ADHD //

traits de caractère /
cy dans mes bras, dans mes draps, n'est pas forcément là. il amène avec lui les odeurs sa nuit passée dans la rue et de l'herbe encore fumante dans le cendrier. j'essaie de ne pas fermer les yeux, d'étudier sa silhouette sans détourner le regard, par peur qu'il ne m'échappe derrière un battement de paupières. je glisse ma main sur son torse, sur ses tâches de rousseur qui le rendent si animal et humain, le contour de ses muscles tendus, et je l'écoute répondre d'un soupir las ou d'un rire bref quand je lui demande où il a traîné ce soir, pourquoi tant de secrets, et s'il en glisse à l'oreille d'autres que moi, mais il répond qu'il n'y en a tout simplement aucun, et que les gens sont rarement ceux que l'on s'imagine être. il me regarde, comme un héros stérile derrière un écran de pétrole grumeleux: ses yeux noirs, infinis. seule, je vis dans l'urgence des minutes et du temps qui file, mais avec lui, plus rien ne compte, tant il va et vient, amenant le désordre qu'il tient en laisse comme un chien. il mène une vie dispersée et ne voit aucun intérêt de rentrer dans les détails ; à ses yeux, il est suffisant de décliner sa vie en titres de chapitres, en-têtes et préfaces choisis. son passé est tel que cela fait l'affaire. l'oreiller recueille parfois des bribes de souvenir, il parle de son père, un soldat, et de son frère, qui a disparu, et je l'écoute. ses monologues les plus complexes forment un escalier en colimaçon dépourvu de dernière marche et s'achevant sur un simple coin de ciel. il y a des moments, certaines expressions de son visage, où je peux voir exactement l'air joyeux qu'il avait à l'âge de dix ans. d'autres, où il sombre dans des états d'âme silencieux d'une insondable morosité, rarement l'air en paix, et alors il est capable de se mettre en colère, presque véritablement lui-même dans ce calme féroce. souvent, il grimpe sur moi et on fait l'amour avec toute la force que l'on peut rassembler, résolus jusqu'à un nouvel extrême pour les sens et l'esprit. je l'encadre alors de mes cuisses nues, le laissant se perdre en moi, lui qui se perd si souvent dans des mondes cachés quelque part derrière ses iris. son corps est chaud, réagissant immédiatement, un corps qui lève comme du pain, les reins tendus, une langue dans mon cou, des doigts le long de ma colonne vertébrale, et c'est un art que nous cherchons à façonner, piston et coulisse, les corps que nous sommes et le danger dont nous avons besoin, celui d'exhumer nos insuffisances respectives. je ne sais pas trop ce que l'on recherche l'un chez l'autre, peut-être nous suffit-il d'aller et venir : nous sommes chacun le mouvement et le repos de l'autre, j'imagine, et les jours passent, détachés du temps, sans lien de causalité, baignés dans une lumière transitionnelle. ensemble, on titube le matin, au zénith, le soir, et les draps sentent la cigarette, la sueur, et la vanille. dans la chambre, noire, on ne voit plus que la pointe rougeoyante de nos cigarettes.
je ferme les yeux, il disparaît.

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