deviens génial (esteban)

01/ esteban est arrivé aux etats-unis lorsqu'il avait cinq ans, accompagné de sa mère, enceinte,  qui fuyait son petit-ami violent, de sa tante et de sa grande soeur. Il a encore quelques souvenirs avec son père, des souvenirs qui s'effacent au fil du temps, et qu'il ne connait de mémoire que par l'interprétation qu'il en a souvent donné. 02/ la green card, que tant de citoyens du monde rêvent d'obtenir, sa famille ne l'a jamais eu. Esteban vit dans la clandestinité, depuis à peu près toujours. Protégé par le statut daca, Deferred Action for Childhood Arrivals, et son emploi, qu'il s'efforce de garder.  03/ Sa mère, elle a fini par clamser, quatre ans après leur arrivée à new-york. Rupture d'anévrisme, plus rien à faire. C'est leur tante qui a pris en charge esteban et ses soeurs, s'en occupant du mieux qu'elle pouvait, au début. Trois gosses sur les bras, du jour au lendemain. Elle fut vite dépassée et finit par laisser tomber, les laissant livrer à eux-mêmes la plupart du temps.  04/ le crew, la bande, le squad, un groupe de mômes invisibles pour le reste de la société, et pourtant tellement important pour esteban. sa deuxième famille, ses frères et soeurs d'une autre mère. Avec eux, il ne compte pas. Son salaire, c'est le leur aussi, il s'en fiche. Il donne, il partage, il gueule, c'est ensemble ou rien. les mêmes galères, les mêmes embrouilles. c'est pas le monde des bisounours, faut pas croire. ils n'ont des anges que la gueule.  05/ des femmes, il en a vu passer, au cours de sa vie. toutes de passage, une nuit, quelques jours, des semaines, jamais plus. il a pas l'temps, pas l'envie de s'investir, le corps vagabond, il préfère ne pas se poser. et puis il y a eu mia. mia le cliché, mia la gosse de riche et son caractère de merde. avec elle, il y a quelque chose de différent. une relation électrique. un manque quand elle s'en va, l'envie de la rappeler, et puis cette migraine quand elle est là, l'envie de lui dire de foutre le camp. l'envie de tout gâcher. elle lui fait tourner la tête, chaque fois qu'elle pose les yeux sur lui, mais il refuse de lui appartenir. cette fois, il a peut-être vraiment tout gâché. plus de nouvelles, silence radio, depuis des semaines. 06/esteban, il est calme, quand on l'emmerde pas. il garde tout pour lui, il accumule, jusqu'au jour où il pète les plombs, sans que personne ne comprenne. il n'aime pas s'expliquer, parler de ses émotions, alors il crie, il provoque, il pousse à bout, quitte à aller trop loin dans ses mots et ses gestes. 07/esteban est le genre de personne persuadée de toujours avoir raison. à ses yeux, ses opinions et ses décisions sont toujours les meilleures. les autres ne peuvent qu'avoir tort, lui est dans le vrai, peu importe la situation. et il ne se prive pas pour le leur faire remarquer, pour essayer de les remettre sur ce qu'il imagine être le bon chemin. ça le rend tête à claque, agaçant, mais il ne s'en rend pas vraiment compte. il aime qu'on le suive, qu'on soit d'accord avec lui. 08/carpe diem. il vit au jour le jour, sans penser au lendemain. il ne se projette pas, jamais. dans la rue et les squats, c'est inévitable. l'avenir est incertain, et il préfère ne pas y penser.