((le coeur refroidi) ft caserne

Ton sourire qui s’installe sur ton visage. Tu l’écoutes cette voix, si douce et attristée. Toujours la même. C’est presque toujours sympathique de l’entendre, beaucoup moins de sentir cette peine dans ces mots.  «  madame crain, comment vous allez, c'est une urgence aujourd'hui ? » Tu prends le temps, tu as appris ça avec les autres, et ça te fait plaisir, de laisser ton cœur s’enflammer pour elle, ces maux qui transperce le téléphone.  «  Oui, je vais bien et non je ne suis toujours pas mariée … je vous ai dit votre fils trouvera quelqu’un, mais pas moi, ce n’est pas fait pour moi. » Le rictus figé sur ton minois, ce n’est pas ton obsession les robes blanches, t’as jamais aimé cette idée d’appartenance. Tu préfères le plaisir charnel, sans attachement, sans le cœur qui frappe si fort que tu finis par souffrir, bien trop. T’es pas une petite fille, loin de toi l’envie de donner ta vie sur le champ de bataille de cet univers marital, détruit sous tes yeux par tes géniteurs, ruinant toute chance d’une vie de famille formidable. Laborieuse, insécurisante, c’était ça ta vie gosse, sans tes aînés, tu ne sais pas où tu serais, peut être pas là, en sécurité, dans cette famille qu’est la caserne pour toi. «  Bonne journée et surtout ne rappelait pas, vous le savez. » Tu ris un peu , amusée.  « exactement, une ligne d’urgence. » Tu le sais, le téléphone retentira pour, pour tes collègues avec cette dernière au bout du fils, parlant d’un fils absent, complétement marié à son boulot, l’oubliant, elle. Comment il réussissait ce tour de passe-passe ? Toi, tu ne parvenais pas à l’oublier le déchet coucher sur le canapé, t’as essayé, mais t’as toujours cette maudite pensée pour elle, qui te ramène à la raison. L’ambiance est lourde d’un coup, le téléphone privé de la caserne qui sonne, le cœur serré alors que tu ne sais rien, tes opales savent sans doute juste déterminer l’urgence de la situation. Un homme à terre. Une femme, l’ambulancière Jenny. Une balle en plein cœur. Tu n’arrives plus à songer, contemplant le visage crispé du chef, des hommes de la caserne, tous silencieux, cessant de rire, de vivre. Une ambulance partie quelques minutes plutôt, tout alla trop vite, coup de feu. Tu restes stoïque, ne sachant trop où regard, que faire. Et comme pour tout homme blessé, c’est la famille qui se retrouve à l’hôpital, les larmes aux yeux, t’es pas sure d’avoir ressenti cette peur auparavant, d’avoir autant éprouvé de tristesse, pourtant t’as été confronté à tant de chaos dans ta vie. Les appels détournés, ces derniers pris par une autre caserne, tout le monde part en camion, dans un silence des plus lourds, sans doute dans une attente qui finira par mettre à terre chaque personne. L’arrivée à l’hôpital et d’une petite chance, il n’y avait plus rien. Le chef secouant la tête, le capitaine faisant de même, t’es silencieuse, troublée dans cette foule, dans ce petit coin, qui te donne un moment de sécurité, les larmes glissant sur ton visage, sans réalisé que tu ne la reverras pas, comme tout le monde.  

l'esprit en suspension, elle est en plein rangement aspen. l'esprit en déconnexion, elle ne prête pas tant que ça intérêt à ce qui se passe autour d'elle. dans sa tête, elle est déjà ailleurs, à mille lieux d'ici. parce que pour l'heure, rien ne nécessite une concentration extrême. rien ne nécessite qu'elle soit dans le coup, sur le qui vive. alors elle vaque à ses occupations aspen. n'entend que les échos de la voix de azela, au bout du fil avec quelqu'un qu'elle ne saurait nommer. en tout cas, la conversation semble l'amuser. elle a le ton gai la jeune femme et c'est sans doute ce qui la frappe le plus. parce que quand elle prend le second appel, c'est une voix blanche qui se fait entendre. et cette fois, elle réagit différemment aspen. tant qu'elle cesse toute activité et que son regard vient percuter la silhouette de la jolie blonde. elle ne sait pas encore de quoi il en retourne, mais elle a un très mauvais pressentiment. sans qu'elle ne sache se l'expliquer, elle s'attend déjà au pire. il y a les collègues autour qui arrêtent, qui eux aussi, arrêtent ce qu'ils étaient en train de faire. l'atmosphère s'alourdit pour une raison qui leur échappe à tous. personne n'ose plus émettre le moindre son. personne ne sait encore rien de ce qui se trame, mais tout le monde semble comprendre qu'il y a urgence. la fatalité est en approche et elle ne tardera pas à tous les assommer. sa respiration qu'elle est à deux doigts de manquer aspen. l'oxygène qu'elle peine à rattraper. ils se regardent tous. les regards se cherchent, s'interrogent, gorgés d'appréhension. et dans chaque paire d'yeux, on peut lire l'incompréhension et la peur. le drame est sous-jacent, et bientôt, il les enterrera tous.
les secondes sont longues et si courtes à la fois. le temps semble se surprendre et reprendre sa course beaucoup trop vite. ils ont perdu toute notion de rythme. aspen la première. et elle ne sait plus comment retrouver pied. elle ne sait plus à quoi se raccrocher. elle ne sait plus ce qui va leur arriver. c'est quand azela repose le combinée qu'elle comprend. c'est quand le chef les regarde tous les uns après les autres, avec cette lueur vide et qui pourtant vaut bien tous les discours, qu'elle comprend. elle a encore frappé. la grande faucheuse, celle qui rôde telle une morte de faim au-dessus de vos têtes perpétuellement. parce qu'elle fait des ravages partout où elle passe. mais aujourd'hui, c'est encore plus difficile que les autres ours. aujourd'hui, ça touche quelqu'un que tu as connu. que vous avez tous connu. de près ou de loin. mais elle était là jenny. souvent là pour seconder, pour aider les blessés à s'en sortir. et si dans sa caboche, les questions se bousculent jusqu'à la renverser, elle n'en dit rien. parce que l'heure n'est plus à ça. il était déjà trop tard pour elle. à cet instant, ils se devaient juste d'être présents. d'être là pour rendre hommage à celle qui avait tant de fois risquer sa vie pour sauver celle des autres. celle qui en avait finalement payé le prix. une héroïne en blouse blanche. c'est ce qu'il te resterait d'elle aspen. ça et son sourire en toute circonstance, celui qui savait ramener la joie partout où elle passait. le silence qui étouffe la caserne est pesant. les pas sont lourds et les esprits affligés. c'est dans cette ambiance de mort qu'ils rejoignent ses camions. azela qu'elle attrape par l'épaule, par soutien, par camaraderie. parce qu'ils sont tous choqués, elle sûrement encore plus. de par sa jeunesse, doublé par le coup de fil que personne n'aimerait avoir à recevoir un jour.
devant l'hôpital, les larmes guettent. n'osant pas sortir. t'es incapable de pleurer aspen, pour une raison qui t'échappe. comme si tu vivais cet évènement en apnée, comme si ce n'était pas toi dans ton propre corps. pourtant, entre ces murs blancs, tout parait beaucoup trop réel. et aspen, elle ne supporte pas les hôpitaux, ça lui rappelle trop de souvenirs. prendre sur soi, garder le cap, ne surtout pas se laisser ensevelir. ce n'est qu'un mauvais moment à passer. encore un, que tu te fustiges toi-même. ça va aller azela. elle chuchote en lui prenant la main, pour partager un peu de sa force. en persuader les autres, pour s'en persuader soi-même.

De temps en temps tu regrettes ton innocence, de quand tu n’étais qu’une gamine, qui n’avait pas idée que le monde était cruel, prêt à dévorer la moindre personne baissant sa garde. T’as envie d’avoir de l’espoir quand tu es dans le camion avec les autres ne pas verser de larme, ne pas rendre cela plus réel que ça ne l’est. Mais t’as le cœur incapable de retenir ces coups de peine, les sentiments qui l’enveloppe sans doute trop puissant, trop lourd,  la kyrielle de question au sujet de ta collègue qui dévore ton esprit. Tu perds pieds et pourtant tu restes forte, aucun sourire sur ton visage, tu n’y parviens pas. Mais il est solaire, comme à son habitude, tes opales en disent long sur ton état, sur ce qui se passe pour ton myocarde transpercé d’un long couteau. Puis le couperet qui tombe sur toute la caserne, l’atmosphère est encore plus lourd, encore plus terrible, plongé dans la pénombre du deuil, tu ne te sens pas en trop ici. C’est ta famille, une famille qui déborde d’un amour si brut et pur à la fois. Battements de cœur les uns après les autres qui te terrasse, laissant ton échine se courber contre le mur, les larmes qui saccagent ton visage. Tu essayes d’être forte, mais t’as une boule au ventre, incapable de la faire disparaître. Tu aimerais juste comprendre, t’aimerais juste réussir à savoir pourquoi ce genre de chose arrive. Ces hommes et femmes, les tiens qui se battent pour le bien être des autres, finissant déjà à terre par le feu, alors si les âmes en mal de sécurité et de soin commençaient à faire cela, tu ne savais pas comment ça allait finir. La chaleur de la main d’Aspen s’instaurant dans la tienne, t’as comme le souffle coupé, reniflant et lâchant un peu plus de larme. T’étais pas prête princesse, pas prête pour tant de violence, tu pensais avoir combattu des monstres, mais t’avais jamais compris qu’il y aurait de nouveau combat dans ta vie. Tes opales pourtant courageuses en temps normal fuient celles de la brune, déglutinant en fixant le mur bien trop blanc pour cette noirceur qui guette le monde à ton goût. Owen parlant de la botte, cette fameuse botte que tu n’avais pas encore croisé durant ta période de boulot dans la caserne, tu n’allais pas t’en plaindre.  Tu songes même pas à ce que tu pourrais donner, à ce que tu pourrais faire, tu t’en contrefiche, car t’as le cœur sur la main, t’imagine ce que tu vivrais comme terreur si c’était lali qui était emportée ainsi, mais cette idée bien trop noir tu la chassas presque aussitôt. A pleurer, t’as la tête qui va exploser, t’essayes de te reprendre en soufflant petit à petit, en restant toujours dans ton coin, gardant bien au chaud la main d’aspen dans la tienne. Les mots de Izoen te fait à nouveau percevoir une nouvelle facette de sa personnalité, tu le vois qu’il est en train de craquer, chercher un moyen de fuir pour ne pas affronter tous les sentiments qui peuvent l’étouffer.  «  Je sais que c’est dur, de perdre un membre de notre famille, mais vous savez aussi qu’il faut que la caserne réouvre ses portes et tournes pour les biens de notre communauté. » Que souffle avec élégance le chef, toi dans ta tête, t’es pas sûre de pouvoir reprendre le boulot, de suite et pourtant, tu le sais ils sont tous courageux. D’un coup tu te sens trop faible pour ce métier et si dans le fond tu visais un monde qui te détruirais, les doutes faisant pâlir tes songes. Les opales affrontant Aspen avec un sourire timide. «  tu vas bien ?   » les inquiétudes pour les autres, elle avait l’air forte, elle se retenait peut-être de craquer, plus forte que toi, elle en avait vu d’autre sans nul doute et rien que cette idée brisée ton myocarde. Temps de rentrer, de reprendre le boulot, mais vous allez parler, vous installer à table, dans un silence de plomb sans nul doute ?


@Aspen Templeton @Owen Swaguer @izoën fields  

être pompier, c'est accepter de côtoyer la mort de près.
c'est accepter de se confronter à la douleur et à la souffrance humaine.
c'est accepter de regarder en face des âmes en décomposition, forcée par un destin égoïste.
et une fois de plus, la mort avait frappé. emportant avec elle les sourires et les rires d'une jeune femme qui avait encore la vie devant elle. qui avait un avenir à construire, un futur à réussir. une jeune femme qui aurait inondé d'amour et de bienveillance tous ceux qui, à elle, se seraient frotté. parce qu'elle avait les traits de l'innocence. la douceur comme seconde peau en toutes circonstances.
elle était un modèle à suivre jenny. et elle était malheureusement partie. emmenant dans son sillage les promesses de ce qui leur restait encore à partager. ne leur laissant plus que les souvenirs, à chérir. pour qu'elle ne soit pas partie en vain.
les coups durs se succèdent, mais ne se ressemblent pas. même si l'issue est souvent la même, les situations divergent. et elles touchent chaque pompier de cette caserne d'une manière unique et différente.
parce qu'ils ont tous leurs casseroles, leur passé et leurs attentes. ils ont tous un coeur qui flanche, plus ou moins facilement. ils ont tous un coeur qui s'épanche, plus ou moins intimement.
azela est la première à craquer. la seule à laisser ses émotions la submerger. quand les plus initiés se content de souffrir en dedans, de taire les pleurs qui menacent. de rester digne, de rester fier. de porter haut les couleurs de leur métier. pour se rappeler de celle qui les avait quitté et ne pas entacher sa mémoire.
parce qu'elle était solaire jenny, plus que n'importe qui ici. et elle aurait assurément détesté les voir s'écrouler. pas ici, pas comme ça.
la route jusqu'à l'hôpital est presque trop silencieuse. chacun choisissant de se retrancher dans ses propres blessures. pour les panser ou les étouffer. parce qu'il y a mille-et-une manières de les appréhender. mille-et-une manières de tenter de s'en débarrasser.
ce sont les mots d'owen qui sont les premiers à percer le silence quand le verdict tombe. trop funeste, trop fatal. personne ne s'y attendait, et pourtant, tout le monde devait y faire face.
les médecins ont fait ce qu'ils pouvaient mais… aucun d'eux ne remettait en cause leur ténacité. sauf qu'à l'image de tous, ils n'étaient pas des superhéros. tous tributaires de leur vulnérabilité et de leurs pouvoirs, malheureusement pas, sans limite.
il faut, on doit faire tourner la botte ce soir, pour… pour sa famille…
les hochements de tête sont les seuls mouvements qu'elle est capable d'opérer. le minimum pour ne pas couler à son tour. pour ne pas s'effondrer et accabler encore plus azela qui avait déjà perdu pied. elle e devait de rester forte, pour lui apporter une présence moins branlante.
puis c'est izoën qui poursuit. c'est toujours éprouvant de perdre l'un des nôtres. vous pouvez être en colère, vous pouvez être dans l'incompréhension, dans le déni, vous pouvez pleurer. chacun vit les choses différemment alors si vous avez besoin de parler à qui que ce soit, au chef, au lieutenant swaguer ou à moi-même, on est là, n'importe quand, d'accord ? je vais voir si l'aumônier est disponible.
elle est effectivement, tout ça à la fois, aspen. et elle n'est sûrement pas la seule. alors elle écoute religieusement les paroles des anciens. parce qu'ils savent de quoi ils parlent mieux que vous, les plus jeunes de l'assemblée. ils en avaient vu d'autres. autant que vous en verriez peut-être dans le futur. quand il était sûr que votre carrière n'était pas finie. et c'est un fin sourire de remerciement qu'elle affiche sur ses lippes. il est bref, mais il est bien là. il masque les pleurs qui menacent, les yeux qui s'embuent.
la main de la jolie blonde qu'elle ne lâche pas. qu'elle presse même par moment pour lui montrer qu'elle est là, et qu'elle ne la lâchera pas. elle préfère s'oublier en soutenant les autres. parce qu'elle sait qu'à l'instant où elle s'épanchera sur ses propres blessures, elle s'écroulera à son tour. et ce n'est pas envisageable. pas ici, pas à la vue de tous.
la caserne doit reprendre du service. on le leur dit et c'est une évidence. ils ne doivent pas se laisser dépasser par leurs émotions, quand c'était monnaie courante dans la carrière qu'ils avaient choisi. et sans doute que s'y remettre serait le meilleur moyen de rester concentrer sur quelque chose qui compte, pour éviter de ressasser les épreuves et les pertes.
tu vas bien ? c'est comme si elle percevait son trouble azela. comme si dans leurs mains liées transitaient leurs ressentis. de l'une à l'autre.
autant que la situation le permet. autrement dit non, mais pouvait-elle vraiment y faire quelque chose ?
il fallait désormais repartir, et aspen, elle se sentait chanceler. pas à l'aise entre ces murs immaculés, elle est la première à rebrousser chemin. la première à quitter les lieux. trop vite, beaucoup trop vite.
ce n'était pas que tu ne ressentais rien, loin de là. c'était justement que tu ressentais trop. et que la peine trop longtemps tue était sur le point de t'échapper et de t'exposer. t'as pas envie d'y repenser, t'as pas envie d'en reparler. alors tu fuis, encore.
dehors, elle reprend ses esprits. inspire et expire l'air extérieur. à la recherche d'un souffle de vie. celui qu'on lui avait pris, à jenny.