Brooklyn / follow me to the dark (warston)

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{ follow me to the dark }
crédit/ tumblr ♛  w/ @Nikolaï Warren

Elle lui a fait la promesse de faire attention. La promesse de faire preuve de toutes les précautions. La promesse, aussi, d’éviter autant que possible de le retrouver. Seulement, c’est de plus en plus difficile, de plus en plus compliqué. Elle reçoit des messages, de temps en temps, toujours très brefs en guise de nouvelles, sans en être véritablement. Elle n’a aucune idée de la manière dont il occupe son temps. Elle ne sait pas de quoi sont faites ses journées, ses soirées. Elle ne sait pas ce qu’il fait quand il n’est pas en train de travailler. Et, surtout, elle ne sait pas ce qu’il fait quand il est en train de travailler. Elle a besoin de garder un contact avec lui, un contact réel. Elle ne peut pas se contenter éternellement de quelques vagues nouvelles. Elle a besoin de le voir, besoin de l’entendre, besoin de s’assurer de son état par elle-même.

Le besoin de le retrouver,
incontrôlé,
irréfréné,

Jusqu’à te mettre en danger.

C’est ce soir-là qu’elle a décidé de le rejoindre. Plusieurs jours qu’elle attend, plusieurs jours qu’elle se retient. Elle s’empêche de dépasser cette frontière, celle entre la vie qu’il a dû construire, et celle réelle. Celle qu’il menait, presque, avec elle. Mais c’est trop pour l’âme en peine qui a besoin, vitalement besoin de s’assurer qu’il va bien. Comme elle l’a promis à celui qui détient encore son cœur, elle prend toutes les mesures et les précautions possibles. Elle laisse sa voiture à son appartement pour lui préférer un taxi. Une fois devant l’adresse indiquée par l’inspecteur, la belle paie le chauffeur avant de se retrouver dehors dans la nuit. Son regard d’ébène ne se focalise pas trop longtemps sur les alentours, comme si elle connaissait déjà les lieux, comme si elle en avait l’habitude. Elle monte d’un pas tranquille les marches, use du code délivré par celui qui est désormais locataire. Et elle entre, l’air sereine, dans l’immeuble.

Le cœur qui s’emballe,
à l’idée de le revoir.

Elle ne fait pas attention à l’état dégradé des escaliers, ni aux murs tachés. Ni même aux quatre étages qu’elle doit monter du haut de ses talons aiguilles. Elle est seulement pressée de le retrouver, lui. Quand, enfin, elle arrive devant le numéro de la porte qu’il lui avait précisé, la latina frappe un coup, bref, presque trop délicat. Mais elle est tout de même entendue par le jeune homme puisqu’elle entend des bruits de pas s’approcher. Et la porte s’ouvrir pour le révéler. – Bonsoir Nikolaï. le salue-t-elle, un doux sourire sur les lèvres. Bien plus calme, plus tempérée que la dernière fois qu’ils se sont retrouvés. Elle a repris le contrôle depuis, Isabella. Si ce n’est celui de la situation, ne serait-ce que le sien. Ses opales s’accrochent aux deux saphirs qu’elle a tant espéré revoir, soulagée de le voir bien. Debout, en un seul morceau, entier. C’est bien plus que n’importe quel message qu’il aurait pu envoyer. Pour autant Nikolaï ne semble pas extrêmement heureux de la revoir. Ses prunelles inquiètes la fixent comme s’il se demandait ce qu’elle peut bien faire dans un tel endroit.

Tu n’as rien à faire ici,
tu n’es pas à ta place du tout ici,

Mais tu l’es avec lui.

Comme il l’y invite – ou bien ordonne, elle ne sait pas très bien, l’écorchée vive pénètre dans l’appartement simpliste qui est devenu le sien. Son manteau toujours sur les épaules, ses opales rivées sur les deux lunes effrayées, elle reprend enfin. – J’avais envie de te voir. Il pourrait le prendre comme un caprice. Mais Isabella n’est pas une femme capricieuse, sans doute juste trop difficile à suivre. Elle retire son manteau, mais reste à bonne distance des fenêtres, parfaitement conscience du danger qui l’inquiète. – Non, personne. Je suis venue en taxi. Elle pose le vêtement sur une chaise en bois des plus banales, avant de se retourner à nouveau vers Nikolaï. – Tu me fais visiter ? elle lui demande, l’air de rien. La douceur dans ses jolis iris, elle lui offre un tendre sourire. Heureuse de le voir, simplement. Heureuse de le voir, avec soulagement.

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crédit/ tumblr ♛  w/ @Nikolaï Warren

Il arrive à pas feutrés. Lents, mesurés. La porte vient aussi tout doucement s’entrouvrir, comme s’il avait peur de l’identité de la personne qui se trouve de l’autre côté. Mais, à peine entrebâillée, les deux ex se retrouvent l’un en face de l’autre pour la première fois depuis trop longtemps. Quelques jours sont passés seulement, mais la latina a la sensation que quelque chose a déjà changé. Il ne paraît pas heureux, ni même réellement étonné de la retrouver, juste terriblement inquiet. Comme s’il se demandait, comment elle avait pu oser. Pourtant, il la connaît, Nikolaï. Il sait que tu es incapable de rester éloignée, incapable de le laisser seul se mesurer au danger. Il sait que t’as ce besoin viscéral de tout contrôler, tout maîtriser. Mais, peut-être ce qu’il ignore, c’est le besoin encore plus vital que t’as de le protéger. Protéger les siens, c’est ce qu’elle a fait toute sa vie, Isabella, c’est ce qu’elle sait le mieux faire. Quitte à se retrouver elle-même prise au piège. Elle donnerait son existence entière, pour ceux qu’elle aime. Nul doute qu’il lui devient de ce fait instinctif d’être ici, face à lui, en dépit de tous les risques.

Car le seul risque que tu n’es pas prête à prendre,
c’est de le laisser seul dans le pire moment.

Peut-être qu’il se doutait qu’elle viendrait, justement, car il la connaît. Il devait bien imaginer, en lui donnant lui-même cette nouvelle adresse et toutes les informations qui vont avec, le risque qu’il prenait de la voir débarquer. Il le savait, mais peut-être ne l’espérait-il pas, pour sa sécurité. Il lui a demandé tant de fois de rester à distance. Mais l’âme torturée, aussi douce soit-elle, est aussi déterminée qu’elle est coriace. La panique maîtrisée, quelques cachets ingérés, la voilà prête à l’affronter. Prête, surtout, à le retrouver. Elle n’a plus rien de la femme à bout de nerfs qui le suppliait de ne pas l’écarter. Elle est là, élégante, céleste, raffinée. Aussi belle qu’elle l’a toujours été. Nikolaï, lui, semble bien plus apeuré. Il la fait entrer très vite, comme s’il redoutait que quelqu’un les surprenne sur le perron. Mais il lui fait aussitôt savoir qu’elle n’aurait pas dû venir jusqu’à cet appartement. Jusqu’à lui. Il lui a offert des accueils plus chaleureux mais elle entre sans rien dire. Juste heureuse de le revoir, heureuse de constater qu’il est dans un bon état. Physiquement, tout du moins, pour le reste elle ne sait pas. Pas encore.

Tu sens la tension dans la pièce,
un parfum d’angoisse dans l’atmosphère.

Il ne met pas longtemps, Nikolaï, à lui faire remarquer combien sa présence est risquée. Elle s’y attendait, elle n’est pas étonnée. Juste un peu titillée par l’impression qu’il peut lui donner, comme si elle était une femme imprudente, comme si elle était une femme inconsciente. Peut-être, un peu, peut-être plus qu’elle ne le croit en tout cas. Car elle a toujours eu le sentiment, au contraire, d’être trop réfléchie, trop raisonnée. Omettant qu’elle oublie sans doute toute sa raison quand elle choisit d’aimer. Mais, d’une voix tendre et patiente, la jeune femme tente de le rassurer. Lui faire comprendre qu’il n’a pas à s’inquiéter. Ses opales ne le quittent pas, tandis qu’il se dirige vers la fenêtre, comme pour s’assurer que personne n’est là pour les espionner. Il aurait préféré qu’elle se contente d’un appel, de quelques nouvelles. – Je crois que j’ai bien fait de venir au contraire. fait-elle remarquer alors qu’il surveille toujours la fenêtre. Elle ne l’a jamais vu aussi effrayé, pas même quand il était en danger à cause de son ex. Une fois les stores fermés, il finit par se rapprocher à nouveau d’elle. Sur un ton presque trop léger, à côté de lui, la belle lui propose de lui faire visiter l’endroit où il a élu domicile. Mais il refuse aussitôt dans un soupir.

ô Nikolaï,
elle s’inquiète déjà pour toi.

Il a l’air angoissé, les nerfs à vif. Sur le qui-vive. Comme si la situation s’était inversée, soudainement, et que c’était à elle de le calmer. L’écorchée vive avance vers lui à son tour, la mine préoccupée, les prunelles focalisées. – Je vais bien. Mieux que la dernière fois. lui confie-t-elle, la voix à peine assurée. Elle ne sait pas ce qui lui a pris, ce soir-là, elle n’était plus elle-même. Elle n’était plus que cette femme paniquée, angoissée comme jamais. – C’est pour toi que je m’inquiète en ce moment. Tu as l’air… tendu. avoue-t-elle alors que, désormais à sa hauteur, elle glisse sa main contre son visage fatigué. – Comment tu vas, Nikolaï ? Et, cette fois, elle ne se contentera pas d’un « tout va bien », ou d’un « ne t’en fais pas ». Cette fois, il ne pourra pas lui mentir, parce qu’elle est là. Là, avec lui, toute son attention portée sur lui et seulement sur lui.

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Il règne dans la pièce, une drôle d’atmosphère, faite de tensions et de craintes. Retrouver Nikolaï lui procure pourtant un soulagement intense. Le voir entier, dans un seul morceau, c’est la raison précise de sa présence. L’âme torturée avait besoin de s’assurer par elle-même que tout va bien. Que, lui, il va bien. Mais si elle a la confirmation physique, c’est bien différent en ce qui concerne son moral. Malgré elle, Isabella ne peut que constater qu’il semble aller mal. Sur le qui-vive, il paraît sous tension, comme s’il redoutait la moindre intrusion. Même la sienne, il la refusait. Peut-être lui en veut-il un peu, d’ailleurs, d’avoir pris le risque de venir le retrouver. Il se charge très vite de vérifier que personne ne se trouve, dans la rue, en train de les épier. Et ferme les stores pour mieux s’en cacher. Pour autant, l’inspecteur ne lui fait pas la leçon, ni aucun sermon.

Comme s’il savait, au fond, que tu viendrais,
qu’il te connaît trop bien pour ne pas y avoir pensé.

Elle l’observe, sans un mot, agir avec la peur paranoïaque que quelqu’un les surprenne. Elle l’observe, toujours dans le plus grand silence, lui refuser une visite dans ce lieu qu’il semble avoir en horreur. Il est non seulement anxieux, Nikolaï, non seulement effrayé… mais il a l’air aussi éreinté. Fatigué, lassé, déprimé comme il le fait lui-même remarquer. La belle laisse son regard ébène se poser sur les alentours, le salon somme toute banal, meublé du strict nécessaire. Peut-être aurait-elle dû penser à lui emmener quelques objets pour rendre les lieux plus personnels. Ou peut-être que c’est volontaire. Peut-être qu’il n’est pas censé s’attacher à cet endroit, à cette vie. Peut-être que tout est fait pour lui rappeler qu’il ne doit pas s’acclimater à une vie qui n’est pas la sienne. Un monde qui n’est pas le sien. – Il n’est pas si terrible. lui fait-elle remarquer de sa douceur habituelle. Elle ne jugera pas l’insalubrité de l’immeuble, ni le manque de chaleur de sa demeure. Elle n’y accorde aucune importance, Isabella. Tout ce qui compte, c’est qu’il soit là.

Et cette fois,

tu lui épargneras,
la panique et la peur,
tu lui épargneras,
ton cœur noyé dans la terreur.

Au fond d’elle, la latina a toujours très peur pour lui. Ses frayeurs ne se sont pas évaporées, elles sont toujours bien ancrées. Mais elle a appris à les canaliser, pour mieux les maîtriser. Elle continue aussi de prendre ces cachets pour la calmer, seulement cela, elle ne peut pas lui en parler. Il s’inquiéterait beaucoup trop alors que c’est sur lui, en ce moment, qu’ils doivent se focaliser. Pour mieux le rassurer, la tourmentée lui fait alors savoir qu’elle va mieux, ce qu’il a lui-même remarqué. – J’étais… pratiquement hystérique, la dernière fois. admet-elle en secouant fébrilement la tête, comme gênée de se remémorer une panique pareille. Mais elle oublie vite son embarras quand il lui confie qu’il est heureux de la revoir. Plus fort encore, il en avait besoin… besoin de la voir. Son cœur se serre sous l’émotion alors qu’elle le contemple toujours de ses grands yeux noirs. – Je suis contente que tu l’admettes. Et, surtout, elle est là. Là pour lui. Là jusqu’à la fin de la nuit.

Tu ne bougeras pas, Isa,
tu veilleras.

Elle se rapproche un peu plus de lui, à la recherche d’un contexte presque trop intime. Ils ne sont plus ensemble, ils ne sont plus censés être rien. Mais il ne sera jamais rien. La preuve étant, ce soir elle a eu besoin de le rejoindre. Sa main contre sa joue, elle le fixe toujours d’un air préoccupé, comme si elle tentait de lire à travers lui tout ce qu’il refuse de dire. Retrouver la chaleur de sa peau lui fait du bien, elle reste toujours très proche de lui, un peu trop proche peut-être bien. Il a beau prétendre, il a beau le répéter, elle est loin d’être rassurée. – Tu répètes beaucoup trop que tu vas bien pour que je puisse le croire. affirme-t-elle, la voix tendre, pourtant implacable. Sa main glisse contre la sienne pour lier leurs doigts. Et, dans ces deux grands océans, trop facilement, elle se noie. – Il ne suffit pas de respirer pour aller bien, et tu le sais. Elle, ne s’en contentera pas. Elle veut le voir détendu, elle veut le voir sourire, elle veut le voir vivant. – Non, merci mais… toi, je t’en prie. Tu as mangé, au moins ? Elle refuse le verre proposé, mais accepte de le suivre jusqu’au salon. Elle s’installe sur le canapé défraîchi, le corps tourné vers lui, les prunelles ancrées dans ses iris. – Tu es fatigué, tu disais ? Tu dors comme il faut ? demande-t-elle, bienveillante, alors que sa main se pose sur le bras de son ex. Elle remonte jusqu’à sa nuque, pour le caresser avec tendresse. – Un massage, ça te dirait ? Elle n’est pas venue pour l’angoisser davantage, pas cette fois. Elle veut l’apaiser, le relaxer. Lui faire oublier, peut-être, comme elle peut tout ce qui arrive. Elle veut seulement être là pour lui.

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crédit/ tumblr ♛  w/ @Nikolaï Warren

Elle sait qu’il y a une partie de lui, même infime, qui est heureuse de la voir. Elle le sait, Isabella. Parce qu’il aurait toutes les raisons du monde de l’envoyer balader. Il pourrait la rejeter, l’engueuler même, des risques occasionnés. Pour son enquête mais aussi pour sa sécurité. Pour leur sécurité à tous les deux, il pourrait la repousser. Il pourrait lui rappeler qu’ils ne forment plus le couple qu’ils étaient. Plus depuis qu’elle a choisi de partir en lui arrachant le cœur.Il aurait pu, tout bonnement, lui taire l’adresse de cette nouvelle demeure. C’était ce qu’il aurait fait, s’il ne voulait pas de sa présence à ses côtés. C’est ce qu’il aurait fait, s’il ne voulait pas d’elle, à ses côtés.

Retrouver le temps d’une soirée,
les effluves de votre amour tourmenté.

Elle a bien conscience de l’état dans lequel il se trouve. Il paraît si nerveux et, en même temps, tellement perdu. Comme si ses nerfs ne tenaient plus. Comme si son équilibre ne tenait plus qu’à un fil. Il est, comme elle l’était, quelques jours plus tôt. À la différence qu’il ne réagit pas en paniquant, Nikolaï, plutôt en se refermant. Qui aurait cru que ce serait elle, celle qui extériorise toutes ses émotions pendant que lui continue de prétendre qu’il va bien ? Qui aurait cru qu’elle puisse être, des deux, celle qui perd son sang-froid ? Celle qui se met dans tous ses états ? D’ordinaire, c’est lui le plus impulsif des deux. Lui qui dit tout ce qu’il pense au moment où il le pense tandis qu’elle, au contraire, a tendance à se replier sur elle-même. Elle ne sait toujours pas comment elle a pu craquer à ce point ce soir-là. La peur de le perdre l’a rendue folle, Isabella. L’inspecteur, de son côté, lui assure avec un calme plus ou moins feint ce qu’il pense de cet appartement. Clairement pas l’endroit où il rêve de passer son temps. – Tu ne vas pas rester ici éternellement… tu vas retrouver ta maison, Nikolaï. Sa maison, son travail, sa famille. Il retrouvera toute sa vie.

Et quelque part dans tout ça,
y’a toi,
toi qui ne sais pas où te placer,
toi qui ne sais que l’aimer.

Elle n’est sans doute pas à la hauteur. Pas à sa hauteur. Il fait preuve d’une patience considérable mais, surtout, d’une foi inébranlable. Prêt à espérer en leur amour plus que tout quand elle s’y refuse, prêt à l’attendre quand elle ne veut plus y croire. Il est parfait, Nikolaï, et toi, tu es si imparfaite. Bourrée de complexes autant que les cachets que tu avales. Tu vous fais tant de mal. Et, pendant, ce temps, il continue de te fixer avec cet air trop amoureux, cette tête encore inquiète. Elle se sait écorchée, Isabella, lui aussi le sait. Il y a déjà un moment qu’elle n’essaie plus de se cacher, avec lui, tout masque envolé. Mais ce n’est pas pour autant qu’il lui est facile d’admettre combien elle s’est montrée fébrile. Combien, au fond, elle est fragile. – Je suis tes conseils. elle lui précise, comme pour le rassurer. Lui effacer une source d’inquiétude supplémentaire alors qu’il ne serait pas en état de l’encaisser. C’est sur lui, uniquement sur lui, qu’il doit se concentrer. Lui qui continue de répéter qu’il va bien quand elle peut facilement voir la réalité. Les ombres violacées, sous ses prunelles fatiguées. Le visage éreinté, autant que le cœur qu’elle a ébranlé.

Elle te le dit pas,
elle en a pas le droit,
mais elle aussi, elle a besoin de toi, Nikolaï.

Toute son attention portée sur l’homme qui fait vibrer son cœur, elle retrouve ce contact qui a si souvent été anodin. Ce contact dont, aujourd’hui, elle a désespérément besoin. Son regard ébène ne le quitte pas un moment, trop préoccupée de perdre ne serait-ce qu’un seul instant. Non réellement persuadée de ses dires, la tourmentée se contente pourtant d’acquiescer. Si ce n’est pas vrai, elle a toute la soirée pour y remédier. Toute la soirée pour le remettre en état. Il l’entraîne jusqu’au salon, et elle se laisse faire, la latina. – J’aurais dû t’emmener un plat. constate-t-elle, presque pour elle-même. Comme si elle s’en voulait, de ne pas y avoir pensé. Elle imagine sans mal l’alimentation qu’il doit avoir ces temps-ci. Rien que d’y penser, elle en a le vertige. Mais elle n’insiste pas sur le dîner, pas tout de suite, elle a surtout la sensation qu’il doit se reposer. Il ne met d’ailleurs pas longtemps à avouer qu’il a le sommeil agité. Elle s’en serait doutée. – Alors, vois cette soirée comme l’occasion de te mettre sur pause, d’accord ? elle lui propose, la voix doucereuse, sa main glissant contre son corps.

L’intimité jamais partie,
revient beaucoup trop vite.

Elle n’est pas obligée de faire ça. Non, en vérité, elle ne devrait même pas. À prêcher le chaud et le froid, elle ne sait plus elle-même ce qu’ils représentent encore. Ce qu’ils sont aujourd’hui l’un pour l’autre. Mais, Nikolaï, elle l’aime, elle l’aime si fort. Trop fort pour le laisser dans cet état sans réagir. Ce massage, elle en a envie, ne serait-ce que pour se sentir un peu moins inutile. – Je ne m’oblige à rien du tout. déclare-t-elle sur le même ton, dans un murmure à peine chuchoté, alors que ses prunelles se noient toujours dans ces pupilles azurées. Quelque chose dans son regard semble le faire céder. Et le voilà, prêt à accepter. – Tourne-toi. lui demande-t-elle avant de s’approcher un peu plus de son corps. Une fois ses mains posées sur ses épaules, elle commence à le masser, par-dessus les tissus, dans un premier temps. Mais ils commencent vite à la gêner, la poussant à s’aventurer dessous instinctivement. Le silence se fait plus apaisant alors qu’elle le masse délicatement, presque trop, comme effrayée de le blesser. Elle sent à quel point il est noué, alors elle y va doucement, Isa. Elle ne veut surtout pas lui faire du mal. Au bout de quelques secondes, il avoue qu’il risque de s’endormir, ce qui la fait timidement sourire. – Si tu veux t’allonger, cela ne me dérange pas. lui assure-t-elle en descendant tendrement de part et d’autre le long de son dos. Elle retrouve la sensation agréable, si douce, de ses doigts qui glissent contre sa peau. Cela fait longtemps… si longtemps.

Et comme s’il lisait dans tes pensées,
il vient t’avouer,
combien tu peux lui manquer.

Elle ne sait pas si c’est à cause de la distance, à cause de son travail. Ou à cause de cette rupture si brutale. Elle ne sait pas combien elle peut lui manquer. Cela fait partie des choses qu’ils ont refusé de s’avouer. – Mais je suis là… elle est là, ce soir, elle reste là. Elle ne bouge pas. – Je ne bouge pas. Il peut se détendre, elle ne bouge pas. Elle veillera sur lui, Isabella, aussi longtemps qu’il le faudra.[/i]

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crédit/ tumblr ♛  w/ @Nikolaï Warren

Leur relation est devenue brumeuse, comme enfoncée dans un brouillard dont ils n’arrivent pas à s’échapper. Il y a toujours l’amour, inextricablement, qu’elle éprouve dans chaque parcelle de son être, l’amour qui semble glisser en elle comme l’hémoglobine coule dans ses veines. Fluide vital qui risque, à tout moment de lui être fatal. Ce sont toutes ces questions sans réponse, toutes ces appréhensions, toutes ces peurs dont ils ne sauraient se détourner, mais sur lesquelles un voile a été posé. Momentanément, comme s’ils se retrouvaient soudain hors du temps. Mais c’est peut-être le cas, avec ce que vit Nikolaï depuis plusieurs jours déjà. Elle a la sensation que rien ne compte, en ce moment, rien hormis de le savoir vivant. C’est un peu comme si elle était parvenue à mettre tout ce qui les oppose de côté pour se rappeler, Isabella, pour se se souvenir combien ils peuvent s’aimer. Ce qui lui paraît si difficile au quotidien, quand elle laisse ses tourments prendre le pas sur ses sentiments, lui vient tellement instinctivement. Car elle a toujours été comme cela, Isa, en fuite face au bonheur. C’est dans la souffrance qu’elle sait le mieux écouter son cœur. Dans le malheur qu’elle cède à son cœur. Lui ne la repousse pas, malgré toutes les raisons qu’il a de le faire, il la garde auprès de lui. Comme s’il en avait besoin lui aussi. C’est même ce qu’il lui confie avant de dévoiler un peu plus son ressenti. La situation est loin d’être facile, sa vie lui manque, évidemment. C’est même là sans doute quelque chose de rassurant. – J’imagine que c’est bon signe. Ta vie de criminel ne te manquera pas. déclare-t-elle avec un faible sourire sur les lèvres. Elle n’a pas une idée précise de la manière dont il occupe son temps, ce qu’il fait pour s’immiscer dans ces affaires criminelles. Elle a envie de le savoir, bien sûr, mais elle ne veut pas l’assaillir de questions. Elle n’est pas venue pour le mettre encore plus sous tension.

Ce que tu veux, avant tout, c’est être là pour l’être aimé.,
Comme lui a su l’être chaque fois que t’avais besoin de lui à tes côtés.

Elle s’en veut presque, la latina, de ne lui avoir pas amené ne serait-ce qu’un simple plat. De ne pas avoir fait quoi que ce soit qui aurait pu alléger un peu la vie de Nikolaï. Elle était si pressée de le rejoindre, en vérité, qu’elle n’y a pas pensé. Elle voulait seulement le retrouver. Sa capacité à le materner a toutefois le mérite de faire sourire l’inspecteur… le premier sourire qu’il lui offre depuis qu’elle a rejoint sa demeure. Soulagée de le voir, celui-là, elle a l’impression d’un peu mieux le retrouver. Et, à son tour, elle laisse un sourire se dessiner sur son doux visage tourmenté. – Rassure-toi, je suis loin de penser à toi comme à un enfant. laisse-t-elle échapper avant de détourner son regard ébène de ces deux perles bleutées qui vont finir par la déstabiliser. Installée auprès de lui, après son alimentation, c’est à son sommeil qu’elle s’intéresse. Les attentions elles aussi reviennent, naturelles, délicates caresses. Il ne semble pas persuadé de pouvoir lâcher prise, même pour une seule soirée. Mais Isa, elle se promet de l’aider à y arriver. C’est dans cette optique qu’elle lui fait la proposition de le masser. Plutôt facilement, le massage est accepté, Nikolaï ne semble pas décidé à la repousser. Se rapprochant de lui, la jeune femme s’exécute aussitôt, laissant ses doigts glisser contre son dos. D’abord au-dessus du tissu, elle finit pourtant bien vite à se glisser en dessous. Retrouver le contact avec sa peau, la douceur qu’elle redécouvre, ne la laisse pas indifférente. Elle sent son cœur accélérer ses battements. Mais elle ne dit rien, Isabella, tout autant que lui. Ils se plongent dans ce silence apaisant, retrouvant la sérénité d’antan.

Tu oublies tout ce qui vous sépare,
il n’y a rien d’autre qui compte ce soir.

Pour qu’il puisse entièrement se relaxer, elle finit même par lui proposer de s’allonger. Elle joue avec le feu, Isa, mais elle ne le voit même pas. C’est quand elle le voit retirer son tee-shirt avant de s’exécuter qu’elle sent un faible trouble la submerger. Elle hésite un bref instant, mais la petitesse du canapé ne lui laisse pas beaucoup le choix. Elle se mord la lèvre inférieure avant de laisser glisser ses escarpins pour s’installer au-dessus de Nikolaï. Il y a longtemps qu’ils n’ont pas été aussi proches, depuis… depuis son anniversaire. Mais elle était sous l’effet de l’alcool cette nuit-là. Ce soir, ce n’est pas le cas. Seulement elle veut faire abstraction du trouble qui l’anime pour mieux se concentrer sur lui. Elle sent combien son dos est noué, combien il prend l’angoisse qu’il ne doit sûrement pas pouvoir extérioriser. Elle sait parfaitement ce que c’est, l’écorchée vive a le corps tout aussi facilement chamboulé. Avec patience et délicatesse, elle tente de dénouer ces boules d’angoisse matérialisées si clairement sur ce corps qu’elle aime tant. Elle est concentrée sur sa tâche quand il décide de briser le silence installé. Ses mots lui serrent le cœur sans qu’elle ne puisse le contrôler. Elle non plus, n’a pas envie de s’en aller. Elle non plus, n’a pas envie de le laisser… surtout pas avec ce qui est en train de se passer. – N’y pense pas pour le moment… Elle pourrait tout aussi bien rester… Mais c’est là un caprice, elle le sait. Ce n’est pas dans ses habitudes, d’ordinaire, elle est capable de se contrôler. Mais elle redoute déjà le moment où elle partira. Elle essaie seulement de ne pas y penser, Isa. Savourer ce moment rien qu’à ses côtés. – Tu avais des nœuds partout dans le dos… lui répond-elle sans cesser de le masser. Elle glisse ses doigts fins le long de son dos, un peu plus fortement maintenant qu’elle le sent plus détendu. Mais ses gestes deviennent un peu moins affirmés quand il tourne la tête pour plonger son océan dans ses prunelles trop facilement noyées. Elle le contemple, le regard empli de tout l’amour qu’elle a pour lui. – Tu n’as pas à me remercier… je le voulais aussi. Sûrement plus que lui, même. Car elle n’avait pas peur des retombées autant que l’inspecteur. Il veut qu’elle lui parle de sa journée… peut-être pour lui faire oublier son propre quotidien, peut-elle supposer. Son propre temps n’est pas forcément le plus réjouissant, mais elle pense naturellement à ceux qui illuminent sa vie. – Aujourd’hui, Peyton m’a dit qu’elle voulait tout arrêter pour devenir astronaute. elle laisse un tendre sourire se dessiner sur ses lippes. Et continue inlassablement de le masser. – Puis, après, elle m’a dit qu’elle voulait m’emmener faire une retraite bouddhiste. Oui, elle, Isabella, faire une retraite bouddhiste. Mais sa sœur a eu le mérite de la faire rire. Pas souvent qu’elle rit, la belle, en ce moment. Trop ancrée dans ses tourments.