(rex) mommy's boy.

traits de caractère / rex, c’est un mec bien. en tout cas, il essaie. rex, c’est la loyauté du chien, l’honneur chevaleresque, les bonnes blagues malgré la tempête. rex, c’est un préservateur de la paix, un romantique jusqu’à l’os, un rêveur sans doute un peu naïf. rex, c’est un bon gars en somme. c’est vraiment un chic type. il se met à genoux pour les gens qu’il aime et il encaisse, et il encaisse et il garde le sourire. ah qu’il est bête ce rex aussi! à toujours écouter son cœur, à voir le bien un peu partout. rex, c’est un bon chien. il mord que pour protéger son maître et même si on le maltraite, il continue de remuer la queue. mais rex, c’est aussi un amour inavoué pour les problèmes. et il dira qu’il le fait pas exprès, que ça tombe sur lui sans qu’il le demande. et peut-être qu’il a raison, peut-être qu’il manque juste de chance. peut-être que c’est les emmerdes qui viennent à lui et non le contraire. mais toujours est-il que malgré son cœur d’or, il finit inlassablement par tout ruiner. c’est comme ça. inconsciemment, il est pas certain de mériter d’être heureux. alors quand tout va bien, il faut que ça aille mal. et quand tout va bien, il finit par fuir, par tout détruire. rex, il est sur une pente qui ne fait que descendre, descendre et descendre encore. et avec ses tendances d’auto-sabotage à la limite du masochisme, il ne peut que glisser vers un enfer certain.

c’est jolie sainte-lucie, l’été. ça se remplit de touristes et d’étrangers qui viennent profiter de la plage. ils se marrent au nez du soleil et bronzent en oubliant leur vie quotidienne. mais rex, lui, il est pas en vacances. rex, il vient à peine de naître et c’est déjà la merde. sa mère c’est une pute, le genre qui vend son corps pour un peu de pain. son père aussi c’est une pute, mais lui, il fait pas le tapin. c’est un autre genre de pute, mais une vraie salope quand même. le père de rex, il s’appelle kenley o’leavara et c’est un gars important, à ce qu’il paraît. c’est un membre du congrès, un député de la chambre des représentants aux états-unis. ouais, rien que ça. un type qui pèse. alors en théorie, ça devrait aller bien maintenant pour le petit rex et sa pute de mère. un papa comme ça, ça sauve des vies. dans un autre monde peut-être, mais ici, la réalité est dure.
le truc, c’est que le député o’leavara, il avait pas prévu d’avoir un gosse. à la base, il voulait juste se rendre quelques temps dans un pays pas trop riche et être pris en photo avec de la sous-race de mendiants pour booster sa campagne. l’humanitaire, même si on fait semblant, c’est bon pour l’image. mais le problème du député o’leavara, c’est qu’il a pas vraiment la bite dans la poche et quand il a vu le joli cul de latoya america, il a voulu taper dedans. mauvaise surprise quand neuf mois plus tard, il apprend la venue au monde imminente de son bâtard. c’est qu’il a déjà une famille, cette enflure de o’leavara. c’est qu’il a déjà une vie. alors pour éviter le scandale, il est prêt à tout.
et c’est comme ça qu’il abat ses cartes : une pierre, deux coups. ce petit moucheron à naître, il n’aura qu’à le parrainer, le ramener à new-york, en l’exhibant comme un trophée pour montrer au monde à quel point il est altruiste. et si quelqu’un demande pourquoi ils ont les mêmes yeux, il dira que c’est du hasard, le destin aussi peut-être. il installera sa mère dans un appartement pas trop pourri du queens en échange de son silence, il fera des promesses qu’il ne tiendra pas, il lui dira même qu’il l’aime et que dès qu’il pourra, il quittera sa femme pour elle. et latoya qui ne rêve que d’amérique et des buildings de new-york, bien sûr qu’elle le croira, bien sûr qu’elle acceptera. et à la naissance du petit, c’est chose faite. un avion pour la ville qui ne dort jamais et l’enfer se poursuit.
après quelques mois, le député ne donne plus de nouvelles, plus d’argent. maman doit reprendre le tapin pour nourrir son bébé et quand elle rentre le soir, épuisée et triste, elle continue de croire à son rêve américain. elle continue de se dire qu’il reviendra l’affreux kenley, qu’il ne l’oubliera pas. et le temps passe, et rex grandit sans papa. il admire sa mère comme une reine, celle qui l’élève seule avec la force et l’espoir de croire que celui qui ne fait que mentir reviendra. « je te le jure, rex, il reviendra ». ça fait des années maintenant et elle n'y croit plus vraiment, mais c’est devenu comme une chanson à ses oreilles, comme un psaume pour garder espoir. « je te le jure, rex, ton papa, il reviendra ». et papa ne revient pas.
alors les jours, les mois et les années finissent par l’effacer des mémoires. latoya n’en parle plus. rex prétend qu’il n’a jamais existé. et après un temps, maman finit même par retomber amoureuse. « cette fois-ci, c’est le bon! on va se marier et on aura une belle vie, tu verras, rex. » mais la vie est ce qu’elle est et elle est si méchante parfois. le schéma se répète : un coup de bite, et voilà que le bon s’est barré. tout ce qu’il laisse derrière lui, c’est une petite sœur. puis c’est le retour de la misère, à vivre comme des chiens, comme pas grand-chose.
dans un appartement bancal, rex et sa sœur grandissent plutôt mal. ils continuent de se prendre la vie en pleine face et c’est dur d’y faire face. très vite, rex devient l’homme de la maison, celui sur qui on doit compter et quand sa mère décide de rendre les armes, de rentrer à sainte-lucie à pas de loups, sans un bruit et la queue entre les jambes, déçue de son americain dream raté, il se retrouve pris de court, soudain responsable d’une gamine. maman n’a laissé qu’un petit mot avant de partir « courage, je sais que tu peux le faire » et rex l’a encore. elle est partie, mais il l’aime encore. elle a fait tout ce qu’elle a pu, maintenant c’est à son tour.
alors rex se bat contre son sort, il abandonne ses rêves d’université et se tourne vers les jobs faciles, les jobs dangereux. ses anciens amis deviennent des menaces et en l’espace de quelques mois, il croûle sous les dettes, le genre dont on ressort difficilement vivant. et maintenant, c’est l’enchaînement des emmerdes, des petits boulots et de quelques réjouissances parfois. maintenant, c’est la vie des grands.
la vie sans sa maman.