you and i collide. (maxine)

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Dans le noir, les échos se font entendre.
Dans le noir, les visions reviennent en ouragan.
Dans le noir, la peur accable.
Dans le noir, elle laisse ses pas la guider. Elle se laisse aller, au rythme de la musique qu’elle entend encore dans sa tête. Le bar qu’elle vient de quitter n’est qu’à quelques mètres derrière elle, et la marche lui semble déjà interminable. Elle a bu, Asmée. Elle a fait ce qu’elle sait faire de mieux, se laisser porter par le courant. Elle a bu, Asmée. Seule dans New-York. Seule dans cette nouvelle vie sans repères. Seule dans cet endroit qu’elle ne connaît pas. Elle a bu. Et les mauvais souvenirs qui l’assaillent. Et les images qui l’envahissent. Cette soirée partie en vrille, il y a plusieurs mois. L’overdose d’un ami, juste sous ses yeux. La peur d’être ici. La peur de devoir se construire dans ce monde qu’elle ne connait pas. La peur d’être étrangère à la banalité de sa vie. Et si tu ne trouvais pas ta place, Asmée ? Et si tu n’étais qu’une putain de poupée chiffon, appartenant à la célébrité ? Et si tu n’étais plus faîte pour vivre normalement ? Parce que la drogue, l’alcool, les excès, les abus, la décadence, c’est elle, désormais. Elle n’est plus rien d’autre. Soleil passé.
Lumière éclatante.
Eclat coupé.
Espoir fané.
Asmée. Petite fille grandit trop vite. Asmée. Petite fille de retour à la réalité. L’âme vendue mais le cœur pur. Et cette solitude. Encore et toujours. Cette solitude dont elle n’avait pas conscience et qui la terrifie. Cette solitude comme seul tombeau. Cette solitude comme seul cachot. La vérité, c’est qu’elle a besoin des autres, Asmée. Elle a besoin du monde bien plus que le monde a besoin d’elle. Et ce soir, elle se sent toute petite. Elle se sent toute faible, dans ce monde si grand. Contre coup du déménagement, certainement. Débarquée quelques jours plus tôt avec ses valises. Quittant Chicago, sa ville de cœur. L’exubérance des premiers jours laissant place à la peur. Parce qu’au fond, t’es encore qu’une gamine, Asmée. Gamine cachée derrière l’actrice, la sulfureuse, prisée, étoile montante du petit écran. Et ses pas se font moins assurés. Les jambes vacillantes, imbibées par l’alcool parcourant ses veines. Parcourant son corps. Elle ne sait plus où aller. Elle ne sait plus quoi faire. Elle n’a pas envie de rentrer. Elle n’a pas envie de retrouver cette maison maintenant sienne. Celle de son père, qui ne s’est jamais vraiment intéressée à elle, depuis six ans. Elle ne veut pas non plus retrouver celle de sa mère, passant son temps à l’accuser, à désapprouver. T’es juste là, Asmée. Juste là, loin de tout, loin de ta vie. Désemparée dans les rues du Queens.

Marcher parmi les ombres dans la jungle urbaine. La nuit les masques tombent, les pulsions se déchaînent. Plus dans nos fantasmes que réellement pourtant. Chaque crissement, chaque pas, chaque bruit alerte un peu plus nos sens, le palpitant ne se relâche pas plus que la respiration. Les talons battent le bitume, pressés de retrouver un lieu de confort et de sécurité. Cette peur au vente, cette crainte à chaque fois qu'un ombre passe, ou pire plusieurs, elle est si stupide. Êtres vulnérables, errants dans un monde de vices, parfois là où la loi n'existe plus, la plupart du temps couardise infondée, préjugés non mérités. Juste la nuit et la rue, il n'en faut pas plus.

Les bras se croisent, resserrent le trench, seul rempart face à l'extérieur. Regard baissé, occupé à ne pas regarder autre chose que le trottoir. Et surtout, ne pas se mêler de ce qui ne nous regarde pas. Que ce soit l'agitation d'un groupe, ou une personne seule. Ne pas s'arrêter pour celui dont on n'est pas certain de la situation, groupe d'amis ou groupe d'ennuis. Ne pas s'arrêter pour celle, qui seule, est encore plus vulnérable que soi-même. Juste avancer sans se poser plus de questions que toutes les craintes déjà subites.

Et puis rebrousser chemin, en s'interrogeant sur sa propre bêtise, son égoïsme et son absence de solidarité. Revoir ce visage rond et incertain. J'ai levé les yeux, j'ai croisé les siens, sans doute était-ce là mon erreur. Même si maintenant je suis plutôt persuadée que l'erreur était de continuer ma route et de l'ignorer. Et si ça avait été Hannah... Ces yeux tendres, perdus, alcoolisés. On n'imagine jamais son propre sang dans ce genre de situation, même si l'on sait très bien que comme nous, ils feront ces erreurs. Pour apprendre à leur tour dans le meilleur des cas. Quelle mère serais-tu Maxine, si tu ne te préoccupais de cette gamine échouée dans ses effluves éthyliques ? Même si mère, tu n'es plus.

Alors tu reviens sur tes pas, plus vite encore que tu étais partie, presque au même endroit tu la retrouves, toujours aussi vacillante. Tu t'approches d'elle, tu tends une main, tu ne sais pas trop où, ni comment. Juste un geste amicale envers cette jeune inconnue. Tu lui parles d'une voix douce mais ferme, celle maternelle qui sait poser les limites, encadrer et protéger.

- Bonsoir, je m'appelle Maxine. Est-ce que tout va bien ?

Finalement ma main dégage doucement les mèches qui lui barrent le visage pour lui permettre de me regarder, et je lui offre un sourire encourageant.

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— @maxine flanagan

C’est cette déchéance. C’est cette déchéance qui l’entraîne toujours plus bas. C’est cette déchéance qui la guette, toujours un peu plus. Elle est là, mais sans l’être réellement. Elle n’est qu’une carcasse qui s’agite, qui tente de retrouver le chemin. Le chemin jusqu’à chez elle. Le chemin de sa vie. Quelle différence, Asmée. Ici ou ailleurs, t’es toujours cette fille un peu paumée. Ce que personne ne soupçonne, car qui le pourrait ? Qui pourrait voir, derrière la façade ? Qui pourrait voir, que la petite bombe de la télé ne sait pas réellement qui elle est ? C’est cette perdition qui l’imprègne, c’est cette perdition qui l’entraîne. Qui l’entraîne à boire, comme s’il n’y avait rien d’autre qui pouvait compter. Boire, comme s’il n’y avait pas de lendemain. Boire, comme s’il n’y aurait plus jamais de lendemain. Tu devrais faire attention, Asmée. Parce que les dégâts, tu les connais que trop bien. Parce qu’un lendemain, il pourrait vraiment ne plus jamais y en avoir.
C’est ce qu’elle voit. C’est ce qu’elle sent. Ce soir, plus que jamais. Seule, plus que jamais. Jusqu’à ce qu’une voix vienne à elle. Jusqu’à ce qu’un visage se dessine. Délicatesse. Pure délicatesse. Douceur incarnée. Cette femme d’une quarantaine d’années, celle qui semble se préoccuper de son sort, pour une raison qu’elle ignore encore. Maxine. Maxine et cette main qui vient caresser doucement son visage, dégageant ses cheveux avec bienveillance. - Bonsoir, je… Oui, tout va bien. Tout va bien. Elle n’en est pas certaine. Parce qu’elle ne sait pas comment s’en sortir. Elle ne sait même pas comment est-ce qu’elle doit se sentir. - C’est gentil de vous inquiéter mais… Je vais bien. Son regard vient pourtant accrocher le sien. Empli de douceur. Empli de profondeur. C’est quelque chose qu’elle ressent tout au fond d’elle. Quelque chose qu’elle n’a pourtant jamais connu auparavant. Cet instinct maternel. Ce côté protecteur. Cette inquiétude. Peut-être qu’elle est cette bonne étoile sur ta route, Asmée. Cette vraie bonne étoile, pas comme celle que tu pensais avoir trouvé en devenant actrice. Pas comme la célébrité. Maxine, elle ne semble pas savoir qui elle est. Maxine, elle semble simplement vouloir l’aider. Avec cette grâce, cette pureté, qui semble lui être propre. Et peut-être qu’elles ont cela en commun, après tout, la pureté. Parce qu’elle a le cœur pur, Asmée. Le cœur pur, pur comme celui d’un enfant, caché derrière l’image de la petite starlette. Mais tu es beaucoup plus que cela, Asmée. Tu vaux beaucoup plus que cela. Tu n’en as simplement pas assez conscience. Pas encore conscience.

Tout va bien. Tout va bien. Les mots se font échos, sonnent creux. D’une question quasiment rhétorique, voire même idiote à une réponse plus ou moins mensongère. Je m’en veux plus qu’à elle. Elle, elle croit être bien sans doute, dans son ivresse ou simplement est-elle dans le déni, pour moi ou pour elle-même. Et moi je suis personne, une inconnue au milieu de la nuit, elle n’a aucune idée de ce que je pourrais lui vouloir même si ce n’est que du bien. Bien. Mes paroles trahissent mes intentions. Je n’ai jamais été très douée pour aborder des inconnus. Ces inconnus dont on m’a appris à me méfier étant plus jeune. Cette méfiance que j’avais transmise à ma fille, qui lui a été transmise aussi j’imagine. Un étrange dilemme se pose sous mes yeux, si ça avait été elle, si ça avait été Hannah, j’aurais aimé que quelqu’un comme moi vienne à son chevet, qu’on ne la laisse pas ainsi vulnérable dans la jungle urbaine et nocturne. Et pourtant, je lui aurais enseigné à ne pas faire confiance, rien d’autre. Comment savoir… Hannah n’aurait même pas son âge aujourd’hui, la comparaison s’arrête là.

Alors je te souris, je te souris et je te renvoie toute la douceur et la compassion dont je suis capable, en espérant qu’elle traverse l’espace qui nous sépare et que tu la ressens. J’ai cette impression quand nos regards se croisent. Tu pourrais me dire cinquante fois que tu vas bien, je ne partirai pas. Je peux te raccompagner chez toi ou attendre ici avec toi que tu décuves et que tu sois capable de faire un choix. Toute la nuit s’il le faut, jusqu’à la nuit suivante, peu importe. Mais je ne te laisserai pas ici, esseulée, vulnérable. Joli bout de femme, même alcoolisée ta beauté est douce comme le printemps. Personne n’y touchera, je te le promets.

- C’est normal tu sais, de s’inquiéter. Tu veux que je te raccompagne chez toi ? Ou peut-être que j’appelle quelqu’un ?

Tu as bien quelqu’un qui s’occuperait de toi sans te faire la morale hein ? J’envisage bêtement tes parents, parce qu’on oublie s’y vite qu’à cet âge, on ne veut surtout pas que les parents soient au courant de nos frasques, parce qu’ils sont si peu compréhensifs et si à même de nous remonter les bretelles. Parce qu’on sait qu’on fait des bêtises. Et qu’ils oublient qu’il faut essayer et se tromper pour apprendre.
Je recouds mon cœur déchiré par les erreurs que je n’ai même pas eu le temps de commettre. Cette rencontre aurait fait de moi une meilleure mère, Hannah.

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— @maxine flanagan

Ce qu’elle découvre, ce sont des choix, des actes, de la vie quotidienne. D’une vie simple et ordinaire. Ce qu’elle découvre, c’est la bonté, la bienveillance d’une inconnue pour une autre. Deux âmes qui se croisent par hasard et entrent en collision dans le noir obscur. C’est peut-être ce qui arrive, en général, aux personnes avec une vie normale. Mais elle aime ça, Asmée. Elle aime la douceur avec laquelle elle lui parle. Elle aime cette tendresse avec laquelle elle la touche. Peut-être parce qu’elle est perdue, ce soir. Peut-être parce qu’elle vit cette solitude plus mal qu’elle que ne l’imaginait. T’es isolée, Asmée. Isolée de tout ce que tu connais, de tout ce que tu sais. Sans repères. Elle est en roue libre, sans filet de sécurité. Elle s’est jetée dans le vide, comme elle l’a toujours fait. Elle s’est jetée dans le vide, parce que le vide était mieux ce qu’elle avait. Parce que le vide était mieux que ce qu’elle vivait. Mais aujourd’hui, elle en est moins sûre, l’étoile. Elle risque de s’éteindre, à tout moment, elle le sent. L’innocence qui est sienne s’envole et se pose, laissant son esprit complètement retourné. C’est normal tu sais, de s’inquiéter. C’est ce qu’elle affirme. Normal, elle ne sait pas si c’est le cas, Asmée. Mais c’est qu’elle sait, en revanche, c’est que cette belle blonde est foncièrement gentille. Une douceur dans la nuit. Mais lorsqu’elle lui demande si elle peut appeler quelqu’un, son esprit se vide de nouveau. Non, il n’y a personne. Pas son père. Elle ne veut pas qu’il la voit comme ça, ni lui, ni sa belle-mère. Encore moins sa mère, leur relation est déjà bien assez compliquée pour ajouter une soirée comme celle-ci. - Non, non, personne… Passant une main dans ses cheveux, elle réfléchit. Pensive. Parce qu’elle sent que l’inconnue ne la laissera pas. Elle sent qu’elle ne la laissera pas tomber. Et elle ne veut pas devenir un fardeau pour elle, elle ne veut pas lui faire perdre son temps. - Vous êtes sûre ? Vous avez certainement mieux à faire… Qu’elle demande, un doux sourire sur les lèvres. Mieux à faire que de s’occuper d’une inconnue. Pourtant, t’as le cœur pur, Asmée. Et tu sais qu’à sa place, tu en ferais certainement autant. Même pour quelqu’un que tu ne connais pas. Parce que les écrans n’ont pas complètement arraché son bon cœur.

Personne. Personne... Ce mot l'effraie. Elle ne le connait que trop bien. Depuis qu'elle aussi, elle n'a personne. Milles films terribles se tournent dans son esprit. Sur qui peux-tu compter ? Personne. Tu as de la famille ? Personne. Des amis ? Personne. Non, il n'y a que toi Maxine, l'inconnue qui passait par là et qui a failli passer à côté d'elle. Elle ne sait pas pourquoi, ni comment cette jolie blonde en est arrivée là. Elle ne ressent que de l'effroi pour cette jeune femme esseulée, bien trop jeune pour ne pouvoir compter que sur elle-même. Et de la peine, énormément de peine. Elle avait trente-cinq quand son monde s'est effondré, et elle avait beau se sentir extrêmement seule, elle a toujours eu ses parents sur qui se reposer. Au cas où. Mais elle avait trente-cinq, un métier pas des plus stables néanmoins qui tenait la route et un caractère bien affirmé. Cette jeune femme, elle a quel âge, seize ans ? Dix-huit ans ? Dans tous les cas bien trop peu pour n'avoir personne sur qui compter. La blonde se sent si mélancolique face à sa situation, à elle et son visage d'ange.

- Mieux à faire que d'aider quelqu'un qui en a besoin ? Bien sûr que non. De toute façon je ne te laisserais pas seule, il n'y a pas à discuter.

Le ton un brin autoritaire d'une femme droite dans ses bottes, qui a grandit dans une famille aux principes moraux élevés, avec une petite touche maternelle. Ça se voit tout de suite sur elle, son sens moral, ses valeurs, tant elle est droite comme un i, ça se voit aussi qu'elle a été mère, dans les rondeurs de ses intonations et la façon dont l'inquiétude pointe son nez. Elle lui rend son sourire et lui tend le bras, ou la main, lui offrant son soutien si jamais elle en avait besoin.

- Tu peux marcher ? On va rejoindre l'avenue et commander un taxi.

Elle l'attire avec elle, sous les lueurs urbaines, ces étoiles multicolores qui ne s'éteignent jamais. Elle n'est pas pressée, marche à sa vitesse. Qu'a-t-elle de mieux à faire ? Rien, rien à part dormir et des obligations qui n'en sont pas. Elle peut annuler, tout ce qui le devra. Parce que si c'était Hannah, elle ne voudrait pas qu'on l'abandonne avant d'être sûre que tout va bien, même si c'était pour toute la vie, sans doute. Personne ne devrait avoir personne. Et elle a cette sensibilité là Maxine, de l'empathie et cette douceur qui lui permet de s'entendre avec tout le monde. C'est pas de la pitié, c'est pas de l'altruisme non plus. Simplement que la porte de sa vie est cachée, mais toujours grande ouverte.

@Asmée Chamberlain

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— @maxine flanagan

Elle réalise rapidement que l’inconnue n’a pas l’intention de s’en aller, Asmée. Qu’elle n’a pas l’intention de la laisser. Un acte de pure bonté de sa part, une action pleine de douceur et de gentillesse qu’elle ne pourra jamais oublier. Elle est la première, la première à en faire autant pour elle, ici, à New-York. Elle est la première à lui tendre la main de cette façon, avec autant de bienveillance, autant de tendresse. Et tu réalises que dans le monde que tu fréquentes, trop rares sont les personnes comme elle, Asmée. Peut-être même que tu n’as encore jamais eu la chance d’en croiser. Et elle sent cette connexion, ce début de quelque chose qui ne ressemble en rien au reste. Qui ne ressemble en rien au reste du monde. Esquissant un faible sourire, elle n’a pas d’autre choix que d’acquiescer à son tour. Que d’accepter son aide, dont elle finalement bien besoin. T’es obligée de l’admettre, Asmée. Tu t’es perdue. Tu te retrouves vaincue. Et t’essaie de t’en sortir désespérément, mais t’es encore si jeune, si innocente, tu n’as pas les armes pour te battre seule. - Ok… D’accord… Merci beaucoup pour votre aide. Son regard perdu s’arrête finalement sur elle, prête à disparaître avec lui dans la nuit. Prête à s’en aller, à retrouver la sécurité, prête à retrouver l’autre version d’elle-même. Celle qui ne se laisse pas dominer par les vises, les failles. Attrapant doucement son bras, elle marche avec elle en direction de l’avenue principale, répondant. - Oui, ça va. Ne vous en faites pas. Elle est simplement un peu déstabilisée par cette soirée. Chamboulée par sa nouvelle vie ici, par son emménagement. Ravagée par l’alcool, par tous ces démons autour d’elle. Et finalement, elle se décide à reprendre la parole, à s’ouvrir à elle, comme elle sait si bien le faire. - Je m’appelle Asmée, enchantée. Je viens d’arriver à New-York. Elle retrouve New-York, cette ville qu’elle connaissait autrefois, dont elle se souvient encore vaguement. Cette ville qui était la sienne et qui n’est plus. Mais aux côtés de cette douce inconnue, la ville lui semble plus familière. La ville lui semble plus calme. Comme un goût d’autrefois. Comme une ultime manière de se retrouver elle-même.

- Enchantée, Asmée. C'est un très joli prénom.

C’est que sa dernière grosse cuite remonte à Maxine, pas qu’à quarante on ne puisse plus m’enfin. Il y avait d’autres responsabilités, d’autres priorités et puis d’autres envie surtout. Sans parler de l’organisme qui ne suit plus vraiment, le foie qui ne tolère plus trop l’excès, les lendemains difficilement supportables. On finit par ne plus avoir envie de picoler autant, surtout qu’avec l’expérience, on connait ses limites, et puis on oublie un peu ce que ça fait, d’être totalement ivre. On ne peut pas pour autant dire que la consommation d’alcool de l’artiste soit raisonnable, c’est plus fourbe et plus insidieux. Moins certes mais plus souvent et régulièrement. Bof. Elle n’est pas un exemple et ne compte pas faire la morale à qui que ce soit.
Dans tous les cas, le choc des générations est bien présent. La jolie Asmée lui fait prendre un sacré coup de vieux lorsqu’elle réalise qu’elle ne sait plus trop à quel moment, sous l’emprise de l’alcool on perd ou retrouve sa lucidité. Si bien qu’elle ne sait pas vraiment quoi faire la vieille, ni si elle doit se fier à ce qu’elle entend. Et ce même si elle trouve sa démarche plutôt correct. Les quelques rues défilent doucement, la langueur de l’ivresse n’ayant rien de légendaire et la blonde entretient la conversation, surveillant la jeune fille toujours, si jamais il lui prenait de tomber ou autres imprévus sympathiques du genre vomir.

- Et tu viens d’où alors ? Qu’est ce qui t’amène à New-York ?

Peut-être que si Hannah était encore en vie, elle la reconnaitrait la starlette de séries pour gamines.
Finalement elles arrivent dans la grande rue et Maxine hèle un taxi à l’ancienne, trouvant rapidement une voiture libre. Uber, c’est pas son truc. Ensemble elles montent et indiquent au chauffeur l’adresse de la jeune femme, tout en trouvant le confort de la banquette arrière.

- Je suis artiste peintre, ça fait vingt ans à peu près que je vis à New-York. Tiens prends ma carte, qu’elle lui indique tout en lui tendant le petit bout de carton peint à la main où se trouve toutes ses coordonnées. Tu es la bienvenue, quand tu veux. Et cette offre commence dès maintenant. Elle insiste sur le dernier mot, toujours incertaine quant à la volonté de la gamine et sa situation. Elle s’imagine beaucoup de choses, avec l’impression tenace qu’elle ne veut pas rentrer chez elle, pas dans cet état du moins.

Qui sait, avec toutes les horreurs qu’on entend sur certaines familles. Ancienne femme d’agent, Maxine connait un paquet de faits divers tous plus charmants les uns que les autres. Ce qui est sûre c’est qu’elle s’en voudrait de la laisser à un tortionnaire, peu importe s’il s’agit de sa famille.

- Je vis seule, j’ai un canapé confortable, tu ne me dérangeras jamais, entendu ?

Le chauffeur la dévisage bizarrement, si bien qu’elle se présente à lui aussi, prenant même la peine de lui parler de son exposition en cours et de son compte instagram. Ça ne se fait pas de suivre une inconnue, c’est sûr, ça lui semble évident de rassurer tout le monde. Elle pourrait être n’importe qui, ou complice avec n’importe qui. C’est un choix cornélien et elle se demande encore une fois ce qu’elle aurait voulu pour sa propre fille.

À moins que ce ne soit elle, Asmée, qu’il dévisageait.

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— @maxine flanagan

Son ange gardien du soir continue à prendre soin d’elle. Elle garde un œil sur elle, l’œil bienveillant, l’œil maternel. Elle lui parle, comme si elle cherchait à la maintenir concentrée. A la maintenir en éveil. Et elle apprécie, Asmée. Elle apprécie l’attention qu’elle lui porte. Attention pure, réellement pure, parce qu’elle ne cherche pas à extirper quoi que ce soit d’elle. Elle ne veut pas se servir de toi, l’inconnue. Elle ne veut pas profiter de ta célébrité, en retirer quelque chose. Non, tout ce qu’elle souhaite, c’est t’aider. Avec le plus de tendresse possible. Et cela se confirme, parce qu’elle ne semble pas du tout la connaître, Maxine. Tant mieux. Tant mieux, parce que c’est la véritable Asmée, qu’elle va pouvoir apprendre à connaître. La véritable Asmée, et non la petite starlette des écrans télévisées. - J’étais à Chicago, mais je suis née à New-York. Et je m’installe de nouveau ici. Et peut-être qu’avoir quelqu’un comme elle dans sa vie, lui sera bénéfique. Peut-être que c’est bien ce dont elle a besoin, une bonne fée. Quelqu’un qui la guide. Parce que t’es beaucoup trop perdue pour t’en sortir toute seule, Asmée. Il ne faut que quelques minutes pour qu’elles se retrouvent toutes les deux dans un taxi, beaucoup plus en sécurité ainsi. Beaucoup plus en sécurité avec Maxine. Mais ses paroles suivantes font écho à son esprit. Elle en fait encore bien plus pour elle, lui laissant sa carte, lui proposant même de venir chez elle. De venir passer la nuit chez elle. La carte dont elle se saisit, Asmée, et le regard hésitant. L’envie d’accepter, la peur de déranger. Et elle te dit pourquoi que tu ne déranges pas, Asmée. Mais t’as du mal à le croire, parce que tu n’es qu’une inconnue. Qu’une fille comme une autre. - Même… Ce soir ? Qu’elle demande, faible sourire sur les lèvres. Parce qu’elle n’est pas certaine de vouloir rentrer. Pas le cœur à se faire juger, une fois de plus, par ses parents.

Elle n'est pas la femme la plus chaleureuse du monde Maxine, ni la plus tactile, et encore moins la plus facile à approcher. Elle aime mettre de la distance entre elle et les autres et compte ses proches sur les doigts d'une main. Même avec eux elle n'est pas particulièrement démonstrative, ni expansive. Pourtant, elle a eu ce réflexe étrange - et ce qu'il avait d'étrange c'est lui a paru absolument naturel - de passer un bras autour de ses épaules et de la serrer contre elle lorsque la jeune femme lui a demandé si elle pouvait venir ce soir.

- Bien sûr ! Bien sûr que c'est possible !

L'artiste a aussitôt indiqué le changement d'adresse au chauffeur qui a grommelé parce que la direction n'était pas du tout la même. Il est gonflé, se dit Maxine, le détour lui rapportera gros. Après tout il est bien payé au kilomètre parcouru. Un autre jour, un autre moment, elle lui aurait envoyé une petite réflexion bien sentie.

Elle avait d'autres chats à fouetter, et surtout une jolie demoiselle qui lui semblait manquer d'amour maternelle. Une chose qu'elle ne pouvait comprendre, ni tolérer. Doucement, elle retira son bras, remis une mèche rebelle derrière l'oreille de la demoiselle.

Quoiqu'il te manque dans ta vie, douce Asmée, tu le trouveras chez moi.

Elle lui sourit, puis son regard se laissa porter par le paysage déformé par la vitesse et ses lumières étirées. Bientôt, elle serait chez elle, au chaud et à l’abri de tous ses soucis.

@Asmée Chamberlain

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