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(bloodline) amon est mort. ça la prend aux tripes, et elle ferme fort les lèvres pour ne pas gerber son petit déjeuner. ça fait mal ; au coeur, à l'âme. elle est née en sachant que son frère, maladif, cloîtré dans un hôpital qui aspirait l'argent de ses parents, était mal en point. elle l'a pas vraiment connu, amon. ils ont jamais vraiment parlé. elle l'aimait pourtant - elle l'aimait à crever.  (la peste.) son père s'isole alors dans une ferveur religieuse qui étouffe sa femme. il prie, tandis que son épouse développe l'addiction de chairs qui ne sont pas celles de celui qu'elle aime. elle baise - baise ceux qui comprennent son chagrin, ceux qui ne fuient pas la conversation. entre les deux, ça flanche, ça meurt. mais ils restent ensemble, parce qu'ils ont trop souffert et se soutiennent encore malgré tout. (who?) nekh évolue à côté de leurs conneries. elle grandit. elle est gentille, discrète. elle dit rien d'travers. elle supporte tout ; les infidélités de sa mère aux délires religieux de son père. elle serre les dents ; elle serre les dents parce qu'elle sait que sa vie n'est pas ici. et lorsqu'à dix-huit ans, elle obtient son diplôme et décide de se barrer à new-york, son père lui en fout une. il pleure beaucoup, c'est pas méchant. si tu franchis le seuil de cette porte, tu peux nous oublier. et elle part, sans se retourner. (rêve toujours.) parce que oui, elle rêve. elle rêve de cinéma, de son talent déployé au grand jour. et elle travaille d'arrache-pied. pourtant, plus le temps passe, plus nekh sent son idéal s'effriter. on n'veut pas d'elle ici. elle ne bouge pas pourtant, elle veut quand même essayer. entre deux castings, elle essaie d'oublier ce manque d'argent qui commence à se faire sentir. alors, elle prend ce qui vient comme petit boulot pour se faire vivre. mais elle fait pas la pute, ah non. jamais la pute. (darkness.) un jour, elle obtient un rôle. pas grandiose, mais pas abominable non plus. elle est heureuse - mais tellement heureuse. elle se souvient enfin de ce que ça fait que de se sentir aussi bien. le soir, elle sort. elle s'amuse. elle oublie. elle boit un peu trop et, sur le trottoir, s'engueule avec une nana qu'elle a bousculée. la meuf a trop picolé aussi, et la pousse. nekh dérape, et titube sur la chaussée lorsqu'une voiture la heurte. (silver lining.) Y a d'abord le choc contre la voiture, et son crâne qui heurte le macadam en un bruit sec. Les ambulances arrivent – tchoo tchoo motherfucker. Lorsqu'elle se réveille, elle se souvient de son prénom, mais pas d'son nom. Puis ça revient, puis ça repart. Elle se souvient d'avoir eu mal, et d'avoir espéré crever – mais pas le visage fardé de la pute qui l'a poussée sur la chaussée. Sa mémoire est une passoire – parfois, ça va. Parfois, elle en oublie jusqu'à sa présence sur terre. Parfois on l'appelle ; et elle ne se retourne pas. Parce qu'elle est pas là, pas vraiment. Et lorsqu'elle se rend compte de tout ça, ça la met en colère - parce qu'une telle chose ne devrait pas lui arriver. (l'étrangère.) Elle sert les vieux pervers dans un bar miteux et, c'est con, mais Nekh rêvait d'autre chose. Le problème c'est qu'elle n'se souvient plus exactement de quoi, car elle ne sait plus de quoi son existence était fardée avant que sa mémoire dégueule des clous ; mais elle est certaine que ce n'était pas de ça. Là-bas, on la dénigre – on lui demande d'où elle vient – si elle a déjà des enfants – que les gens comme elle en ont déjà douze à son âge. Et elle rit, mais elle rit tellement – et Nekhbet se sent conne de rire autant. (le spleen n'est plus à la mode.) trois mois depuis son accident ; trois mois où sa mémoire flanche, roupille, grésille. elle a changé nekh - elle n'est plus vraiment la même. elle est souvent en colère, souvent vulgaire dans ce qu'elle dit ; y a pas la même étincelle dans ses yeux. mais c'est parce qu'elle a peur - elle ne sait pas comment gérer ce qui l'entoure, ce qui lui arrive. pourquoi ça lui arrive ? elle désespère de se ressentir un jour bien. alors, elle s'occupe. fait de la merde. parce que ça, elle le peut encore.

(en vrac.) passionnée de cinéma, c'était le rêve de nekh de monter sur les planches ou de se pavaner devant la télé ; chose qu'elle n'a jamais pu réaliser. / Nekhbet se débat dans ce monde, incapable d'y laisser sa trace. elle enchaîne les petits boulots, incapable d'en garder un bien longtemps - parce qu'elle n'est jamais satisfaite, en grande idéaliste qu'elle est. / elle tricote devant sa petite télé ; ça lui occupe les mains. / la piaule qu'elle loue est merdique, alors elle évite d'y ramener du monde. / elle est farouchement loyale et aimante, n'hésitant pas à sortir les crocs lorsque ses valeurs sont bafouées. / elle est pas violente, mais elle a la verve cinglante lorsqu'elle est titillée d'un peu trop près. / Nekh a une sale perception des religions, bain bouillant dans lequel elle a étiré ses ailes à cause de son père à la suite de la mort de son frère aîné ; lorsque dieu est mentionné, son nez se fronce et ses sourcils s'arquent, furie prête à s'offrir à une joute verbale de renom si nécessaire. elle sait que cette aigreur n'a aucun fondement ; sauf l'impression d'avoir été une pauvre merde aux yeux d'un père malheureux. / Nekhbet a toujours ressenti l'intensité de ses sentiments jusqu'à s'en rendre malade ; elle pensait que c'était ça l'amour. mais plus l'temps passe, plus elle comprend que l'amour, c'est pas supposé faire mal. / elle boit souvent ; des cocktails sucrés. elle aime pas l'goût de l'alcool. mais ça a un effet merveilleux, extatique. elle oublie qu'elle existe. elle oublie sa mémoire qui frémit, et sa colère qui grandit.