s a u d a d e ☾ sony

traits de caractère / L'esprit est aérien, sans cesse entre les étoiles et les nuages, rêvant à l'ailleurs et espérant le paradis. Le calme est rarement brisé, imperturbable et si la colère apparait, elle n'est qu'orage vite ravalé par les cumulonimbus. Douce nymphéa aux paupières tombantes, elle se laisse glisser sur les flots d'une vie qui lui échappe, ruisselle entre ses doigts sans en retenir une goutte. La mémoire effacée et irrattrapable. Sony, porcelaine ébréchée, cherchant les morceaux d'une vie avec lassitude. On n'entend pas ses soupirs ni ses chagrins. Elle est spectrale, traversant l'existence des autres sans bousculades. Le rire est discret, le sourire tout autant, elle se fond dans la masse, d'une banalité humaine, n'attire l'œil que lorsque la bouche s'éveille et déblatère des propos sans majuscules ni points. Sony à la voix d'ange mais aux mots sans fond, elle chante des paroles qui échappent aux mortels. Énigme sans solution, on ne perce pas le sens de ses sourires ou de ses silences survenant parfois de nul part. On la dit idiote quand la maladresse est trop présente, lunaire, de ces filles qui respirent mieux la nuit qu'en plein jour, nymphe à la caboche fêlée, folie silencieuse, aliénée d'une indifférence perturbante face au chaos de la violence. Elle contemple les corps tombés sans les comprendre, écoute les autres sans les comprendre, étrangère d'un univers où les codes lui échappent. Légère Sony, sans limites, sans contraintes et sans ailes.

Qui es-tu ?

Jusque là, l'idée est floue, flottante dans l'esprit lancinant. Elle pourrait raconter les plaines d'un ailleurs glacial, les maisonnettes de couleurs, les rires du marché au lendemain des soirées arrosées, l'odeur printanière d'une mère au visage effacé et ses rires étouffés des lèvres d'un mari amoureux. Elle pourrait dire le pire. Le sombre. La mort et le sang des parents envolés sous la tôle froissée, colombes longeant le ciel où un Paradis inatteignable des vivants continue sa lente avancée. Solitude soudaine, chagrin mal avalée. Elle en a versée des larmes Sony, des litres de perles salées plongée sous la couette pour oublier la douleur inconnue. Le cœur n'a jamais fait autant mal. Jamais jusqu'alors elle ne s'était fanée à ce point. Enfance partagée aux côtes de quatre fleurs contant une définition différente d'une vie pourtant partagée.
Magda, piquante à souhait, l'aînée, la guerrière, force calme aux yeux impénétrables, d'une beauté déconcertante, d'une voix apaisant les flammes de la colère, épongeant les grandes eaux des chagrins inoubliables. Magda la condamnée à au pilori, Magda qu'était l'espoir d'une famille aux mains maudites. Les damnés du quartier. Les affamés d'argent, la faillite d'une banqueroute appelant à la gloire.
Magda, le grand espoir de reconquête, l'érudite plongée au bord des pages de mille livres se succédant entre ses doigts pâles, celle n'ouvrant les lèvres que lorsque c'est nécessaire. La première à tomber. A vaciller.
Paulina, l'irradiant soleil. Activant sans cesse sa tête pour sortir les pires bêtises, laissant sa trace dans chaque vie où elle passe, faisant trépasser les démons et les cauchemars pour distiller sa joie de vivre inépuisable. Immortelle fée qui a vibrée jusqu'à la fin, qui n'a jamais cessé de sourire sous les affronts donnés au corps soldé.
Zuzanna, froideur étrange, insolence au bord des lèvres, elle crache, elle cauchemarde, beaucoup trop. Névrosée, elle a mal avalée la défaite, les multiples défaites d'une famille au nom damné. Ange enlaidi par l'amertume, la tristesse accrochée aux prunelles, la putain déchue aux cuisses entrouvertes au libertinage incessant. Zuzanna la mélancolique, la déesse de l'insatisfaction.

Qui es-tu ?

Le joug d'Olga et Leon, clichés d'une tante et d'un oncle austères. Les marches menant à l'Enfer pour perron, les filles Lowinski n'ont rien vus venir. Pas la décadence lente et doucereuse, les yeux pervers glissant sur les omoplates dévoilées d'une Magda sentant déjà le parfum du piège se refermant sur eux. Aucune histoire à conter sous peine d'être prise pour les pires menteuses. La maison des Danilevitch reflétait la gloire, la bande passante entre le réel et l'irréel, les soirées d'or et de lumière aux rires chantants de célestes paroles. La soie et le velours pour caresser les corps, le noir cotonneux des costards bien repassés. Le classique d'un Mozart grisant les oreilles d'invités passant et repassant encore. Les sœurs pour offrandes, les succubes offertes en dessert. Trois nymphes jetées dans l'arène quand l'autre, Apolonnia, rodait dans les ombres pour compter les billets glisser au creux des dentelles, lutin faisant les comptes de la marâtre aigrie. Vente du corps, jamais de l'esprit sauf peut-être celui de Zuzanna qui s'abandonnait corps et âme pour oublier la détresse jamais cicatrisée. Pions des esprits perfides de tuteurs faisant croire à l'amour sous les regards inconnus, elles ne servaient que de bonus financiers, poupées de son et au cœur de cire coulant sous les doigts trop brûlants de vieillards empressés d'en finir avec la frustration leur saignant les reins. Trois à s'épuiser à intervalles réguliers aux bras d'hommes avides, voulant rendre jalouses les femmes qui les ennuient et qu'ils n'auront jamais vraiment. Magda saccagé chaque nuit par la poigne interdite d'un oncle bavant sur la peau porcelaine, en goûtant le derme et le sel de ses larmes, murmurant d'oublier et de ne rien dire. Jamais. Apolonnia pour unique témoin des sévices qui ne s'oublient jamais vraiment. Apolonnia qui, lentement, prend la décision qu'il est temps de s'enfuir.

Qui es-tu ?

La fuite vers l'El Dorado. Elle a rêvée Apolonnia, des grands buildings, des thés dansants, d'un Olympe où les déesses portent la prestance et le talent, des dieux aux sourires de félins. Apolonnia et ses rêves, beaucoup trop de rêves pour un seul esprit. L'envie d'être tout et rien mais surtout de jouer. Jouer encore. Mais Apolonnia ignore qu'elle assassine le jeu d'acteur, qu'elle n'est qu'un pantin raide aux émotions endormies. Tu joues si mal Apo, tu f'rais mieux d'te taire. Les moqueries glissant sur le myocarde battant toujours à un rythme régulier, jamais de raté, de si rares enchevêtrement du cœur face à l'amour factice. Incapable de ressentir pour faire semblant, de faire retranscrire la moindre émotion. Elle y a cru, s'accrochant de toutes ses forces au plus parfait des rêves. L'arrivée sonne le soulagement, les sœurs du Nord dérivant dans les rues d'un New-York avalant bien trop d'âmes pour en reconnaître une seule dans ce dédales de béton. L'espoir infini d'enfin percer sa bulle et d'y trouver son paradis perdu. L'exaltation suprême, l'envie inspirante de devenir quelqu'un en ne sachant pas encore qui elle était.

Qui es-tu ?

Elle n'en sait rien. Le sang a coulé, emportant dans ses flots des bribes de souvenirs, un nom redessiné au mercurochrome, des semaines sans liens et sans nouvelles, des menottes aux poignets, victime d'interrogatoires douteux cherchant à lui faire cracher un nom qui lui échappe parfois. Il revient pour mieux s'en aller. Les trous dans sa mémoire sont des néants dans lesquels elle essaie de ne pas tomber. Aimer n'a jamais fait peur. Détester n'a jamais fait peur. Pleurer n'a jamais fait peur. Et oublier ? Oublier c'est la pire des tortures, peur bleue collant à la peau fine pour la gondoler de frissons, de spasmes du cœur qui font trembler l'être dans la nuit noir. Apolonnia clamsé au pied d'une table, Sony renaissance d'un lutin avec les mêmes rêves. Le reste intact, ne reste que l'identité à percer, cherchant à reconnaître les visages qui passent devant elle, à réapprendre à cerner l'autre quand elle n'a jamais vraiment su le faire. Sourire à Magda, rire des blagues de Paulina, ne pas détourner les yeux face aux abysses des yeux de Zuzanna. Complexe exercice jamais vraiment réussi. L'air est aride de secrets que le corps a gommé sous un mauvais coup du sort, le bleu à la nuque, la bosse de l'anamnèse défunte.

Qui suis-je ?

Sony. C'est Sony. Sony et l'amour nostalgique. Sony et les limites inexistantes. Sony et les sourires faciles. Sony et la frustration angélique. Sony et le corps dévoilé. Sony et l'enfant orphelin. Sony, tu ne mords plus la vie, tu la caresses, tu l'effleures, tu la contemples, tu sautes de wagon en wagon et tant pis, si tu tombes, si tu saignes. Tu vis. Tu respires. Tu savoures la saveur d'une vie unique et d'une histoire à réécrire à l'encre de tes actes d'enfant utopiste.