(alyah) ♦ Oups, I'm heavy

La vie était différente à New-York. A commencer par le fait qu'ici, il ne portait pas forcément la soutane. Par exemple, ce jour-là, il n'avait qu'une tenue sobre, son col romain, signe distinctif, bien en place. Antek entra dans un immeuble, sereinement, après avoir marché un bonne vingtaine de minute. Cette bibliothèque était l'un des premiers lieux où Antek avait mis les pieds en arrivant à New York. Il aimait sentir l'odeur du papier, tenir des livres entre les mains et, surtout, il voulait améliorer son anglais, encore très bancal à son arrivée dans le pays. Alors, il avait lu, encore et encore. D'abord, des histoires simples, voire des bouquins pour la jeunesse, puis, il avait peu à peu complexifié. C'était un grand lecteur, il lisait de tout, même des romances.
C'était il y avait un an. A présent, sur la pointe des pieds, dans cette allée, il tentait d'attraper en haut du rayon un ouvrage de théologie. C'était la première fois qu'il allait lire ce genre de chose en anglais, d'habitude, il restait dans sa zone de confort, parcourant ces informations dans sa langue maternelle. Il était temps de jouer dans la cours des grands. Antek avait l'habileté et la taille nécessaires pour atteindre l'objet convoité, mais lorsqu'il se recula, sourire aux lèvres, le manuscrit entre les mains, il trébucha.Le jeune homme essaya d'abord de se rattraper à une étagère, mais tout ce qu'il parvînt à faire fut d'entraîner quelques ouvrages avec lui dans sa chute. Dans la panique, il saisit le premier élément à sa disposition: les épaules d'une jeune femme, qui se trouva rapidement écrasée sous le poids du malencontreux prêtre.
Rapidement, il se hâta de la lâcher, puisque, allongé sur elle, il la tenait par la taille, et de se lever, les joues complètement rouges et l'air totalement paniqué. "Excusez-moi, pardon! Je suis vraiment confus! Je ne vous ai pas fait de mal, j'espère!" s'exclama-t-il, tendant la main pour aider la demoiselle à se relever à son tour.

La jeune femme qu'il vient d'écraser allégrement tranche nettement avec le décor, de par ses longues dreads virevoltant lorsqu'elle bouge la tête. Antek l'observe. Ici, à New York, les gens ont plein de styles et de façon de vivre différentes, et cela n'étonne personne. C'est bien loin de ce qu'a connu jadis Antek dans son village. Là-bas, c'était marche tout droit, d'autant plus pour un prêtre. Ses faits et gestes étaient épiés, et il n'était pas rare que lui ou l'un de ses collègues soit victime de ragots et de rumeurs. Cependant, si vivre dans une grande ville apportait quelques avantages, l'air frais lui manquait, tout comme le fait de connaître l'ensemble des villageois. Ici, c'était souvent anonyme, même s'il commençait peu à peu à reconnaître certaines de ses ouailles.
Il sourit simplement à la demoiselle, qui accepta la main tendue, prenant la situation avec humour. En effet, cela aurait pu se terminer de façon bien plus grave, surtout avec les gros livres lourds qui étaient tombés en même temps qu'eux, les suivant dans leur chute.
"Encore désolé...Je devrais faire plus attention." répondit-il, les joues rouges, et le regard baissé au sol. Il attrapa les bouquins que son interlocutrice lui tendait simplement, pour les remettre sur les étagères. "Non, merci, ça va , je ne suis pas cassé." Ah, l'anglais qu'il maltraitait parfois, sonnait bien drôle, surtout lorsqu'il se trompait d'auxiliaire ou de verbe. Parfois, il confondait des mots et cela avait l'air de beaucoup faire rire l'assemblée. Il sourit sincèrement, terminant de ranger les ouvrages comme il se devait. Il reporta alors toute son attention sur la demoiselle.
"Je suis Antek, et vous?" En vérité, son prénom état Antoni. Mais jamais personne ne l'avait appelé comme cela depuis sa plus tendre enfance. Des fois, à l'école, les professeurs, avant de le connaître, les premiers jours de classe... Puis l'administration, évidemment. Mais pour tous les autres, il n'était que le petite Antek, même avec une soutane. D'ailleurs, du fait de sa jeunesse, de son sourire angélique et de sa douceur enfantine, le sacerdoce ne lui avait jamais donné aucune autorité, ni même apporté le respect.