People help the people. (asma)

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Dix bonnes minutes, dix bonnes minutes déjà qu’elle piétonne là, devant la porte de cette chambre d’hôpital. Elle se sent bête, Arya. Elle se sent presque ridicule, en réalité. Aujourd’hui elle n’a pas cours, et elle n’est pas non plus en observation à l’hôpital, alors elle n’a aucune raison d’être ici. Étudiante en médecine ou non. Mais pourtant elle est là, en tant que visiteur cette fois. Seulement la réalité, c’est qu’elle a quitté Los Angeles pour emménager à New-York il y a seulement quelques jours. Elle n’a donc, en théorie, absolument personne à qui rendre visite à l’hôpital. Pourtant il y a cette femme. Asma Saadi. Arya a croisé sa route pour la première fois quelques jours seulement auparavant. Elle était en observation à l’hôpital et cette patiente est arrivée dans un état plutôt critique. Poumons perforés, jambe fracturée, de quoi la laisser alitée durant un certain temps. Elle l’a vu seule et blessée ici, et quelque chose chez elle l’a touché. Peut-être parce qu’elle a été abandonnée bien trop de fois durant sa courte existence. Alors inconsciemment, elle n’a pas voulu faire la même chose avec cette inconnue. Elle a été vers elle, elle s’est occupée d’elle, mais peut-être que cette femme ne s’en souvient pas, après tout, elle était tout de même assez sonnée. Mais peu importe, aujourd’hui Arya décide d’aller la voir. Peut-être qu’elle a tort. Peut-être qu’elle ne devrait pas mettre d’affect dans ses relations avec les patients. Mais elle n’a que dix-neuf ans. C’est une petite poupée encore bien trop jeune pour savoir comment agir dans chaque situation. Et puis ici, elle est différente de la petite bombe à retardement qu’elle est à l’extérieur. Ici elle peut-être quelqu’un de bien. Ici, elle peut laisser sa souffrance de côté, ce mal-être qui la ronge constamment. Celui qu’elle cache derrière son masque de fierté. C’est une toute autre Arya, qu’elle présente aujourd’hui à Asma. Entrant doucement dans sa chambre, la jolie blonde esquisse un tout petit sourire avant de prendre la parole d’une voix très douce. Bonjour... Elle s’approche très légèrement. Maintenant qu’elle est là, elle réalise encore un peu plus à quel point elle n’a rien à faire ici. La vérité, c’est qu’elle voulait prendre des nouvelles de cette femme. Elle voulait s’assurer qu’elle n’ait besoin de rien. Mais comment expliquer une telle chose à une parfaite inconnue, alors qu’elle ne comprend pas elle même ce qui lui arrive. Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi... Demande-t-elle en plongeant ses yeux dans les siens. Elle est certaine que non, elle ne se souvient pas d’elle. Pourquoi l’aurait-elle marqué après tout, Arya ? Certes, elle est loin d’être la fille la plus banale qui soit, au contraire en général elle attire plutôt les regards, mais dans ce contexte tout est différent. À l’hôpital, tout est différent.

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Elle a l’air toute fragile, là, dans ce grand lit d’hôpital. Après tout, c’est toujours l’effet que donne un hôpital. Les personnes qui s’y trouvent semblent toujours vulnérables. Mais dans le cas d’Asma, c’est la réalité. Elle revient de loin, de très loin. Et au fond, elle n’est pas encore totalement revenue parce qu’elle va devoir se battre pour retrouver une vie normale. C’est aussi ce qui l’a touché, Arya. Elle l’a vu là, toute seule, et plus que personne elle sait ce que c’est d’être abandonnée. Surtout qu’à sa manière, elle est malade, elle aussi. Alors elle n’a pas eu envie de voir cette belle brune vivre cela. Mais ce qu’elle craignait arrive, inévitablement. Cette inconnue ne se souvient pas d’elle, et en connaissant l’état dans lequel elle est arrivée ici, ce n’est pas surprenant. Alors elle est gênée, Arya, et cela se voit quelque peu. Elle est gênée parce qu’elle ne sait pas comment lui expliquer sa présence. Elle ne sait même pas elle-même pourquoi elle se trouve ici, alors que ce n’est pas sa place, absolument pas sa place. Ce n’est même pas très déontologique, de venir voir des patients alors qu’elle n’est pas de garde aujourd’hui. Et soudainement, elle ne sait plus où se mettre. Plus du tout. Surtout qu’elle est assez pudique sur ce qu’elle ressent, Arya. Elle n’est pas du genre à se dévoiler facilement, elle n’est plus du genre à le faire. Elle a bien trop souvent été déçue, elle a bien trop souffert, et maintenant c’est sa fierté qui a pris le dessus. C’est sa fierté qui est devenu sa plus grande carapace, son seul moyen de ne pas totalement sombrer. La petite blonde esquisse tout de même un petit sourire sans trop oser s’approcher, et puis finalement, elle lui répond. Oui. Enfin… Elle pose son sac à côté, et puis elle se décide à reprendre la parole un peu intimidée. En réalité, je suis étudiante en médecine. Du coup des fois je travaille ici et… J’étais là quand vous avez été admise. Elle fait partie de l’équipe qui s’est occupée d’elle. Asma est sa première patiente ici à New-York. Et c’est peut-être pour cette raison qu’elle se sent à ce point connectée avec elle. Liée à elle. Mais maintenant qu’elle vient de lui dire cela, elle n’est pas plus avancée pour autant. Elle ne sait toujours pas où se mettre. Elle imagine sans mal qu’Asma ne va absolument pas comprendre ce qu’elle vient faire ici. Elle n’est pas en tenue d’infirmière, elle vient même d’avouer qu’en réalité elle n’est toujours qu’une étudiante. Je suis désolée, en fait je ne sais pas vraiment ce que je fais ici… Je voulais… Simplement savoir comment vous alliez. Et maintenant elle est vraiment mal à l’aise, Arya. Elle laisse libre Asma de la trouver complètement bizarre. Elle espère surtout qu’elle ne va pas la mettre mal à l’aise aussi, ou encore l’offusquer. C’est uniquement par bienveillance qu’elle est ici, aujourd’hui. Pour savoir si elle va bien, et surtout si elle n’a pas besoin de quelque chose. Etre ici toute seule, avec un corps en compote, cela ne doit vraiment pas être facile à vivre.

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A cet instant précis, elle est si différente, Arya. Si différente de ce qu’elle est d’ordinaire, de ce qu’elle est aux yeux de tous. Ce qu’elle laisse entrevoir à Asma, c’est une partie d’elle bien cachée tout au fond de son être. Ce qu’elle laisse entrevoir à Asma, c’est une partie qu’elle protège, désormais. Qu’elle ne dévoile pas au risque de souffrir à nouveau. Ici, elle est bien loin de la jeune fille aux airs assurés, celle qui n’a pas froid aux yeux et qui frôle le danger en prenant le risque de se perdre. Tout est différent. Elle est différente. Ici, elle est simplement Arya, étudiante en médecine. Arya, inquiète pour une femme qu’elle ne connaît pas. Prête à veiller sur elle sans aucune raison. Ce qu’elle montre à Asma, c’est une partie d’elle que personne n’a eu la chance de voir depuis bien longtemps. Elle-même y compris. Et sa gêne s’envole immédiatement en voyant la réaction de cette jolie brune. Elle ne semble pas dérangée mais plutôt touchée. Peut-être qu’elle n’a pas beaucoup de visites. Peut-être qu’elle s’inquiète pour sa santé et qu’elle a besoin de quelqu’un pour la rassurer. Peut-être simplement qu’elle apprécie l’idée que quelqu’un puisse se soucier de son sort. Et en entendant les premières paroles d’Asma, Arya se contente d’esquisser un faible sourire, un sourire rassurant. Non, ce n’était pas beau à voir, c’est vrai. Mais elle ne veut pas le lui dire, parce que ce n’est pas ce qu’elle a besoin d’entendre, pas alors qu’elle doit penser à elle et essayer de se remettre de ce qu’elle a vécu. Essayer de surmonter la douleur physique et émotionnelle que doit lui provoquer son état. Toutefois, Arya acquiesce immédiatement lorsqu’Asma lui propose de rester. D’accord, avec plaisir. Elle sourit de nouveau et s’assoit juste là, tout près d’elle. Est-ce qu’elle a le temps ? Oui, parce que ce temps elle l’a pris pour elle. Elle l’a pris pour venir la voir et s’assurer qu’elle aille bien, qu’elle ne manque de rien.  Et si elle peut l’aider, Arya, ne serait-ce qu’un tout petit peu, elle est heureuse de pouvoir le faire. Après tout, elle est sa première patiente ici.  Arya. Ne soyez pas gênée, nous n’avons pas eu l’occasion d’être présentées. Elle tient à la rassurer, elle ne lui a jamais donné son nom. Et elle est arrivée dans un état tellement critique que c’est tout à fait normal qu’elle ne se souvienne pas d’elle, ni de qui que ce soit d’autre. Ce qui compte, la seule chose qui compte, c’est qu’elle soit réveillée, désormais. Et même si sa santé est encore loin d’être au beau fixe, elle semble tout de même garder le moral. Ça va ? Vous ne manquez de rien ici ? Demande-t-elle gentiment, elle sait que les hôpitaux ne sont pas réputés pour être les endroits les plus agréables qui soient. En général, c’est même un endroit assez angoissant. Et puis finalement, Asma lui pose cette question. Cette question sur elle, sur la médecine, et sur pourquoi ce choix. Un choix qui lui a semblé être une évidence, bien que sa passion soit la comédie. Je crois que j’avais envie de pouvoir faire quelque chose d’important de ma vie, aider les gens. Un comble lorsqu’on sait qu’elle est déjà bien incapable de s’aider elle-même. Et c’est peut-être aussi pour palier à cela, qu’elle aime tant pouvoir soigner. Elle soigne les autres sans parvenir à se soigner elle-même. Peut-être parce qu’elle a besoin d’être sauvée, Arya.