(( splendeurs invisibles ))

traits de caractère / edward, fureur de l'homme contrarié. le besoin de hurler, crier au monde entier sa peine et sa colère. les flammes dans les yeux qui brûlent un peu plus chaque jour son corps. quand dans son cœur les sentiments s'entrechoquent, astéroïdes coupables au goût du désordre bien trop prononcé. une femme qui le trompe, un enfant qui s'abandonne déjà à l'inconnu, et voilà déjà le début de la fin qui le salue avec ses grandes griffes acérées. puis les crocs du temps le nargue, sablier trop joueur, goût du risque sans saveur. courage aux avants, affronter le démon avec ses deux poings entachés par la vie. sourire à la boulangère quand elle vous rend la monnaie et continuer son chemin comme s'il ne prendrait jamais fin. beaux mensonges qu'il n'arrive pas à conter, la mort arrive, dieu qu'il le sait, dieu qu'il est prêt. alors autant tout envoyer en l'air et s'autoriser une douce liberté. les jours sont comptés, et les pleurs sont repoussés. l'alcool prêt à tout souiller, et les regrets à tout contaminer. autant finir en beauté.

save your best lesson for last. cracher sur les cons. morsures jusqu'à sang. rêveur des ciels étoilés. s'abandonner à des sensations. emmerdeur du système. homme au futur effacé. amant de la nuit. chaînes et barrières éclatées. plus de valeur. plus de rancœur. esprit à l'envie. cœur à la vie. entrain aux découvertes affriandées. famille décousue. suivre un moule inconnu. smoking. drinking. joking. apothéose et dernier hurrah. dernières luttes puis
tout

plus rien.

— vous avez un cancer des poumons de stade quatre, qui a eu le temps de se métastaser dans votre colonne vertébrale, principalement. la douleur que vous ressentez dans votre dos provient de plusieurs tumeurs malignes situées dans votre bronche. il vous reste six mois, edward. douze si vous suivez le traitement. il fau-...

le choc, le heurt, la colère qui frappe en tous points dans lui pour ressortir. les questions se bousculent, et les derniers propos du cancérologue se perdent dans un coin de sa tête. la fin est là, plus rien pour empêcher le massacre, destination macabre qui toque dans son gosier comme un signe du destin. edward ferme ses yeux un instant, avant de laisser sa tête retomber dans ses deux mains tremblant comme deux feuilles cognées par le vent. merde. putain d'merde. six mois avant le dernier souffle, la dernière parole, la dernière sensation. six mois avant que lui et son monde ne s'écroule et ne devienne que des décombres de plus à balayer après son passage. il quitte le cabinet, l'air impassible, grand esprit renfermé sous un couvercle mal orienté. ses yeux peinent à cligner, et seuls les battements irréguliers de son cœur créent une source de bruit.

le visage fermé à autrui, rabattu comme un capuchon. autour de la table, les regards se durcissent par leur froideur et aucun son ne vient à se faire entendre, comme si l'atmosphère-même de la demeure s'abattait sur la petite famille. des cliquetis de couverts, des assiettes grinçant sous l'acier des couteaux, et des soupirs appelant à la mélancolie du soir. pour edward, c'était comme s'il était déjà en train de périr, là, à entendre battre au fond de sa tête les cris cavaliers de la mort,
et de la folie,
et de la peine.
...
(qui va lui venir en aide? avec qui va-t-il traverser ses derniers mois, ses derniers jours, et ses dernières larmes alors? face à lui, sa plus grande hantise et à la fois sa plus belle conquête. sa femme, celle qui se perd sous les regards envieux des hommes jamais rassasiés, qu'elle charme comme on hypnotise les serpents, qu'elle envoûte comme si elle mêlait rêve et réalité. doux appel à la chaire, elle qui n'en a jamais assez de fouiner. de hurler le nom de ceux qui viendront aussitôt la satisfaire. quitte à mettre en péril sa famille ou sa vie. elle n'aime pas, edward. à ses yeux, ce n'est que sa bouée de sauvetage, l'homme qu'elle a su mourir dans ses pêchés, et celui qu'elle a épousé dans l'unique but d'écraser ses aînés et leurs idéologies bancales.
puis, un enfant pour tromper. pour l'amour propre qui fait mal, pour se donner une bonne conscience camouflant cicatrices et orgueil. des trucs à la con pour se pardonner d'avoir raté une étape de sa vie. alors on gomme les erreurs du passé ; le mariage amèrement regretté, le poing qu'on a asséné dans le ventre de sa femme après le verre de trop, les envolées nocturnes qu'on a bien savouré ce soir-là, et toutes ces choses qui font qu'au final, l'amour-propre, on l'emmerde. mais la gosse, elle, est pourtant là, rappelant la bonne conduite. on l'éduque dans le bonheur et les éclats de rire, dans les doux sanglots et les beaux moments qu'on n'hésite pas à revomir.


edward, derrière sa voix grave et ses sourcils froncés, il flippe. carrément qu'il flippe. triste vérité qu'il n'ose se conter que lorsque l'obscurité enveloppe la pièce et son cœur. triste vérité à la saveur destructrice, à l'arrière-goût nauséeux, à la couleur noirâtre.
et son boulot où seulement là il a les commandes, le droit de taper du poing et de noyer sa colère comme l'enfant capricieux qu'il a été. autrement, c'est le fouet de la vie qui le mène du bout de ses ongles crasseux, à dicter les règles et les lois que edward se doit de suivre. cadenassé dans cette vie qu'il n'avouera jamais haïr, pourtant, oh pourtant, dieu qu'il l'a haït.)

et dans son regard bleuté, on voit les regrets. on comprend qu'il a passé plus de quinze ans de sa vie bien entamée à perdre son temps. francs remords qui vous transposent dans de belles rêveries, à s'imaginer plus jeune, à s'imaginer avoir pris les bonnes décisions. ténébreux. inconscient. imaginatif. destructeur. passionné. éreinté. aimé. détesté. furieux. tendre. puis rude. barbare. nonchalant. angélique. qu'est-il dans le fond? si ce n'est qu'une pièce de plus dans ce monde? lui qui se voyait comme edward bloom, lui qui attend à son tour de tomber dans le terrier du lapin, cœur entaché. mais les cartes se sont inversées, les dés ont été pipés, le jeu totalement baisé. la fin est là, hein? et bien on l'emmerde cette vie tracée, le chemin ne prendra pas fin si banalement. c'est sa liberté qui l'appelle, et tout ce lot scandaleux qu'il avait à trimbaler sur ses épaules peut bien aller se faire voir.
sa vie commence maintenant.