Lord, show me the way. (toby)

Toby était en train de rouler en rollers, au parc, vêtu de ses vêtements réglementaires. Beaucoup de monde se retournait sur son passage, mais il n'y faisait jamais attention, habitué à ce qu'un abbé sur des patins à roulette face son effet, étonnant les gens. Il décida de passer rapidement par le parc, prendre une bouffée d'air frais, alors qu'il se retrouvait sans cesse plongé entre les tours de bitume de cette immense ville. Parfois, les forêts et les campagnes d'Italie lui manquait, il avait pris l'habitude d'y être, de connaître tous les visages qui l'entouraient dans son village. Alors qu'à présent, il était souvent perdu dans une foule d'inconnus. D'ailleurs, ce jour-là, un visage attira son attention, sur un banc, alors qu'il s'apprêtait à passer son chemin. Une inconnue, rousse, au visage juvénile, les traits tirés par une tristesse certaine, par une sorte de fardeau qui lui brisait les épaules. On aurait dit qu'elle venait de se perdre quelque part, et qu'elle avait perdu tout espoir de se retrouver. Toby savait parfaitement reconnaître le désarroi lorsqu'il le voyait poindre le bout de son nez. C'était une sorte de don... Ou alors une attirance indélébile pour les ennuis en tous genres. Et Toby était incapable de passer son chemin dans de telles circonstances... Il se devait de s'arrêter, au moins pour s'assurer qu'elle ne venait pas de subir une agression quelconque. Alors, au milieu de cette foule de personnes pressées, traversant le parc à grandes enjambées, il fut le seul à s'approcher de la jeune femme. La rouquine ne sembla pas l'apercevoir, tandis qu'il s'asseyait sur le banc, à ses côtés. Il faillit d'ailleurs tomber sur les fesses, se faisant, ses patins prenant la poudre d'escampette dès lors qu'il se baissa. Il la regarda doucement et lui sourit tendrement. "Bonjour." déclara-t-il, son visage enfantin prouvant qu'il n'avait aucune mauvaise attention. "Tout va bien?" se hasarda-t-il ensuite à demander sur un ton délicat et posé, tout en laissant ses yeux vagabonder sur la verdure lointaine, ne voulant pas brusquer la demoiselle en la fixant de façon prolongée. Il ne manquerait plus que, malgré son appartenance certaine aux ordres, elle ne se mit en tête qu'il la draguait ouvertement.

La demoiselle, toujours avec ce regard perdu et vide, lui répondit aller bien, le plus naturellement possible, comme si c'était une évidence, alors que tout, dans son corps et son air, montrait le contraire. Toby lui sourit simplement, avec tendresse et légèreté. "Moi ça va." répondit-il simplement, sur un ton doux, comme à son habitude. Il se redressa ensuite sur la banc, laissant passer quelques secondes de silence. Il n'allait pas l'aider par la force, si elle ne voulait pas l'écouter ni lui parler, après tout, il était un inconnu venu s'asseoir lourdement à ses côtés. Mais il voulait trouver le moyen de lui signifier qu'elle pouvait parler, et qu'il serait là pour l'écouter, même de façon anonyme. Elle n'avait pas besoin de se présenter auprès de lui, ni quoi que ce soit. Il n'était pas là pour faire connaissance, mais simplement pour s'assurer que tout allait vraiment bien, ou tendre la main à cette âme meurtrie en conséquences. "Vous avez l'air perdue..." dit-il simplement, jetant un oeil à la verdure qui les entourait. Il poussa ensuite un petit soupire. "Vous savez quoi? Il y a une semaine, je suis venu me reposer dans ce parc." commença-t-il, sur un ton plutôt enjoué. "Il y avait un petit garçon, à part, qui ne jouait pas avec les autres. Il était complètement dépité. Heureusement, il a suffit qu'une autre bambin vienne à sa rencontre pour que son visage s'illumine!" expliqua-t-il. Une façon assez détournée de lui faire comprendre qu'elle n'avait pas à avoir peur de lui et qu'il pouvait être ce deuxième bambin qui propose son aide au premier pour aller jouer dans la base de jeux.

Alors que la jeune concéda à lui répondre, il haussa instinctivement les épaules. "Parfois, nos problèmes ont l'air d'être des montagnes, mais au fond, en les regardant autrement, ils nous paraissent subitement infiniment plus petits." déclara-t-il en souriant avec grande tendresse, comme il en avait l'habitude. Il poussa un grand soupir, après avoir émis ce petit message rempli d'espoir. La demoiselle reprit la parole, et il hocha la tête, plutôt d'accord avec l'hypothèse de son interlocutrice. "Oui, chacun connait des défis dans la vie, et l'important, c'est de faire de son mieux, et ce que l'on pense juste et honnête." déclara-t-il. Bien sûr, en respectant les valeurs morales, sinon on ouvrait les portes au chaos. Aveuglé, un homme désireux de se venger pense que sa quête est juste. Toby adressa un nouveau sourire solaire à la demoiselle. "Dieu ferme une porte, mais Il en ouvre toujours une autre... Il faut juste commencer à regarder, rester alerte pour ne pas la rater!" ajouta-t-il ensuite. Cela pouvait sonner comme une phrase toute faite, mais Toby y croyait profondément, et il l'avait dit avec sincérité.

Finalement, la demoiselle pensive semblait s'ouvrir à lui, plus ou moins. Il lui sourit alors qu'elle lui posait une question, pas facile en réalité. Il hocha les épaules, et arqua les sourcils. Que pouvait-il bien lui répondre? "Et bien, déjà, il faut se demander si c'est vraiment une porte, et pas une fenêtre qui mène sur le vide." indiqua-t-il. "Je suis de ceux qui pensent qu'il faut suivre son coeur, mais sans ignorer sa raison cependant. Ce n'est jamais facile de faire face au changement, car on ne sait jamais sur quoi on va tomber, en fin de compte." Et cela était bien plus que vrai. Toby se souvînt subitement de ce qui s'était passé après le divorce de ses parents. Il avait suivi son père en Italie... Et cela n'avait pas été un choix facile, d'autant qu'il laissait son frère derrière lui. Mais il avait senti de tout son être, au fond de ses entrailles, qu'il devait s'y rendre. Et ce fut ainsi qu'il avait découvert sa vocation. S'il était resté en Angleterre, sans doute jamais il n'en serait arrivé là... Et il lui manquerait toujours quelque chose de précieux dans sa vie. "Certains diront qu'il faut peser le pour et le contre, d'autres qu'il faut saisir l'opportunité. Je dirais qu'il faut être à l'écoute de son âme... Ce qui n'est pas évident." Et oui, dans ce monde d’hyper-connexion, il était devenu bien difficile de s'entendre soi-même.

Toby hocha simplement la tête face à la remarque de la demoiselle. Elle n'avait pas tort, mais ce n'était pas exactement cela. "Je dirais plutôt qu'il faut écouter sa peur, s'écouter soi-même, pour mieux se comprendre et mieux agir, mais c'est ce qu'il y a de plus difficile." conclut-il, avec un nouveau sourire venant orner ses lèvres rosées. Il perdit son air assuré à la question suivante. Comment se libérer de quelque chose? Cela dépendait véritablement de ce qu'était ce quelque chose, et pour le coup, ce n'était pas simple de trouver les mots. "Se libérer de quoi?" demanda-t-il finalement, doucement, de façon avenante. Puis, après avoir réfléchi, il reprit la parole, sur le même ton chaleureux que d'habitude. "Il est déjà bon de savoir quand quelque chose nous emprisonne..." Et la pauvre enfant avait l'air rudement tourmentée pour se poser ce genre de questionnement. "Parler de cette chose-là, à qui on le veut, c'est aussi une étape..." ajouta-t-il ensuite. Il n'y avait rien de mieux que de formuler son ressenti pour entendre le poids s'enlever de nos épaules. Ce n'était guère chose aisée, mais c'était un bon début. Puis, se disant qu'il devait peut-être la pousser un peu, non pas par curiosité, aucunement, mais surtout pour l'aider, surtout si ce poids qui la tourmentait était quelque chose dont elle avait honte, ou un acte répréhensible qu'elle avait fait et qu'elle regrettait sincèrement, il sourit de nouveau et indiqua: "Tout ce qui est dit en confession reste secret."