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 Faker (Salem)

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Faker (Salem) Empty
Message Sujet: Faker (Salem)   Faker (Salem) Empty Jeu 20 Mai - 17:06

Faker
Au commande de son métier à tisser, Nyx parachève le lainage des champs célestes s’étalant sur la "Grosse Pomme". Incessamment sous peu, le bleu de minuit aura tout englouti. Jusqu’aux derniers reliquats de voûte tapissés de crépusculaires coloris safranés. Irréductibles dissidents jetant leurs dernières forces, pour opposer une ultime résistance dans un combat que l’on sait perdu d’avance. Avec pour seule issue le trépas, des suites de l’estocade portée par la lame nocturne. Car aussi belles soient ces nuances sahariennes, leur fugitive existence est vouée à l’extinction. Comme celle de l’azur auparavant.

Dans son cossu nid juché sur le crêtes du Queens ; l’aiglon aux ailes atrophiées et aux serres émoussées attend. Autre chose en plus de la sempiternelle étincelle, qui le fera se sentir pleinement vivant. En cet instant, son expectative réside dans la surveillance du parfait alignement des aiguilles au cadran. Posté devant le colossal bow-window du living-room : il guette. Les abattis croisés et plaqués sous de timides pectoraux. Chichement flattés par l’étoffe immaculée d’une chemise en coton d’Égypte, pourtant parfaitement cintrée et estampillée Armani. L’épaule et la tempe délavée accotées contre l’encadrement lambrissé de l’oriel. Les météores goudronneux hagards, songeurs, soucieux et jetés au loin sur la ligne d’horizon.

Là où sur l’autre rive de l’Hudson, se dresse l’enorgueillie Manhattan. Clinquant noyau du fruit de la connaissance. Manhattan la péronnelle, Manhattan la cruelle et à jamais Manhattan la belle. Elle qui s’apprête à accueillir dans son sein, cet irrécupérable idéaliste qui demeure insensible à son ostentatoire déploiement de fastes. Infatué centre névralgique yankee, qui a déjà revêtu son tapageur habit de lumière, défiant l’éclat des astres le surplombant. Rayonnant atour magnifiquement réverbéré à la surface du fleuve endormi. Mille-et-une nitescences qui dansent sur l’eau, comme une nuée de lucioles virevoltantes.

Iris injectés de sang – et accusant un sévère déficit de sommeil – incommodés par les reflets de clarté artificiels ondoyant ; la roue de secours de l’auguste maison libanaise laisse ses cils s’entremêler. Dans un léger râle guttural, majeur et index alunissent au coin de l’arcade sourcilière et multiplient les rotations antihoraires, dans l’espoir de dissiper les offensives d’une céphalée sortie de sa torpeur. Si "Monsieur Deuxième" s’était souvenu la veille qu’il devrait endosser sa peau de semi-célébrité ce soir ; il y aurait sans nul doute réfléchi à deux fois avant d’accepter de passer une soirée entre gentlemen au Soho Regency, pour célébrer la fin d’une âpre semaine de besogne universitaire.

Une nuit brûlée en compagnie de quelques jeunes créateurs de mode, rencontrés à l’occasion de l’emblématique Fashion Week il y a trois ans de cela. Evénement qui fait office pour la matriarche de pèlerinage, lui permettant de caresser nostalgique les souvenirs de sa gloire d’antan. Périple annuel dans lequel "son petit d’homme" l’accompagne fidèlement depuis bientôt une décennie. Outre le fait de bénéficier des largesses financières de "Madame Mère", s’élevant en généreuse mécène des arts, de la culture, de la mode et du divertissement ; le petit groupuscule de designers peut également compter sur le soutien du traumatologue en devenir, pour promouvoir leurs toutes dernières créations.

Etre gracieusement nippé à la dernière mode de pied en cap, sans avoir à débourser le moindre cent. Avec pour seule contrepartie le fait de jouer les égéries, en alimentant ses réseaux sociaux de clichés où il arbore les pièces des collections de ses amis modistes, légendés d’un tag à leur nom ainsi qu’à celui de leur marque. La définition même du "bon deal", si cher à papa. Ou quand le donnant-donnant devient du gagnant-gagnant. Aubaine qui fait allégrement les affaires du cadet des fils de l’illustre portée. Même s’il est toujours un peu gêné de bénéficier de ces mises dernier cri, sans s’acquitter de leur créance auprès de leurs concepteurs qui refusent catégoriquement qu’il mette la main à la poche.

Heureusement pour le "Petit Prince des Cœurs", ces festivités en galante compagnie sont pour lui l’occasion de prouver à ses sponsors sa gratitude, en faisant raisonnablement chauffer la Black Mastercard afin d’octroyer à ce petit cénacle de quoi égayer les réjouissances. Hier n’a donc pas dérogé à la règle. En toute proportion gardée, quelques excès se sont invités à la fête sous forme de spiritueux sirotés dans l’intimité d’un salon V.I.P. Des tentations alcoolisées auxquelles la philanthrope n’a pas cédé. La faute à ces tenaces résidus d’éducation religieuse, dispensée par sa tendre génitrice.

Nonobstant, et en témoigne la voix d’outre-tombe qu’il traîne depuis ce matin, le dauphin de la prestigieuse smala a joyeusement noirci et encrassé ses bronches. A grand renfort de nicotine dans un premier temps, puis de barreaux de chaise - garnis de tabac de bien meilleure facture - made in La Havane, lorsque la nuit s’est emballée. Pernicieux vice que l’utopiste distingué a embrassé depuis de longues années déjà. Dans l’espoir de revivre l’euphorie d’heures perdues dans les abîmes d’un passé révolu. Où un amant hantant encore sa peau lui soutenait, à travers des volutes de fumée éructés au sortir d’une étreinte charnelle, qu’il était beau. Qu’il était le seul. Douce naïveté, qui a commis la bêtise d’y croire aveuglement ! Au point de tout gober. L’hameçon, la ligne et le bouchon.

L’heure n’est cependant pas aux regrets, aux remords et à la culpabilité. Il sera toujours temps de faire des atermoiements à ce sujet demain, lors de l’hebdomadaire sortie à la mosquée. Où contre une savante dose de génuflexions et de salât égrenés, on peut espérer cueillir la fleur de l’absolution et se laver des pêchés commis. Car il paraîtrait, selon les prêches de l’Imam, qu’Allah dans sa grande miséricorde pardonne à ses enfants. Jusqu’à leurs fautes irrémissibles. Sourires gingivaux, flopée de mains serrées et pléiade de causeries affectées. Tel est le programme qui attend le futur disciple d’Hippocrate ce soir, au dîner donné par la fondation Rockefeller dans le cadre de la recherche pour la lutte contre le cancer.

L’occasion pour les monstres d’opportunisme que sont papa et son digne successeur, de manigancer dieu-sait-quels accords douteux avec les exploitants d’hydrocarbures figurant sur la liste des invités. Une partition bien rodée, dans laquelle la contribution de Kaïs se résume à jouer les belles gueules dans un blazer se complaisant dans le rôle du bon samaritain, afin de s’improviser paravent et de détourner le focus des médias. Ignominieuse bassesse qui le révulse, mais contre laquelle il n’ose se révolter, de peur d’avoir à essuyer les ires d’un père et le courroux d’un frère qui le terrifient. Se taire, consentir à contrecœur et obéir docilement. Encore et toujours. "No complain ; no explain".

Rien d’étonnant donc à ce que cette pompeuse manifestation, soit pour ainsi dire totalement sortie de la tête du doctorant. Par chance – enfin, tout dépend du point de vue – l’alerte laissée sur son téléphone se chargea de lui inoculer une désagréable piqûre de rappel. Pas plus tard que ce matin à la patinoire, en compagnie de Rim lors de leur habituelle session de glisse sur la glace. Un petit rituel, devenu un véritable pêché mignon, pour la moitié placide des jumelles. Un refuge doublé d’un échappatoire, qui lui permet de s’évader. Le temps de quelques heures. D’être libre, heureuse, légère. De ne plus être la fille de ou la sœur de. D’être tout simplement elle. Sans barreaux, sans armure.

Pour revivre au côté de son pendant masculin les joies de l’insouciance, d’un temps qui s’écrit au passé aujourd’hui. Avec maman dans les tribunes, qui veillait au grain et suivait de près leurs progrès, dans une discipline qu’elle a vastement choisi pour eux – et dans laquelle ils se sont au départ adonnés quelque peu sous la contrainte. Oui … . Peut-être qu’elle aussi cherche de nouveau à se délecter de cet inégalable sentiment de plénitude, d’allégresse et d’accomplissement qui les étreignit, lorsqu’ils se hissèrent sur la plus haute marche du podium, briguant ainsi le titre de champion de patinage artistique en couple de l’État de New-York, dans la catégorie des moins de seize ans.  

L’éphémère quête du bonheur de jadis tourna cependant court aujourd’hui. Entre un triple lutz en parallèle à la réception chancelante, une série de twizzles à la synchronisation quasi parfaite, une pirouette enlacée de niveau trois et une spirale de la mort de niveau quatre ; le tintement électronique, annonçant la survenance d’une notification, vint contester le doux crissement des lames sur la glace. "Dîner Rockefeller Center, 20:00". Un simple mémo, tenant en trois mots et un horaire, qui à lui seul parvint à réaliser l’aberrant exploit de mettre à mal le semblant d’entrain, habitant encore les chairs du nobliau.

L’après-midi se résuma à une cavalcade effrénée contre le temps, aux quatre coins de la ville. Première étape : emprunter un dédale de lignes de métro pour rallier le centre-ville, et récupérer un complet noir griffé Armani au pressing sur Madison Avenue. Les créations de ses camarades fashionistas, étant hélas trop osées et excentriques, pour sied à une réception de ce standing. Deuxième étape : rebrousser chemin pour retrouver les contrées du Queens Contemporain, et quérir l’expertise d’un tailleur – slash vieil ami chaudement recommandé par maman – pour apporter quelques petites retouches au niveau des émanchures de la veste, de l’entrejambe et des ourlets du pantalon.

Le vermeille conquit les joues du parfait stéréotype de garçon de bonne famille, lorsqu’il confessa embarrassé à l’artisan prenant ses mesures, avoir besoin de la tenue d’apparat pour le soir même. Inquiet et fort d’un "je vais voir ce que je peux faire, mais je ne garantis rien." guère prometteur, l’enfant du Levant quitta l’atelier de confection pour se livrer à la troisième étape. Tourner en rond tel un lion en cage dans le quartier de Chelsea, en priant le Prophète pour être dans les temps. Malbo’ sur Malbo’ fumées pour tenter d’éradiquer l’appréhension. Sept heures passées de quinze minutes : réception de l’appel tant escompté du couturier lui apprenant l’achèvement de son ouvrage.

Un rush piqué sur les artères et les grandes avenues, pour récupérer la toilette portant la célèbre griffe transalpine. Suivi d’un sprint, digne d’un Usain Bolt passé à l’eau de javel, pour regagner ses douillettes pénates. Périlleuse course réalisée en semi-aveugle, du fait de l’éblouissante lueur de l’astre solaire en passe d’en terminer avec son déclin. Mort au tournant évitée, appartement regagné. Passage par la case douche opéré, accoutrement enfilé, illusion de mise en beauté réalisée. Fin prêt. Huit heures moins le quart affiché à l’horloge comtoise du salon. Mission accomplie. Sur le fil du rasoir certes, mais accomplie quoi qu’il en soit.

La tension redescend, l’adrénaline s’évapore. Le prise de racine s’amorce, l’attente s’étend. Amenant dans son sillage l’ennui, trompé par une brève contemplation de la mégalopole by night. Jusqu’à ce qu’une imposante limousine, drapée d’une robe noire métallisée, stationne au pied de la tour de verre et d’acier vêtue. Surcroît de courage puisé dans une profonde inspiration faisant frémir ses narines, l’incorrigible romantique récupère et passe son blazer négligemment abandonné sur le dossier du canapé chesterfield. Petite halte face au miroir trônant dans l’entrée, pour s’offrir le luxe d’une dernière retouche capillaire à l’aide de flux et reflux des phalanges dans l’opaque crinière.

L’humble pied-à-terre fermé à double tour. Le trousseau de clefs jeté dans les catacombes de la poche revolver du pantalon. Rapide transit par la cabine de l’ascenseur ornée de panneaux vitrés et rambardes plaquées or. Neuf étages plus bas, la lourde porte d’entrée s’ouvre devant lui, sous l’initiative d’un groom en uniforme, gants blancs et casquette. Un solennel "Bonne soirée Monsieur Al Jamal" joint au geste. Lippes étirées en une aimable risette et tête respectueusement inclinée, le nanti remercie le trentenaire aux origines hispaniques pour son obligeance d’un sobre "Merci Draven", nettement moins cérémonieux.

Le longiligne véhicule gagné en petites foulées, l’hoir en second ouvre la portière côté passager arrière gauche et s’engouffre sans plus tergiverser dans l'habitacle. Séant apponté sur l’odorant cuir de la banquette, le chirurgien en herbe se voit radieusement accueilli par l’ivoirin sourire de ses cinq autres litres de sang. La très ravissante et aristocratique Rim. Rim et ses amandes de tourmalines, s’étant soumises à la torture du recourbe-cils. Le tout magnifié et souligné par un discret trait de khôl, lui prêtant des airs de Cléopâtre. Les pulpeuses rehaussées de pourpre. Sa silhouette étique embastionnée dans une robe bustier dorée, atteignant péniblement la taille trente-deux. Une fente courant jusqu’à l’orée de l’adducteur. Merveille vestimentaire signée Alexander McQueen, conçue sur-mesure et parvenant malgré tout à joliment mettre en exergue ses formes longues et frugales.

Un suave panache mêlant effluves de Shalimar et d’une lotion embaumant la fleur de frangipanier, émane du derme satiné de ses clavicules dénudées et de sa gorge décharnée. Exquise fragrance enchantant le sens olfactif, d’un frère complètement fondu de tendresse pour sa cadette. Sa chevelure ébène gominée et coiffée en une queue de cheval haute, retenue par une large anneau cuprifère et ruisselant jusqu’à sa dernière rangée de côtes. Son cou de cygne encarcané dans un épais collier en cuivre, n’étant pas sans rappeler ceux des Padaungs thaïlandaises. Conférant ainsi à son altier port de tête, encore davantage de droiture. Le charme ravageur d’une Reine de Saba, conjugué à la douceur d’une Princesse Jasmine. Bras enroulé autour de ses épaules osseuses, Kaïs accole durant de longues secondes ses charnues sur le front haut de la plus brillante des étoiles de la constellation Al Jamal. Un affectueux baiser carillonne et accompagne le démarrage de la voiture, qui ne tarde pas à trouver son rythme de croisière.

"Tu es comme toujours resplendissante. Encore merci d’avoir accepté de m’accompagner. D’autant plus que je sais que tu abhorres toutes ces mondanités. Je te promets que l’on s’éclipsera dès qu’on en aura l’occasion, pour faire une promenade au clair de lune dans Central Park en calèche, comme deux parfaits touristes.", lui assure-t-il d’une voix rendue rauque et couverte, par la surconsommation de tabac de ces dernières vingt-quatre heures. La paume dévalant son biceps rachitique, et rapatriée contre son flanc. Un sourire débonnaire esquissé pour clôturer l’énonciation de ce chimérique vœu.

En l’absence de sa bien-aimée Safaa, séjournant en Estonie dans le cadre d’un programme d’échange universitaire, et d’une promise qu’il ne saurait aimer retenue par d’autres obligations ; la vice personnalité préférée des libanais, craignant de devoir honorer cette énième apparition publique sans personne à son bras. Avec l’assurance d’un geek pas très dégourdi s’aventurant à inviter la capitaine des cheerleaders au bal du lycée, le plan B de la tribu demanda penaud à celle partageant naguère la même chambre que lui dans le fief familial de Washington D.C, si elle daignait être sa cavalière.

Confus d’émettre cette proposition à la dernière minute. Proposition à laquelle l’accommodante Rim agréa du tac-au-tac, sans l’ombre d’une poussière de doute. Et ce pour le plus grand bonheur de la marionnette patriarcale, soulagée de pouvoir compter sur le rassurant soutien d’un plus un. Toujours aussi amusée qu’en matinée par la voix de rogomme de son frère, l’élégante houri – visiblement heureuse que le timoré dandy se soit pour une fois laissé aller à quelques fredaines – lui adresse une risette mutine. Assaisonnée d’un regard malicieux, faisant scintiller ses orbes fuligineux.

"Quand cesseras-tu d’être constamment désolé, et de me remercier pour tout et n’importe quoi ? Parfois, j’ai le sentiment que tu oublies que nous formons avant tout une équipe, toi et moi. "Mademoiselle Première et Monsieur Deuxième", alias la "Petite Paire". C’est comme lorsque nous sommes sur la glace : je suis ta partenaire. Si seulement on pouvait se défiler aussi facilement … . Tu n’es pas mal non plus mais … il manque un petit quelque chose pour que tu sois totalement irrésistible.", déclare-t-elle le verbe teinté d’une pointe de badinerie et d’espièglerie. Ses sourcils accusant un soubresaut cabotin, à l’instar d’un diablotin fripon.

Interloqué par les paroles quelque peu sibyllines de son binôme familial, l’étudiant en sursis encourage silencieusement sa cavalière à lui faire part du fond de sa pensée, en penchant la tête sur le côté et clignant des yeux de manière circonspecte. Sans piper mot, l’influenceuse malgré elle réduit la distance les séparant et glisse sur la banquette, jusqu’à ce que la phase latérale de leur bassin entrent en collision. Armée de sa caractéristique langueur, flirtant sur les rives de la lascivité, les doigts effilés de la fille de Vénus desserrent habillement le nœud papillon comprimant la glotte du rejeton de Mars. L’accessoire défait pend alors du col et s’échoue de part et d’autre de son muscle pectoral.

D’un geste tout aussi paresseux, la Milady d’orient, classée par Forbes à la première place du classement des vingt-cinq femmes en dessous de vingt-cinq ans, à suivre en matière de style et de tendance, décachette les deux premiers boutons de la liquette nivéenne. Regagnant sa place, la petite fille modèle admire le résultat. Pas mécontente, ses lèvres se meuvent en une moue de satisfaction, tandis que sa tête opine positivement. La touche de chaos et de déglingue, déifiant l’ennuyeuse perfection. Amusé par son allure, qui lui donne le sentiment d’être un playboy d’opérette ou un latin lover en fin soirée, Kaïs ne peut réfréner un puéril éclat d’hilarité. Attendri, le mirliflor n’a ni cœur ni l’envie de saccager l’ouvrage de sa sœur, en réajustant convenablement sa tenue. Tant pis si père ou Salem le rabrouent à ce sujet. Cela ne sera jamais qu’une énième déception à ajouter à leur longue liste. Eh puis, ce n’est pas comme s'ils le tenaient en haute estime.

Prenant le pouls de la planète Instagram, Rim joue soudain du coup de coude pour attirer l’attention de son "objet contraphobique". Scrutant par la vitre teintée d’un œil absent le paysage urbain défilant dans un train de sénateur, le chouchou tacite de maman tourne la tête à tribord et vient coller sa joue contre celle de son tandem. Lorgnant sur l’écran du smartphone entre les mains de la damoiselle, les babines du beau parti moyen-oriental se déploient en un sourire réjoui, à la vue d’une photo de Tess et Drew posant enlacés devant le Palais Royal de Stockholm. Deux farouches rivaux d’autrefois sur la glace, devenus d’excellents amis, sitôt que frère et sœur refusèrent le passage au haut niveau en dépit de leur immense potentiel. Un cliché sûrement pris à l’occasion des Championnats du monde de cette année.

Le visage du jouvenceau jouissant de l’immunité diplomatique se rembrunit en un tournemain, lorsqu’une photo – passablement douteuse à son goût – de l’infante Batten apparaît soudain dans le déroulé du fil d’actualité. Irrité et reportant aussitôt son attention à l’extérieur du véhicule, le mécréant prie en son for intérieur, pour ne pas avoir à souffrir ce soir de la présence de l’héritière du génie du septième art. Même si connaissant la propension de l’actrice de série B pour les frivolités de la haute, l’uraniste caché redoute qu’elle soit bel et bien de la partie.

A la faveur d’un trafic automobile étonnamment désengorgé eu égard à l’heure, le terminus ne tarde pas à poindre à l’horizon. Sur l’esplanade de l’architectural Rockefeller Center, un essaim de paparazzis parqués derrière un cordon de nubuck couleur rubis, mitraillent copieusement les invités arrivant pour prendre part à ce que les médias ont dores déjà baptisé "l’événement mondain de mai". A l’autre bout de la banquette, la peur, l’agitation et l’anxiété, s’emparent doucement mais sûrement de la coquette épigone de la beauté maternelle. Respiration chevrotante et affolée, la plus timorée des monozygotes gesticule nerveusement sur son siège. Ses phalanges n’ayant de cesse de triturer la manchette en argent parant son poignet fluet. Lentement et dans un geste lénifiant empli de suavité, le gentilhomme libanais dépose sa dextre sur le revers de la main du paquet de nerfs se trouvant à sa droite.

"Je suis là. On va affronter cela ensemble. "Toi et moi".", lui certifie-t-il d’une voix anormalement rocailleuse, gommant et atténuant l’intonation rassérénante de son propos. Les noyaux de prunes lui servant d’yeux, plongés au fond de ses lagunes de pétrole tourmentées. Les mots émis un peu plus tôt volontairement repris, pour lui assurer la réciprocité de l’entraide et du soutien. Respiration profonde et appuyée convoquée. Liée à une expression faciale accorte, afin d’inciter la Lady terrorisée à se calquer sur cet exercice de sophrologie.

Bon an mal an, les trapèzes du pimpant djinn s’affaissent. Ses poings s’ouvrent petit à petit, et les traits crispés de son angélique minois ambré recouvrent leur ineffable harmonie, tenant  en respect ceux des statues helléniques en chryséléphantine. Semblant de sérénité retrouvé, la plus grande fierté de Son Excellence acquisse du bonnet et se munit de la pochette végétant contre sa cuisse. Un modèle capitonné en argent, flanquée du monogramme de la maison Chanel. Chic, épuré et intemporel. Mutique assentiment donné pour entrer dans la fosse aux serpents. Un cliquetis métallique pique les tympans de la déception paternelle ambulante, qui braque aussitôt ses prunelles de suie à l’avant de la voiture. Soucieux de s’acquitter comme il se doit de son office, le chauffeur détache sa ceinture de sécurité et empoigne la poignée de la portière.

"Non, laissez Ibrahim. Inutile de vous déranger, je vais m’en charger.", lui dit-il sur un ton amène, avant de quitter le véhicule de fonction affublé d’une plaque minéralogique bien singulière et attestant de l’appartenance des passagers au corps diplomatique.

Croqué par la fine brise nocturne et bombardé par une marée d’éclairs sporadiques lui donnant l’impression d’être sur la piste de danse d’une boîte de nuit baignée par des jeux de lumières stroboscopiques, le gentillâtre à la huppe de crin réajuste les pans de son blazer et contourne la limousine pour ouvrir la portière de l’aile opposée. Une main gracile épouse sa paume en supination et escorte l’emphatique sortie de l’habitacle de la sultane dépourvue de titre de noblesse. Tel un seul homme, la meute de chasseurs de scoops brame à tue-tête, le nom de la poupée jugée bankable d’un point de vue médiatique.

Mimine manucurée arrimée à son biceps, le vizir fantoche foule d’un pas dégagé le red carpet déroulé pour l’occasion. Petite halte transitoire devant la horde de braconniers, armés de leur calibre Canon ou Nikon. Histoire de leur donner un os ronger afin qu’ils puissent réaliser leur travail. Géhenne que le privilégié honnit, mais à laquelle il se plie de bonne grâce. Bien conscient que cela fait partie du jeu. Les zygomatiques dûment sollicités, pour offrir ce sourire ultra brite de cover boy que le public attend de lui. Une main fourrée dans la poche pour se la jouer désinvolte. Les pupilles allant et venant, là où son nom est frénétiquement scandé.

Deux interminables minutes à essuyer les convulsivants crépitements des flashs plus tard, l’esthète lève brièvement la main en guise de sommaire salutation. La corvée achevée, il prend alors congé sans davantage se faire prier et poursuit son chemin sur l’entrelacs de fibres écarlates tissées. L’entrée de la titanesque tour nord franchie, le duo endimanché pousse de concert un soupir déchirant la vacuité du silence. Doucereux mimétisme qu’ils enjolivent en partageant un sourire complice gréé à un regard cajoleur. A défaut d’une signalétique fléchée, les exhortés accusant à l’horloge deux galantes minutes de retard, suivent le tracé décrit par l’interminable tapis rouge.

Quelques mètres et trois embranchements arpentés, suffisent pour que l’opulente salle de réception leur ouvre les bras. Un splendide écrin n’ayant absolument rien à envier à la salle de bal dans "La Belle et le Bête". Des lustres suspendus dorés à l’or fin et inondant la vaste pièce de lumière. D’écrasantes fenêtres chatouillant les moulures du plafond à caissons. Bordées d’épais et lourds rideaux en velours rouges. Des sculptures porte-flambeaux de chérubins en iridium. Une profusion de tables, recouvertes de nappes blanches brodées d’un fin liseré au fil d’or. Dressées de vaisselle en albâtre, argenterie et verres à vin en cristal. Une avalanche de luxe à la lisière du too much.

Une recrudescence de stress s’empare de la sylphide, amorçant en bonne compagnie la descente de l’escalier d’apparat en onyx jaune. Ses faux ongles s’implantant vigoureusement dans les chairs du biceps de l’acolyte fraternel. Frimousse défigurée par une ténue grimace de douleur, le minet arabique pose sa patte sur le dos de celle de son fragment d’âme. Le pouce roulant délicatement sur les phalanges faméliques, afin d’apaiser une fois de plus la fleur du désert mal dans ses pétales. Les griffes de la panthère ne tardent pas à se rétracter du muscle renflé.  

Une entrée en grande pompe qui ne passe pas inaperçue. Tel deux aimants attirant le fer, frère et sœur polarisent et cristallisent sur eux moult regards. Allant de la curiosité, à l’émerveillement en passant par la convoitise. De-ci de-là, des petits cercles de rombières engoncées dans des fourreaux hors de prix, échangent quelques messes basses en les fixant avec insistance. Des réactions auxquelles les membres de "la Petite Paire" sont coutumiers lors de leurs apparitions publiques, mais qui ne sont jamais aussi fortes et intenses que lorsqu’ils sont ensemble. Tout deux s’accordant en effet à la perfection et sur tout les plans. Une princesse et un prince tout droit sortis d’un conte de fées des temps modernes aux accents "shéhérazadiens".

Parmi l’éminent parterre agglutiné, une jeune nabab semble tout particulièrement bouillir et fulminer. La fille de "Monsieur Rockefeller" ne peut de facto qu’assister impuissante, à l’usurpation de sa symbolique couronne de petite reine de la soirée. Balayée et éclipsée dans sa conventionnelle petite robe noire, par la magnificence d’une khalifa toute d’or vêtue. Humiliée et ne pouvant en supporter davantage, elle met alors d’un pas furibard le cap vers les toilettes pour Dames. Sans doute pour tenter d’éteindre le brasier de la colère, en plongeant le nez dans une ligne de poudreuse. Secret de Polichinelle qui n’étonnera personne au sein de la jeunesse dorée new-yorkaise.

Les raisons ayant motivé Rim à accompagner son aîné, apparaissent désormais claires comme de l’eau de roche pour ce dernier. Nul doute qu’elle entendait bien faire ravaler à la fille du mania de la finance, les propos acerbes tenus à son encontre dans un live Instagram. D’un œil torve, Kaïs contemple l’imperceptible étirement des commissures de sa partenaire. Une esquisse mêlant triomphe, jubilation agrémenté à un zeste de cruauté. Le regard ancré au loin. Plus imperturbable et souveraine qu'une déesse descendant de son Olympe. Pied à peine posé sur le dallage en marbre de Carrare, le duo de charme se retrouve aussitôt alpagué par un "Monsieur et Mademoiselle Al Jamal !" manquant bigrement de retenue.

Une femme peroxydée à la quarantaine bien sonnée, et ayant de toute évidence abusée de la chirurgie esthétique et des UV, vient joyeusement à leur rencontre. Le style m’as-tu-vu, très West Coast, à la limite du vulgaire et sensiblement décrié dans le beau monde made in New-York. Un quinqua pansu, court sur pattes, aux tempes grisonnantes et à la dégaine de nouveau riche la suit de près. Parfaite caricature cochant tout les critères du couple de parvenus. Bling-bling, exubérants et frustes. Sondant les tréfonds de sa mémoire, et aussi invraisemblable cela puisse-t-il paraître, le gentilhomme a la quasi certitude d’avoir affaire au premier conseiller du Maire de la ville et sa … fantasque épouse.

Ne pouvant commettre l’impolitesse de se soustraire à ses interlocuteurs sans avoir au préalable échangé les futilités d’usage, le futur membre de l’escadron des blouses blanches n’a d’autre choix que de s’adonner aux joies – toutes relatives – de la conversation. Sourire courtois et poli cloué sur les lippes. Quelques mots d’esprits distillés ici et là, pour apporter un peu de sel à la discussion bien fade. Intarissable sur la joliesse de Rim qu’elle juge "belle comme un cœur", la harengère s’improvise marieuse à la petite semaine. Persuadée que "vous adoreriez mon Harper, Mademoiselle !". Bien en peine pour juguler son amusement, le jeune lionceau se pince les charnues dans l’espoir de maintenir captif un éclat de rire, ne demandant qu’à se faire la malle.

Si le mouflet du conseiller au Maire est bien le Harper Jackson, suivant sur les bancs de Columbia des études en Commerce Internationale ; le damoiseau n’ose imaginer l’épouvante qui s’emparerait de sa sœur à la vue du personnage. La taille d’un jockey ayant grandi sous les placards, le teint encore plus blafard qu’un cachet d’Aspirine, la tignasse filasse et aussi blonde qu’une veilleuse. Sans méchanceté aucune, le jouvenceau aime à penser que sa frangine mérite et peut prétendre à amplement mieux en terme de parti. Dans un élan de familiarité très malvenu dans un pareil décorum, le politicard s’adresse à eux en les appelant "les enfants" et s’étonne de ne pas avoir encore croisé "Monsieur Al Jamal Père".

"Il travaille son swing au fer 4. Je crois qu’il commence à en avoir assez de toujours revenir la queue entre les jambes de vos entrevues au Country Club.", rétorque-t-il le timbre un tantinet persifleur, pour grimer cette subtile moquerie en louange. Deux flûtes à champagne attrapées au vol, lorsqu’un serveur passe les bras chargés d’un plateau en argent clairsemé. Les pulpeuses mues en un sourire alliciant, et remuant pour formuler un inaudible "merci". Un des deux rafraîchissements pétillants offert à sa voisine. Histoire de se fondre dans le décor, de feindre le bonheur d’être là et de ne pas passer pour deux rabat-joie suffisants.

Ne flairant absolument pas l’ironie, l’homme ventripotent - ingénieusement tourné en ridicule - s’esclaffe et ne retient que le factice éloge de ses talents de golfeur. Sa femme se répand en un éclat rire laissant grandement à désirer côté discrétion, et qui n’est clairement pas digne d’une Lady. "Oh, ce que vous êtes charmant !", s’exclame-t-elle, en ayant toutes les peines du monde pour retrouver son sérieux. Ne sachant trop quoi faire de ce compliment, Kaïs se contente d’arborer un sourire crispé alors que ses pommettes s’empourprent légèrement. Si ces mots avait été délivrés par ce séduisant serveur aux faux airs de Marlon Texeira, il aurait curieusement beaucoup mieux su les apprécier.

Affligé par la logorrhée d’absurdités déversées par les deux taches dans le paysage, le Petit Prince des Cœurs balaye de temps à autres l’assistance. Quelques minutes suffisent pour qu’il repère son père et l’impétueux Salem, un peu à l’écart du reste des invités. Plongés dans d’intenses tractations, avec un homologue du Moyen-Orient. Difficile de pouvoir l’affirmer d’aussi loin mais … le futur alumni de Columbia croit reconnaître le Cheikh de Médine. L’ombrageux regard de l’avenir de la diplomatie libanaise, s’empêtre dans ses oblongues de jais. Aussitôt, le bellâtre annihile le contact visuel en ramenant son attention sur les arrivistes lui tenant la jambe.

La respiration se fait dès lors saccadée. La bouille hâlée blêmie en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Dans la cage-thoracique, le palpitant effaré galope à bride à abattue. Une goutte de sueur froide point d’une tempe rissolée, et sinue le long de sa joue à la manière d’une larme ayant bravé les défenses des digues lacrymales. Avant de s’embourber et se désagréger dans les poils de sa barbe de trois jours. Les raisons de ce vif émoi ne lui ayant pas échappé, Rim ligote subrepticement ses doigts grêles autour des phalanges de son camarade de chambrée d’autrefois. Un équipe. Soudée. L’un répondant présent quand l’autre flanche. Jamais loin. Toujours prêt à pallier les effondrements. A tendre la main pour aider à se relever. Et continuer, le cœur lourd et pansé, de voguer sur cet océan d’incertitudes nommé la vie.                                                                                          
BY CΔLΙGULΔ ☾
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Faker (Salem)
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