run in the shadows.

« Ainsi mon père est parti et ma mère, mince et affligée, est devenue grosse et contente - raisonnablement grosse et contente. »
il s'est barré. un matin de janvier, laissant derrière lui un gosse de trois piges et des dettes à cinq chiffres. ton père, ce faux-jetons, ce moins que rien, ce salopard, ce fils de chien c'est comme ça qu'elle l'a toujours appelé, ta mère. il est parti, cette ordure, avec la voiture, la télé, la bague de fiançailles et même tes putains de jouets. il a taillé la route, sans se retourner, le sourire aux lèvres et les économies de maman au fond d'ses poches. il s'est tiré. laissant derrière lui un gosse de trois piges et une femme soulagée.
il l'a pas mise k.o ta mère. elle s'est relevée, elle s'est remariée. avec un blanc - parait qu'ils ont plus de cœur, plus de valeurs- et vous avez tous emménagés dans la maison du bonheur, ta mère, son fromage blanc, sa peste et toi. famille recomposée multicolore.
« Un enfant nourri au poison considère que faire du mal participe au bien-être. »
t'as pas fini le lycée moïse. t'es même plus certain de t'être pointé le premier jour. c'est à quatorze ans que t'as suivi les traces de ceux que t'appelles les tiens. c'est à quinze ans et demi que t'as participer à ton premier passage à tabac, à tes seize ans que t'as tiré sur un type pour la première fois. à dix sept ans que t'en as tué un autre, sans sourciller. les Shower Posse, pour le meilleur et pour l'risque. un gang aux allures de famille, sous le regard impuissant de maman. maman qui sait, qui a toujours su, qui a souvent tchipé face aux billets que tu lui laissais sur la table de la cuisine. parce qu'elle ne cessera de le dire, t'es un bon petit moïse, t'as bon cœur mon fils, elle te voit plus grand que tu ne l'es ta mère. mais dans l'fond, c'est pour elle que t'as toujours tout fait. et si la mort t'appelle demain, tu sais que tu l'auras toujours rendu fière.
« J'ai fait des efforts démesurés pour être facile à vivre. Mais c'était intenable. »
tania c'est la brailleuse, le fauve intenable, la gamine qui passait son temps à hurler après le chat, et après toi. c'est la sœur collée de force, trop blanche pour que ce soit vrai. tania, c'est les cris stridents, les insultes à toutes heures du jour ou de la nuit. les engueulades matinales. la présence réconfortante des dimanches soirs. les fou-rires inexplicables. c'est les premiers cheveux que t'as tiré, la première claque que t'a subit. tania, c'est les moments de faiblesses -les seuls. c'est pour elle que t'as exploser ta première mâchoire -fallait pas la traiter de salope. tania, c'est ta seule relation durable, en dent de scie. qui prend aux tripes, à tel point, que personne sait si c'est ta go ou ta sœur.
« Plus gros est le mensonge, plus tout le monde le gobe. »
t'en impose, t'en as toujours imposé. la faute à ta carrure, la faute à ta grande gueule que t'as jamais su fermer. t'es le genre de mec à marcher toujours la tête haute, un air de tupac dans les oreilles, à se prendre pour un gangster haut de gamme. t'es le mec qu'on remarque, parce que t'as le rire contagieux, la voix qui porte et que, surtout, t'adores être le centre de l'attention. le genre qui accepte les râteaux et qui pense que si les filles disent non, c'est juste parce qu'elles doivent appartenir au clan des féministes mal baisées. t'es le mec qu'on vire des boites de nuits, jamais assez bien sapé qu'ils bavent, ces traîtres à leur race en costard. l'gars qui appelle tout le monde frère, mais qui supporte pas qu'un blanc bec se permette la même chose. t'es le gars qu'on cherche pas à emmerder, même pas en un regard de travers.
la vérité, c'est que sans ton glock et tes poings massue, t'es pas grand chose moïse, t'es juste à poil à la merci de n'importe qui.
« t.h.u.g l.i.f.e. / The Hate U (You) Gave Little Infants Fucks Everybody. »
ils t'ont mis les bracelets une fois. après t'avoir posé un pistolet sur la tempes et roué de coups sans motif raisonnable. t'avais quatorze ans. ils t'ont emmené au poste, on voulu te faire cracher un morceau qui n'existait pas, c'est qu'un molard qu'ils ont obtenu. ils t'ont gardé vingt quatre heures, puis ils t'ont coffré pour un vol à l'étalage que t'avais jamais commis. tu ressemblais juste à la description: petit black sous la capuche d'un sweat vert. t'as fais six mois en centre pour jeune délinquant, grâce à un avocat commis d'office épouvantable. depuis ce jour, ils t'ont dans leur viseur les flics. ils te terrifient, et tu gardes toujours les mains visibles en leur présence. trop peur de te faire descendre comme un chien au milieu d'un trottoir.