[the king's guard]

traits de caractère / Cassian est le fils de son père: arme de prédilection , démon adjuré à la moindre contrariété, il se fait preste et discret, efficace et docile.
On le dirait presque manœuvrable : un côté névropathe - des troubles obsessionnels compulsifs facilement observables qu'on s'amuse à singer, des brimades criardes que l'orgueil ne peut se condamner à supporter - et automate, des attitudes travaillées, des mimiques apprises.
La vie serait alors  une étrange leçon qu'il tenterait de retenir au fil des jours, comme sur le fil d'un rasoir dont il ne saurait éviter les mâchelières, agile et doté d'une détermination qu'on intitulerait Blake.
Mais Cassian n'est pas seulement soldat, il est aussi cerveau et sagesse, stratège et spartiate, s'il était né aux marges d'une famille au cercle d'influence ébréché (s'il était né dans la fange - amas de boue et de fiente, de pisse et de gerbe, incarnant la déjection d'une société à deux vitesses), il aurait pu révéler  l'échec, le sourire aux lèvres appréciant les gemmes qu'il planque chichement aux yeux de ces profanes prompts aux commentaires creux.
Il est le Filthy rich qui traverse l'atlantique pour se pavaner une coupe de Pims dans la main dans la loge jouxtant celle occupée par la royal family à chaque tournoi wimbledonien et uniquement désireux d'encourager les quelques joueurs américains avec lequels il se targue d'entretenir de réelles amitiés.
Les apparences jouent un rôle important et s'il s'avère être l'acteur le plus doué de son entourage, les Blake se sont arrangés de faire disparaître les dérapages de leurs progénitures.
Son atout, c'est son humour, le second degré qui macule ses jours, transparaît à travers chaque décision prise, chaque exécution, chaque maudite élocution : son attitude dénote la recherche d'une existence grégaire.
Car s'il ne le dit pas souvent, tout, absolument tout sauf un retour en taule.

Une existence métallique ; encadrée par des bordures platines , une indéniable noirceur dans la pupille,  malgré les cercles bleus aux nuances pervenches auxquels l’on prêterait presque des origines séraphiques.
Il possède cette part rock’n’roll qui fait de son quotidien un amoncellement distordu voire quasi tonitruant d’arrangements et de compromis : parce qu’il serait presque outrageant – oserait-on dire blasphématoire ? - de penser qu’un Blake posséderait le droit fondamentalement inaliénable de se croire libre, pire de l’être.
Surtout lorsque les responsabilités sont bien trop grandes – peut-être excessives face à la vulnérable nature humaine- , qu’elles engendrent des conséquences à l’aléatoire difficulté.
Cassian Blake.
Pas vraiment le héros torturé d’un bouquin réaliste ; s’il a grandi avec de la boue sur ses santiags , il n’est pas inutile de préciser que lesdites godasses étaient fabriquées sur-mesure et qu’elles n’étaient clairement pas en simili-cuir.
C’est pas vraiment sur les genoux d’un père relevant de l’expression littéraire caractérisant l’individu poncif ( good ol’ cow-boy, valeurs désuètes, républicain jusqu’à la racine d’ses cheveux poivre-et-sel cachés par un Stetson à la Buffalo Bill) que le second marmot a été élevé.
Il y avait Dayton d’un côté – l’enfant prodige, le prince héritier, la perfection incarnée dans une enveloppe faite de chair et de fluides – et de l’autre Cassian, presque désincarné, imperium romanum filtrant une signification plus absconse.
Deux astres destinés à briller de mille et une façons différentes. L'on ne retient alors qu'ils ne sont même pas les mêmes et ce - bien qu'ils partagent la même marque ADN.
Le puîné fut tôt cantonné au second plan, garant des bonnes conduites, kevlar protégeant les côtes fraternelles. sometimes a liability.

Il fallait bien qu’il se distingue.
Qu’il tire profit de cette position infligée par un fatum à la perversion rare. - Qu’est-ce que tu veux ? Lui avait demandé Robert, comme il aurait pu s’enquérir de la pluie et du beau temps, du nombre de bêtes qu’il mettrait en vente à la prochaine saison, du contenu de la marmite mitonnée par cette immigrée mexicaine qu’il se ventait de traiter comme une Blake lorsque, vraiment, c’était à peine si elle touchait une prime annuelle.
Cassian se souvient de ce qu’il avait répondu ; les yeux encore touchés par l’innocence, ivre d’un platonisme enfantin – c’était une époque où tout aurait été possible, la conquête de l’univers, la paix dans le monde, la fin des famines. Tout et il était d’autant plus stupide – qu’aurait-ce été d’autre si ce n’est la manifestation d’une immense crétinerie ? - qu’il n’avait pas pensé une seule seconde à mentir.
Comme l’aurait certainement fait Dayton.
Comme l’aurait fait n’importe qui n’ayant pas l’intention de se faire passer un savon.  - Prendre la place de Dayton. Et s'il avait voulu la prendre, l'aurait-il fait ? Ça n'était pas tant la soif de pouvoir que la soif d'amour, d'affection, celle de laquelle il s'était toujours senti privé.
Mais le cowboy changea d'avis, changea tout court.
Et s'il le devait en partie à la gifle qu'il avait reçu ce jour là, il le devait surtout à sa propre préhension, compréhension du monde et de ces règles qu'il tentait toujours vainement d'assimiler. L'adolescence fut very country - plusieurs milliers de jours passés en compagnie des cattlemen, à apprendre comment gérer un ranch - soit disant, premier pas dans les shoes d'un real man - pas ses mots, ceux de ce père qu'il avait appris à craindre.
Sa mère, quant à elle, répudiée lorsque Cass avait neuf ans n'avait plus son mot à dire depuis l'instant même où le bambin avait été emmailloté et emmené par une sage-femme payée à l'heure par Robert Blake Sr. Était-il seul ? Se sentait-il seul ? Il s'était vite tourné vers les autres, préférant s'entourer d'individus qu'il avait choisi puisque ceux sous le toit desquels il vivait n'avaient de cesse de lui rappeler qu'il n'était que second. sometimes misunderstood.
Il ne fut pas plus turbulent que n'importe quel mecton censé s'enrichir autrement qu'en investissant son temps dans l'apprentissage théorique; Cassian a toujours adoré le factuel mais c'est dans les lignes mathématiques qu'il s'est trouvé, dans les équations à l'insolite beauté qu'il trouva cette identité qu'il avait toujours recherché. Il faillit se penser infini lorsqu'il n'était rien d'autre qu'un Blake - un gars plutôt pathétique, bien que riche. C'est au Mass (Massachusetts) qu'il fut envoyé, business school dans un premier temps puis comm' dans un second; il était lui aussi destiné à de grandes choses, seulement des choses plus mineures que celles auxquelles Dayton l'était, bien entendu.Il n'étudia pas l’algèbre avancée, ni même l'architecture. Et si ses nuits blanches sont aujourd'hui ponctuées de lecture concernant les deux domaines sus mentionnés; c'est un goût amer qui demeure sur ses papilles.
Black dog. 2012. Il savait que le fédéraux finiraient par lui tomber dessus. Pas parce qu'il était coupable mais parce que Dayton l'était. Parce que Robert Sr l'était. Parce qu'il était Cassian Aston Blake jr (troisième du nom) donc utile. sometimes expendable. C'est à Otisville qu'il fut incarcéré. à plusieurs états de son domicile. Là où les magouilles financières avaient été faites. Il vécut trois années à l'intérieur de l’état de new york, loin de l'hotel particulier manhattanien que les Blake possédaient.
A l'ombre mais pour une fois, pas dans celle projetée par son aîné.

La cabane abritait cinquante sept détenus juifs, servait des repas kosher et permettait même à qui voulait l’entendre à un jeune rabbin tout juste diplômé en théologie de dispenser ses sermons.
Évidemment, Cassian n’en avait absolument rien à foutre ( il était né dans une famille catho, baptisé, confirmé : pas plus de piété que de pitié à revendre).
C’était l’office du Shabath,  il s’ennuyait ferme et s’était laissé convaincre par Avi Roth, son compagnon d’cellule, qu’il se sentirait « plus léger s’il écoutait un peu l’chant de la téchouva ». Bien évidemment, s’il s’était attendu  à des cantiques, il fut surpris par les tonalités de la langue hébraïque et passa tout son temps à glousser.  Faux pas ; chose qui ne plut pas aux cinquante six autres détenus juifs qui n’hésitèrent pas à en faire leur bête noire. Il passa les six mois qui suivirent à déjouer un herem le concernant. - T’as pas encore compris qu’ils se jouent seulement de toi ? Avait lancé Avi, depuis son matelas situé à l’étage du dessous, d’un ton moqueur. Il était 23h00 et toutes les lumières de l’établissement s’étaient éteintes une minute avant. - C’est peut-être tout le contraire qui a lieu. Il avait grandi dans un ranch , auprès d’individus antisionistes, antisémites et adeptes des raccourcis obscurantistes : mais, il avait été à Harvard depuis, avait occupé un poste au sein d’une entreprise médiatique et purgeait une peine de cinq ans d’emprisonnement au sein d’une prison fédérale. Il pouvait se tirer de là en trois ans pour bonne conduite s’il le voulait. Le voulait-il ?
Ceux qui racontent que 'la taule, c’est tout bonnement horrible', ces individus là ne sont : soit pas assez riches, soit pas assez futés, soit simplement emprisonnés dans un coin beaucoup trop sordide. Cassian avait eu la chance d’avoir une cervelle fonctionnelle et un portefeuille  suffisamment rempli. Le herem ne dura que six mois et ce uniquement car il le voulut bien.
C'était un petit con mais, c’était un petit con avec lequel il était difficile de ne pas se marrer et les cinquante six autres détenus finirent par le remarquer. Bon businessman, excellent comptable; il ne lui fallut que quatorze mois pour se retrouver à la tête des trafics internes de cigarettes (et autres).
2014. Il rejoignit le Texas, le costard qu'il avait sur le dos le jour de son arrestation, sa piaget au poignet et les deux milles biftons de pompes qu'il portait aux pieds. Lorsqu'il se présenta sur la propriété familiale, l'accueil fut malaisant. Ils firent tous comme s'il revenait d'un long séjour aux Maldives, de son père, à sa mère en passant par la femme de ménage. Dayton aux abonnés absent - "un contrat important  à Tokyo, chéri. Tu veux du Boeuf (prononcé Bouf) Bourguignon (prononcé Burgignouh)".
Malgré cela, les mois qui suivirent il ne cessa de répéter qu'il préférait le stresse d’appartenir à cette famille plutôt que la taule. N'importe quoi plutôt que la taule.