she rules her life like a fine skylark / rhiannon

Du métal sale lui envahissait les oreilles. Comme toujours, avec son casque plaqué sur les oreilles, il n’était presque plus conscient du monde qui l’entourait. Il écoutait peut-être sa musique trop fort, mais allez, il s’en moquait bien. Tant qu’il pouvait oublier toutes les merdes qui leur tombaient sur la tête, à Aly, Phil et lui dernièrement… Vêtu d’un pull trop grand pour lui et d’une paire de jeans qui auraient l’un comme l’autre mérité un séjour dans la machine à laver, le jeune dealer rentrait du supermarché du coin où il avait acheté deux pintes de lait, pour ne pas qu’ils aient à en racheter avant un moment. Le sac de plastique, tatoué du logo du supermarché, valsait dans le vide au rythme de ses pas, ses pas sur le trottoir usé et craquelé. La tête baissée, il ne regardait pas trop où il allait, concentré sur la chanson qu’il écoutait, et ce qui devait arriver arriva : il fonça dans quelqu’un qui venait en sens inverse. Merde. Il arracha son casque, les yeux assassins — comme si tout était la faute de l’autre —, et maugréa : « Pourriez pas regarder où vous allez? » Ce ne fut que lorsqu’il regarda bien en face son interlocutrice qu’il la reconnut : la caissière timide du supermarché, celle qu’il n’avait pas eu le « plaisir » de croiser tout à l’heure, quand il avait payé pour son lait. Celle qui, se rappella-t-il, le regardait toujours avec de grands yeux effarés, comme si elle avait le diable en personne devant elle. Une pauvre, petite chose que cette demoiselle, vraiment.

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C’était la première fois qu’il la rencontrait ailleurs qu’au supermarché, elle derrière sa caisse et lui, en train de payer. Oh, la vue ne changeait guère, la fille demeurait tout aussi intimidée que les fois précédentes. Rasmus se demanda pourquoi, d’ailleurs. Il l’observa se pencher et ramasser son iPod tout en se confondant en plates excuses. Lorsqu’elle releva la tête vers lui, il eut la vague impression que son regard s’écarquillait davantage, empreint d’une peur qui ne trompait personne. Elle avait peur… Comme s’il était un monstre? C’était marrant, ça. Rasmus eut envie de lui cracher à la figure qu’il pourrait lui en montrer, de vrais monstres, que lui, il n’était rien en comparaison. Mais il se retint. Bien sûr qu’il se retint. Il n’était pas comme Phil, incapable de contrôler ses pulsions, ses émotions. Il arqua un sourcil devant tant de politesse — non, de chichis — à son égard. Bon sang, elle avait l’air d’une enfant qui venait de se faire prendre la main dans le sac par un instituteur des années 50, sévère et impitoyable. Bouchée bée devant ce spectacle, il la suivit du regard tandis qu’elle traversait la rue sans plus de manières. Ça s’était passé si rapidement qu’il se demanda si ça s’était vraiment passé. Sa curiosité piquée, il coinça son casque autour de son cou et traversa la rue à son tour, d’un pas pressé. C’est qu’elle était rapide, la gazelle! « Hep, mademoiselle! Attendez! » lui cria-t-il à bout de souffle. Ça faisait une éternité qu’il n’avait pas fait de sport, les activités dans la chambre à coucher ne comptant pas vraiment… si? Quoi qu’il en soit, il parvint à la rattraper par il ne sut quel miracle et lui toucha l’épaule pour qu’elle se retourne. Il la retira toutefois la seconde d’après; il ne manquait plus qu’elle crie au harcèlement sexuel. « C’est quoi votre problème, en fait? » lui demanda-t-il sans ambages.

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