lorsqu'il ferme les paupières, l'visage de sa mère est brumeux, alors il plisse les yeux, les réouvre, les r'ferme. il n'voit qu'les contours vagues de lèvres carmins et sévères, d'un r'gard dont il ignore la teinte exacte, l'esquisse d'un nez fin (l'même que le sien) et des boucles blondes, savamment attachés.
il a enfouis tous les souv'nirs d'sa mère. il les a enterré si profondément, ces détails insignifiant, la manière dont elle riait - comme l'feulement d'un chaton, sa fierté silencieuse lorsqu'il v'nait de gagner un concours d'sciences, l'inquiétude sur son visage lorsqu'ils étaient malade, son amour pour elle. il les a enterré avec ce qui restait de casey.
et ça lui r'vient en vague brulante. sa façon d'foutre un bic dans ses ch'veux pour les faire tenir en place, son parfum qui embaumait l'air (même après qu'elle ait quitté la pièce), son addiction aux dragibus bleu.
les jointures des mains d'cash deviennent blanches, alors qu'il serre d'plus en plus fort l'volant. l'seul truc solide sur l'quel il peut s'accrocher. son smartphone l'nargue, sur l'siège du mort. la panique, la colère, accélère furieusement les batt'ment d'son myocarde. la trouille l'prend aux entrailles, à l'idée d's'aventurer hors de l'habitacle familier. pourtant, l'inquiétude est plus forte, et il s'élance, s'tape un sprint, jusqu'à l'entrée des urgences. il rentre sur un méd'cin, qu'il connait bien, son ancien pédiatre, un très proche ami d'maman. et il l'attrape dans ses bras, p't'être parce qu'cash flanche, l'teint crayeux. et il lui chuchote des mots qui rassurent. et il ravale ses larmes. et il l'conduit jusqu'à sa chambre, tandis qu'il l'noie dans un tas d'détails médicaux, qu'il enregistre sans comprendre.
il n'sait comme il aligne les pas, son esprit semble s'être anesthésié, comme s'il essayait d'tout étouffer.
et l'méd'cin l'abandonne d'vant la porte, l'balance un truc du genre " quand t'es prêt ". p'is cash glisse sur l'sol. incapable d'imaginer rentrer dans cette salle, après si, si, longtemps. un pied dans l'vide, c'est là qu'il l'voit.
a r i e l. son beau ariel. ses boucles brunes. son r'gard, ses yeux, si bleus qu'il s'y perd. sa mâchoire, qu'il aimait couvrir d'baisers. tout s'emmêle. la peur, la colère, l'inquiétude, l'bonheur à l'état brut d'le r'voir, après tant d'années. il n'a jamais oublié son visage, son corps. il est immortalisé à jamais dans sa peau, partout en lui.
p'is juste à côté, son géniteur, leurs père. il mate son unique fils biologique avec un tel dégoût. une vague d'haine secoue cash. il s'lève d'un bond.
que fais-tu ici, casey ? tu as pris peur en réalisant que tu n'étais peut-être pas sur son testament ?
la rage s'diffuse doucement, vicieusement, dans ses veines, l'embrase. pourtant, son visage reste impassible - une deuxième nature, un sourire large - et foutrement hypocrite, vient même s'glisser sur ses lèvres.
bonjour, père. ravi d'vous voir, c'toujours un plaisir. j'vois qu'vous avez eu l'respect de n'pas ramener une de vos putes. même si j'dois dire que j'apprécie assez magdalena, un fessier à tomber.
son ton est doucereux, sans c'te rancune qui irradie de tous ses pores. finalement, ses yeux se posent sur ariel, et il'bouffe du regard. comme s'il aimerait inscrire en lui cette version plus adulte, plus sexy aussi, d'lui. il a changé, qu'il r'marque, et il n'saurait dire en quoi. il a une aura plus sombre, et ça l'terrifie, cash. et il n'sait quoi lui dire, les mots meurent sur ses lèvres avant même d's'être assemblés.