perdus ensemble. (mad)

Juste à l’heure, juste ce qu’il faut. Le point de rendez-vous, toujours le même, son repère à lui, son univers à lui. Les baies, elle est certaine de le retrouver. Mad, encore et toujours. Comme une brèche, comme un contre-temps, foudre qui annonce la tempête, qui se mêle à l’agitation. Le reflet, le miroir de l’âme, le cœur semblable, plongé en lui. Depuis deux ans, il est son autre elle. Depuis deux ans, il semble capable de la comprendre, mieux que personne. La solitude du cœur effacée, face à lui. La solitude du cœur envolée et peut-être qu’il aurait dû être là, toujours. Peut-être qu’il aurait dû être là, bien plus tôt. Parce que t’as pas la sensation d’être un putain de robot, quand t’es avec lui. Parce que t’as pas l’impression qu’il te regarde comme une pierre, un vulgaire cailloux, lui. Aussi durs l’un que l’autre, carapaces solides, indestructibles, pour ne jamais faiblir.
Et parce que vous êtes durs, tous les deux,
Les mots sont balayés, les émotions rejetées,
Tu ne saurais dire ce que tu ressens pour lui, Sofia.
L’histoire est ce qu’elle est, simplement, sans s’attarder sur les signes, sans s’attarder sur les similitudes. L’histoire est ce qu’elle est et ils sont, tous deux, écarquillés dans l’immensité de la vie. Les doigts, longs, fins, tiennent cette clope comme le précieux. Elle termine, rapidement, avant de partir à sa recherche. Il ne lui faut que quelques instants pour le repérer, lui, sa silhouette. La cargaison est là, l’attend, elle aimerait dire que c’est ce qu’il y a de plus intéressant, que c’est uniquement ce qui attire son attention. Elle le dira, sûrement. Pourra le prétendre, assurément. Ton esprit indique le contraire, ton esprit révèle Mad, comme un souffle à son oreille qui répète son nom, comme une mission donnée par les dieux d’être présente à ses côtés. Mad. La louve esquisse un sourire, tout petit, toujours prête à montrer les crocs, toujours prête à attaquer s’il le faut. Il le sait, voit au-delà, parce qu’ils sont les mêmes. Comment tu vas ? Intérêt sincère pour la bête blessée, inquiétude toujours au creux de son cœur à peine perceptible. Elle y tient, plus qu’elle aimerait. Elle y tient, plus qu’elle n’est capable de le montrer.

(c) shining.

que l'on pardonne à la douleur ses plus belles blessures de l'âme car chaque coup portée par l'autre n'est que le reflet incertain d'un malaise bien plus profond. depuis des semaines mad, ton spectre rayonne par sa noirceur indélébile, profané au plus profond du vice par ces gestes quotidiens sous couvert d'un marché bien plus crasseux. tu subis sans poser de question. ton étique personnelle s'est effritée, brûlée au fur et à mesure que les voyages se sont éloignés de la côte atlantique. pirate, brigand sous couvert de rien, juste une seconde main présente au mauvais endroit, au mauvais moment.

cette douleur est toujours là, inerte lorsque ses pensées n'y prête plus attention, mais à jamais ravivée par le moindre pas. la jambe lasse, parfois branlante et cette cicatrice immense que tu n'arbores pas avec confiance. tout est là, gravé en toi comme dans un livre manuscrit, aussi profonde que la pointe de la plume perçante. aucune plainte, aucun sabotage, tu restes fidèle malgré ces affres qui dérangent.

ce matin, tu te trouves trop lent. fatigué moralement, physiquement. un regard jeté vers l'acolyte qui ne tarde pas à se diriger vers le ponton, sortie imminente de ton champ de vision. toi, tu dois rester là, toujours à l'heure pour continuer ce travail qui ne te plait pas. le visage grave, ruiné par le devoir de bien faire.

la même heure, la même date, et elle à l'arrivée. seule vision agréable de cette matinée, ces talons ne tardent pas à frôler le bois vernis de l'entrepôt où vous vous rencontrez, le silence maintenant peint d'une nouvelle teinte fluette à ton attention. ton prénom, mad, envoyé à la volée comme salutation et ton sourire arrogant rejoins le sien, en un peu plus tiré. j'ai pas l'air d'aller bien. sofia ? depuis deux ans, elle a forcément eu le temps de remarquer ses traits ruinés par les flots. tout est là. ajuste-t-il en dirigeant son regard vers les trois males disposées un peu plus loin. tu sais que j'risque ma vie pour toi hein ? l'argument est fiévreux, à peine exagéré pour mieux toucher l'aura de la nymphe.

Comme deux pierres, deux cœurs vides, deux fatalités qui se retrouvent chaque fois. toujours le même lieu, toujours la même heure, routine macabre ayant quelque chose de rassurant. Quelque chose de chaud, malgré la froideur de l’action menée. quelque chose qui te rassure, parce que tout serait bien plus compliqué, si vous deviez vous voir hors de ce port. Parce que tu serais obligée de réfléchir, obligée de te torturer l’esprit, de te remettre en question, si ton âme venait à l’imaginer en d’autres termes, en d’autres circonstances. il ne doit restait que mad, le pion. Que mad, le pantin. Il ne doit rester que la marionnette de la mafia. Mais tout est différent, dans le fond. Tout est différent, parce que cela fait bien longtemps qu’il est devenu plus que cela. Bien longtemps, qu’elle vient davantage pour lui que pour ce qui l’attend ici. t’as toujours une tête de zombie, mad. qu’elle rétorque, ironisant un peu la situation, avec toute l’affection silencieuse qu’elle lui porte. parfaitement faux, son visage est toujours plein de charme, son regard est toujours aussi profond, son aura qui t’enveloppe chaque fois, malgré la noirceur. et ta jambe ? le regard de la louve est plus sérieux, plus préoccupé, parce que le mal est réel. Parce que le mal ronge son être. t’es capable de le sentir, de là où tu es. T’es capable de le sentir, comme connectée à son âme putride.
Un regard jeté sur les malles, le compte y est, comme toujours. pas besoin de vérifier, la confiance qui règne, avec mad. Son partenaire de jeu, son partenaire de crime. Plantée face à lui, les yeux charbonneux croisent les siens quand le sourire s’installe, à ses mots. Des mots appréciés. La promesse d’un sacrifice, pour elle, rien que pour elle. t’exagères un peu, non ? parce que tu doutes bien qu’il soit capable de ça pour toi, sofia. Qu’il tienne à toi au point de bousiller sa mince existence pour tes beaux yeux. T’aimerais, mais t’y crois pas, la motivation est ailleurs. tu sais bien qu’il ne t’arrivera rien… pourquoi ? parce qu’elle tient peut-être trop à lui. à sa manière explosive. Brutale. Violente.

(c) shining.