everyth. can happ. ft.angela

J’dois avoir l’air idiote, j’suis pas croyable. J’ignore vraiment c’qu’il m’arrive c’soir mais bordel, habituellement j’me comporte pas comme ça. Surtout pas auprès d’personnes que j’connais pas. Surtout pas en présence d’une fille qui, depuis gamine, je n’apprécie pas voir face à moi. Pourtant, j’me sens légère. Si légère au point d’continuer c’que j’aurai nommé d’conneries en état normal. L’alcool fait sûrement effet mais il n’y a pas qu’ça, j’en suis persuadée. Peut-être que c’le fait d’m’amuser qui m’manquait. Peut-être que j’me suis trop retenue depuis tout c’temps et qu’j’avais besoin d’souffler, qui sait. J’devais avoir besoin d’faire ressortir tout ce que j’ai d’garder au fond d’moi. Et c’de cette façon-là qu’je le fais. D’la manière-même qui m’aurait fait honte si c’était un proche qui agirait comme tel.

noël c'est l'une des fêtes que j'déteste, luna. alors pourquoi le bonhomme rouge au bonnet ringard serait tendre avec moi? Pour une fois que j’suis d’accord avec Angela, qu’j’partage plus ou moins son avis. Possible aussi qu’j’serai capable d’tenter d’lui faire songer à autre chose mais j’n’en ai pas pleinement envie. Mon caractère reste tout de même au-dessus de tout. J’ai un trop plein d’mauvais souvenirs causés par sa faute et j’suis pas prête d’les caler d’côté. Non, j’suis pas prête d’lui dire qu’allez, c’rien, tout ça. Qu’on devrait plutôt s’serrer la main et tout oublier. Faire comme si rien ne s’était produit. C’les faibles qui agissent de la sorte. Je ne désire pas en faire partie.

J’aimerais pouvoir lui avouer qu’d’mon côté, c’la même. Qu’mon père, j’suis loin d’éprouver d’l’amour envers lui. Si j’le pouvais, j’me confierai presque. À lui dire qu’j’peux la comprendre dans un sens parce que moi aussi, je n’ai rien à lui devoir, rien à lui envier. Qu’depuis gamine, il n’sert qu’à m’faire d’l’argent vu c’qu’il a fait qu’il souhaite préserver. Pourtant, quelque chose m’en empêche. Y a cette chose qui m’bloque depuis toujours.

 mon dieu, t'es vraiment défoncée. tu sais que ça ne te va pas mais tu l'fais, même bourrée. En effet, j’suis consciente que ça n’me va pas et ce, qu’ce soit concernant c’que j’porte d’autres ou même l’maquillage tout dégueulassé qu’j’ai encore sur l’visage. Et j’m’en no care royalement. Jm’en contrefous d’ça. Tout c’que j’veux c’me sentir autrement, avoir l’air mieux que j’le suis réellement. J’veux profiter d’cette nuit qui file, d’cette nuit qu’j’risque d’zapper facilement et qui pourtant nous rapproche bien qu’ce soit pas forcément ma volonté. Sûrement ni la sienne, d’ailleurs.

J’finis d’penser quand elle m’prend le poignet. « T’es sérieuse ? On risque d’se casser la gueule à un moment donné. » j’balance un court instant puis j’me laisse emporter par la musique et l’ambiance finalement. Ca peut paraître anormal, trop joli pour être vrai et putain si c’la vérité : j’atteins l’but que j’voulais ce soir auprès d’celle que j’aurai pourtant préféré ne jamais revoir.

parfois, je me demande ce qu'aurait été ma vie sans ce fichu nom de famille, sans ce sale caractère que j'ai adopté dès mes premiers pas, sans cette solitude que je ressens chaque jours quand je me perds dans la gigantesque propriété où je vis. je m'imagine heureuse, quand je dors. l'égoïsme pur me rend souvent visite lorsque j'ai ce genre de pensées – je sais bien que la moitié de la terre ne se nourrit pas dans l'or. c'est inutile de me le rappeler : les magazines, l'actualité télévisées, les journaux s'en chargent déjà. c'est d'ailleurs pour ça que je n'ai pas de télévision, que j'arrache le premier papier jeté sur le palier de ma porte. je ne veux qu'écouter que moi-même, parce que je suis la seule qui puisse me satisfaire. pas vrai ?

t’es sérieuse ? on risque d’se casser la gueule à un moment donné. on se l'est déjà cassé, la gueule, luna. que crois-tu qu'on est en train de faire ? des échecs pour nous partager sur deux terrains, l'un noir et l'autre blanc ? je déclare forfait moi, luna. j'abandonne tous mes pions juste en cette soirée. je veux simplement m'lâcher, m'abandonner, m'faire rire. si t'es pas du même avis, c'est pareil. alors si je m'écroule au sol en essayant d'me relever en choppant des ceintures, pieds, tout ce qui traîne par-ci par-là, c'est parce que demain sera un autre jour, comme dirait l'un de ces cons d'philosophes – qu'on finit tous finalement par suivre. et que notre image sera renouvelée dès l'aube – ou pas. alors je me dandine, je m'éclate, et je crie. – lève tes mains plus haut ! tu ressembles à un zombie là. et je rigole fort, beaucoup trop fort pour les deux mecs qui nous regardent une à une cherchant la fautive. j'lève le doigt d'un air innocent avant de continuer à secouer ma tête dans tous les sens. j'ai l'impression d'être
un oiseau
qui vient
d'être
libéré
d'sa cage
dorée.

plus tout à fait.
j'me sens malade, très pâle. je cherche du regard luna, j'ai besoin d'aide. ô diable les querelles, j'veux du soutien pour la prochaine épreuve de ma vie qui s'intitulera non pas "fiesta avec ma bff" mais bien "vomir avec elle". j'la trouve grâce à la couleur flamboyante de son pull – heureusement qu'elle ait gardé cette horreur – parmi un certain nombre d'jeunes gens. on dirait un girofard, l'appel à l'aide est finalement pour moi. sans la prévenir, j'tire l'une de ses manches avant d'la supplier, ma bouche puant l'alcool tout proche d'son oreille : – c'où les toilettes? t'peux m'accompagner. j'crois que ... c'la fin du comte d'fée. une fin qui pourrait s'avérer être l'épilogue d'une histoire qui s'avérait jusqu'ici terminé. celle de luna & moi.

J’me sens incroyablement bien. Pourtant, j’suis accompagnée d’celle que je n’appréciais pas du tout dans l’passé. Qui dans notre jeunesse, avait tenté d’s’enjouer d’moi. Celle qui avait tenté d’me faire tomber au plus bas et qui, finalement, s’est bloquée dans mes filets à un moment donné. Parce que ouais, j’n’étais pas l’style d’gamine à s’laisser marcher d’ssus. C’pas parce que Miss portait l’nom d’Edwards soit les putains de réputés, qu’j’devais me la fermer. Non, absolument pas. J’lui répondais sans cesse. Elle doit me détester au fond d’elle. Peut-être bien plus que ce qu’j’ressens à son égard.

La réalité c’que j’suis totalement bouffée par ce que j’ai ingurgité, désormais. Qu’même si quelqu’un avait la gentillesse d’s’intéresser à mon état, à tenter d’m’arrêter, j’continuerai. J’en ai rien à foutre de ce qui peut s’produire à c’t’instant-même où j’l’entends m’dire d’lever les mains plus haut, qu’apparemment, j’ai l’air d’un zombie. J’suis actuellement en train d’danser à ses côtés, d’me faire remarquer avec elle. Bordel, même pas l’envie d’arrêter tout ça m’traverse l’esprit.

J’me contente d’me laisser aller. Sous le son, tout m’semble bien. C’limite si c’est irréaliste, tout ça. Qu’c’est qu’un foutu rêve qui va cesser d’ici quelques heures. Qu’j’me réveillerai, que j’reverrai la réalité en face et qu’ça fera mal d’me l’dire. J’danse, encore et encore. Quoi que danser, c’est vite dit. J’ignore si c’vraiment d’la danse qu’j’fais. Ça doit surtout ressembler à d’la pure connerie. Et les minutes s’enchainent si vite. J’ignore l’heure qu’il est et j’m’en contrefous.

J’ai perdu d’vue Angela et j’m’en suis même pas aperçue. Peut-être qu’elle a fini par quitter l’lieu, finalement. Qu’elle s’est rendue compte qu’on était pas faites pour vivre ça ensemble. Qu’c’était tout simplement anormal. Qu’c’était pas possible que ça dure ainsi. J’me pose pas d’questions. Ce, jusqu’à c’que j’entende sa voix une dernière fois. c'où les toilettes? t'peux m'accompagner. j'crois que ... c'la fin du comte d'fée. Eh merde, j’crois qu’elle s’sent mal au final. Et les toilettes.. Putain, j’galère déjà à voir bien clair. Alors j’observe autour d’nous, j’lui prends l’poignet rapidement et nous amène jusque-là. « Ça va ? T’as peut-être besoin qu’j’t’accompagne là aussi ? » qu’j’lui dis avant d’comprendre qu’moi aussi, ça tourne beaucoup trop pour tenir.

F I N A L