cimetière d'étoiles cassées (hera)

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feat @hera moran

le festival de l'hypocrisie.
Voilà à quel événement Nevada a l’impression d’assister alors que les visages défilent et se succèdent devant lui sans qu’il n’en reconnaisse aucun dans la masse. Il se demande combien parmi eux ont réellement été là pour Dione quand elle avait plus que jamais besoin d’une présence réconfortante pour surmonter cette existence pesante qu’on avait choisi à sa place et dans laquelle elle ne s’était jamais complu, vulgaire bétail dont on attendait qu'il se réjouisse d'être envoyé au couteau. Si sa mort n’avait été déclarée qu’au moment de trouver son corps sans vie, balancé comme une vulgaire immondice, le gamin reste persuadé que l’âme de la jeune Moran les avait quitté bien avant ça et qu’il ne restait d’elle qu’une enveloppe vide et drôlement bien articulée depuis le jour où elle avait été menée à l’autel. Hera avait cruellement retourné son amour contre elle et ça avait fini par la tuer, le gamin était bien conscient de ça mais n’avait jamais trouvé la force de lui en vouloir pour ce crime silencieux, se rendant à la triste évidence que les choses se seraient passées exactement de la même façon pour Dione si on lui avait laissé le choix, pour la simple et bonne raison qu'elle était animée par ce même désir que lui, celui de satisfaire la blonde coûte que coûte quitte à laisser sa propre survie de côté. On ne pouvait pas blâmer Hera de s'être servi de ce qu'on lui offrait sur un plateau d'argent.

Un coup d'oeil à l'assemblée qui l'entoure, c'est tout ce qu'il faut au gamin pour lui confirmer que, pas plus que lui, Dione n'aurait reconnu un seul de ces invités occupés à verser des larmes factices sur cet autel garni de fleurs en sa mémoire. Les tragédies ont toujours amassé les foules de curieux et celle-ci ne fait pas exception à la règle. Habillés de noir et de leur expression la plus désolée, la plupart n'était rien d'autre que des imposteurs qui n’étaient pas là pour la pleurer mais bien pour infiltrer et jeter un oeil de l'intérieur à l’empire Moran.
Nevada y aurait mis sa main à couper.

Escortant un de leur fortuné visiteur au cœur de la commémoration, le regard du môme est vite happé par la silhouette d’Hera qui glisse au milieu de tout ce beau monde, fantomatique, là sans vraiment l’être. Tel un robot, elle distribue des sourires absents aux condoléances qu’on lui présente et les yeux de Nevada ne la lâchent pas un seul instant jusqu’à ce qu’elle quitte finalement cette scène de faux semblants. Aussi lassé qu'elle par ce spectacle désolant, Reeves adresse un bref signe de la main à son collègue pour lui signifier qu'il se retire le temps d'une pause et se lance sur les pas d'Hera dans les couloirs de cet hôtel qu'il connait par coeur.
Le gamin sait précisément dans quelle chambre elle va se retrancher et comme si la blonde avait lu dans son esprit, elle en a laissé la porte entrouverte derrière elle. Sans s’annoncer, Nevada s’engouffre à l’intérieur de la pièce criante de luxe pour tomber sur la maîtresse des lieux. Elle a déjà détaché ses cheveux et les traits de son visage sont si figés qu’il lui donne l’impression d’être fait de pierre mais pour avoir grandi à ses côtés, le môme sait que malgré son aspect poli, la roche est plus poreuse qu’il n’y parait et qu’elle se gorge d’absolument tout. Sans un mot, il se dirige vers le mini-bar de la suite rempli de bouteilles dont aucune ne tombe en-dessous des trois chiffres. Nevada n’a que sa reine en tête lorsqu’il verse un verre, un seul, de ce liquide hors de prix pour revenir lui glisser entre les doigts tandis qu’il se faufile dans son dos pour poser les siens sur ses épaules nouées et y exercer une légère pression pour les détendre du mieux qu'il peut. A quoi tu penses ? C’est la seule question qui lui vient en tête alors qu’il se demande si ce sont les souvenirs douloureux de sa sœur ou un échange dont elle se serait bien passée qui l’ont rendue aussi morose.

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Elle laisse derrière elle chaque visage présent depuis le matin pour Dione. Elle en a vu tellement défiler qu'elle ne saurait plus dire qui est venue à elle ou non. Le cœur d'Hera s'est figé dés l'instant où Cahal est entré entre les murs de l'hôtel. Son cerveau plongé dans l'obscurité de sa colère, il lui avait fallu quitter la commémoration avant que les coutures de son âme ne lâchent.
Moran est une princesse forte mais délicate dont chaque blessure a été recousue de ses propres mains en sachant pertinemment qu'aucun ne le ferait à sa place. Son père avait fait d'elle une offrande et Adon s'était contenté de la dévorer, dans son entièreté, emportant alors avec lui le peu de tendresse qu'il restait d'elle. Même Hera ne se souvient pas de son dernier geste de tendresse envers sa propre personne ou le monde qui l'entoure.
Elle est simplement, là, présente, mais les sentiments lugubres qui l'accompagnent sont des armes redoutables.

En s'avançant dans la grande chambre qui lui sert à présent de refuge, Hera défait sa longue tignasse blonde. Ses cheveux s'échouent dans son dos, caressent ses épaules tandis qu'elle laisse dans son ombre la porte entrouverte. Elle sait que l'un d'eux viendra la rejoindre, qu'importe son identité. Le cœur lourd, les traits figés. Le son des pas qui claquent tendrement contre le sol lui font savoir que Nevada est à présent à quelques mètres d'elle. Elle saurait tous les reconnaître, un à un même sourde et aveugle. Il y a en elle des signaux qui ne trompent jamais. Ses pupilles caressent la silhouette du gamin. Elle n'a rien à lui dire ou lui demander pour qu'il s'exécute. Hera se surprend alors, à admirer le façonnage. Nevada n'était qu'une masse informe lorsqu'elle l'avait récupéré, à peine assez grand pour savoir que les ailes sous lesquelles il se réfugiait n'avaient rien de l'ange.

Moran se saisit du verre d'alcool et en boit une gorgée. Le goût âpre contre sa langue la fait grimacer en même temps qu'il lui décroche un frisson. Les mains de Nevada contre ses épaules l'aident à rester encore un peu avec lui, physiquement mais aussi mentalement. Sous le contact délicat de son garçon, Hera se sent revivre. Se régénère en elle quelques sentiments qu'elles ne réservent qu'à lui afin de le garder à ses côtés, prisonnier mais heureux. Sa question la fait frémir.
Est-il seulement capable d'entendre la vérité ?

Nevada ne connaissait pas seulement Dione. Il l'aimait, comme tous les Moran et chaque personne qui la côtoyait. Sa sœur possédait cette délicatesse dont elle avait longtemps cherché le secret avant de comprendre qu'elle ne lui appartiendrait jamais. Hera était un monstre et l'âme si lumineuse de Dione ne faisait que mettre en valeur cette part si sombre d'elle. La reine prend une inspiration acide, ferme les yeux tandis que sa voix s'élève, imperturbable, glaciale. Tu sais, je crois qu'en dépit de tout, je recommencerai sans hésiter tout ce que j'ai fait jusqu'ici. Elle est la première coupable de la mort de sa sœur. Hera l'avait envoyé auprès de Cahal en prenant le risque, guidée par son ambition, enivrée par la jubilation que cela lui apportait. Elle les avait trompés, tous, sans exception. Si je devais revivre cette vie, je continuerai de sacrifier Dione sans cesse, jusqu'à ce que mort sans suive. Je souffrirai mais vivrai avec la satisfaction d'avoir essayé. Je ne sais pas ce qui me fait le plus de mal, qu'elle soit morte en martyre ou d'avoir échoué. Adon lui a toujours dit que l'inaction entraîne la mort et malgré la perte de sa sœur, elle n'en reste pas moins vivante, elle ce qui en soit reste une victoire.

Soudain, Hera se referme sur elle-même. Son regard perdu sur son grand lit, elle s'avance de quelques pas afin de couper le contact. Enfin, lorsqu'elle accepte de se tourner vers lui, sa voix est plus sérieuse. Que penses-tu de sa mort ? Tu l'aimais, comme nous tous. Dione était leur soleil et elle n'avait trouvé qu'à l'éclipser, sans pitié.
Le regard de Moran le transperce.
Nevada ne peut pas lui mentir. Elle le connaît pour l'avoir mis au monde, non pas dans sa naissance physique mais tout de lui aujourd'hui vient d'elle : sa tête, son cœur, ses pensées, sa mémoire.
Il est sa création.

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Les mots d’Hera lui sont difficiles à entendre.
Nevada n’a jamais contesté la moindre de ses décisions mais l'écouter dire qu'elle continuerait de condamner Dione, même avec le recul qu'elle avait aujourd'hui, lui laisse un goût amer d’incompréhension. Raisonné, il ne s'autorise pas à basculer dans le jugement parce qu'il ne se trouve pas en position de le faire. Personne ne l'est, pas avant de s'être tenu sur le trône des Moran et d'avoir porté sur ses épaules le fardeau du pouvoir qui est toujours là pour vous rappeler que d'une manière ou d'une autre, il n'y a qu'en empilant les cadavres, amis ou ennemis, qu'on s'élève au sommet et qu'on y reste. Je ne voudrais pas être à ta place. Egoïste, le môme sait qu’il serait incapable de faire les justes choix pour le clan et de faire passer sa famille après le reste. L’insensibilité et le détachement d’Hera ont peut-être souvent été assimilés à des tares mais paradoxalement, c’était aussi cette âme forgée dans la glace qui faisait d’elle la meneuse dont ils avaient besoin et qui les avaient porté aussi loin.

Que penses-tu de sa mort ? Tu l'aimais, comme nous tous.
La façon dont est posée la question lui laisse savoir qu’elle se remémore parfaitement de la dernière discussion qu’ils avaient eu au sujet de Dione, probablement la seule fois où Nevada avait oublié de rester à sa place en essayant de la dissuader d’envoyer sa sœur dans le Queens. Ce n’était même pas un acte de rébellion de sa part, juste un excès de compassion pour la jeune Moran qu’il savait amoureuse d’un autre. Tu sais que ce n’était pas ce que j’avais en tête quand je disais que ce n’était pas une bonne idée. La main de Dione avait été donnée en offrande pour élargir les horizons du clan et créer de nouvelles alliances et pas une seule seconde il ne s’était imaginé que ce pacte qui avait tout d’idéal ne se terminerait dans une mare de sang. Son regard s’ancre dans celui de sa reine alors qu’il se décide finalement à lui répondre, dans toute sa sincérité. C’est une belle façon de mourir. La plus belle, à son sens. La cadette d’Hera n’était pas la première personne qui lui était chère à tomber pour la puissance des Moran et Nevada, comme son père mais aussi tous les autres membres du clan, serait prêt à en faire de même si seulement ça signifiait la survie de leur souveraine. La blonde n’avait jamais eu besoin de faire prêter serment à aucun de ses hommes, les choses s’étaient faites toutes seules et même les plus réticents à son règne avaient fini par poser le genou à terre. Le gamin est au courant qu’ils ne sont rien d'autre que des pions qu'il est facile de renverser mais il sait aussi que ce sont ces mêmes pions qui font avancer la partie pour permettre de mettre le roi à terre.

Ils ne vont pas s’arrêter là, hein ? S’il n’y avait pas eu de revendication pour le meurtre sanglant de Dione, il était évident que les monstres qui l’avaient emporté en avaient en réalité après Hera et l’idée que puisse se trouver dans la nature quelqu’un qui lui en veut à ce point est loin de rassurer le môme. Il en viendrait presque à regretter cette sécurité rassurante que leur apportait Vegas, royaume des Moran où la moindre menace ne mettait jamais bien longtemps à être identifié et éradiquée. Qu’est-ce que tu comptes faire ? A voir la mine crispée de Reeves et l’inquiétude qui déforme à présent ses traits, il est facile de comprendre que ces questions qu’il se pose ne datent pas d’hier mais mûrissent depuis bien plus longtemps dans son esprit. Il est presque vital pour lui de savoir si elle comptait calmer les tensions en trouvant un terrain d’entente ou au contraire invoquer la malice des Australiens pour frapper plus fort qu’eux.

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Il y a dans les yeux de Nevada une naïveté qu'elle préserve mais dont elle abuse aussi. Hera a tout de l'ange mais aussi du monstre, comme si dieu était incapable de construire une action foncièrement bonne ou mauvaise, comme s'il se fichait de la simplicité, le plongeant automatiquement dans l'ennui.
Moran est une espèce en qui il a forgé tant d'aspérités et de nuances qu'il lui faudrait plus d'une vie pour venir à bout de toutes. Debout dans sa chambre luxueuse, la nausée coincée au fond de sa gorge n'est pas seulement l'alcool mais aussi cette acidité remontant en elle tels les rats enfouis depuis trop d'années au fond des égouts.
Elle lute, coupe, renie, se fout de tout mais c'est inévitable. La réalité lui colle à la peau, s'y colle et l'épouse en l'empêchant d'éviter son destin.
Regarde-toi dans le miroir Moran et aime le reflet.
Adule cette haine de toi-même, fais-en une force.

Le regard de Nevada et le reflet qu'il dégage d'elle est exactement ce qu'elle ne voudrait pas voir mais le garçon le lui renvoie sans cesse. Elle n'a pas bougé d'un cil dans son esprit. Hera semble toujours la même, si forte, si belle et admirable alors que son dos est un nid de péchés et de trahisons. Que faudrait-il lui infliger pour qu'il comprenne ?
Elle réalise toutes ces années de mensonge, de manipulation et comprend qu'elle a fait de cette supercherie une vérité. Nevada n'est plus seulement un morceau de terre battue et modelée de ses mains, il est une statue, aussi glacé qu'elle. Il ne comprend pas la violence du monde, la couleur du sang qui a coulé et qui coulera encore.
Cet enfant est aveugle, sourd, muet. Toute cette tendresse qu'il dégage n'est en réalité qu'une face là pour dissimulée le monstre qu'Hera a fait de lui.
Ne sens-tu pas comme ton cœur est voué à l'enfer, Nevada ? Tout ce que tu aimes est si obscur, petit et vil.
Même ton âme l'est : traître et froide.
Dione est morte et toi tu ne vois rien.

Hera baisse les yeux une seconde, le goût amer qui lui prend aux tripes la dégoûte. Le royaume du Queens est une bien maigre chose lorsqu'on le compare au Nevada mais ici se trouve sa fierté. Elle est guidée par son ego surdimensionné, se fiche du reste, des vies qu'elle perdra. Tous ne sont que des dommages collatéraux, ce gamin le premier car la survie ne se résume qu'à ça : la meute, pour laquelle on se bat et qui se sacrifierait pour nous, les yeux fermés. Une meute, dont la loyauté ne fera jamais défaut et mènera à leur perte.
Ils ne s'arrêteront jamais. Son souffle se coupe. Ici, ils sont en infériorité numérique mais ramener leurs plus beaux sujets aurait été du gâchis. Las Vegas n'est pas juste une histoire de famille mais aussi un royaume. Ici, les rues transpirent la rancœur et la vanité.

Hera dépose son verre sur sa table de chevet, s'approche de Nevada. Ses mains se posent sur ses épaules qu'elle serre délicatement sous ses doigts fins. Nous sommes tous potentiellement en danger de mort mais quoi qu'il arrive, quoi qu'il se passe, qu'il t'arrive, tu ne devras jamais perdre de vue ce pour quoi tu te bats et d'où tu viens. Son regard est sérieux. Des larmes bordent ses paupières, humidifiant alors l'ardeur de ses propos. Ses émotions la brûlent et il faut que toutes ces vérités entrent dans les chairs de Nevada et le hantent, qu'il ne puisse plus jamais s'en débarrasser même sous la peur, la torture, l'échec et la douleur. Dans ses heures les plus sombres, il lui faudra se souvenir de ce regard qu'elle lui offre. Laisse-leur croire qu'ils peuvent te briser mais rappelle-toi que tout ce que nous sommes, nous, les Moran, reste impénétrable. Son visage s'approche, effleure le sien, ses lèvres pendues aux siennes sans les toucher encore, leurs pupilles écarlates noyées l'une dans l'autre comme des courants déchaînés. Sa bouche passionnée se pose contre la sienne afin de sceller la dévotion du garçon à la sienne.
En se reculant, la larme qui coule sur la joue d'Hera n'a aucune saveur.
Elle ne lui pique pas les yeux. Ne lui brûle pas la peau. Elle coule, solitaire, dans sa conscience propre et caresse maintenant son cou, déposant alors dans son sillage quelques particules du point le plus profond de sa vérité.

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Ils ne s'arrêteront jamais.
Les mots claquent et Nevada comprend que la tranquillité de Las Vegas n’est plus qu'un lointain souvenir qu'il finira par chérir et que les hommes qui leur donneraient la traque n'avaient rien à voir avec les quelques opposants chevronnés qui avaient déjà essayé de se mettre en travers du chemin des Australiens mais relevaient plutôt des prédateurs sans relâche qui n'hésiterait pas à semer les corps derrière eux jusqu'à les débusquer dans leur propre terrier s'il le fallait. Ils n'épargneront personne tant que la tête d'Hera ne sera pas tombée pour de bon. Le gamin n'est pas comme tous les autres recrues du clan qui ne sourcillent plus devant rien et s'il est déterminé à mettre toute son existence en gage pour la survie de leur meneuse, subsiste encore la peur de défaillir et de manquer à sa promesse au moment voulu. Les hommes de terrain le charrient souvent à ce sujet, essaient d’implanter dans sa tête l’idée que s’il reste confiné à l’hôtel, c’est uniquement parce qu’il est bien trop dégonflé pour servir à autre chose qu’à exécuter les exigences de leurs clients. Le gamin a quelques fois été tenté de les croire mais a fini par se contenter de les ignorer et de continuer à se persuader qu’Hera lui fait confiance et que le moment de lui offrir une chance de faire ses preuves et lui octroyer des responsabilités plus importantes viendra bien assez tôt.

Et comme si Hera était capable d’attraper ses pensées en plein vol, il ne lui suffit que de quelques sollicitations encourageantes pour les anéantir complètement. Le môme se laisse imprégner par chacun de ses mots. Ecouter leur reine, faire de sa parole une parole sainte et la laisser s’insinuer dans son esprit pour le contrôler à sa guise, c’est là que le gosse excelle le mieux. N’importe quelle personne extérieure au clan ne verrait rien d’autre qu’un fanatisme malsain dans l’attachement extrême qu’il vouait à leur meneuse mais il est si aveuglé qu’on pourrait lui prouver noir sur blanc qu’il confond amour et endoctrinement qu’il refuserait d’y voir plus clair. Hera pourrait commanditer leur suicide à tous qu’il resterait le premier à porter son flingue à sa tempe sans même poser de questions. Il n’y a rien que je ne ferais pas pour le clan. Pour toi. Tu peux en être certaine. Il ne doit pas être le premier à lui exprimer ainsi son allégeance mais bien celui à y mettre tellement de conviction qu’il ne lui laisse pas d’autres choix que celui d’y croire. Le baiser qu’elle lui offre gonfle sa poitrine d’un courage absolu, lui insuffle une énergie nouvelle qui chasse tous les doutes que ses insécurités avaient laissé s’installer. Rien ne lui paraît insurmontable maintenant qu’il s’agit de se montrer digne de l’attention d’Hera. Ils pourront bien lui briser les os, en faire de la poussière en espérant lui soutirer des informations que les muets se mettront à parler avant lui. Lorsque la blonde finit par se reculer, son corps réclame un peu plus de ce contact comme l’oxygène dont il a besoin pour vivre. Il a l’impression d’agir sous sa propre volonté alors qu’il se rapproche d’elle pour laisser glisser ses mains sur sa taille, le regard magnétisé par le sien mais probablement qu’Hera est en train de le mener exactement où elle le voulait sans même qu’il ne s’en rende plus compte. Il n’est qu’une marionnette prévisible dont elle connaît tous les fils à tirer. Ils ne savent vraiment pas ce qui leur pend au nez. Ni même l’acharnement dont pouvait témoigner la vengeresse, aussi redoutable qu’impitoyable, lorsque ses intérêts étaient mis en péril. Envoûté, la bouche du gamin fait disparaitre la larme discrète qui sillonne la joue de sa reine avant de quémander un peu plus de ses lèvres empoisonnées, piégé dans l’attente qu’elle rompe le charme ou qu’elle y sombre avec lui.

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La dévotion de Nevada est un paradis, un véritable Eden dans lequel Hera plonge sans une réticence. S'il y a un bien un endroit un sur terre où elle se sent en sécurité, c'est ici, au creux de ses pupilles, à l'abri de son inconscience et de sa confiance.
Ses paroles sont comme un rail de coke qu'elle sniffe d'une traite. Ses narines inspirent chaque particule de drogue après une longue journée de faux semblants. Son corps se recule mais Nevada l'empêche de s'échapper. Son emprise est si douce qu'elle la déstabilise. Jamais homme ne s'est montré si tendre à son égard et tout élan de bienveillance lui semble une attaque. Adon n'avait d'affectueux que son sommeil et sa comédie. Lorsqu'il dormait où qu'ils erraient dans l'un de ces galas sans saveur, Hera ne craignait rien mais lorsqu'il était conscient de son pouvoir et sa puissance alors ne restait d'elle qu'une ombre. Moran n'avait jamais eu à lever la main sur elle pour la détruire et la soumettre à sa volonté. Elle revient de longues années à n'être pas plus considérée qu'un animal de compagnie. Cette expérience, aussi douloureuse soit-elle reste malgré tout la chose la plus enrichissante qu'on lui ait autorisé de vivre.

Les phalanges de Nevada tout contre sa silhouette lui décrochent un soupir de satisfaction. Elle bat des cils mollement, attache son regard aux traits de son visage comme si elle savait exactement ce qu'il était sur le point de lui dire. Hera serait capable d'anticiper chacun de ses gestes comme s'il était programmé depuis des années et que certains chemins resteraient impénétrables. Leurs lèvres se mélangent à travers les mots et la blonde s'y perd. Ses yeux qui se ferment et son cœur qui pulse brutalement sous sa cage thoracique sont eux aussi parfaitement maîtrisés. Voilà bien des années que l'oubli est devenu une donnée à laquelle elle ne se frotte plus. Lâcher prise lui donne le tournis, comme si elle tombait brusquement dans un trou sans fin.
Non ils ne le savent pas. Son cou se tend, sa tête part légèrement vers l'arrière pour réclamer silencieusement la chaleur de ses lèvres contre sa peau. Le goût de l'alcool se mélange à celui de Nevada tandis qu'elle prend à nouveau la parole. Ce serait bien trop simple pour nous tous. Elle ne se serait jamais lancée dans un combat s'il était perdu d'avance. Hera ne sait pas si elle ressortira vaincue ou gagnante de cette guerre mais l'attrait de la violence et la vengeance passent au dessus de son intégrité.

Peau morte contre peau vive ; la bouche de Nevada est si chaude contre son bouclier de glace. Ses doigts s'accrochent brutalement à ses bras avant de le reculer loin d'elle. Ses pupilles s'attachent aux traits si juvéniles de son visage. Elle aurait pu donner naissance à cet enfant, le sentir grouiller dans son ventre avant de l'expulser non sans un sentiment de soulagement. Nevada la guide dans l'enfer que sont ses pensées. Avec lui, elle est persuadée d'atteindre le but ultime de l'autodestruction et du pouvoir. Ce paradis mielleux qui les attendent quelque part ne l'intéresse pas. La blonde fronce les sourcils. Tu peux partir si tu le désires. Tu me le demandes et je t'envoie au Nevada dans le premier avion. Elle le teste. Sa protection n'est qu'un leurre. Si il accepte, alors Moran fera de lui un pestiféré. S'il ose la quitter maintenant, se défiler, ne restera de ce môme qu'une silhouette informe. Ses doigts se resserrent plus nerveusement sur sa peau, la marquent de quelques traces rouges.

Rien ne te force à marcher dans les traces de ton père. Tu n'as rien à prouver. Ses yeux se baissent tandis qu'elle se dégage totalement de lui. Hera réalise comme elle peut être vicieuse ; son père n'a rien à faire dans cette chambre mais elle le met au devant de la scène pour être certaine de réveiller de vieux sentiments qui le rendront hypersensibles. Cet enfant n'a finalement que ça : un pseudo père, un héro dont le corps moisit quelque part dans les contrées d'un nevada calciné jusqu'à l'os par ses péchés.

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L’esprit capturé dans cette toile qu’Hera a tissé autour de lui, Nevada ne pense plus à rien. La caresse de ses lèvres contre les siennes l’ensorcelle, l'emmène droit au nirvana. L'attention de Moran est une addiction dont il ne peut plus se défaire, une drogue qui ne mène jamais à l'overdose mais inévitablement au manque, le laissant toujours à se demander comment il se procurerait sa prochaine dose. Complètement détaché du monde qui les entoure, le gamin n'entend plus le tumulte qui règne dans les couloirs. Ses collègues doivent probablement se demander où il est passé et le maudire de toujours disparaître au moment fatidique des fins de soirée mais il reste là, à se noyer une fois de plus dans les profondeurs de l’affection qu’il voue à Hera. Elle lui brûle les poumons et le mènera tout droit à sa perte mais Nevada n'a pas besoin qu'on vienne le sauver et préfère la laisser tout lui prendre, jusqu'à son dernier souffle.

Lorsque sa bouche embrasse le vide et qu'Hera l'éloigne subitement d'elle, ses mots le percutent de plein fouet alors qu'il les décortique mentalement pour leur trouver un sens. Si sa reine ne vivait pas selon les principes de la sélection naturelle et de sa loi ancestrale selon laquelle seuls les individus taillés pour la survie subsisteront à tous les autres, il se serait presque laissé convaincre de croire qu'elle cherchait à l'éloigner de ce terrain miné sur lequel ils s'avançaient. Mais les Australiens n'étaient pas de ces espèces à fuir pour se protéger ou préserver les leurs, plutôt du genre à aller au devant de leurs problèmes et à les confronter. Un rire nerveux quitte ses lèvres, comme si elle venait de lui dire la chose la plus ridicule qu'il n'avait jamais entendue. A part une mère camée même pas foutue de faire le bon choix, qu’est-ce qu’il reste pour moi là-bas ? Sa mère ne mérite sans doute pas qu'il s'en prenne à elle avec autant d'amertume mais le môme ne lui a jamais pardonné son abandon. Parfois il se dit qu'il aurait préféré que ça soit elle qui perde la vie à la place de son père, au moins là son absence aurait été justifiée. Alors qu'il avait plus que jamais besoin d'elle à la mort de Gene, c'était la main d'Hera qu'il avait trouvée. Sans jamais essayer de se substituer à ses parents, Moran était devenu son tuteur, toujours là pour s'assurer qu'il poussait correctement. S'il devait retourner au bercail, ça serait pour l'y raccompagner. Il n'en avait pas d'autres raisons. Retrouver la pitié, incrustée partout dans le regard des gens qu'il avait connu, comme s'il n'existait pas en dehors de ce pauvre gosse et du lot de tragédies qui le composait, ça ne l'intéressait pas.

La mention de son père le prend au dépourvu, ravive ses anciennes peines et provoque une montée de mélancolie corrosive qui vient effriter cette attitude détachée qu'il s'efforce à conserver en tout temps. Il n'aime pas cette façon qu'elle a de parler de sa dévotion comme s'il y voyait une obligation ou un héritage empoisonné que lui avait laissé le vieux Reeves avant de mourir alors que ce n'était rien de tout ça. Bien évidemment qu'il se demandait souvent s'il se trouvait là où Gene le voyait alors qu'il n'était encore qu'un gamin en quête d'avenir mais jamais il n'avait eu l'impression d'agir sous la contrainte de ce fantôme du passé. Sa loyauté relevait uniquement de sa propre volonté et peut-être un peu de l'influence des Moran dont la lobotomie avait opéré avec tant de finesse qu'elle n'avait laissé aucune trace derrière elle. C’est ce qu’il aurait voulu, que je reste ici avec toi. Pas que son fils devienne un lâche qui fuit à la première occasion. En constante recherche d’approbation, son regard s’accroche à celui de sa reine alors qu'il passe une main sur son visage. Cette soirée était consacrée à Dione et il s’en veut de laisser son propre deuil prendre le pas sur le reste. Je t’envie parfois de savoir à qui en vouloir pour la mort de Dione. Pendant que lui n’avait rien, que du vent, deux types cagoulés inconnus au bataillon qui avaient préparé leur coup pendant des mois pour finalement ouvrir le feu sur son père et se volatiliser dans la nature avec l’argent qu’il transportait et un cadavre sur les bras. Enfant, il avait longtemps pensé être victime d'un mauvais sort qui condamnait toutes les personnes qui l’entouraient à s’éteindre dramatiquement de sa vie sans jamais se douter que la seule malédiction dont il était frappé était bien vivante, avait des allures de bénédiction et se tenait debout juste devant lui.
Hera.

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Les sentiments sont si fragiles et facilement manipulables car ils préfèrent se raconter des histoires qu'accepter la vérité. Quelque part au fond de lui, Nevada doit savoir que son père n'est qu'une ordure que les siens ont tué. Mais son cœur joue les tampons, pose un filtre sur ses yeux et contre sa peau pour l'empêcher de voir le vrai. Il sait qu'il ne survivrait probablement pas à la réalité, qu'elle formerait autour de sa gorge une corde bien épaisse qui finirait par se serrer brutalement contre ses vertèbres afin de les briser.
Les sentiments, petites bêtes que l'on dupe sans même un effort. Et quand vient le moment où la vérité éclate alors on peut blâmer les autres de nous avoir trahi même si nous savions déjà tout, que c'était inscrit dans notre mémoire mais qu'on refusait de l'admettre.
Tôt ou tard, Nevada fera face à cette douleur. Celle de plonger dans l'abîme et de construire ses propres repères pour en sortir. Toute cette vie dans laquelle il évolue n'est qu'une réalité superficielle, bien trop belle pour ne pas dissimuler les pires horreurs.

Ne laisse pas le passé te tourmenter ou la vie fera de toi ce qu'elle a fait de moi. Elle cligne des yeux, baisse mollement la tête, passe une main contre sa nuque, éreintée par la journée. Les draps confortables qui l'attendent l'appellent déjà. Une fois de plus, Hera y fondra avec solitude et résilience. Si sa voix ne laisse plus de place au doute, ce doit être à cause du temps ; celui-ci a brouillé toutes les limites, même celle qui séparait le faux du vrai. Mentir est aussi simple que respirer tandis qu'être sincère est alors devenu le plus grand des sacrifices. Montrer ce que l'on est, c'est prendre le risque de finir à la ramasse et de se faire voler le peu d'essence pure qu'il nous reste. Nevada est encore de l'autre côté du miroir, dans un univers où la dévotion et la confiance sont salutaires. Regarde où tu en es, ce que tu es devenu. Tu ne dois rien à personne. Pas même à moi. Tes décisions et tes actes t'ont mené ici. Tu ne peux être fier que de toi. Inculquer de la confiance en soi et de l'amour propre, aussi factices soient-ils est la base de tout. Elle aura Nevada à l'usure. Lorsqu'il se rendra compte que toute sa vie n'est qu'un cauchemar, cet enfant sera bien trop épuisé pour lui échapper et ce, malgré la vérité.
S'il vient à l'apprendre, il ne saura faire confiance en personne d'autre. Les prochains seront punis par la cruauté d'Hera.

Quoi qu'il advienne, Nevada restera sien. Elle le hantera à tout jamais et influera jusqu'à la fin de ses jours sur ses décisions.

Tu devrais aller te coucher maintenant. Nous sommes tous épuisés et je crains que le champagne ne puisse soigner ma migraine. En s'approchant à nouveau de lui, sa main se saisit de la sienne. Leurs doigts se lient et le sourire qu'elle lui adresse est maternel, rassurant et d'une tendresse infinie. Je t'aime mon garçon. Plus grand qu'elle, Hera tend la nuque afin de déposer sur sa joue un dernier baiser et revenir vers son lit. Repose-toi, de longues journées nous attendent.Une guerre à laquelle personne n'est jamais totalement préparé. Le sang qui a déjà coulé n'est que le début d'un long périple dont elle n'est plus certaine de revenir vivante en s'allongeant dans son lit. La chaleur des couvertures l'accueille dans un cocon chaud et cotonneux tandis que la saveur du champagne hante encore ses pupilles et que l'amour de Nevada englobe son cœur de mille richesses. En fixant le plafond, elle aperçoit alors les ailes noires d'un corbeau attendant le bon moment pour grignoter de son corps quelques morceaux de ses chairs.
Un frisson la traverse.
La vie n'est plus la même.
Ne le sera plus jamais.

» Gueules cassées ○ Ella
» b a l l e r i n a (héra)
» infâmour (héra)
» humains ± hera
» who's gonna save me now? (héra)