Tout ce qui est réduit au silence clamera pour être entendu, même en silence.

traits de caractère / Le même goût, sans goût. Comme si chaque jour, vous mangez du pain de mie aux repas. Quelque chose de ni bon, ni mauvais; ni dur, ni liquide. C'est blanc et fade. Il faut l'avaler, parce qu'il faut manger. C'est la saveur qu'à Nathaniel pour la vie. Il se laisse transporter sur la place passager de sa propre vie, regardant vaguement ce qu'il se passe autour de l'habitacle. Si un accident devait arriver, il n'aurait pas la moindre réaction de sa part, comme si, finalement, il n'avait attendu que ça mais n'avait jamais eu le courage de le provoquer. Peut-être qu'il se disait qu'au vu de ce qu'il avait fait, le Karma allait bien finir par se charger de lui, ou peut être que celui-ci se disait que ça serait une bénédiction que de mettre fin à sa torture. Oui, Nathaniel était ce qu'on pouvait appeler quelqu'un de torturer, on sentait en lui une détresse palpable. En société, il tente d'être adapté, il rit quand les autres le font sans écouter vraiment l'objet de l'amusement. Nathaniel est le cliché parfait d'un londonien, du 19ième, bien élevé par une bonne famille, il est galant, courtois et poli, il aurait pu être la description d'un personnage d'Arthur Conan Doyle, du moins physiquement. Le charme à l'anglaise. Lorsqu'on vit sans goût, les émotions le sont aussi. Tout est d'une neutralité presque absolue. La seule émotion qui puisse encore le dominer étant la colère, il n'a jamais réussi à s'en débarrasser. Elle est tapi au fond de lui, la plupart du temps sourde et silencieuse, elle surgit souvent dans des moments bénins, dans une situation qui vient titiller ce qu'il tente de préserver, ses états d'âme. Le moindre ressenti d'émotion, positif ou négatif, et il laisse simplement la colère s'immiscer. C'est un système assez déroutant pour l'interlocuteur, lui qui pense partager de la joie et de la bienveillance, peut se retrouver en face d'un homme hors de lui en un claquement de doigt. Cette colère semble malgré tout maîtrisée, elle est froide et distante, elle ne dépasse pas. Jamais. Crédulité et naïveté sont les vestiges qui lui reste, symbole d'un passé avalé par le temps.  

Né déjà enfant. Il n'existe aucune trace du bébé qu'il avait pu être. Il est arrivé dans cette famille Londonienne bourgeoise à l'âge de 7 ans. Sept années de sa vie où il ne lui reste qu'un souvenir olfactif, pregnant. Une odeur sucrée, légèrement épicée comme la cannelle. Il l'avait retrouvé presque à l'identique des années plus tard, avec sa Lilith. C'était un sujet qu'on abordait pas, tabou, il n'a jamais su d'où il venait. Famille aimante, la tendresse d'un foyer chaleureux, l'opulance à son paroxysme. Il n'a jamais eu à partager, fils unique, tout lui était acquis. Son quotidien ne lui quémandait aucun effort si ce n'est la demande parentale que de pérenniser leur classe sociale. C'était un moindre mal, et il avait les cartes en main, ou plutôt, les billets. L'argent offre des perspectives à qui veut les voir. Une mauvaise note, et elle s'efface sous l'odeur de papier vert moisi. C'était assez rare malgré tout, Nathaniel était un jeune homme studieux qui avait à coeur sa réussite sociale. Il était de ceux qu'on avait envie d'avoir dans sa petite bande ados populaires. Drôle, charismatique, sportif, un phsysique agréable. Qu'aurait-il pu craindre de la vie à cet instant ?

Lilith. Sa peau à la douceur et pâleur de la porcelaine telle la poupée qu'une petite fille convoiterai. Ses boucles blondes. Les tâches de rousseur qui composent ses traits révélant un caractère affirmé. Elle n'était pas de ces femmes qui attiraient le regard directement, mais elle avait ce charme indéniable qui provoquait en Nathaniel un véritable tsunami hormonal. Elle était un parfum. Elle était un sourire franc. Des gestes à la cadence d'une ballerine débutante, maladroits. Une jeune femme déjà déterminée, qui voulait défier la mort à coup de scalpels. De l'amour inexpérimenté. Brut. Elle aimait les gens. Elle voyait le bien en chacun d'eux. Hypnotisé. Subjugué. Il voulait la posséder comme jamais il n'avait désiré autant quelqu'un, ou quelque chose. C'était impérieux. Mélange entre un réel amour et le caprice d'un enfant gâté. Ils avaient 21 ans, Nathaniel n'avait jamais réellement connu de femme avant, il n'en avait jamais ressenti la nécessité. L'homme en devenir pensait que ça ne serait qu'une formalité. Pourquoi ne voudrait-elle pas de lui ? Ses pas assurés engloutissaient le vide qui les séparait.

La fin d'une saison. Un semestre à ses côtés. Le début d'une saison. Et chaque jour, il la désirait davantage. L'amour qu'il avait pour elle prenait une place incommensurable dans sa vie, au point que celle-ci ne tournait plus qu'autour de sa Lilith. Nathaniel redoublait d'affection, d'intentions, creusait à la recherche d'une ouverture. Plus il creusait, plus le mur s'érigeait en véritable forteresse. Ancrage profond, qui refuse de laisser la moindre brèche s'ouvrir. Le jeune homme se disait simplement que ce n'était pas le bon moment, qu'il lui fallait du temps. Le bon copain. Celui qui fait rire. Celui qui comprends. Celui qui écoute. Ecouter aussi l'impensable. "Nath', t'sais qu'avec Kyle, ça fait un moment qu'on se tourne autour. Je pense que c'est le bon. Oh, je sais ce que tu vas me dire ! Qu'il est pas fait pour moi, que c'est un camé. Mais il m'a promis qu'il allait changer. On s'aime, c'est le plus important, il va réussir à décrocher, je vais l'aider."

Ce type n'était pas qu'un drogué. C'était un pauvre mec, le genre de déchet que le côté sensé de l'humanité ignore. De ce qu'on ne regarde même pas, recroquevillé dans le caniveau. Lilith et sa naïveté de penser qu'elle peut sauver les autres sans se perdre elle-même. Utopie dévastatrice. La colère de l'interlocuteur gronde. Elle secoue ses entrailles alors que la jeune femme continuait de s'épancher sur cet amour grossier. Il ne pouvait décemment pas la laisser jouer dans cette mascarade qui, quand elle abaissera le rideau, laissera les spectateurs comprendre qu'en réalité, c'était une tragédie. Dès le départ, c'était sa Lilith, pas celle de quelqu'un d'autre. L'amour vire en clignement de paupière à l’obsession.

Elle roucoule dans ses bras. Lilith semble heureuse et amoureuse. Dégoût réel pour Nathaniel qui sent l'acide remonter dans son œsophage. La jalousie le ronge de l'intérieur, elle se régale de chaque parcelle de son corps et de son âme comme le ferait l'acide. Il est assaillit d'images passionnées de la femme qu'il adule avec un autre, le jour comme la nuit. Il ne trouve paix et repos dans aucun lieu. Lyosha est dans la confidence. Ami plus âgé, dans la même université que lui, qui lui prodigue des précieux conseils. Petite voix qui s'immisce discrètement. Le poison est long, mais efficace. Nathaniel tente vainement de séparer le couple par des stratagèmes plus ou moins chancelants. Le jeune homme perd pied, désemparé. C'est a ce moment précis que la petite voix de Lyosha revient à la charge. Quelques mots qui fendent l'air et s'emparent de la raison de Nathaniel. Les problèmes, faut s'en débarrasser, suffisamment loin pour qu'ils ne reviennent plus.

La nuit d'halloween était propice à cette soirée qui allait être la plus belle de sa vie. Tout était calculé. Les étudiants étaient en fête, le sang et les narines souillés de substances qui inhalent les sens. Le frisson garanti. Lyo était prêt. Quant à Nathaniel, il était tremblant, une tête désignée de futur coupable. La détermination de récupérer ce qui l'appartenait était bien plus puissante que la peur. Ce n'était pas très ardu que d'attirer Kyle dans ce cimetière, c'était exactement à cet endroit qu'il touchait sa poudre d'illusion. Derrière une tombe, enveloppés dans l'obscurité, les deux complices attendaient patiemment que la transaction se termine. Le silence solennel sonne l'heure. La petite voix de Lyo donne le dernier élan qui manquait à Nathaniel, ne voulant ne laisser aucune place à l'hésitation. C'est tremblant qu'il s'approche de Kale, il resserre sa prise autour du couteau qui manque d'assurance. Une étincelle. Un frisson lui parcours épiderme. L'excitation. Celui de la chasse. Ses pupilles se dilatent. C'était une excitation comme il n'en avait jamais ressenti, une émotion dominant tout le reste. Il était celui qui détenait la vie. Il apprenait à la sauver, mais c'était encore plus grisant de pouvoir la reprendre. La fraction de seconde plus tard, un liquide rouge arrosait la terre qui buvait ce cadeau. C'était propre. L'entaille était nette et profonde, elle venait couper les carotides, ne laissant aucune chance à l'homme qui s'écroule sans avoir pu comprendre ce qui venait de lui arriver. Nathaniel ne tremblait pas, impassible. Il était sous le choc de la facilité de prendre une vie, et du sentiment que cela pouvait provoquer. .