Minuit heure du crime
Dusan trace son chemin,
fringué d'un pantalon cargo noir à poches
et d'un sweat gris à la crevasse ventrale remplie de ses poings.
Ses pompes monochromes l'élancent dans la foule.
Ça bouscule, ça crie, ça s'appelle, ça fume, ça danse, ça embrasse.
L'espace est étriqué, réduit. Un appart' pour un, qui loge l'infini.
Soirée estudiantine,
ou soirée clandestine.
Dans le fond, tout le monde s'en fout.
Ils veulent juste s'amuser les jeunes.
Les boîtes de pizzas s'entassent à la gueule des poubelles éventrées.
Des matous s'échappent, miaulent à la crise, leur espace personnel envahi.
Ils sont un million dans cet environnement jeune et déglingué.
Un joint passe de main en main. De sourire en sourire.
C'est dingue.
L'écran cathodique fait un boucan malade
lumière accrochée au plafond qui vacille, d'avant en arrière.
Canapé assiégé d'une bande, une bande de trois, puis quatre, puis trois.
Tout le temps ça change, ça alterne.
On rigole bien. On rigole fort.
Ils font sûrement un bruit infernal.
La jeunesse ça a toujours vécu trop fort.
On n'est pas loin de voir les flics arriver.
Mais c'est trop la joie pour que les jeunes bah ils se rendent compte.
Dusan casse le bisou qu'il partageait avec une fille, en haut, dans la mezzanine.
Il se laisse glisser de l'échelle, lent et maladroit. Une flaque épaisse.
C'est vrai qu'il a un peu bu Dusan.
Il dépose la bière vide sur un meuble au hasard, à moins que ce ne soit le vide.
Puis il rejoint le salon bondé, au sol noir de monde.
On y voit rien, y a trop de fumée.
Trop de rires qui chahutent en même temps.
Il y en a qui dorment déjà par terre. Ils ont trouvé un morceau de carrelage où fermer les yeux.
D'autres prennent la peine d'essuyer l'alcool qui a goutté tout au long de la soirée.
Franchement c'est cool.
Dans ce dédale juvénile et sale, Dusan se hisse jusqu'à une silhouette inconnue, déjà occupée à valser sur un fond de post-punk, en plein centre du salon.
Il s'approche tranquillement, ajoute son bassin à la danse, dépose ses paumes sur les hanches du partenaire.
La houle est paisible, sensuelle. Coulée entre deux soupirs.
Près de la jugulaire, il hume le parfum. Puis il sourit, joue avec ce lobe qui pend, frotte sa chevelure à la joue.
Au même instant ses pattes descendent.
Un peu.
Un peu plus bas.
Elles descendent.
Inévitablement.
Profitent de l'inattention, du mouvement
pour se glisser dans les poches
et peut-être y trouver un pécule, un bien à dérober.