LUST (jesse)

traits de caractère / il y avait le jazz, qui se rependait dans les pièces, dans les esprits. et sa mère, qui berçait son corps aux mélodies tristes. jesse avait grandit dans les mélancolies anciennes, dans les instruments à vent les plus tristes, et sous le regard d'une mère transparente. sans qu'il ne l'ait choisi, il s'était peint de ces nuances froides, elles étaient toujours là, sous sa peau. une même mélodie, qui le sauve des haines brûlantes. parce qu'il n'y a jamais eu que la colère; au contraire. il était toujours question d'oublier celle-ci. -- les passions écourtées. parce que jesse aurait pu être quelqu'un, parce qu'il avait tout pour être. les études furent lâchement abandonnées, sans la moindre once de regret. décisions justifiées par un détachement souvent détestable, habitude à se lasser des choses bien trop vite en jetant le potentiel derrière lui. jesse se fait traiter d'idiot, d'inconscient, de perdant. il ne s'est jamais trop arrêté aux dires extérieurs - ça avait tendance à le faire sourire, plutôt. -- il a toujours été trop. trop curieux, trop impliqué, trop brûlant. plonger la tête baissée dans le danger avait été son modus operandi pendant les jeunesses de tempête, et maintenant il fallait se vouer à autre chose. d'autres couleurs. il fallait abattre la malchance, lui tirer une balle entre les yeux. -- l'intérêt pour l'argent et les choses qui brillent. jesse n'a jamais été fait pour les plaisirs dorés, pourtant, il les savait accessibles. vendre l'illégalité avait été un début; il s'appliquait peu à peu à viser plus haut. il aurait volé n'importe quel éclat. ses mains salies ne lui faisaient jamais ressentir aucun regret. -- jesse c'est la gourmandise d'exister. il faut alors le faire à toute allure, s'enflammer contre les pavés au prix de ses poings. jamais trop à l'abri de se faire éclater la cervelle. peut-être que ça lui a toujours plu, que son majeur était toujours lancé vers damoclès. petit con.

ils auraient pu se promettre les néons, les nuits les plus sauvages, les gratte-ciel titanesques. il y avait des promesses brutales dans les yeux de jesse. leurs rêves prenaient forme de ces films à succès, ces films dorés, sans réelle tragédie, sans drame destructeur. le tout était de fermer les yeux dans l'illusion, s'y mêler et s'oublier.
ils étaient trois et se sentaient comme milles.

pour une fois que jesse avait quelque chose à perdre, il s'était perdu lui-même. les extasies lui avaient volé ses réflexions les plus pointues. il s'était fait avoir jesse, comme à chaque fois, comme toujours. c'était à lui de tomber. piégé dans ses propres idées, le seul à se briser les os. et puis sa vie s'en était allée dans les mains de quelqu'un d'autre. quelqu'un de plus important. on lui avait reproché de jouer avec le feu; icare de pacotille.

c'était lui face à la mort constante. seul contre la colère. ses souvenirs lacéraient toujours sa mémoire, cruellement. isadora à rire dans les galeries fines, dorian à crier dans les cimetières. les enfants avides, qui s'étaient chargés de démanteler le monde pour se l'approprier passionnément. ils se seraient tués dans l'art avec satisfaction. maisils ne s'étaient jamais résolus à périr dans leur terrain de jeu.

et maintenant c'était fini, jesse s'était écroulé parce qu'il savait le faire. il savait être utile aux autres, faire de l'argent de sa poussière. sa liberté menacée, idiot qu'il était à se croire tout puissant.