(ostara) l'aube renaissante

l’aube renaissante
@ostara st-clair

et vous trouverez, dans l’aube renaissante, son corps agenouillé sur la terre fatiguée. Ame égarée d’un presbytère où l’on dévore l’enfant pour mieux me le confier. c’est ce qu’il avait écrit, de sa plume parfaite, les lettres soignées, pleins et déliés, sur le papier blanc, anonyme. Des mots pour les guider non loin des murs de pierre qui enferment les enfants que la vie abandonne. Une scène de crime, la jeune fille, à peine douze ans, les mains jointes, resserrées par des liens qui mordaient son épiderme glacé, ses genoux dans la terre trop meuble, où il avait pris le soin d’enterrer ses vêtements, chacune de ses maigres possessions. Elle était nue, pieuse. Sur la table du légiste, elle s’est révélée violée, le corps abusé et dégradé par la sexualité d’une vie d’adulte qui pervertit toujours l’onde chatoyante de l’enfance. Peut-être est-ce leur étrangleur, qui a joué avec la chair trop tendre, pour s’y enfoncer, et y puiser un très éphémère plaisir. Sans doute est-ce auparavant, car la fleur abîmée n’a pas été arrachée lors des derniers jours qui furent sa tourmente. Alors, le flic est là, à la porte de ce presbytère qui détint quelques heures seulement Hannah, plus jeune que la victime, égarée et retrouvée par les bonnes âmes qui opèrent dans le secret du cloître. Une jeune personne l’attend, elle sait la visite de la police en cette matinée grise qui ne dégénère pas, l’aube semble arrêtée en plein vol, les couleurs s’affadissent et se fanent dans le lointain. Sur le front d’Iskandar, il y a un recueillement factice pour les lieux mais point pour la petite fille que la mort a prise, il aimerait la serrer dans ses bras, comme lorsqu’il consola Hannah, alors que Maxine et lui venaient la rechercher dans les entrailles de la religion. La religion, voilà bien un concept qu’il méprise, qu’il évoque pour mieux s’en moquer, ou qu’il utilise pour piéger lors des interrogatoires ses cibles fragiles. L’on doit le mener à celui qui dirige l’institution, mais le voilà bientôt qui croise une dame parée de noir qu’immédiatement il réapprend, alors que leurs pas, dans deux directions les opposent. Comme autrefois. Il ne connaît pas son nom, mais il conçoit encore son infinie détresse, alors que les mots furent ténus, secrets, en quelques phrases deux vies se sont entrechoquées. D’elle, il a gardé cette mélancolie qui aujourd’hui est au diapason avec la sienne, deux notes claires, dans la noirceur de l’existence, qui brisent leur courbe pour mieux se fracasser. Il laisse aller son guide, il interrompt sa marche, et n’ose pas un geste pour retenir le pas de celle qu’il croise, c’est sa voix qui se substitue à sa main, caressante. Il y a la mélancolie, mais aussi l’empathie, qu’il n’interdit pas, alors que son timbre vacille quelque peu. je ne croyais pas vous revoir. et c’est la vérité. De ce passé depuis longtemps renvoyé à la tombe, la terre jetée sur le cadavre de son enfant, il ne souhaite rien garder. La pierre renferme les hurlements, et les confidences. Leurs confidences. Le flic oublie quelque peu ce qui l’emmène en ces lieux pour apprivoiser l’âme morte qui lui renvoie l’appui d’une œillade assurée, la jeunesse troublée est devenue femme de marbre. Et lui, qui allait être père, et qui pourtant ne le souhaitait pas, qui est-il désormais que cette mascarade s’est achevée ? l’autre demande, l’impatience altérant sa voix discrète : agent wilde, je croyais que vous vouliez poser des questions à… il l’interrompt d’un geste souple, du bras, mais impérieux dans ce qui vient façonner sa silhouette. je pense que j’aurai tout loisir de poser mes questions, ne vous inquiétez pas. et il regarde l’inconnue, pourtant un jour arrachée à la froideur de l’anonymat, parce qu’ils s’étaient dit ce que même l’intime ne permet pas. La vérité abrupte, incise virulente dans la normalité d’une humanité à laquelle ils n’appartiennent pas. Pas tout à fait.