we are all guardians (gabe)

01/ Il a grandit dans le noir. Une maison vide et poussiéreuse. Une mère célibataire, sillonnant les rues à la recherche de petits boulots. Parfois serveuse dans un café de pompe à essence, d'autres femme de ménage, elle n'est jamais là. Puis chaque matin, elle revient avec le petit déjeuner : des restes, du pain perdu ou des miniatures de confitures. Son enfance est nostalgique. L'affection se matérialise dans les gestes. Dans les souvenirs d'un mome assis dans le couloir, guettant le cliquetis de la serrure. 02/ Sa passion pour les arts martiaux le pousse vers le vice. Ancien champion de muai thai, il s'adonne aux combats de rue. Gabe préfère l'argent clandestin à la misère. Il s'extasie face au combat, à la frénésie de la victoire. Puis il y a ce coup. L'adversaire qui s'échoue sur le sol, qui ne se réveille pas. Gabe fuit les responsabilités. Il fuit la prison. Ce n'était qu'un accident. Un de ceux, qu'on oublie jamais. En cavale depuis sept ans. La culpabilité se dissous dans ses bronches. Elle fait partie de ses expirations. Des mouvements soutenus de sa poitrine. 03/ Il est discipliné. Ses années d'entraînement et son expérience de sportif haut niveau lui donnent un petit côté perfectionniste. Il garde ses distances avec les clients. Très impliqué dans son rôle de garde du corps, il s'interdit toute forme d'émotion pouvant nuire à son efficacité. C'est un contrat avantageux et le besoin d'argent qui le poussent à accepter sa nouvelle mission. Gabe est engagé pour surveiller la fille d'un chef de cartel. Il se faufile dans son dos, inspire les fragments sucrées de parfum, les élans ingénus et artistiques d'un coeur qui brandit le pinceau au lieu du sentiment. Dolores, douloureusement exquise. 04/ Il possède un tic nerveux. Gabe cligne des yeux lorsqu'on le confronte par le dialogue. Il ne sait pas argumenter, exposer ses pensées ou ses idées. Il n'a aucune éloquence. Ce sont ses attitudes qui touchent. Ses petits gestes tacites qu'il glisse au quotidien. Catholique pratiquant, attaché aux valeurs religieuses de son enfance. Gabe est apaisé par les lueurs des cierges de la messe. 05/ Chaque matin, il longe le parc à petite foulée. Il entretient sa condition physique dans l'espoir de garder un souvenir de sa gloire passée. 06/ Rongé par la culpabilité, la confiance ébranlée, les images se succèdent dans son esprit. Tous les matins, sa première pensée : "Je m'en veux". Gabe ne prêche pas la sainteté. Il ne se considère pas comme une bonne personne. Il a peur de l'ambition. Il modère ses excès d'euphorie. Il ne veut pas trop en faire - trop essayer. Il n'est plus jamais remonté sur un ring. Il a arrêté les disciplines sportives. 07/ Gabe a fait deux années de fac avant de tout plaquer pour se consacrer aux entraînements. Il n'a aucun diplôme. Et ce n'est pas grave. Dans son univers, le bonheur de se quantifie par par l'argent ou le savoir. Les Sawyer n'ont jamais été des virtuoses. Membres d'un gang de dealeurs dans les années 80, l'histoire de sa famille n'a rien de majestueux. Ce ne sont que des bouts d'aventure  racontés de génération en génération. 08/ Sa mère est malade, un cancer du sein diagnostiqué il y a quelques mois. C'est dur à encaisser. Il ne peut s'empêcher d'y penser. Il n'arrive pas à réaliser que la poitrine qui lui a donné vie soit, aujourd'hui entrain d'ôter celle de sa maman. 09/ Gabe a peur des clowns. Il panique dans les foires et les anniversaires. Sa gorge se serre. Ses yeux se perdent. Il redoute le jour, où il devra protéger un client dans un cirque. 10/  Gabe prend le temps de ne rien ressentir. Parce qu’il faut laisser les symboles se dessiner avant de leur imputer des émotions. Dans son état habituel, il est noctambule, sacrifiant ses heures de repos et de liberté pour se jouer de la nuit. Gabe ne dort jamais. Il s’assoupie, les instincts en éveil - toujours à l’afflux. Peu influençable, il ne change pas d'avis. Une rigueur dans son comportement. Une psychose malsaine. Sa pensée évolue dans l’inconstance. Il est trop inspiré ou trop détaché. Trop distant ou trop rieur. Il avance dans les couloirs du Queens, le pas lourd et claudiquant. Sa séduction est brutale. Son charme est insolent.