fantôme amnésique (silene)

tu n'en crois pas tes yeux, gamine. tu restes immobile sur le passage piéton, les souvenirs affluent pour te donner le tournis. ce visage que t'es capable de reconnaître entre mille autres ; tu te revois à ses côtés quand tes fesses touchaient encore les bancs de l'école. l'époque où ton unique but était de faire de longues études, tu te voyais déjà à harvard devant ton professeur de droit. c'est sans doute pour ça que tu voulais la compagnie des plus âgés que toi, t'avais trouvé silene et ta vie n'en était que plus agréable. un pilier dans l'école. puis elle a disparu. du jour au lendemain tu n'as plus vu son doux visage, vos conversations se sont évanouies dans les couloirs de l'école, le son de sa voix est devenu si lointain pour toi que tu l'as oublié. mais pas son regard, pas les traits de son visage. eux sont gravés dans ta mémoire.
alors tu te retournes, les voitures s'arrêtent devant toi. les conducteurs énervés usent de noms d'oiseaux pour espérer te faire bouger du passage piéton. mais tu les écoutes à peine, gamine. tes yeux suivent les pas de ton ancienne amie disparue. et tu te lances à sa poursuite sans faire plus attention à la circulation ; seule la jeune femme compte à présent, tu veux la rattraper, revoir une nouvelle fois son sourire. et rapidement ta main encercle son poignet pour l'obliger à s'arrêter. « silene ? » ton cœur bat peut-être un peu trop rapidement, la sensation désagréable qu'il est à deux doigts de s'arracher de ta cage thoracique pour s'échouer sur le sol. « mais t'étais passée où pendant tout ce temps ? » tu veux des réponses, t'as besoin de réponses.

i'll be lying awake counting all the mistakes i've made, replaying fights. i know i'll be alright, but i'm not tonight, cause i lost a friend. -- @perle nour

L’esprit dans le vague, resté sur ce plateau de télévision, bloqué dans les plans les plus malsains dans lesquels elle se perd un peu plus chaque jour. Seule chose qu’elle sait faire, pourtant. Seule chose qu’elle sait faire, seul talent qu’elle possède, la manipulation comme art de vivre. Comme unique manière de se protéger du monde. Parce que c’est ce que tu fais, Silene, t’abuses des autres pour ne plus jamais être abusée. Son esprit est resté là-bas, alors qu’elle déambule dans les rues du Queens, ressentant les derniers rayons de soleil frapper sa peau. Jusqu’à ce qu’une main vienne accrocher son poignet, qu’une voix s’insinue en elle, une voix qu’elle reconnaîtrait entre mille. Et ce visage, symbole d’une époque révolue. Ce visage, seule source de bonheur, seule source de douceur, durant l’époque la plus sombre de sa vie. La plus triste. La plus dure. Celle qu’elle tente d’oublier, désespérément. Mais Perle, Perle, jamais elle n’a pu l’oublier. Parce qu’elle était ton petit bébé, ta jolie protégée, la seule capable de t’apaiser, Silene. La sensation qu’elle a toujours sue, d’une manière ou d’une autre, que ta vie était bien plus douloureuse que ce que tu voulais bien montrer. Et elle s’évertuait à te rendre le sourire, à te réchauffer, quand toi tu passais ton temps à la chouchouter. Perle, elle est bien celle qui a été la plus difficile à quitter. Elle y a pourtant été obligée, la laissant derrière elle pour tenter de survivre. - Perle... Sa voix est faible, ses yeux transpercent ceux de son ancienne amie, elle se sent incapable de tout lui dire, de tout avouer. D’ouvrir cette petite boite contenant tes plus lourds secrets, cette petite boite que tu aurais préféré garder bien enterré sous le sable. - Je… C’est bien toi… Le cœur battant, elle réalise qu’elle se trouve bien là, face à elle. Face à cette fille qu’elle a tant aimée, cette amitié perdue. Comment répondre à cette question. Comment faire face à cette question. Incapable, elle en est incapable.

(c) calaveras.

tes yeux sont fixés sur la beauté de son visage, t'as l'impression qu'elle n'a pas du tout changé. c'est comme si tu l'avais quitté seulement hier et pourtant il y a quand même un fossé creusé entre vous. elle a disparu du jour au lendemain en entraînant avec elle la confiance aveugle que tu lui accordais. et même si tu n'as pas envie de tomber dans le jugement tu sais qu'au fond de toi tu lui en veux quand même un peu. de t'avoir abandonné, d'avoir agrandis le trou béant de ta poitrine. tu t'es sentie seule, désemparée. sans plus personne à qui parler, à qui te confier. « c'est bizarre de te revoir. » mais elle n'est pas un mirage, tu n'es pas devenue folle au point de voir des fantômes, gamine. ton ancienne amie est devant tes yeux. tu te mords l'intérieur de la joue, t'attardant à décrypter les émotions sur son visage. « est-ce que tu vas bien ? » parce que c'est le plus important pour toi, au fond. tu es quand même heureuse de la revoir, peut-être trop, peut-être que tu devrais prendre de la distance avec tous les sentiments contraires qui agitent ton cœur. histoire de ne pas être abandonnée une seconde fois. « c'est de la folie, silene ! tu as disparu du jour au lendemain ! » tu te retiens de rajouter que tu l'as même cru morte à un moment. mais tu ne comptes pas la brusquer, tu n'as pas envie de la faire fuir alors qu'elle vient juste de réapparaître dans ta vie. « tu ne vas pas disparaître à nouveau, hein ? » t'as besoin d'être certaine que tu peux à nouveau lui faire confiance, t'as besoin de savoir ce qui t'attends si elle entre à nouveau dans ta vie. t'as besoin de tout savoir, pourquoi elle est partie, pourquoi elle est revenue.

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Tiraillée. Elle est tiraillée entre ce qu’elle ressentait et ce qu’elle ressent à présent. Tiraillée, parce qu’elle a cet amour en elle qui ne disparaît pas, cet amour en elle qui ne s’efface pas. Perle, son petit trésor, celle qu’elle a tant aimée mais qu’elle a abandonné. Paradoxe tragique entre le flux de sentiments et la détresse d’une vie misérable. Ce qu’elle n’a jamais su, la brune. Jamais, parce que c’était elle, la plus jeune. Parce que le rôle de protectrice, c’était Silene qui devait l’assumer. Elle n’a jamais su, parce que l’italienne ne s’est jamais résolue à voir le regard de son bébé changer. C’est ce qu’elle représentait, pour toi, Silene. Et c’est ce qu’elle représente toujours un peu. Ce qu’elle représente dans ton esprit, parce que tu n’as jamais été capable de l’effacer. Jamais été capable d’oublier les beaux moments passés à tes côtés, les seuls qui parvenaient à te redonner le sourire qu’il t’avait volé. - C’est bizarre pour moi aussi… C’est elle, qui s’est envolée, elle en a parfaitement conscience. Parfaitement conscience de ses erreurs, mais elle est bien trop déglinguée pour pouvoir les réparer. Bien trop, et Perle, elle devrait plutôt s’éloigner tout aussi vite d’elle, pour ne pas sa retrouver complètement tachée par sa noirceur. - Je… Oui, et toi ? Ses yeux se plongent dans les siens, comme par instinct de survie. Ses yeux se plongent dans les siens, parce qu’elle ne sait plus vraiment ce que c’est, d’aller bien. Elle ne le sait plus depuis ses seize ans, depuis que sa vie s’est transformée en enfer. Celui duquel elle est devenue la reine. Son enfer. - Je suis désolée… Pour tout ça… Je n’avais pas le choix. Mais non, non, je ne vais pas disparaître à nouveau. C’est différent, aujourd’hui. T’aimerais que ce soit le cas, Silene. T’aimerais vraiment que tout soit différent, mais t’es encore ancrée dans ce passé, dans cette tornade de souffrance. Pourtant, elle a cette sensation, celle que Perle est prête à lui laisser une chance, déjà, et son cœur se met à battre à nouveau. Son cœur bat à nouveau, grâce à elle. Parce qu’elle seule a toujours eu ce pouvoir.

(c) calaveras.

t'es complètement paumée. tes yeux sont plongés dans ceux de ton interlocutrice dans l'espoir d'y trouver les réponses à toutes les questions qui se bousculent dans ta tête. t'as besoin de connaître la raison de cet abandon.
et t'as cette étrange peur qui te tiraille, celle de la voir à nouveau disparaître au coin de la rue. ta vie est partie en fumée en même temps que ton amie a tourné les talons. et aujourd'hui face à elle, t'as honte. parce que tu n'es plus la jeune fille innocente qui rêvait de grandes études. t'as échoué à réaliser tes rêves.
t'es rien d'autre qu'une racoleuse pour un gang violent maintenant. c'est à ça que tu t'es abaissée. à ça et à servir des tas de mensonges à tes proches, tout plutôt qu'admettre que t'es une saloperie de plus sur terre.
mais silene t'as envie de tout lui avouer, tous les problèmes qui pèsent sur tes épaules. sauf que tu sais pas, tu sais plus si tu peux lui faire confiance. t'as pas la preuve réelle qu'elle ne va pas s'enfuir à nouveau, avec tous tes secrets.
« je - ouais je suppose que ça va. mais c'est juste tellement bizarre. je sais pas, silene. tu réapparais comme ça, du jour au lendemain. » mais c'est de ta faute, perle.
tu aurais pu juste tracer ta route, faire semblant de ne pas la remarquer. mais ton regard s'est arrêté sur son doux visage, vos souvenirs se sont bousculés dans ta tête. et t'as pas pu t'en empêcher, tu lui as parlé.
tu fronces les sourcils, t'as envie d'être à nouveau dans sa vie.
t'as envie de connaître son passé, t'as envie de savoir. et même si tu le montres pas t'es inquiète par ses propos. « comment ça t'avais pas le choix ? » t'es la mieux placée pour savoir que parfois les événements sont trop merdiques pour te laisser le choix, alors tu fais bêtement quelque chose dont t'avais pas envie. mais t'es obligée.
et t'as peur que ton amie soit encore soumise à une contrainte même si t'en connais pas la teneur. « silene, il s'est passé quoi ? »

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Mise à nue, complètement, comme si l’ensemble des sentiments refoulés depuis des années étaient aujourd’hui révélés. Comme si elle n’était plus qu’une poupée de chiffon, molle, incapable de se défendre, incapable de se protéger. C’est l’effet qu’à Perle, sur elle. C’est l’effet qu’à Perle, sur elle, ce sentiment de vulnérabilité constante. Cette envie de disparaître et à la fois de la serrer dans ses bras. Tu te sens mal, à l’idée même de devoir t’expliquer, Silene. Tu te sens mal, parce qu’elle est peut-être la seule personne à qui tu dois des comptes, à qui tu dois des explications. Mais les explications, elles sont enfouies en toi, beaucoup trop profondément. Et si elles devaient sortir, elles causeraient certainement beaucoup trop de dégâts à ton âme. - Je sais… J’imagine ce que tu dois ressentir et… Et. Et elle n’a pas les mots. Elle n’a pas les mots pour expliquer son absence. Pour expliquer son départ. Elle n’a pas non plus les mots pour lui dire combien son cœur se serre lorsque son regard croise celui de celle qui était sa petite sœur, sa protégée.
L’air lui manque, soudainement. Le monde s’écroule sous ses pieds et elle se sent prise au piège, l’italienne. Pas l’envie de faire du mal à Perle. Pas encore une fois. Pas une fois de trop. Et incapable de lui révéler ce qu’elle aimerait entendre. Et peut-être qu’au fond, elle n’aimerait pas entendre l’horreur de ce que tu as pu vivre, lorsqu’elle était encore ton amie. Personne n’aimerait entendre ça. - Je devais partir… Je sais que… Que t’as sûrement besoin d’entendre une explication, de comprendre, mais là c’est… C’est difficile… De se replonger en enfer, en pleine rue. De se replonger dans ses pires souvenirs, en pleine rue. Tu ne seras peut-être pas capable de lui parler, Silene, pas si vite, pas maintenant. - Je suis vraiment heureuse de te voir… Vraiment… Elle tient à le lui dire, elle tient à être sincère, parce que c’est beaucoup trop rare. Parce que Perle compte beaucoup trop.

(c) calaveras.

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