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 out, damned spot. ~ (leonide).

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Message Sujet: out, damned spot. ~ (leonide).    out, damned spot. ~ (leonide).  Empty Mar 11 Mai - 17:39

Une cigarette au bord des lèvres, Darren fait les cent pas, écrasant de ses semelles vernies son reflet imprécis et déformé dans les flaques qui jonchent le trottoir. La vision que lui offre ce morceau de macadam humide est pareille à une aquarelle exécutée d’une main chevrotante. Il contemple, d’un oeil impatient, les réverbères qui constellent l’avenue d’une centaine de points lumineux et s’offusque de la cacophonie provoquée par le trafic. Un sourcil hagard levé en direction du ciel, il s’assure qu’il n’y aura pas une réplique, dans les prochaines minutes, de la récente averse à laquelle il a échappé. Des répliques, il en a entendues suffisamment pour la nuit. Presque trois heures de représentation d’un chef d’oeuvre Shakespearien clamé avec un irritant accent outre-atlantique. Il n’y a eu d’yeux que pour elle, Lady Macbeth qui s’accapare le feu des projecteurs dans son costume d’époque. Reine d’Ecosse somnambule et suicidaire, en proie à une culpabilité irraisonnée. Fantôme empruntée à son passé, une amitié qui s’est érodée entre deux continents, abandonnée aux quatre vents depuis bientôt six ans. Leonide.

Le flyer froissé de la pièce de théâtre dans son poing fermé, il patiente à la manière d’une inconditionnelle groupie devant la porte close de l’entrée des artistes. Loin des tapis rouges et des dorures en façade. Le revers de la médaille, la rançon de la gloire, la ruelle coupe-gorge où tombent les masques. Déjà, mille questions l’assaillent, le rongent et l’oppressent. Il ressent une certaine appréhension face à ces retrouvailles imminentes et imprévues. Peut-être qu’il aurait du préalablement tenter de la joindre par téléphone, lui proposer un café ou un cocktail autour duquel ressasser le passé ? Peut-être qu’en découvrant, par le plus grand des hasards, son patronyme so british’ en haut de l’affiche, il aurait mieux fallu résister à la tentation de réserver un siège inconfortable pour ensuite l’attendre, comme l’amoureux éconduit, sous l’humidité d’une fin de printemps. Pourtant, Dieu seul sait que Darren a bénéficié d’une excellente éducation, il connait les rudiments des bonnes manières, les bases de la politesse. Sans doute que sa pauvre mère frôlerait l’infarctus de le voir surgir, tel l’invité surprise, dans l’existence de cette amie perdue.

Tout en exhalant d’épais nuages de fumée grise, il ne quitte pas du regard la large porte métallique. Ni plus ni moins qu’une issue de secours qui ne s’ouvre que de l’intérieur et par laquelle il lui sera impossible de fuir. L’attente est vraisemblablement interminable à en juger par le nombre de mégots qui jonchent le sol. Il manque de perdre espoir lorsqu’enfin la porte s’ouvre et que les artistes quittent les lieux, par vagues successives, à la file indienne. Attentif, il observe avec une curiosité mal placée les accolades des uns et des autres, les tapes dans le dos, les salutations toutes cordiales, les congratulations surjouées et les grandes scènes d’adieux. La star du soir se fait désirer, joue avec ses nerfs à vifs. Dix minutes encore et elle se matérialise dans son champ de vision, dépossédée de sa parure surannée, de ses artéfacts de reine des planches. Elle a relevé ses cheveux dans un chignon maladroit, enfilé une tenue confortable, ses yeux clairs ne lâchent pas l’écran de son smartphone des yeux tandis qu’elle marche d’un pas pressé vers la grande avenue en quête d’un taxi ou d’un ailleurs. « Bonsoir, je pourrais avoir un autographe, s’il te plaît. » Il agite son flyer tout chiffonné sous son visage et espère que l’écho de sa voix d’outre-tombe trouvera une résonance dans ses souvenirs. « Darren. » Il poursuit au moment où doucement, elle relève la tête et où lui s’applique à faire naitre sur ses lèvres le sourire le plus éclatant qui soit ; celui auquel on ne refuse rien, celui auquel on pardonne tout. Même les années d’errance, même les années d’absence.

@Leonide Tendler
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Message Sujet: Re: out, damned spot. ~ (leonide).    out, damned spot. ~ (leonide).  Empty Mar 11 Mai - 23:07


OUT, DAMNED SPOT

  « Venez, venez, esprits qui excitez les pensées homicides ; changez à l’instant mon sexe, et remplissez-moi jusqu’au bord, du sommet de la tête jusqu’à la plante des pieds, de la plus atroce cruauté. Épaississez mon sang ; fermez tout accès, tout passage aux remords » - lady macbeth, shakespeare


Les trois coups retentissent, les rideaux s’ouvrent et dévoilent une salle obscure. L’estomac toujours un peu noué avant le premier mot, éternelle tension qui n’est pas un fardeau. Comme un regain de vie, une inspiration profonde qui éveille chacun de ses sens. Jamais elle n’est aussi vivante que sur les planches. Dissimulée sous le maquillage et le brocart, Leonide a disparue derrière les traits d’un personnage qui lui colle à la peau depuis des années. La jeune femme n’est plus une fois arrivée sur scène. Sous la lumière projetée depuis les ponts, Leo disparaît pour en laisser apparaître une autre. Elle incarne alors l’ambition et l’absence de pitié, une femme au cœur absent dont le sexe n’est pas en accord avec son temps. Les mots lui glissent sur la langue, les verbes vivent dans sa bouche. La comédienne brille dans le noir, capture les regards. Quatre siècle après sa mort, Leonide fait perdurer l'oeuvre de Shakespeare, elle vit au travers de son génie comme l’ont fait de nombreuses femmes avant elle. Elle célèbre l’intelligence de son art, la virtuosité d’une tragédie intemporelle.

Leonide entend les applaudissements qui s’élèvent dans l’antre du théâtre lorsqu’elle quitte la scène après le clou du spectacle. L’usage voudrait qu’elle revienne sur scène pour venir y tirer une dernière révérence, un salut attendu qu’elle refuse pourtant d’accorder à la salle. Elle retire machinalement les épingles de ses cheveux en marchant vers sa la loge, elle se délivre déjà de l’emprise de ce personnage à qui elle vient d’accorder une nouvelle heure de sa propre vie. Déjà loin de la lumière salvatrice qu’elle ne mérite qu’entre cour et jardin, Leonide passe le coton sur ses yeux, elle se défait des artifices, et le reflet qu’elle aperçoit attise le noir dans ses yeux. Elle est en colère sans même vraiment réussir à comprendre les raisons de cette dernière. Champagne et Marlboro light en guise de repas de fête, ce soir c’est la dixième. Aspirée par ses pensées elle ne répond pas quand on toque à la porte, « Ils sont tous partis, tu veux que je te ramène ? » Non, je ne coucherai pas avec toi ce soir. « J’ai quelque chose de prévu, tu peux y aller. » Dispose. Hautaine, Leonide ne parvient plus à jouer la comédie alors qu’elle n’est plus payée pour.

Ses pas résonnent dans le couloir, elle est la dernière. Les yeux rivés sur l’écran de son téléphone elle fait défiler tout un univers d’images. Un monde factice où les seins et les sourires sont faux. L’air humide vient caresser son visage alors qu’elle entend la porte se refermer derrière elle. Elle hésite entre rentrer chez elle ou s’enfoncer dans la nuit. Elle entend des pas qui la suivent, une voix qui s’élève dans la brise. Dès les premières syllabes elle reconnait le chant de son pays natal, un accent que les années ont fini par lui gommer et que la colère parfois ravive. Elle relâche un soupire quand elle entend le mot autographe, s’agace quand le flyer apparaît en travers de son chemin. J’ai pas le temps, s’apprête-elle à siffler quand lui parvient un étrange écho.

Fantôme du passé
Que je pensais à tout jamais égaré,
Tu m’apparais à la lueur de la nuit,
En plein milieu du chaos qui me sert de vie.


Son regard s’accroche à celui de cet homme qu’elle n’a pas vu venir. Elle le reconnait immédiatement et son corps tout entier se fige. Prise au dépourvu Leonide le dévisage de longues secondes sans répondre à son sourire malin qui s’étire. Darren n’a pas vraiment changé, la malice aux coins des yeux, il resplendit dans son costard. Leo est surprise, car elle ne pensait pas le revoir un jour, les espoirs s’étant étiolés avec les années qui passaient, elle s’était fait une raison. Mais le voilà, qui débarque à nouveau dans sa vie. « Qu’est-ce que tu fais-là ? » Elle finit par saisir le flyer qu’il lui tend, hébétée, avant de reprendre « T’étais dans la salle ? » Doucement Leonide se ressaisit, elle contre l’effet de surprise. Elle se retourne pour lui faire pleinement face, l’inspectant d’un regard inquisiteur, laissant courir son index sur le revers de sa veste qu'elle présume hors de prix. « Tu es bien élégant pour un mort Evergreen. » Elle finit par planter son regard dans le sien, où elle aperçoit déjà tous les souvenirs qu’il ramène avec lui. « Car ton silence m’a laissé croire que tu l’étais, mort. » Leonide dessine enfin les prémices d’un sourire sur ses lèvres. Elle l’accuse quand elle aussi est coupable, vérité qui ne la retient pas de le bousculer avec ses mots pour lui manifester son amertume. Pourtant, force est de constater que le sourire de Darren parvient toujours à provoquer le sien.

(c) corvidae
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