douce mélancolie (danae)

01/ danae  c’est un chaton qui se tient là complètement apeuré autour de ces lions affamés.  cette gamine née d’un amour brisé. d’un amour qu’on croyait éternel.  d’un paternel à la poigne féroce. toujours plusieurs ordres dans la bouche. jamais de s’il te plait. jamais d’amour . danae, véritable petit soldat.  oui monsieur. non monsieur qu’elle répond toujours de sa petite voix tremblante. une mère invisible bien trop obnubilée par ses propres problèmes que par sa fille. danae c’est une autre acquisition de la famille hernandez. un autre objet qui prend la poussière dans son coin. parfois sur son trente et un pour pavoiser devant les amis de ses parents. tel un vulgaire trophée.  peut-être un peu trop naïve. elle se refugiait chez sa grand-mère. sa abuela. véritable âme maternel. et parfois, ensemble, elles regardaient des dessins animés. ceux qui commencent par il était une fois, et qui finissent toujours par ils vécurent heureux jusqu’à la fin des temps. son petit refuge. son moment de magie. elle, elle y croit. elle l’attend son dénouement.  elle le voit dans les étoiles. dans les nuages. mais pas chez elle. non surtout pas là-bas. dans cette maison froide qui l’a vu grandir. qui l’a vu s’abriter dans son monde imaginaire. jusqu’à se perdre. il faut dire que la jeune hernandez n’est pas suffisamment jolie. pas suffisamment douée. une véritable bonne à rien aux yeux de ses géniteurs. tu feras-ci. tu feras-ça. on ne lui laisse jamais le choix à la gamine. un destin déjà tout tracé. un chemin pleins de ronces et d’épines qui semblent boire toute son énergie. ça la rend amorphe.  fade. sans substance. tout ce qu’elle n’est pas.  02/  d’une main experte, la gamine se maquille un peu plus. du rouge sur ses lèvres. des ombres sur les joues. elle se cache derrière des artefacts. s’y cherche, tente d’y puiser sa force. son reflet lui sourit, mais la grimace n’atteint pas les prunelles de ses yeux.  danae n’ose même plus se regarder dans le miroir. elle se dégoûte. elle est trop laide. ses os beaucoup trop saillants et pourtant tout ce qu’elle voit c’est tout le gras, cette peau flasque. les nombres sur la balance ne font que chuter mais ce n’est pas suffisant. arrête de manger, tu es suffisamment grosse.  c’est ce que lui répète sans cesse sa mère. elle n’ose plus rien avaler. ne serait-ce qu’un morceau de pain.  elle vit dans cette crainte perpétuelle de  prendre du poids. personne pour lui dire qu’elle est bien comme elle est. alors elle finit par le croire. si sa mère le dit c’est que ça doit être vrai non ? tout pour lui faire plaisir. encore. même quand son ventre la brûle de l’intérieur et que de la bile sort de sa bouche. que les larmes roulent le long de ses joues. qu’elle se tient l’estomac pour ne pas céder. qu’elle meurt de faim. une pomme c’est tout ce qu’elle ingurgite dans une journée.  tu ressembles à une godiche pas étonnant qu’aucun garçon ne veuille de toi. des mots venimeux, tranchants. mais danae continue de sourire. déçue de ne pas avoir été une nouvelle fois à la hauteur de ce dont on attendait d’elle. déçue que sa mère ne puisse ressentir une once d’amour pour elle. même après tous ses efforts. à passer des nuits à courir, à sauter, à faire du sport. à s’écrouler dans l’herbe son corps à bout de force. à essayer d’être la fille parfaite. et sans se rendre compte, elle était déjà devenue anorexique. comme ça en quelque instant. trop affectée par ce qu'on pouvait penser d'elle, surtout sa mère, pour voir cette maladie s'insinuer dans tous les pores de sa peau. et maintenant il était déjà trop tard, le mal la ronge de l'intérieur en demandant toujours plus.  03/ si danae n’a jamais reçu de l’amour elle en déverse aux autres. énormément. comme si cela pouvait remplacer le vide à l’intérieur de son cœur.  elle se donne sans compter. un grand sourire étirant ses lèvres ,les yeux pétillants.  elle s’aperçoit qu’elle aime venir en aide aux autres. de voir leur problème s’effacer, cette touche d’espoir réapparaître. de tendre la main vers autrui comme elle aurait qu'on le fasse pour elle. on lui  dit toujours « tu es si gentille ». à croire que sa douceur est ce qui la définie.  cette faiblesse. cette force. « tu es si gentille de m’avoir aidé à nettoyer mon jardin. » « tu es si gentille de m’avoir aidé à faire mes devoirs. » toujours la même formulation. des mots mécaniques sans âme. on en abuse avec elle. toujours. la gamine ne se rend pas compte que parfois elle devrait dire non. qu’en faire trop est tout simplement mauvais. que dans ce bas monde il y a les moutons et les loups, et qu’elle est devenue une proie pour les autres. qu'être gentil ça peut être négatif. ça peut être positif. ça peut dire que tu es la bonne poire de service, ou que t'es tout simplement pas assez baisable. il lui manque du caractère, de la confiance à danae, et c'est peut-être ce qui fait d'elle une victime.   04/danae c'est un chaton sans griffe. une boule de poil qui ne cherche qu'à se faire aimer. des miaulements doux, jamais à attaquer.  la jeune hernandez a toujours eu besoin de quelqu’un pour la défendre, parce qu’elle est incapable de le faire elle-même. un garçon pour se battre et prendre part à ses batailles à sa place.   parce que la gamine ne sait pas élever la voix.  parce qu'elle est ne ferait jamais  volontairement du mal à quelqu'un d'autre. la vérité? c'est qu'elle ne souhaite surtout pas devenir comme les deux individus qui l'ont élevé.  c'est sa plus grande hantise.  jouer des sentiments d'autrui elle ne sait pas faire. le monde est trop beau, trop merveilleux pour laisser ses sentiments devenir aigre. elle veut connaitre la joie. la bonne humeur. elle veut prendre le large. se libérer de ses insécurités. se sentir vivre. très peu rancunière, elle ressent toujours une affection pour les gens qui l'ont maltraités. en pardonnant, elle espère retrouver la paix intérieure.  tant de bonté à offrir. son coeur vibre.  .  05/ les gratte-ciels pleins les yeux. le soupire de la délivrance. le corps encore marqué par ses démons. danae se jette les deux pieds joints dans la vie. le regard empli de candeur. avide de découvertes. des milliers de kilomètres la sépare de son passé. de ses parents. de leur perversion. De leur emprise. pour la première fois de sa vie, danae se sent enfin libre de respirer. de sentir le soleil caresser sa peau. le vent emmêler ses cheveux. mais son corps est toujours aussi maigre. cette maladie lui colle à la peau. la pousse dans le vide. c'est un combat de chaque instant. un souvenir de ce qu'elle a vécu. la seule chose qu'elle a "emporté" avec elle, lorsqu'elle claqua la porte de la maison vide de la famille hernandez. le coeur battant si fort dans sa poitrine que parfois elle a l'impression d'étouffer. les mains moites. vivant presque dans la paranoia. se demandant si on la recherche. si quelqu'un l'attend. mais les jours files et rien ne passe. le soulagement. la joie. la conviction que tout va bien se passer. comme un mantra elle se répète tous les jours "ouvre-lui tes bras, ne la rejette pas, montre-lui que le monde peut être beau, qu'il peut être fleuri de sourires" montre à cette ville ce que peut être le bonheur. bercée par des illusions que la vie peut être belle.