les étoiles vagabondes (river)

Ely, elle avait prévu de faire une grasse matinée méritée. C'était clair dans sa tête, limpide depuis le début de la semaine : en ce samedi matin, elle traînerait au lit, jusqu'à ce que ça devienne indécent. Elle en avait besoin; semaine compliquée. Travail chargé, élèves en quête de rébellion, examens à venir à préparer... Elle n'avait pas trop le temps de se poser. Alors, elle s'estimait en parfait droit de profiter de sa matinée comme elle l'entendait... en l’occurrence, dans son lit adoré, à profiter des doux bras de Morphée... Mais, ce ne sembla pas être de la l'avis de sa chère mère. Ely ne savait même pas comment cette dernière avait eu le double de ses clefs, mais elle ne s'en étonna pas tant que ça. Là, debout devant la fenêtre, tirant les épais rideaux, avant d'ouvrir les battants, sa maman semblait fraîche et éveillée depuis de nombreuses heures. "Debout !". Ce ton... Elle ne le connaissait que trop bien, pour l'avoir entendu une bonne partie de son enfance. Les cheveux en vrac, la figure de travers, Ely mit quelques longues minutes à émerger. "Va te laver, je vais te préparer un café.". Et encore ce ton, trop autoritaire, de celui que l'on n'ose contester. Alors, la brune se leva et se fit docile. Douche chaude, réveil douloureux. Elle n'aurait pas dû autant boire la veille. Elle avait un gin de trop dans l'estomac... ou bien trois... ou même quatre. Elle ne savait même plus. De retour dans la cuisine, sa mère l'attendait. Le corps bien droit, le regard perçant. Elle était belle, sa mère. La silhouette impeccable, malgré les années et les grossesses subies par son corps. L'élégance à l'état pur. Ely, elle s'était toujours demandée comment des gens comme ses parents avaient pu finir avec une fille comme elle. Physiquement, elle n'avait rien de leur élégance presque austère ou de leur haute stature. Elle était une fille du peuple, alors qu'ils faisaient partis de l'élite. Drôle de constat. Elle s'était toujours plus ou moins sentie en décalage. Et, comme à son habitude, sa mère lui tapota la main pour la dissuader de grignoter le biscuit qui traînait sur la table. Bon. Les sucreries attendraient.

Finalement, la gueule de bois ravageante, mais l'esprit docile, Ely suivit sa mère jusqu'au magasin d'une bonne amie à elle. Essayage d'une robe pour le mariage de sa petite sœur. Ça faisait des mois que sa mère et ses tantes lui répétaient de faire les fameux essayages. Elle faisait partie des demoiselles d'honneur. Elle ne voyait pas vraiment l'intérêt étant donné qu'elle n'avait jamais été très proche de Josephine, mais ne disait rien, pas réellement touchée par l'intention. De toute manière, ce mariage était une vaste blague. Le fantasme de ses parents, qui voyaient enfin une de leur fille épouser un garçon qu'ils estimaient assez bien. Et ça semblait convenir à la blonde. Le rêve de sa vie qui se réalisait. Elle allait avoir son mariage parfait, avec son fiancé parfait et démarrer sa petite vie parfaite. Du Wiley tout craché... Et si Ely avait repoussé les essayages le plus possible, c'était plus par fainéantise qu'autre chose... Enfin, sa mère semblait désormais décidée à prendre les choses en mains. Elle la suivit donc jusqu'à la boutique de robes de mariée, saluant timidement la conseillère, alors que sa tête lui faisait un peu mal et que son lit lui manquait déjà terriblement. Et étrangement, la vue de toutes ces robes plus jolies les unes que les autres lui donnèrent envie de vomir... ou alors était-ce la soirée de la veille qui lui restait encore dans les pattes ? Mais elle ne dit rien, se contentant de regarder tout autour d'elle, alors que sa mère parlait activement avec la vendeuse. Ça aurait pu être elle, cinq ans plus tôt, glissée dans une de ses robes. Elle l'avait parfaitement imaginé, en avait même rêvé. Bien sûr, sa mère n'avait pas eu le sourire ravi qu'elle arborait à ce moment précis, lorsqu'elle lui avait annoncé ses fiançailles avec River... mais elle s'en fichait, elle avait été heureuse à cette époque là. Prête à épouser l'homme qu'elle aimait... Elle secoua légèrement sa tête. Ces derniers temps, elle avait tendance à un peu trop penser au passé. Depuis que Maddox lui avait annoncé le réveil de River, en fait. Depuis qu'elle savait pour son amnésie. Tous les souvenirs heureux qu'elle refoulait depuis tant de temps revenaient la frapper en pleine figure, trahir ses songes. Ça avait été un choc.

Elle se sentait trop serrée dans cette robe. Et la couleur lui donnait encore plus mal à la tête. Elle s'observa dans le grand miroir face à elle, se trouvant l'air d'une grosse guimauve orangée. Décidément, elle n'avait pas les mêmes goûts que sa sœur. Ou alors, c'était elle, le problème. Elle et son corps loin d'être aussi harmonieux que celui de Josephine. Pour sûr, sa petite sœur aurait été ravissante dans cet accoutrement. Pas elle. Pourtant, sa mère et la vendeuse semblaient s'extasier sur le modèle, discutant vivement à ce sujet. Ely, picorait des macarons au chocolat, de son côté sa mère lui lançant de mauvais regards assez régulièrement. Elle la voyait venir, la remontrance sur les kilos qu'elle ne devait pas prendre. Peu importait finalement. Elle s'en fichait de ce mariage. Elle s'en fichait de cette robe. Et elle s'en fichait de son poids. Elle voulait retourner dans son lit et oublier tout le reste. Et, finalement, comme un miracle tombé du ciel, le téléphone de sa mère sonna, et, après une courte conversation, il sembla convenu qu'elle parte. Urgence. Ely ne comprit qu'à moitié. Problème lié à une réception à venir. Des fleurs reçues de la mauvaise couleur... Bref. Sa mère lui claqua une bise sonore sur la joue et partit, son doux parfum la suivant derrière elle. Ely resta fixe quelques instants, avant que la vendeuse ne lui propose de se changer, les mesures étant bonnes. La brune accepta, et, quelques courtes minutes plus tard, elle glissait de nouveau dans son jean et sweet un peu trop large. Enfin, elle était libérée de cette lourde tâche et, sortit de la boutique à la hâte... Un peu trop d'ailleurs, puisqu'elle se heurta à quelque chose... Ou plutôt quelqu'un, laissant son sac à main tomber à terre, déversant sur le sol une bonne partie de son contenu. "Vous ne pouvez pas faire attention ?", râla le vieil homme. Les joues rosies, des excuses timidement lâchées, Ely s'accroupissait pour ramasser ses affaires. Elle avait tout à tas de trucs inutiles dans son sac, et alors qu'elle ramassait son petit bordel, rangeant maladroitement dans son vieux sac, elle en prit pleine conscience. Enfin, le tout était de retour dans sa besace et lorsqu'elle se releva, un peu trop vite, elle tomba nez-à-nez avec un visage qu'elle connaissait parfaitement bien, manquant de perdre l'équilibre. "River ?". Les yeux grands ouverts, le souffle court, la surprise était totale. Il n'avait pas changé. Toujours cette belle gueule. Un peu amochée par ses récents ennuis, mais il avait gardé de ce charme qui l'avait fait fondre, dix ans auparavant.

Elle était perdue, Ely. Le corps figé, alors que River lui offrait la chaleur de ses lèvres, la douceur de son sourire, l'étincelle de son regard. Ca lui fit comme une gifle, ou une douche froide. Une drôle de manière de comprendre qu'il était réellement éveillé de son coma, amnésique des cinq dernières années. Pourtant, Maddox le lui avait dit. Elle semblait avoir compris. Mais ce fut là, à cet instant très précis, alors qu'il s'approchait d'elle pour venir poser ses lèvres chaudes sur son front, qu'elle en prit pleine conscience. Douche froide. Et ses membres qui ne répondaient plus aux appels de son cerveau. Que devait-elle dire ? Que devait-elle faire ? C'était le bordel complet dans son cervelet. Des pensées qui s'entrechoquaient. Le cœur contre la raison. Et son regard qui refusait de le quitter, alors qu'il plongeait ses yeux sombres dans les siens. "Ely.". Et sa voix qui réchauffait son cœur, faisant monter du creux de son ventre, une boule qui lui donnait presque envie de pleurer. De joie ? De tristesse ? De colère ? Bordel, elle n'en savait rien. Peut-être un peu de tout ça, à la fois. Il lui offrait la douceur de son regard, et elle avait presque oublié à quel point elle avait aimé ça. A quel point, elle en était devenue accro. Lorsqu'il l'avait quittée, elle s'était retrouvée comme une alcoolique. Lutant contre le manque constant. Tout devenait une épreuve. Les réveils solitaires, les déjeuners silencieux. Les journées vides de sens et le sommeil froid. Alors, elle avait coupé les ponts. Il n'avait pas cherché à la voir non plus, s'enfonçant un peu plus dans ses travers. Ely, elle avait quitté l'appartement qu'ils partageaient, n'en réclamant pas le moindre meuble. Elle s'était reconstruite une vie ailleurs, seule, loin de tout ce qui la rattachait au garçon qu'elle aimait. Et, lorsqu'elle tombait sur son visage, placardé sur les premières pages de tabloïds, elle détournait timidement le regard. Le voir en charmantes compagnies semblait un peu trop pour elle. Et finalement, la peine était devenue moins vive, la vie avait reprit un peu de sens. Elle se savait pas complètement guérie, mais ses plaies commençaient à panser, doucement. Et pourtant, alors qu'il était là, face à elle, aussi tendre que par le passé, elle avait l'impression de chuter à nouveau, de repartir presque à zéro. La douleur était vive, sanglante. Ca lui revenait en pleine face. Toutes ces nuits à pleurer son absence. Tous ces moments à en avoir le cœur au bord des lèvres. Les bons moments revenaient en même temps que les mauvais. "t'es rentrée depuis longtemps ? Maddox m'a dit que t'étais en déplacement.". C'était peut-être le moment pour elle de sortir de sa transe. De dire quelque chose, ou d'au moins, bouger un muscle. Son visage se mouva légèrement, venant faire tomber une mèche devant son regard fuyant. Sa main s'éleva immédiatement pour venir la caler derrière son oreille. Elle sentait ses joues rougir légèrement et son estomac se nouer. Bon. Apparemment, Maddox ne lui avait pas encore avoué la vérité. Elle ne lui en voulait pas. Elle comprenait. Le pauvre Maddox était dans une situation délicate. Ely avait choisi la facilité en se tenant presque égoïstement à distance. Mais là, le karma semblait l'avoir rattrapée. "Je... euh... en déplacement... oui...". Sa voix qu'elle éclaircissait maladroitement et tout son corps qui ne voulait que fuir. Elle était mauvaise menteuse, Ely. Elle l'avait toujours été. Et elle réagissait mal au stress. Elle se savait d'autant plus faible face à l'homme qui l'avait, un jour, connue mieux que n'importe qui. Alors, en cinq ans, elle avait un peu changé. Elle, à l'époque, si idéaliste et optimiste, s'était un peu assombrie. Elle avait rencontré d'autres hommes à qui elle n'avait offert que son corps, chose qui lui était alors inconnu avant. Ses cheveux étaient un peu plus courts et son regard probablement moins pétillant. Et heureusement, River continua avant qu'elle ne tente de trouver une réponse adéquate : "pourquoi tu m'as pas envoyé de message ou même appelé ?". Ah. Ca, c'était une bonne question. Et elle se sentait encore plus perdue, encore plus à court de mots. Que pouvait-elle répondre à ça ? Entrer dans le même petit jeu que Maddox, en inventant toute une histoire ? Ou alors lui avouer la vérité, comme ça, en plein milieu d'un trottoir sale ? Elle n'en savait rien, et sentait son malaise monter d'un niveau, presque incapable de tenir son regard. Alors, ce fut la solution de repli qui prit le pas : "Tu veux pas qu'on se pose quelque part, pour en parler calmement ?". Et par "quelque part", elle sous-entendait évidemment le café à quelques pas, qu'elle avait dans son champ de vision. La nourriture l'aiderait à mettre les choses au clair, enfin, c'est ce qu'elle pensait. Elle n'attendit même pas sa réponse avant de s'élancer, à grandes enjambées, vers le café en question. Petit diner typique du pays. Une clochette retentit lorsqu'elle ouvrit un peu trop brusquement la porte et elle répondit brièvement aux chaudes salutations de la serveuse. Alors, elle s'installa à une table, sur une banquette en plastique rouge, et retira sa petite veste. Lorsque la serveuse leur apporta la carte, elle l'attrapa avec vivacité, venant la brandir devant son visage, coupant tout contact visuel possible avec River. Y avait sa lèvre, qu'elle mordillait et sa jambe droite qui tapotait nerveusement le sol. Elle n'allait pas en ressortir indemne, c'était certain. River ne devait probablement rien y comprendre et, après quelques minutes, elle tenta un regard au-dessus de sa carte, revenant bien vite à l'abris derrière, lorsqu'elle croisa celui de son ancien amant. Elle avait l'air d'une gamine comme ça, et elle en avait conscience, sans pourtant ne pouvoir rien y faire. Enfin, la serveuse fut de retour pour prendre leur commande. "Je vais prendre un café-crème, et un pancake aux bananes, un autre au beurre de cacahuètes, un muffin au chocolat, eeeeet... un à la fraise ! Merci.". La serveuse sembla surprise par le volume de sa commande, mais ne dit rien, se contentant de le noter sur son petit calepin... Sa mère aurait probablement eu une syncope en entendant ça, mais Ely était une gourmande de nature... encore plus exacerbée lorsqu'elle était en état de nervosité intense et là, c'était terriblement le cas. La carte lui fut retirée des mains et elle se sentit presque nue, ses doigts venant tapoter la table qui les séparaient. Elle n'osait même pas regarder River, son regard s'attardant au travers de la vitrine à côté d'eux qui donnait sur la rue. Jamais, elle n'avait été nerveuse, à son contact. Quelques années plus tôt, ils auraient probablement passé leur temps d'attendre la nourriture à rire, ou à se raconter des histoires. Elle était loin la complicité, il était loin l'amour évident.

C'était si étrange, après tout ce temps, de l'avoir en face d'elle. Etrange, mais aussi gênant. Elle sentait son regard sombre glisser sur elle, luttant pour ne pas être happée par son appel. Elle se savait faible face à lui. Le temps avait beau être passé, de l'eau avait coulé sous les ponts, mais il y avait certaines choses qui ne semblaient pas vouloir changer. River était son point faible. Même avant qu'ils ne se mettent ensemble. Dès leur rencontre, elle avait senti ce truc étrange, au fond de son ventre. La passion qui l'habitait lentement. Finalement, y avait surtout eu la peur qui avait pris le dessus et qui expliquait tant de temps avant qu'ils ne se rapprochent réellement. Pourtant, ça crevait les yeux. Tout le monde était témoin de cette complicité entre eux. Elle, qui ne supportait pas une seule conquête de River. Lui, qui se faisait désagréable face aux petits-amis de Ely. Ils avaient pris le temps de vivre, d'expérimenter, avant d'être certains, avant d'être sûrs de ce qu'ils désiraient. Parce qu'à partir du moment où ils s'étaient embrassés pour la toute première fois, il n'y avait pas eu de retour en arrière possible. L'enjeu était grand, à l'image de leur relation. Alors, les années ne parvenaient à minimiser la passion qui se mêlait à la colère. Elle n'avait pas eu de fin satisfaisante, Ely. Pas de dispute expliquant une rupture fracassante. Pas de tromperies - de ce qu'elle savait - ou de discussion pour mettre un terme à cinq ans d'amour. Y avait rien eu, à part un message sur son téléphone. Froid. Distant. Impersonnel. C'était ça, qu'elle était sensée lui dire ? à lui qui les pensaient encore ensemble et fous d'amour ? Même elle, avait bien du mal à comprendre comment tout leur bonheur avait pu partir en vrille comme ça, alors, lui expliquer ne lui semblait pas une chose aisée. Alors, elle évitait l'heure fatidique. Peut-être que le destin jouerait en sa faveur ? Peut-être qu'il allait recevoir un appel urgent et partir d'un seul coup ? Peut-être qu'il lui éviterait une conversation peu agréable ? Elle n'aimait pas avoir ce rôle, Ely. Trop peureuse pour oser avouer les choses. Elle aurait probablement encore été avec lui s'il n'avait pas, de lui-même, mis un terme à leur relation. Prête à endurer son indifférence et ses absences, s'il lui garantissait un minimum d'amour. Elle se trouvait pathétique. Il l'avait rendue addicte. Et elle détestait ça.

évidemment, la commande de River était bien plus sobre que la sienne. ça ne l'étonnait pas. ça la renvoyait même à des jours plus heureux. à ces matins qui composaient leur routine. à ces cafés qu'il prenait bien noirs et elle, plein de crème et de sucres. L'un ne comprenant absolument pas les goûts de l'autre... Et elle fut bien vite sortie de ses rêveries lorsque River posa sa main sur la sienne, l'attrapant vivement pour cesser ses tapotements nerveux. Courant électrique lui parcourant le corps. Partant du bout de ses doigts, jusqu'à la pointe de ses cheveux. Drôle de sensation. Un simple contact, diffusant une chaleur qu'elle avait presque oublié, mais que son corps languissait. Il lui avait manqué. Dans tous les sens du terme. Son regard foncé lui avait manqué. Sa voix grave et mélodieuse. Son parfum. Sa simple présence. Apprendre à vivre sans lui avait été dur, mais elle s'en pensait désormais capable. "bon, qu'est-ce qu'il y a ? t'es bizarre, tu stresses pour je ne sais quoi et j'ai bien remarqué que t'évites d'me regarder.". Sa main avait cessé tous mouvements et son regard restait fixé sur les doigts de River, posés sur les siens. Elle était figée, oubliant presque de respirer. Ce n'était pas une réaction normale, évidemment, même lorsque l'on est en contact de son ex... mais River n'était pas n'importe qui, pas n'importe quel ex. Il avait été l'amour de sa vie. Et les autres hommes lui paraissaient bien fades, en comparaison. Et, y avait ce ton léger, dans sa voix, presque de la désinvolture. Il semblait inquiet, sans pour autant se douter de la gravité de leur situation. Sur le coup, elle en voulut presque à Maddox de ne rien lui avoir dit, de lui laisser ce terrible rôle. C'était égoïste et bien évidemment, ce sentiment s'envola aussi vite qu'il apparut. "Je... euh...", commença-t-elle, difficilement. La voix brisée, elle se mit à l'éclaircir d'un raclement maladroit de gorge. Son regard remonta enfin sur le visage à l'air interrogateur de River, et son dos qu'elle redressa timidement, comme pour se donner un peu de contenance. Sa bouche s'ouvrit à nouveau, prête à émettre un son... mais River la devança : "elle est où ta bague ?". Ah. ça, elle ne s'y était pas attendue. Ses yeux s'ouvrirent en grands, elle sentit même ses joues prendre un peu feu. La panique. Alors qu'il fixait encore son doigt nu d'un quelconque bijou. Encore une fois, elle ne savait quoi lui dire. La vérité ? Lui avouer directement où était la fameuse bague ? Là, au fin fond du tiroir de sa table de nuit, parce qu'incapable de s'en séparer définitivement ! Relique d'un passé qui avait été heureux et plein de promesses. Et heureusement, River qui reprenait avant qu'un son étrange ne sorte de sa bouche. "je comprends pas ce que vous avez tous, toi, maddox, vous êtes bizarres depuis que j'suis revenu.". Bon, ça, elle voulait bien le croire. Maddox n'avait jamais été très à l'aise en mentant, ça c'était certain. Pas vraiment à l'aise pour se confier non plus, d'ailleurs... à tel point qu'elle ignorait encore le motif précis de sa dispute avec River. Il semblait perdu. Et elle ressentit une profonde peine pour lui. Pour la première fois, elle imaginait un peu sa confusion de ne pas savoir les choses. River n'avait jamais été un tempérament calme et jusqu'ici, elle le trouvait coopératif... Il fallait dire que son accident n'avait pas été banal. Il avait eu de réelles séquelles. Elle avait encore en tête son visage tuméfié lorsqu'elle était passée le voir à l'hôpital... la seule et unique fois. Alors, se redressant encore un peu plus, Ely prit une grande inspiration. Elle était prête. Prête à tout lui dire. à peut-être tout gâcher. La chaleur de son regard la quitterait une fois de plus et elle serait seule à nouveau. Mais il fallait qu'elle lui dise. Alors, elle ouvrit la bouche et, plantant son regard fébrile dans celui de River, commença : "C'e/", mais même pas le temps de dire un mot que la serveuse était de retour, plateau bien chargé. Ely se stoppa immédiatement, retirant un peu trop vivement sa main de l'emprise de River et se recula légèrement pour laisser la serveuse disposer les divers mets devant eux. Enfin, elle allait pouvoir combler son mal être par de la nourriture et, déjà, elle se sentait un tout petit peu mieux. La serveuse leur souhaita un bon appétit et Ely ne tarda pas à attraper un, puis deux, et même trois sucres qu'elle glissa dans son café chaud. Le contact visuel était coupé et elle se sentait un peu moins exposée. Elle attrapa une fourchette et piqua dans son premier pancake. Celui à la banane. Et engouffra le morceau dans sa bouche. "Fffaut qu'tu chaches que...", commença-t-elle, la bouche pleine. Elle se stoppa finalement, essuyant le bord de sa bouche, avalant son pancake, avant de reprendre, la gorge dégagée. "Faut que tu saches qu'il s'est passé pas mal de trucs ces cinq dernières années...". Et son regard qui l'évitait toujours, alors qu'elle attrapait un autre morceau de pancake, qui alla directement dans sa bouche. C'était rapide. Un peu trop d'ailleurs. Elle allait finir par s'étouffer à cette allure. "Déjà, ils ont augmenté le prix du mcflurry au mcdo !". Nouveau morceau de pancake. "Et puis, le restau italien où on aimait bien aller a fermé !". Et hop, encore du pancake. "Trump est devenu président !". Une gorgée de café. Un peu trop chaude. Légère grimace. "Ton livre a été publié, aussi !". Elle entama ensuite son premier muffin. Croc un peu trop ambitieux. "Ma sœur s'est fiancée ! à un abruti de première... mais bref !". Nouveau croc dans le muffin, et un peu de chocolat sur le bord de sa bouche. "Et on n'est plus ensemble...". C'était dit. Comme ça. Entre deux gorgées de café et trois poignées de muffin au chocolat. "Mon oncle s'est fait des implants capillaires, on dirait qu'il a des poils de cul sur la tête, mais bon, il est content !". Elle mangeait. Encore, encore, et encore, ses yeux rivés sur les divers plats posés devant elle. Le ton monocorde. Pas la moindre émotion, alors qu'elle venait tout de même de lui annoncer leur séparation. Finalement, elle attrapait le deuxième muffin et commença à le croquer. Il ne lui fallut que quelques secondes pour en venir à bout. Son ventre commençait à être trop tendu et elle savait qu'elle regretterait ses excès dans quelques minutes. "Et... j'crois que j'ai fait le tour...", air légèrement songeur et finalement oui, elle lui avait tout dit. Elle attrapa une serviette, pour venir essuyer le bord de sa bouche, le bout de ses doigts et s'affala un peu contre le dossier de la banquette, se risquant un regard vers River. "Tu manges pas ?", demanda-t-elle alors, observant son assiette pratiquement pleine.. Drôle de contraste par rapport aux siennes, qui étaient presque vides. Bon, elle avait clairement abusé.

Son ventre était tendu d'avoir trop mangé, elle se serait presque crue après un repas de noël... seul moment où sa mère semblait autoriser ses excès, du moins, se retenait de faire la moindre remarque... Et c'était peut-être ça, son plus beau cadeau de fin d'année... Pourtant, là, en ce mois d'octobre, l'ambiance n'était pas à la fête. Le froid arrivait doucement sur New-York, mais les rues étaient encore dégagées de l'épaisse couche de neige qui caractérisait l'hiver Newyorkais. Elle avait toujours aimé cette période, Ely. Enfant du froid, bien plus à son aise à la fin de l'été, lorsque la chaleur laissait place aux feuilles orangées dans les arbres. Quoiqu'il en soit, sa nervosité reprenait un peu du terrain, alors que le visage de River laissait exprimer une profonde confusion. Elle avait tenté de faire passer les informations sans en faire tout un plat. Elle aurait dû se douter que ça ne fonctionnerait pas. Elle le savait tenace, River. Pas du genre à la laisser se reposer sur ses lauriers. En plus d'un repère, il était devenu au fil des années, un soutien de taille. Il disait souvent que c'était grâce à elle qu'il avait trouvé le courage de rendre ses écrits publiques... mais au fond, c'était surtout lui, qui jouait le rôle de soutien à ses côtés. Lui, qui l'avait soutenue, durant ces longues nuits d'insomnies à réviser pour ses examens. Lui, qui la forçait à se poser pour s'aérer l'esprit. Lui, qui était resté à ses côtés lorsque l'attente des résultats lui semblait intenable. River avait été là pour la calmer avant son premier jour de classe. Là, pour sécher ses larmes la nuit suivant sa fausse-couche. Au fond, elle se demandait bien à partir de quel moment c'était parti en vrille... Quel avait été l'élément déclencheur ? Elle se pensait aveugle des signes avant-coureurs. "non, j'ai plus très faim.". Il éloigna l'assiette pratiquement pleine, venant se pencher vers l'avant, ses avants bras sur la table qui les séparait. D'ici, elle sentait les effluves de son parfum. Devinait la chaleur de sa peau. Sa gorge était soudainement sèche. "Ah.", lâcha-t-elle alors, sans vraiment comprendre l'intérêt de son intervention. Et elle s'enfonça un peu plus dans le dossier de son siège, comme si c'était possible de s'éloigner un peu plus. Il lui faisait presque peur. Pas par ses mots. Pas par ses actes. Mais par sa simple présence. Elle avait l'impression de faire face à un fantôme du passé. La chaleur de son regard bien loin des derniers instants qu'ils avaient pu vivre ensemble. "bon, attends attends attends. Je comprends pas c'que tu m'dis, mon livre n'est pas publié. Je l'ai même pas encore envoyé aux maisons d'éditions, alors à moins que quelqu'un l'ait fait à ma place, il peut pas être publié, c'est impossible.". Elle avala difficilement sa salive. Il était têtu de nature, River. Elle l'était aussi. ça leur avait valu quelques légères disputes par le passé. Sur des sujets stupides, comme le film à regarder le soir, ou quelle sauce mettre dans les pâtes. Cependant, là, par-dessus tout, elle percevait sa frustration, son incompréhension. C'était normal. Pas évident pour autant. Elle ne voulait pas avoir ce rôle là. Était-ce la bonne chose à faire de tout lui avouer, de toute manière ? Elle n'en savait rien. Elle n'était pas médecin, après tout... Mais foutue pour foutue... "et comment ça on est plus ensemble ? je pense que je m'en souviendrais si on n'était plus ensemble, ely. Et pourquoi on serait plus ensemble même, on va s'marier et on va bientôt fonder une famille, j'comprends pas ce que tu m'fais là.". drôle de sensation, alors qu'une boule soudaine se formait dans sa gorge. Elle ne s'était pas attendue à ça, à ce qu'il lui parle de ces projets qu'ils avaient eu un jour. Le mariage, l'enfant à venir... ça avait été concret, l'espace d'un instant. Désormais, ça lui semblait venir d'une autre vie.
River semblait de plus en plus frustré, alors que sa voix s'élevait un peu. Ely jeta des coups d'œil paniqués autour d'eux, alors que quelques autres clients du restaurant leur lançaient des regards étonnés. Elle n'aimait pas ça, les effusions en public... River non plus, d'ailleurs... mais il avait du caractère, et avait toujours été impulsif... Cette fois-ci, ça semblait trop pour lui. Nerveusement, sa main droite vint gratter le bord de sa joue, et sous le regard perçant de River, elle s'éclaircit légèrement la gorge, avant de s'exprimer, d'une voix fébrile : "Je t'ai dit... il s'est passé beaucoup de choses en cinq ans...". Petit ton, elle avait presque l'air d'une gamine, qui avouait une faute à son père... Mais ça ne semblait pas suffire à River. Elle le connaissait. Il allait la pousser jusqu'à ce qu'elle avoue tout. Du moins, dans les détails. Il avait besoin de comprendre. Elle lâcha alors un gros soupire et se redressa un peu, le regard un peu fuyant, les sourcils froncés. "Tu l'as publié... ton livre...". Voilà, elle allait commençait par ça, puisque ce semblait être le premier élément manquant de ses souvenirs divagants. "T'as fini par m'écouter, et tu l'as envoyé à des maisons d'édition...". Léger sourire, presque rêveur, alors qu'elle se souvenait de ce matin où il avait craqué, l'écoutant enfin. Elle croyait en lui, Ely, en son talent et en la force de son écrit. Ses mains étaient posées sur la table, face à elle, se triturant entre elles nerveusement. Régulièrement, son regard croisait le sien et à chaque fois, elle était déstabilisée par l'ancien amour qu'elle lisait dans ses iris. "Et ça a pris...", haussement d'épaules, petit sourire du bord des lèvres. "ça a bien marché pour toi, River... T'as même une page wikipédia à ton nom, putain !". Rire sec. ça avait si bien marché qu'elle savait qu'il avait sorti un autre livre, durant le temps où ils n'étaient plus ensemble. Elle n'avait pas osé en ouvrir la moindre page. Et si ça parlait d'elle ? De cette pathétique fille qu'il avait un jour pensé aimer ? "Quant à nous...". Sa salive qu'elle avalait difficilement, son regard désormais fuyant, incapable de le regarder, alors que la boule se formait dans sa gorge. Elle n'aimait pas parler de ça. C'était son point faible. Elle avait les larmes faciles, Ely, mais sur ce sujet, c'était son cœur qui était à vif. "ça n'a juste... pas fonctionné...", légère grimace et ses yeux qui se posaient sur ses mains, toujours sur le bois de la table. Ses épaules qu'elle haussait une nouvelle fois, et son ton qui se voulait léger, presque détaché. Pas très convainquant. "y a pas eu de mariage... encore moins d'enfant...". Faux rire, presque moqueur. Elle ? Avoir un enfant ? ça lui paraissait presque être une blague. La vie avait finalement peut-être bien fait de rendre son corps inhospitalier à cette grossesse. Sa lèvre qu'elle mordait nerveusement et ses yeux qui lui brulaient presque. Elle n'aimait vraiment pas repenser à ces moments. "C'était juste pas fait pour marcher...", qu'elle finissait par souffler, en osant enfin le regarder. Petit moment de latence, alors qu'elle se perdait dans son regard. Il lui avait manqué. Dieu qu'il lui avait manqué ! Elle avait terriblement envie de se jeter dans ses bras. D'oublier tous ces moments tristes en pleurant dans le creux de son cou. Elle languissait sa présence, sa chaleur et l'entièreté de son être. Mais non. Son regard qui se détourna brusquement, ses joues désormais bien trop roses. Non, non, non. Il était hors de question qu'elle replonge. Elle attrapa alors sa veste, son sac, et, précipitamment, lâcha ces quelques mots : "j'dois y aller !". Deux secondes plus tard, elle ouvrait la porte du restaurant, sortant à la hâte, happée par le froid de cette fin de matinée. Elle enfila maladroitement sa veste, continuant à avancer d'un pas rapide, bousculant - une nouvelle fois -, une personne sur son passage et se confondant maladroitement en excuses.

Il y avait quelques personnes dans la rue, et le bruit des voitures ne lui permit pas d'entendre son appel. Pourtant, il ne suffit que de quelques courtes secondes pour que la jeune femme sente une pression au niveau de son bras et que son corps face volte-face, se retrouvant, une fois de plus, face à face avec River. "pars pas. S’il te plaît.". Son ton était suppliant, son regard perçant. Ely sentit sa respiration se couper, alors qu'une douce chaleur émanait de son bras où le contact avait été fait. C'était étrange, cette sensation. Drôle de rappel sensoriel d'un passé plein d'amour. Comme si son corps languissait sa présence, n'en demandant qu'un peu plus, alors que l'attente avait été trop longue. Elle agissait comme une droguée en rémission, face à l'objet du désir, si proche, si accessible. Il lui manquait si fort. Et en même temps, elle se refusait à un quelconque rapprochement. Trop têtue. Trop blessée. Trop peureuse. Il était là, avec cette chaleur d'antan et elle ne savait pas comment composer avec ça. Elle en avait perdu l'habitude. Pire : elle se savait capable de replonger à tout moment. "tu peux pas m’balancer tout ça comme si c’était banal et prendre la fuite.". Elle sentait la boule grossir dans sa gorge, son regard lui piquer atrocement. Elle avait honte d'elle. Honte de son comportement. Il ne méritait pas ça... Ou peut-être que si, finalement ? Elle n'en savait rien. Elle était perdue. Et dans ce genre de moment, sa seule solution semblait être la fuite... Mais évidemment, ça n'était pas de l'avis de River. Elle avait toujours râlé quant à sa détermination parfois trop poussée, mais au fond, c'est ce qu'elle avait toujours aimé chez lui. Il la sortait constamment de sa zone de confort. Assurant néanmoins ses arrières... River était rapidement devenu sa famille. Dès lors qu'ils s'étaient mis ensemble, il était devenu son monde, son partenaire. à ses côtés, elle était moins fébrile, surtout face à sa famille qui ne lui faisait pas de cadeaux. River l'avait défendue là où personne n'avait jamais osé prendre son parti... Peu importait le reste finalement, s'il était là... Mais ça n'avait pas duré et il avait fini par la quitter, la laissant seule face à tout le reste. Et elle lui en voulait pour ça. Alors, elle fut incapable de maintenir son regard suppliant, jusqu'à ce qu'il s'approche un peu plus d'elle pour venir caler une mèche de cheveux derrière son oreille. Nouvelle onde de chaleur. Et son corps qui en frissonnait. Elle détestait ça, ce pouvoir qu'il avait sur elle, cette maitrise qu'il gardait malgré tout ce qui s'était passé, malgré toutes ces années. Elle le languissait toujours autant. Et en cinq ans, aucun homme n'était parvenu à éveiller tant de frissons en un simple contact. Elle se trouvait pathétique. "tu comptais venir me voir un jour si on ne s’était pas croisés aujourd’hui ?". La gorge sèche, les yeux rougis, elle se sentait prête à lâcher ses plus grosses larmes. Alors, elle fuyait son regard, regardant attentivement ses pieds moulés dans une vieille paire de baskets. "Je...", et ses mots qui s'envolèrent au grès du vent... Que pouvait-elle répondre à ça ? Elle n'en savait rien. Jusqu'ici, elle avait fui de la plus puérile des manières et pourtant, ses nuits étaient agitées, son cerveau lui dictant de prendre son courage à deux mains pour aller le retrouver. En hommage aux années qu'ils avaient vécu ensemble, bercées d'amour et de promesses. Il lui avait fait du mal, mais elle n'avait jamais eu la rancune vengeresse. Alors, peut-être qu'avec du temps, elle aurait fini par venir le voir... ou pas... La question ne se posait même plus, de toute manière, puisque le destin les avait réuni. "j’comprends même pas pourquoi nous deux c’est fini.". Le visage désormais relevé, elle ouvrit la bouche, mais il continua, la stoppant dans son élan. "Et me réponds pas que c’était pas fait pour marcher, j’suis certain que tu l’penses même pas.". Bon, apparemment ses excuses n'avaient pas suffi. Il n'y croyait pas. Elle non plus, n'y aurait pas cru, quelques années plus tôt, incapable de s'imaginer vivre sa vie sans lui, incapable d'oser penser qu'il la quitterait de la sorte. Et au fond, pire que la colère qui sommeillait en elle, il y avait cette culpabilité : celle de n'avoir réussi à le garder auprès d'elle. Forcément, c'était de sa faute à elle, s'il l'avait quittée ? N'était-elle pas assez belle ? Ou assez intéressante ? Loin de ces bombes atomiques qui gravitaient autour de lui. L'avait-il trompée ? Elle n'en savait rien. Ne voulait pas savoir. Elle se mordit la lèvre, dernière tentative pour retenir les larmes qui menaçaient de couler. Elle n'aimait vraiment pas repenser à ces moments. "j’ai besoin de réponses ely, et t’es la mieux placée pour me les donner à propos d’nous. J’ai besoin d’toi.". Son corps frissonnait, et elle croisa les bras sur sa poitrine, plaquant les pans de sa veste contre son corps. Elle avait froid. Elle était fatiguée, et elle avait trop mangé. Elle prit alors une grande inspiration et, le regard toujours posé sur ses chaussures, lâcha d'une voix brisée : "c'est toi, qui m'a quittée.". Nouveaux frissons et l'unique larme qui dévala sa joue qu'elle essuya du bord de la manche de sa veste. Non. Elle ne pouvait pas pleurer. Pas après cinq ans. Elle s'en était remise. C'est ce dont elle essayait de se persuader. Alors, son regard se releva vers River et elle s'exprima un peu plus clairement. "C'est toi qui t'es éloigné... On n'était plus assez bien pour toi... Je n'étais plus assez bien pour toi...". Grande inspiration alors que parler de tout ça lui semblait presque insurmontable. Et la boule qui grossissait dans sa gorge. "J'comprends que tu souhaites des réponses et j'suis désolée pour toi, ça doit pas être facile comme situation...", commença-t-elle. "mais c'est dur pour nous aussi..."... Evidemment, elle impliquait Maddox et Nia dans ses propos. Leur équilibre avait été chamboulé, rien n'avait été évident après le départ de River. Et si Maddox et Ely semblaient les plus impactés par les changements, Nia n'en demeurait pas moins triste et affectée. Elle semblait juste mieux le gérer. "Je... je sais même pas quoi te dire...", rire nerveux, et ce vent qui la faisait toujours autant frissonner, alors qu'elle crevait d'envie de se jeter dans ses bras. "J'fais plus partie de ta vie, River... on n'est même pas amis... Je... ça fait cinq ans que je t'ai pas vu...". Et ses yeux qui se remplissaient une nouvelle fois de larmes. Sauf que cette fois-ci, ce n'était pas le sol qu'elle regardait, mais bien River. Elle trouva un courage qu'elle ne soupçonnait pas. Peut-être que c'était le moment pour elle d'avoir les mots pour mettre un point final à tout ça. Peut-être que le calvaire prendrait fin ici, à cet instant, après tant de temps ? "Je t'aimais comme une dingue, River... J'aurais pu crever pour toi...", lâcha-t-elle alors, la voix brisée, les larmes dévalant ses joues froides et rosies.