Céleste Gainsborough;
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Nastya Kusakina WALDOSIA (avatar) Grisha, Virgil, Orphée, Messaline, Eleusis 303 965 33 Elle n’a d’yeux que pour son mari. Dans la chaleur du temps et des notes, dans l’ardeur du violon et du piano, de la harpe et de la flûte. Nous pouvons la voir sur quelques scènes qu’elle choisit avec méfiance, toujours son air légèrement inquiet.
| Sujet: Seuls et vaincus (Médée) Mer 14 Avr - 7:55 |
| Le bruit. Se faire aux multitudes de sons partout. Il avale, il s’assoiffe. Quand la femme demande un silence qui ne vient pas. Quelle ironie pense-t-elle, cette reconversion professionnelle, en plein dans la musique, directement dans cette salle majestueuse, interceptée par les plus grands, classée dans les sphères sublimes des magiciens des notes ; compositrice, musicienne, harpiste plus précisément, elle a troqué sa posture d’informaticienne pour les algorithmes artistiques, ces douceurs ou ces violences, les deux liés, ce rythme pénétrant sa chair, l’emportant vers des créations de mondes différents. Il fallait manier l’abstrait pour devenir talentueuse, se plonger dans les auréoles des fabriques de la musique, opéra ou ballet, concerto ou concert, solo ou orchestre. Elle répond aux commandes, parfois lasse, souvent ravie. Mais coupable aussi. Quelle était cette manie de changer d’emploi comme on change de vie ? Les livres semblaient, heureusement, un tremplin de stabilité pour une âme ivre et apeurée comme la sienne. Elle avait forgé son visage, elle avait construit sa persona, de douceur mais surtout de timidité, on la considérait comme une vierge effarouchée, maintenant une mère de substitution, une épouse parfaite. Elle était l’amoureuse qui, grâce à Césaire, avait ouvert un peu ses ailes, un minimum, afin d’approuver les opportunités. Aux tréfonds de ses esprits, elle dessinait des chemins, d’une idée éclataient des millions de possibilités, s’arrêtait pour bifurquer, pour respirer. Assise devant l’immense piano, seule sur la scène de Metropolitan Opera, la répétition terminée, elle pense. Une habitude protectrice depuis son adolescence. Se levant et récupérant son portable pour vérifier l’heure, Céleste se dirige vers les coulisses, prend son sac, enfile son beau manteau de neige avant de sortir du monument. Médée, une amie, alter-ego d’un caractère de glace se penchera bientôt sur la tasse fumante d’un café - à minuit un café – dans une alcôve choisie avec soin, quelques rares restaurants restent ouverts la nuit, Céleste a ses habitudes qui la rassurent et ne déroge pas aux règles de la prudence. Elle se dirige vers le lieu convenu, s’installe à la table la plus éloignée. D’un sourire en guise de bonjour, elle se tait, contemple le visage ravissant de cette femme charismatique nimbée d’un blond vénitien, le visage taillé, sculpté précisément pour révéler des traits de reine antique. La première fois. Elle se souvient de leur rencontre. Assise devant son bureau, penchée sur ses dossiers, quelques questions. Elle avait senti la distance, la froideur, un manque d’émotion, paradoxalement s’était sentie attirée par la mise en demeure d’une personnalité virile. Elle avait travaillé pour elle pendant des années avant de démissionner, ne pouvait supporter l’aura de tristesse qui se dégageait d’elle. « Je sais que je ne devrai pas me mêler de tes affaires. » Débute-t-elle. Une amorce à la confession, un courage pris dans ce temps de pause, distinguer le verbe juste. « Es-tu heureuse Médée ? » Comme à chaque fois, les attentions se transforment, le concret s’efface au profit de la métaphysique. Questionner sur le bonheur c’est frôler l’intimité de l’autre sans politesse. Mais Céleste a besoin de savoir, a tu cette interrogation des années durant. Elle a bien entendu les éclats de voix, elle a vu l’inquiétude se logeant dans les agates grises de sa patronne.
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