So Far Away - Warston

♛ So far away.

Elle n’a pas conscience de tout ce qu’elle a pu lui apporter. Lui qui paraît si tranquille, si serein dans sa vie, elle voit mal l’équilibre qu’elle aurait pu lui offrir. Peut-être qu’elle aurait pu apaiser ses colères mais, non, elle n’a vraiment pas l’impression de savoir s’y prendre dans ce domaine. Comme dans tant d’autres. Surprise, elle ne saisit pas comment il peut bien prétendre qu’elle est plus démonstrative que lui alors qu’elle a eu si souvent le sentiment inverse. Alors que, lui-même, a pu si souvent lui dire qu’elle l’empêchait constamment de trop se rapprocher d’elle. Mais il lui répond en affirmant qu’elle lui confie c’est la première fois qu’elle a besoin de lui dans sa vie. Elle fronce légèrement les sourcils, un peu perplexe, devant ses contradictions. Il lui prouve justement que, non, elle n’a rien de quelqu’un de démonstratif là. – Donc… C’est tout le contraire, je ne suis pas plus démonstrative que toi. déclare-t-elle sans comprendre très bien où il veut en venir. Il n’y a peut-être rien à comprendre. Il essaie de la rassurer sur ce qu’il ressent, en vain, c’est tout. Elle n’est pas démonstrative, elle non plus, elle a juste davantage besoin de lui qu’il n’a besoin d’elle. C’est peut-être un constat douloureux, mais elle n’a pas pour habitude de se voiler la face, Isabella. Le cœur encore lourd, elle retrouve néanmoins un certain réconfort dans la douce étreinte que lui offre l’homme qu’elle aime. Car, à défaut d’être aussi dépendant d’elle que le contraire, il sait lui faire ressentir tout cet amour plus que quiconque ne l’a jamais fait. Les yeux fermés, elle savoure de longues minutes durant la sensation salvatrice de ses bras autour de son corps. Il lui donne l’impression de respirer à nouveau correctement, Nikolaï. C’est plus important que n’importe quel cadeau qu’il aurait pu lui faire. Mais il semble vraiment se sentir coupable à l’idée de n’en avoir aucun pour elle. – Arrête, ce n’est rien. J’ai envie que tu l’ouvres maintenant. déclare-t-elle alors que le sourire lui revient doucement. Elle est encore chamboulée, bouleversée par tout ce qu’ils viennent de se dire. Mais elle essaie tout doucement de retrouver contenance alors qu’elle attend qu’il découvre enfin son cadeau. Elle le contemple, lui, pendant qu’il ouvre le paquet avec une certaine impatience. Le sourire de la Latina s’agrandit en voyant celui qui vient illuminer le visage de son petit-ami. – C’est vrai, tu aimes ? lui demande-t-elle, heureuse, mais soulagée aussi. Elle craignait qu’il trouve une visite de New York inutile alors qu’il y vit depuis un bout de temps maintenant. Quand elle entend sa question, elle le regarde avec une lueur malicieuse dans ses grands yeux noirs. – Il me suffit de t’observer. Elle le connaît, Nikolaï. Elle le connait par cœur et s’imprègne, chaque jour, des nouvelles choses qu’elle découvre sur lui. Son goût pour l’adrénaline ne lui a pas échappé. Puis, elle est observatrice, Isa, et particulièrement attentionnée avec ceux qu’elle aime. – J’ai hâte aussi de le faire avec toi. lui confie-t-elle, la voix plus tendre alors qu’elle glisse sa main dans celle, libre, du jeune homme tout en retrouvant son regard. – Je n’arrive pas à croire que cela fait un an que nous nous sommes rencontrés. Un an qu’elle l’a vu dans ce bureau, en train de fouiner, en train de tenter de la déstabiliser. Un an qu’il est venu tout bouleverser, de son mariage, jusqu’à son existence entière, en passant par elle, elle à qui il a tant donnée. Un an qu’il a changé sa vie.

♛ So far away.

Ce goût d’amertume, il est toujours là, au fond de son cœur trop abîmé. Mais il s’éloigne, tout doucement, il s’éloigne sous l’effet salvateur de l’homme qu’elle aime. Ce même homme qui la sauve, depuis un an, de tous les démons qui l’emprisonnent depuis bien plus longtemps encore. Il a peut-être raison, finalement, Nikolaï. Il est amoureux d’elle, profondément amoureux. Si fort que, jamais, elle n’a pu en douter. C’est à cet amour qu’elle doit se raccrocher, c’est cet amour qui lui fait si peur qui devrait la rassurer plus que tout le reste. Elle se raccroche à cet amour comme ses bras se raccrochent autour de lui, tout contre elle, comme si elle ne voulait jamais plus le lâcher. Jamais plus le laisser s’en aller. C’est le cœur un peu plus léger, l’émotion toujours présente, que la jeune femme décide pourtant d’oublier toute cette histoire pour mieux se concentrer sur ce qui compte vraiment. Eux, il ne devrait y avoir qu’eux. Eux et leur amour. Eux et leur bonheur. Ce bonheur qu’elle lit dans ses yeux alors qu’il découvre enfin le cadeau qu’elle garde depuis des semaines dans un tiroir. Le sourire qui vient enfin se dessiner sur ses lèvres, la Latina ne s’offusque pas de n’avoir aucun paquet à déballer de son côté. Elle n’a jamais eu besoin de cadeau, Isa, juste d’être entourée. Juste d’être aimée. C’est la seule chose dont elle a besoin, la seule chose qui peut combler ce trou béant dans son cœur trop meurtri. Cela, et voir le sourire rayonnant de Nikolaï quand elle arrive à le rendre heureux. Elle lui sourit simplement quand il lui promet de lui trouver un cadeau rapidement, un peu plus intensément encore quand il lui confie combien il aime le sien. C’est tout ce qu’elle espérait. À ses paroles suivantes, elle secoue négativement la tête comme pour le contredire. – Cela ne risque pas d’arriver. Non, elle ne pourrait pas se lasser de lui. Jamais. Il est trop étonnant, trop imprévisible, trop plein de surprises pour qu’elle puisse s’ennuyer avec lui. Glissant sa main dans celle de son petit-ami, elle croise ses doigts aux siens sans quitter son regard. Leur rencontre, indéniablement, elle a complètement changé la vie de la Latina. Mais elle non plus, elle ne voudrait rien y changer. Pour rien au monde. – Tu n’imagines pas à quel point je suis heureuse que tu l’aies fait. murmure-t-elle d’une voix douce avant qu’il ne décide de l’entraîner jusqu’au canapé. Elle le suit sans protester, Isa, le sourire toujours aux lèvres alors qu’il lui affirme qu’elle a changé sa vie. Elle pourrait lui dire la même chose, c’est même évident. Elle espère seulement que, jamais, il ne regrettera. C’est sans qu’elle s’y attende que le jeune homme décide finalement de parler d’un tout autre sujet, celui qui les a séparés pendant une semaine. Durant plusieurs secondes, Isabella n’ose pas dire un mot. Elle le laisse s’exprimer mais… Il a l’air si perdu. Il semble ne pas savoir quoi faire. Ce qui la pousse, elle, à vouloir l’aider. – Je comprends que tu sois inquiet, et perdu, Nikolaï… Tu as peur qu’il les abandonne à nouveau. déclare-t-elle de sa voix douce, plus encore que d’ordinaire. Elle ne veut pas se disputer avec lui, pas encore. – Mais j’ai eu la sensation de… De ne pas avoir le droit de te dire mon opinion. Mon ressenti. Je sais que je n’étais pas là quand c’est arrivé, je sais que tu ne l’apprécies pas, mais… Je ne peux pas refuser de donner une chance à quelqu’un qui en a besoin, c’est… Ce n’est pas moi. Elle laisse échapper un petit soupir presque imperceptible avant d’ajouter enfin. – Je… Je ne sais pas si je peux vraiment te dire ce que tu devrais faire. Je peux juste te donner mon avis mais il s’agit de ta famille, je l’ai compris.

♛ So far away.

Vraiment ? Tu ne regrettes rien ? Un tendre sourire, empreint de surprise, vient se dessiner sur le doux visage d’Isabella. Comment pourrait-elle regretter ? Comment peut-il, ne serait-ce que, se poser une telle question ? Elle n’était pas heureuse avant lui. Elle avait des moments de bonheur, comme tout le monde. Mais elle n’était pas heureuse. Elle savait tout juste reconnaître le bonheur mais il ne durait jamais bien longtemps. Elle était, comme, morte avant de le rencontrer. Piégée dans une vie dans laquelle elle s’était réfugiée pour de mauvaises raisons, piégée dans un amour qui n’en était pas réellement un. Sa propre vie ne lui appartenait plus. Elle ne lui avait peut-être même jamais appartenue. Alors qu’en le rencontrant, lui, elle a appris. Elle a appris pour la première fois de toute sa vie à penser à elle. À ce dont elle, elle peut avoir envie. À ce qui peut la rendre heureuse. Elle a appris à vivre avec Nikolaï. Alors, peu importe tout ce qui peut bien arriver, jamais elle ne regretterait. C’est simplement inconcevable qu’elle puisse regretter. – Non, rien. Tu m’as appris à vivre, Nikolaï. lui dit-elle faiblement, un peu intimidée, mais le cœur empli de sincérité. Elle sait que, souvent, il a pu douter. Il a redouté de la voir ressentir un quelconque regret à cause de tout ce à quoi elle a pu renoncer. Mais il n’a pas conscience de tout ce que cela a pu lui apporter. Toutes ces choses qu’elle n’imaginait pas même possible, Isabella. Le suivant jusqu’au canapé, elle se laisse guider sans protester. Elle accepte, aussi, de parler à nouveau de toute cette histoire qui, une semaine durant, les a tenus éloignés. Les yeux posés sur lui, elle écoute son petit-ami avec attention pendant qu’il lui parle avec calme et honnêteté. Ce qu’elle aurait voulu qu’il fasse la première fois, il y parvient enfin. Elle le laisse faire, Isa, elle le laisse faire jusqu’à ce qu’il termine complètement. Ce n’est que lorsqu’il lui demande réellement son opinion qu’elle ose enfin ouvrir la bouche. –  Je pense que ce qui compte dans cette histoire, ce n’est pas Owen. Ni… Ni ta sœur, Nikolaï. La seule qui compte, c’est cette jeune fille qui a grandi sans son père. Qui paraît tant manquer de ses repères. Et tu sais, je sais ce que c’est. Je sais ce que c’est de vivre sans ses parents. Elle prend une profonde inspiration. Ce n’est pas là un sujet facile pour elle, bien au contraire. Mais elle se sent en confiance avec l’homme qu’elle aime. Elle peut parler, si c’est avec lui. – Je pense que c’est un choix qui lui revient. Tout comme à Cassey. Et, crois-moi, je comprends que tu veuilles les protéger, mais tu ne peux pas tout empêcher. Personne ne peut tout empêcher. Et elle sait que c’est là la pire chose à entendre pour lui. Elle le sait parce que cela le serait, pour elle aussi. Elle a tellement de fois voulu protéger les siens. Elle a sauvé la mise tant de fois à Miles, trop de fois pour les compter. Mais elle a accepté le fait qu’elle ne peut pas contrôler sa vie, lui seul peut en décider. C’est la même chose pour la famille de Nikolaï. – Attends de connaître la décision d’Arya. Attends de savoir si elle souhaite qu’il entre dans sa vie… Dans vos vies. Mais laisse-lui avoir le choix. Elle ne l’a pas eu une première fois, aujourd’hui cela peut changer et… Peut-être qu’elle a juste besoin de prendre elle-même cette décision.

♛ So far away.

Cela lui fait du bien de se retrouver en tête à tête avec Nikolaï. Loin de l’effervescence de la foule, lors de leur dernière conversation, le moment est plus propice pour qu’il dévoile ce qu’il ressent. Mais, aussi, pour qu’il parvienne enfin à écouter ce qu’elle peut avoir à lui dire. Au fond, cette histoire ne concerne Isabella en rien. Elle ne fait pas partie de leur famille, elle ne sait pas tout ce qu’ils ont pu traverser. Mais elle est éperdument amoureuse de l’homme assis juste à côté d’elle. Alors, évidemment, elle ne peut pas rester indifférente. Elle se sent indéniablement concernée à partir du moment où quelque chose peut le toucher. Et, même sans parler de lui, elle est touchée par la petite Arya. Elle a l’air si vulnérable, si perdue aussi. Elle se trompe peut-être, Isa, mais elle se dit qu’elle a peut-être besoin de ce père qui n’a jamais voulu d’elle pour se retrouver. Savoir d’où elle vient, pour mieux découvrir où elle va. Elle pense à elle, oui, depuis le début elle ne pense qu’à elle. Mais elle comprend malgré tout l’inquiétude de celui qui s’occupe d’elle depuis plus de six mois maintenant. Il a besoin de prendre soin d’elle. Et c’est une bonne chose. Mais il ne peut pas empêcher l’inévitable. Il ne pourra pas toujours la protéger, c’est un fait. – Tu seras là pour les relever. C’est parfois la seule chose à faire. Et puis… Imagine que cela fonctionne. Imagine qu’elle retrouve son père. Tu imagines le bien que cela pourrait lui faire. Il ne doit pas seulement envisager le pire. Il peut aussi imaginer que la situation s’améliore pour Arya. Qu’elle soigne la plaie béante laissée dans son cœur avec l’abandon de son père. Cela ne signifie pas forcément qu’elle noue une véritable relation avec lui. Cela peut aussi simplement lui donner l’occasion de guérir de cette blessure qui n’a jamais cicatrisé. Glissant sa main contre le bras de son petit-ami, elle le caresse tendrement, dans un geste réconfortant, alors que ses yeux ne quittent pas les siens. Elle découvre par la même occasion qu’il est tombé nez à nez avec l’homme qu’il déteste. – Il vaut peut-être mieux que tu te tiennes à l’écart de lui, effectivement. déclare-t-elle simplement, soulagée qu’il n’en soit pas venu aux mains. Elle se rapproche de lui pour se blottir dans ses bras. – Ne t’en fais pas, elles vont s’en sortir. Elle dépose un baiser contre sa joue avant d’enfouir son visage un peu plus loin, dans le creux de son cou. – Tu m’as manqué, tu sais.