break the rules (logan&angela)

on dit souvent que le blanc fait ressortir les complexes des femmes et qu'il est interdit de s'en vêtir pour les occasions de dépressifs. ce n'est pas mon cas. la jupe courte que je viens d'enfiler, reflète toute la vulgarité dans laquelle je souhaite m'embarquer pour un enterrement qui me tient particulièrement à cœur – alors, au diable la tradition du noir. cette couleur épouse parfaitement le volume de mes hanches, et se marie avec élégance au top que mon styliste personnel a décidé tout de même d'orner de sobriété. l'image que renvoie le reflet dans ce miroir rectangulaire, me plaît. elle me plaît plutôt bien, même – seulement à quelques points près. l'élément qui finalisera cette tenue, se trouve sur la commode à ma droite ; une paire de lunette teintée où les années quatre-vingts n'y manqueront pas d'ajouter leur touche d'originalité, s'y trouvait. je les pose sur l'arrête de mon nez, en choppant par la suite ma veste pour ne seulement déposer les épaulettes sur mon dos. un dernier jet de cette senteur enivrante – que je surnomme le parfum du démon – dans mon cou, et voilà que je descends les escaliers marbrés du hall d'entrée. l'homme qui me servait mes repas à la petite cuillère d'argent depuis mes trois ans, se penche en avant comme pour me saluer et saisit machinalement dans sa poche de son costume, l'une des clés de mes voitures. je l'arrête subitement en déposant mon index sur sa paume. – pas besoin. logan vient me chercher, dis-je d'un air impassible avant d'ouvrir la porte moi-même. souhaitez-moi bonne chance, hector ! il rumine quelque chose que j'ignore par le klaxon d'une voiture luxueuse que je ne peux que reconnaître. je lâche un petit cri de joie, presque excitée de revoir mon partenaire d'enfance dans son costard que j'espère voir en blanc – histoire que les deux salopards de la ville soient accordés, et oublie complètement de refermer le portail derrière moi. mes talons se noient dans les graviers jusqu'à ce qu'ils ne frôlent le sol de sa lamborghini aventador.  – hey, honey. tu as préparé ton plus beau discours pour la plus belle des morts ? je ferme la portière d'un geste nonchalant – qui contrairement aux cars descende des cieux, avant de me tourner vers lui. je fais mine d'analyser ce qui habillait sa peau de porcelaine, abaissant d'un millimètre la monture de mon accessoire. mes émeraudes descendent jusqu'à ses chaussures, avant de remonter sur son visage qui en disait long sur sa pensée. – j'ai toujours aimé observer les tourterelles, et là un rictus arrogant orne mes lèvres peintes d'un beau rouge. la mauvaise fille, est de retour.

il est certes évident que les tristes espèces représentant les plus basses classes sociales d'amérique du nord trouveraient toute une ribambelle d'adjectifs péjoratifs pour décrire le comportement de logan, et justement, celui qui s'accorderait à la situation du moment serait l'impatience. il languissait cruellement à l'idée de voir débarquer sa chère amie, revêtit d'une tenue des plus révoltantes. mais ça alors, qu'elle pouvait en mettre du temps ! bouillonnant, ses mains frêles empoignaient le cuir fastueux de son volant tandis que ses pieds couverts de somptueuses derbies – trop claires pour leur rendez-vous selon les gens trop simples – tapotaient frénétiquement les pédales inactives de sa voiture. puis soudain, elle débarqua si vite, et toute cette fougue en lui venait à s'évaporer. il la vit, exhiba un de ses plus beaux sourires en coin sur son visage mince et admira sa silhouette décorée. elle portait le tape-à-l’œil et la vulgarité nécessaires qui venaient lui compléter son smoking blême dont l'étincellement rappellerait presque une de ces soirées ratées du nouvel an ; soit le deal parfait pour des funérailles dont la tragédie sera remise en question dès qu'ils débarqueront. tu sais parfaitement que j'ai besoin d'aucune préparation pour ruiner quoi que ce soit, enchaîne-t-il derrière un roulement d'yeux railleur. il l'avait scruté assez pour en conclure qu'elle était suffisamment déterminée à ruiner ces obsèques, alors de son geste de tête significatif, rien qu'un acquiescement qui annonce le malheur, il démarra le moteur en pivotant la clef déjà introduite, d'un geste trop brusque pour ne pas être habituel.

après n'avoir aucunement respecté le code de la route, ils étaient déjà en place, déjà là pour lancer les dés de leur terrible jeu. logan sortit en premier de sa lamborghini d'un petit bond qui déplia son corps pour dévoiler au final sa grande taille ainsi que son allure noyée dans les paillettes de son complet sur-mesure. la nature criait – et sans doute chaque mort enseveli sous la terre devait s'agiter – quand elle le vit contraster la simplicité dont elle faisait preuve avec toute cette peinture fade. mais logan n'allait inévitablement pas se gêner, alors un peu trop confiant, il engagea aux côtés de sa partenaire une marche rapide et dépourvue du sentiment que tous ces faibles qui montrent leur tristesse en portant noir ressentent. que la partie... commence, murmure-t-il en ricanant silencieusement, le regard piqué sur la foule en deuil. puis ils s'avancèrent tous deux vers l'antre de la nécropole comme s'ils s'engageaient dans un des classiques palaces qu'ils côtoient quotidiennement.

il y a énormément de traditions contre lesquelles logan et moi sommes contre. à commencer par celle de porter une couleur fade, sans vie, et laide à un enterrement – c'est limite si la personne qui est dans le cercueil est plus à la mode que vous. et puis, la tristesse qu'ils disent ressentir en observant toutes ces tombes est complètement paradoxale avec ce qu'ils ressentent en fixant un mur – ce n'est qu'une plaque lisse, les morts qui sont à l'intérieur ont sans doute déjà perdu dès la première nuit de séquestration toute leur enveloppe corporelle, et la plaque qui battît les maisons, vous n'en faîtes pas tout un plat si jamais une pauvre mouchette s'est coincée dans le ciment. – comme c'est touchant de les voir s'effondrer pour elle, murmurai-je d'un air ironique avant que l'on s'arrête à quelques mètres plus loin de l'attroupement pour observer le faire-part imprimé en gras où la police est tellement pixelisée que ça bave sur la grosse tête de sophia. sophia était une ancienne camarade de classe. lorsqu'elle était arrivée au deuxième semestre dans notre collège, mon ami et moi-même nous étions chargés volontairement et avec toute notre bonté de son intégration au sein de l'établissement. dans mes lointains souvenirs, c'était une fille qui adorait les mathématiques et savoir tout sur tout – un peu trop, d'ailleurs. un jour, nous lui avions chargé de faire nos devoirs maisons où la paresse était beaucoup trop présente pour nous laisser le faire nous-même. bien évidemment, comme toutes les premières fois, elle avait refusé et osé rapporter au professeur concerné la menace que nous lui avions faites si jamais elle refusait – malheureusement, je n'ai aucun souvenir de ce que nous lui avions glissé à l'oreille. hélas t'es tombée sur le mauvais duo, sophia. – et dire qu'elle avait déménagé à new york parce qu'au texas ils n'acceptaient pas les boulimiques, je soupire faussement peinée. en effet, cette gamine n'avait pas eu de chance dans sa vie. La pauvre sophia était atteinte d'une maladie qui l'empêchait de rester concentrée à la moindre image, pensée, tout ce que vous voulez de nourritures. quel dommage que nous l'aillons découverts durant sa scolarité.

nous nous rapprochons de sa famille – la moitié n'était que le tierce pourcentage d'obèses en amérique du nord, pas étonnant qu'elle était addictive aux kilos  – et baissons le menton vers ce boudin enroulé de tissus à froufrou. je retire ce que j'ai dit ; cette morte là n'a aucun style. je fais mine de faire le signe de croix sur tout le haut de mon corps, avant de sourire aux gens – qui tiraient une tronche de déterrés. – au moins là-haut, ils ne l'empêcheront pas de finir son régime, tentai-je en inclinant la tête. les parents – qui avaient les yeux rouges comme mes premières règles – me dévisagèrent sans comprendre avant de reluquer le look que logan et moi portions dignement. – amen.

le long et mielleux début de cérémonie marqué par tout ce calme envahissant agrémenté de tristesse avait suffisamment duré. jusque-là, logan eut su se tenir, il n'avait qu'à attendre devant un vulgaire tombeau en bois étrangement étroit pour la largeur que faisait sophia dans ses vastes souvenirs, et se taire. on espère de tout cœur qu'elle reposera en paix, hein !, crie-t-il à vive voix dans un claquement de mains strident, comme pourrait-on le faire lors d'une banale fête où la musique tape à n'en plus finir. toutes les têtes larmoyantes se redressèrent ; certains ne s'étaient toujours pas remis de la grosse couchée et morte, d'autres montaient drôlement en pression à l'idée de vouloir faire taire les paroles trop crues de logan. puis il y avait aussi ceux qui, noyés dans la dépression du moment, emballait le sépulcre comme s'ils imaginaient pouvoir rejoindre la misérable qui siège à l'intérieur en agissant de la sorte.

logan se détacha du regroupement de zombies pour s'autoriser un petit avant-goût du buffet encore plus ignoble que ce qu'il venait d'assister. le seul point positif qu'il a pu y trouver, c'est la quantité ; leurs estomacs comptent pour trois humains au minimum, c'est sans doute pour cela que les tables nappées étaient si bien garnies. il servit, à lui-même et à angela, deux généreuses coupes de champagne pour raviver un peu la flamme du bonheur qui manquait sacrément à la situation. ce n'est pas si tragique pourtant, pourquoi les parents pleurnichent-ils ? elle allait bien décéder un jour ! toujours est-il qu'il rejoignit en tapinois son amie, lui délivrant son vin gazeux d'un geste ironiquement délicat. si on passait aux discours ? on a assez matté le bout de bois en face de nous, fit-il dans un large sourire proche du rire tout en relevant en l'air sa coupe de champagne comme s'il célébrait un réel instant de joie. fichtre ! c'était à peine si l'on voyait la décomposition s'effectuait sur leurs visages ; patience les gars, c'est d'abord à sophia de moisir, votre tour viendra. enfin, le premier discours s'opéra, celui d'une mère peinée et malade et douloureuse. et toute cette comédie s'enchaîna péniblement jusqu'à ce que angela se hâte vers le petit parloir en face du comité, prête à prononcer ses premiers mots piquants. lui, il riait secrètement, bien trop expérimenté pour laisser paraître un quelconque signe de leur destruction, oh ça non.

il faut avouer que l'église est un lieu des plus barbants de l'histoire. outre le fait de croiser jésus à chaque vitraux, il y a les bancs de bois qui sont conformistes pour les débuts de scolioses et le curé où je suspecte de pratiquer une théorie de complots sur la façon de choisir ses catholiques. heureusement que pour ajouter un peu de peps à ce monde restreint, une coupe de champagne m'est tendue par mon bel ami. rien de mieux pour fêter la fin d'une misérable vie, dirait-on. je la saisis délicatement, y déposant mes lèvres pour me délecter de ce sang dorée et pétillant de vie. je peux apercevoir du coin de l’œil que l'attention des plus peinés est entièrement posée sur nous ; les deux partenaires qui ne font aucune prière pour la défunte. j'en profite pour rapidement répondre à la question presque évidente de logan, lui glissant à l'oreille : – dommage que la croix est fixée dans le mur, je m'en serai bien servie pour embrocher d'autres petites sophia. bien évidemment, je vise le regard de cette petite assemblée ; la p'tite mateuse adorait analyser l'aura que je dégageai à mon adolescence, dommage qu'elle ne soit plus vivante pour décrire celle-ci. – c'est le moment, ou jamais. je décide d'entamer une démarche féminine sur le petit chemin que les pauvres me délaissaient emprunter, profitant qu'une main lambda soit tendue vers moi – sûrement pour m'arrêter – pour y déposer ma coupe de champ'. voilà que je grimpe sur la petite estrade, insistant sur la sonorité du micro que je tapote à l'aide de mon petit index. je jette un dernier regard à la baleine décédée avant de débuter le plus beau discours que je n'aurai plus jamais procréé : – un, deux. un, deux. hum, je souhaiterai rendre un bel hommage à notre sophia en lisant une lettre que j'ai écrite et pensée pour elle, un papier sorti de ma poche de veste que je dépose sous le micro, ce dernier est aussi vierge que la victime que je m'apprête à persécuter. chère amie, tu ne dois sûrement plus te souvenir de moi là où tu es mais ça ne fait rien, je pense pouvoir te pardonner. il y a énormément de choses que j'aurai aimé te dire avant que les cures de sucres ne t'arrachent à la vie. à commencer par la fois où nous nous sommes rencontrées ; te rappelles-tu des premières baskets que tu portais ? elles étaient horribles et te faisaient d'énormes pieds, mais peu t'importait puisqu'elles étaient tes préférés. fière de mes rimes hypocrites, je redresse la tête cherchant parmi mon public, le regard de mon ami. une fois rencontré, je lui adresse un petit sourire avant de reprendre d'une mine attristée. – j'étais jalouse de toi parce que je les voulais et mes parents n'avaient pas autant d'argents à dépenser inutilement comme les tiens. alors j'ai commencé à développer ce que tu ressentais pour mon aura : un complexe d'infériorité. une fois, je t'ai même menti en disant qu'elles n'allaient pas bien à ton teint. en vérité leur couleur orange était d'un flashy à brûler les plus presse-bites, et savoir qu'elle était accordée avec toi me rendait hystérique de jalousie. pour que nous oublions le passé : je tiens à te faire offrande de la toute dernière barre chocolatée que tu aurais tant aimer que je l'agite devant ton nez avant de sûrement finir le paquet entier, rapidement mes doigts agrippèrent le petit kinder. je me tournai vers le cercueil qui était encore grand ouvert, et ouvrit l'emballage de cette friandise avant d'y croquer un carré. j'espère qu'au paradis dans lequel tu es, accueillera d'autres chocolats comme celui-ci que je viens de purifier sans à nouveau te provoquer l'une de tes crises bizarres où tu agitais de façon étrange tes pattes d'ours. repose en paix, sophia. et mon dernier geste fût de jeter sur son bidon la sucrerie que je venais d'entamer. voilà qui était fait, je fais mine d'écraser mes larmes de mes dernières louanges avant de descendre fièrement de l'estrade sous les regards pour certains perdus, d'autres colériques de la famille. pauvres imbéciles, qu'elle crève avec toute sa graisse en enfer.