu’on en pensait. d’enfant qui charmait fillettes et maman, il a grandi. est devenu celui qui faisait rougir adolescentes et jeunes femmes — puis, aujourd’hui, toutes les tranches d’âges et les catégories. beaux mots, belles manières. du respect, toujours — à sa manière. une discussion un tant soi peu raffinée, et une capacité à rester tranquille, tout comme à sortir et à s’amuser. véritable caméléon, il a fait de ses conquêtes une passion. loin d’être un connard, pourtant. il s’assure que tout soit clair, au moment où les draps s’entremêlent pour accrocher soupirs et gémissements. il prend garde que celle qu’il embrasse, celle qu’il touche, celle qu’il dévore du bout des dents, soit bien au courant qu’elle ne sera plus là demain. et à partir de là, il ne s’arrête devant rien. une addiction dans laquelle il s’est complue pendant des années, et qu’il n’a jamais vu le besoin de freiner. deux dernières années pourtant compliquées, de ce côté — désormais sorti du centre de désintoxication, il a bien prévu de se rattraper. ne se croit pas invincible, bien loin de là. aime juste beaucoup trop vivre, séduire et aimer, pour être capable de s’en empêcher.

high enough / il aurait dû être avocat, flip. il avait traversé une bonne partie de ses études, mais ses vices ont fini par le rattraper. les fraternités étudiantes, par le traîner dans des fêtes qui lui offraient tout ce dont il avait toujours pu rêver. de la musique, de l’alcool. des filles à ne plus savoir par laquelle commencer. des soirées interminables, qu’il ne se gênait jamais pour financer à l’aide de l’argent qui émanait toujours des comptes de papa et maman. et puis, la drogue. la drogue à laquelle il a goûtée, pour s’amuser. la drogue qui l’a piégé. une autre addiction, développée avec les années. qu’il a gardé sous contrôle, derrière les sourires et le besoin d’en profiter. mais ça l’a fait lâcher ses études, peu à peu. ça l’a fait devenir l’absent de l’université, en contrepartie d’être le roi des soirées. golden scandal. flip a craqué. flip a abusé de la cocaïne, abusé des méthamphétamines. flip a fini par glisser du mauvais côté. par perdre les pédales, et par ne plus pouvoir se tirer du cercle vicieux que la drogue lui offrait. ça lui a valu deux années en désintoxication. deux années, enfermé. jusqu’à ce que, finalement, ce ne soit une femme qui l’en tire pour le ramener entre les pattes de cette drogue qui a bien failli le tuer.

evil eye / il est contagieux, flip. contagieux dans son envie de vivre et de profiter. contagieux dans sa manière de parler. de rire. de plaisanter. d’exister. ça fait de sa séduction un jeu efficace, dont il maîtrise tous les aspects sans pour autant leur prêter la moindre conscience malsaine ou déplacée. ça fait de lui une mauvaise influence, lorsque vient l’heure de boire, de fumer, de jouer, ou plus généralement de s’amuser. ça fait de lui une addiction. mais aussi une bonne épaule et une bonne oreille, quand viennent le temps de s’éloigner des projecteurs et des verres pleins à ras-bord — juste le temps de se poser, et de penser. il sait parler. il sait calmer. sait manipuler pulsions et émotions avec une étonnante sincérité, et jamais la moindre graine de malice ou de méchanceté. on l’a senti, dans le centre de désintoxication. et après presque un an à rester clean, on lui a proposé d’aider à l’animation de certains groupes. à l’accueil des nouveaux. on l’a proposé de se rendre utile, et de prouver qu’il pouvait aider d’autres à se remettre sur pieds. alors, flip l’a fait. n’ayant de toute manière rien de plus distrayant ou de plus enrichissant à faire de son temps. bouclé par les pots de vin de ses parents, il ne savait pas combien de temps la punition durerait. et il a accepté de suivre ceux qui voulaient cesser de prendre, pour finalement donner. il a accepté de transformer son influence en une force positive, à défaut de s’en servir pour entraîner les âmes dans sa spirale de plaisirs. et ça lui a réussi. pour quelque temps, à tout le moins. jusqu’à ce qu’une force plus influente encore ne vienne le tirer de là, en grattant férocement la corde sensible du désir, d'étroite paire avec celle de la liberté.

after midnight / flip, il ne s’arrête que lorsque le mur vient s’arrêter de plein fouet. ç’a été le cas, y a deux ans de ça. après plusieurs mois à s’enfoncer dans le tourbillon sans fin de la drogue, et du sexe. plusieurs mois à aller voir de tous les côtés et à manger à tous les râteliers — sans pour autant être capable de mettre de la distance avec madalena. madalena, elle avait des parents aussi dorés que les siens. des moeurs aussi légères que les siennes. madalena et lui, ils se sont envoyés en l’air pendant une semaine, bien trop régulièrement — avant de se retrouver par mégarde filmés. d’aimer ça. et de vouloir recommencer. madalena et lui, ils ont enchaîné les sex tapes. enchaîné les jeux avec la caméra. la gardant tout d’abord distante, avant de la rapprocher. tournant sur la fin ce qui ressemblait presque à leurs propres petits pornos. leurs propres jeux. leurs propres règles. et comme à tant d’autres choses, flip y était devenu accro. jusqu’à ce que ça ne leur échappe. qu’une fuite expose l’une de leur vidéo — et, rapidement, toutes les autres. flip voulait en rire. flip s’en foutait. c’est la règle : quand on joue avec le feu, on accepte de se brûler. mais madalena ne l’a pas entendu de cette oreille-là. elle a reproché à flip son manque de lucidité. ses airs erratique de drogué. elle a crié au scandale que ç’allait créer. elle a claqué la porte, tenté de faire amende honorable — mais ça n’a pas marché. flip sait que ses parents ne l’ont pas supporté. sait aussi que les hoenikker n’avaient eux non plus pas l’intention de voir leur nom ainsi souillés. golden kids made golden mistakes. et on savait que le nom hoenikker était désormais associé à ces vidéos qui traînaient sur internet. vidéos qui choquaient. ç’a été le premier mur, pour flip. le junkie arraché à son quotidien débalancé, pour être temporairement dépossédé, et enfermé dans un centre de désintoxication communautaire. pas besoin de les payer — mais les hoenikker l’ont fait. ils ont payé l’adhésion de leur fils. payé pour le voir enfermé là, loin du reste de sa vie. là où il ne leur ferait pas honte. là où il remonterait la pente. on les avait payés pour deux années complètes — la punition méritée. près de deux ans à accepter le chemin qu’il s’était lui-même tracé. le sourire aux lèvres, et le coeur dans les talons. jusqu’à elle.

p(l)ay with fire / ses grands yeux bleus, ses cheveux bruns. ses lèvres trop rondes, trop belles — et sa dépendance trop cruelle. il l’a épaulée, la soutenant jusqu’au point où elle s’en est finalement tirée. passé par là, lui aussi. une vingtaine de mois plus tôt. quand on l’a condamné à une prison de laquelle il n’a jamais vraiment essayé de se tirer. conscient de ce qu’il avait fait. et, surtout, besoin d’être pour un bref instant laissé en paix. mais mimi a bouleversé ça. mimi lui a fait de beaux yeux, et l’amour de flip pour les femmes a terrassé les promesses de bonne conduite qu’il avait faites en espérant se tirer de cette prison de misère et de charité. après plusieurs mois à l’épauler, elle a eu raison de lui. il l’a suivie, et ils se sont enfuis. se sont défoncés, la même nuit. kids don’t learn. la secousse, dans l’organisme si propre de flip. le choc, trop violent. la dope, trop mauvaise. les effets secondaires, trop virulents. flip qui déambule, dans la rue. flip pris dans les phares du véhicule qui n’arrive que trop vite. qui klaxonne. klaxonne. klaxonne. deuxième mur.

walk on water / le corps flasque, brutalement fauché. le réveil à l’hôpital. le côté gauche défoncé. bras dans le plâtre, épaule immobilisée, côtes brisées, visage éraflé. mimi envolée. et, à son chevet, un frère désespéré. l’envie de renvoyer flip d’où il s’est tiré — mais la pitié qui réussit à s’immiscer. le garder chez lui. accepter cette erreur de parcours, et les promesses de rédemption qui s’y sont ajoutées. ne pas en parler aux parents. le couvrir, pour les frais des soins et le soutien moral. le couvrir, lorsqu’il est sorti de l’hôpital sans un toit et sans rien pour bouffer. numéro quatre a hébergé numéro cinq dans le secret, en attendant de le voir capable de se payer son propre appartement. il a fait les démarches nécessaires pour lui rouvrir un compte en banque, à défaut de pouvoir lui dégeler celui d’héritage que leurs parents avaient bloqué à son enfermement. et numéro quatre siffle, face à l'ivresse de liberté qu’il lit dans les yeux de son frère. numéro quatre gronde, reprends l’université. trouve-toi un boulot. ou je sais pas. démerde-toi. mais prouve-moi que t’as changé.

prouve-moi que j’ai eu raison de t’aider.

et flip hausse les épaules.
flip sourit.

flip revit.

cat's cradle / flip, il a un bon fond. c’est ce qui fait que personne n’a cherché à se débarrasser de lui avant que ses parents ne tentent. c’est ce qui explique qu’il n’a pas encore eu d’ennuis plus gros que lui. il a le sens de la loyauté, et un respect indéniable — même au fond de ses plus gros défauts. --/ il est tatoué, flip. rien de gros. juste quelques petits trucs, par-ci par-là. discrets, pour ceux qui ne savent pas où les chercher. il prévoyait plus, mais il a été coupé de court par la désintoxication. ne perd pas de vue l’idée de reprendre, cependant. --/ il n’est que partiellement déshérité. son compte en banque, bien que gelé, est toujours régulièrement alimenté par ses parents. pour le jour où il reprendra du poil de la bête, et leur prouvera qu’il vaut bien leurs efforts et leur argent. une générosité qu’il a perdu l’espoir de mérité. --/ récemment sorti de l’hôpital, il ne fait pour le moment rien. ne nourrit même pas l’illusion de rester loin de l’alcool, des femmes ou des soirées. sait très bien que son goût pour la vie n’a fait que revenir avec plus de virulence. et que la drogue elle-même risque de bien trop vite la reprendre dans ses filets. on n’a qu’une vie, après tout. et lui compte bien la vivre jusqu’au bout. --/ il a toujours le bras dans le plâtre, et l’épaule à ménager. les côtes pétées rendent beaucoup de mouvements difficiles, également. ça le freine, ça le fait chier — mais il sait que ce n’est que partie remise, et que sa convalescence lui permet au moins de reprendre plus en douceur qu’une pleine santé ne lui aurait fait. --/ il aime jouer, flip. il aime les cartes, les jetons. l’adrénaline d’une soirée, et la sensation de perdre autant que de gagner. un shoot comme un autre. il en prend moins souvent, de ceux-là — mais lorsqu’il y en a, il ne se prive pas. --/ flip, c’est un oiseau de nuit. et la journée, il enchaîne le café. une autre addiction, qu’il cultivait particulièrement du temps où il lui fallait suivre en cours — et depuis la désintoxication, également. --/ flip, il est plus intelligent qu’il n’y paraît. brillant gamin, une fois assis sur les bancs de l’école. pourvu qu’on parvienne à l’y garder. --/ il n’est pas pudique. pas exclusif, non plus. du genre à ouvrir les bras à toutes, et à toutes les expériences qui les accompagnent. du genre à ne pas se gêner, aussi. mais à respecter les plus prudes lorsqu’il en croise — car flip est beaucoup de choses, mais pas du genre à brusquer. --/ il a des goûts de luxe, malgré tout. il a toujours aimé les beaux restaurants, et la bonne bouffe. aller faire du ski dans les plus belles stations, pendant les vacances. aller faire un tour aux écuries parentales, et monter la jument que son père lui avait offerte pour ses vingt ans. son sport, c'est le polo. son péché mignon, un magnum de champagne hors de prix, en belle compagnie. bien qu’il soit, derrière tout cela, complètement capable de vivre dans une modestie étouffante. les goûts n’ont pas pour autant à être altérés. et derrière ses apparences bourgeoises et profiteuses, il s’est toujours rendu compte de la chance qu’il avait. --/ il a conscience de ce qu’il est. conscience de ses mauvais côtés, et conscience qu’il crèvera probablement de toutes les erreurs qu’il est en train d’accumuler. --/ car au milieu du chaos de flip, il y a cette étrange balance. balance de bonté, balance de lucidité. balance que son instinct lui a toujours permis de conserver, et qui fait de lui un type aussi dérangeant que prisé.