wildfire | ava

Leonide a les yeux rivés sur son téléphone alors que la ville défile derrière la vitre teintée. Ces derniers temps, elle a la fâcheuse impression que tout lui glisse entre les doigts et cette sensation de perte de contrôle commence à la rendre malade. Elle lui donne cette constante envie de s’en mettre plein le nez, de se planter les doigts au fond de la gorge. Elle veut éteindre tout ce qu’elle peut ressentir, cueillir ses émotions avant même qu’elles n’aient le temps d’éclore et les balancer au plus profond de son inconscient. Faire taire sa voix dans sa tête, éloigner ses yeux noirs qui ne la quittent plus. Et elle sait très bien ce qu’il faut qu’elle fasse pour y arriver, même si ce n’est que pour quelques heures. C’est pour cette raison que ce soir c’est Ava qu’elle rejoint. Joana poserait des questions qu’elle ne veut pas entendre si elle constatait la détermination que sa cousine a à vouloir se battre le cerveau en neige. Ava ne posera pas ce genre de problème. Elles ne parlent pas plus que ça, elles ne cherchent pas à savoir comment l’autre se sent. Il n’a jamais été question de ça entre elles, bien que de nombreuses années se sont écoulées depuis leur première rencontre.

Son chauffeur la dépose devant l’entrée d’un building dans lequel elle n’est encore jamais rentrée. Elle y a donné rendez-vous à Ava et a reçu un message de sa part quelques dizaines de minutes plus tôt lui indiquant qu’elle était déjà attendue sur place. Elle a entendu parlé de ce nouveau lieu ouvert dans un ancien atelier d’artistes il y a quelques jours. Le genre d’endroit où l’on rentre seulement si on y est invité. Loin de la masse qui s’agglutine dans des salles noires où la transpiration condense sur le plafond et auxquelles on accède par le trottoir. La porte de l’ascenseur s’ouvre et découvre un ballet de lumières bleues et violettes qui dansent sur les vitres et les sculptures de marbres. Leonide montre patte blanche en se contentant de donner son prénom, assez singulier pour qu’elle ne s’embête pas à le rallonger avec son nom de famille. La musique est forte, cent-vingt battements par minutes qui tambourinent sur sa cage thoracique alors qu’elle se faufile au milieu des âmes en perdition à la recherche d’Ava.

Elle parcoure les couloirs où des corps se font et se défont avant d’arriver dans un salon où les volutes de fumées dessinent des formes inconnues dans l’air. Trouvée. À peine est-elle rentrée dans la pièce qu’elle entend le rire d’Ava résonner. Ce rire tordu et solaire, un oxymore à lui tout seul. Elle fend la pièce pour la rejoindre, et arrivée à son niveau glisse sa main le long de sa taille pour l’attirer contre elle. « Vous m’excuserez, mais elle est à moi ce soir. » Un sourire malin se dessine sur ses lèvres alors que son regard croise celui de la brune. Elle ne prête aucune véritable attention aux personnes qui gravitent autour d’Ava comme des planètes autour d’un soleil. « Tu me fais faire le tour du propriétaire ? »  Une invitation qui pourrait sembler anodine mais qui ne devrait pas laisser de doutes dans l’esprit d’Ava qui connaît Leo et la plupart de ses vices.

Ce n'est que parce que Leonide le lui a conseillé qu'elle s'est pointé ici ce soir. Par curiosité aussi, sans aucun doute. Elle est arrivée tôt, beaucoup trop tôt, quand la musique ne battait pas encore entre les murs et que les lumières étaient tamisées. Elle s'est laissé envahir par sa fibre artistique, zigzaguant entre les oeuvres affichées absolument partout. De l'entrée principale à la porte des chiottes. Des peintures colorés, des sculptures étranges, des photographies mal cadrées, parfois même des poèmes inscrit à même le mur. Elle a parlé à quelques artistes, tous plus talentueux les uns que les autres, mais surtout plus talentueux qu'elle alors elle a attrapé une coupe de champagne. Puis une autre, puis une autre. Sont venus ensuite les shots de tequila, qu'elle a avaler jusqu'à ce que son rire se métamorphose. Faisant d'elle la pimbêche que personne n'imaginerait coincé des heures derrière une toiles. De l'alcool pour oublier ce syndrome de la page blanche, pour se releguer elle-même à ce rang d'artiste râté qui lui colle à la peau. Une bonne manière pour ne jamais aller au fond des choses, pour qu'elle puisse continuer à cracher sur ceux se donnant les moyens de réussir là où elle voudrait si souvent abandonner.

Elle ricane bêtement au monologue d'un type au cheveux long, le genre de peintre aux milles prétendantes, quand Léonide la saisit par la taille. Le sourire qui se dessine sur son visage n'est pas mîmé quand elle pose ses yeux sur la brune, se faisant arrâcher sans plus de cérémonie à l'Appolon du nouveau siècle. tu fais chier. j'aurai pu conclure. non par envie, seulement pour le plaisir de dérober cette proie à toutes les autres. Un challenge personnel et stupide. bien sûr ! répond-t-elle, trop enjouée, ne remarquant que maintenant la musique presque assourdissant et les lumières dignes des boîtes de nuit se croyant huppée. c'est quoi cette merde ? lâche-t-elle en désignant du regard les corps entrelacés et essouflés, c'était pas censée être un vernissage ? l'éthanol lui ravage le cerveau, elle se fraye un chemin entre les êtres, Leonide sur ses talons. tu as, ici, une oeuvre d'un goût certain, un serpent en train de bouffer un ... c'est quoi au juste ? qu'elle commente tout en marchant à grande enjambée dans un couloir retro-éclairé, sans même prendre le temps de se stopper, elle tourne dans un autre couloir moins sombre avant de pénétrer dans des toilettes au style discutable. Ouvrant en grand la porte pour laisser son amie passé, et c'est ici que la magie opère ! elle referme derrière elles, s'appuyant contre le bois pour leur assurer une intimité relative. Ses doigts plongent à l'intérieur de son propre décolleté et elle en ressort la poudre miracle. Remède à tout ses questionnements. c'est ça que tu veux ? elle joue avec le sachet, qui virevolte entre ses doigts manucurés. trois cents dollars la trace. j'ai besoin de nouveaux escarpins. elle sourit en coin, appuyant sa tête contre la porte.

Quand Leonide rejoint Ava, cette dernière semble déjà envoutée par l’ivresse. Son sourire est trop grand et son regard pétille d’un drôle d’éclat. En pleine discussion avec un type qui se donne trop d’importance pour présenter un réel intérêt, la brune répond au sourire de Leonide quand celle-ci vient la cueillir en pleine parade prénuptiale. C’est sans aucun scrupule que Leo s’impose entre eux, qu’elle arrache son amie à cette discussion qui semblait être aussi superficielle que le rire qui vient d'éclore dans la gorge d'Ava. Sans un regard pour l’apollon laissé sur le carreau, Leonide entraîne son amie vers des paysages plus fumeux. Elle secoue la tête quand cette dernière, acide comme à son habitude, lui communique sa fausse déception face la possibilité d'un corps-à-corps qui ne se réalisera pas. « Arrête tes conneries, on sait très bien toutes les deux qu’il était juste là pour tromper l’ennui. » lui rétorque-t-elle avant de l’inviter à les conduire vers un lieu propice à l’exécution des plans qu’elle leur réserve pour ce soir. Une invitation accueillie avec un enthousiasme qui sonnerait presque faux si Leo n’était pas habituée au caractère de femme-enfant d’Ava.  

Haut perchées sur des talons vertigineux, elles sillonnent les couloirs à la recherche d’un endroit à l’abris des regards. Ava fait chanter à nouveau ce ton méprisant qui lui colle à la bouche. « Plus à cette heure-ci. » Leonide n’a pas grand-chose à faire de la tournure que prend la soirée, elle est là pour oublier et l’envie est telle que le contexte importe peu. Elle suit Ava qui commente les oeuvres qu'elles croisent sur leur passage. « C’est pas un serpent ça Ava. » Une décoration prétentieuse qui se veut branchée. Comme si ça pouvait rendre la lobotomie au champagne un peu plus intellectuelle.  Les deux amies s’enfoncent toujours un peu plus loin dans le dédale de couloirs jusqu’à arriver dans des toilettes où la fibre artistique douteuse du propriétaire semble également avoir laissé sa trace. « Fuck. C’est quoi ce papier peint ? »

Maintenant seules, une porte en bois les séparant du reste du monde, Ava agite un sachet de poudre blanche entre ses doigts alors qu’un sourire malicieux se dessine sur ses lèvres. Leonide penche légèrement la tête avant de répondre à sa dernière phrase, « Trouve quelqu'un d'autre pour te payer tes escarpins. » puis sort à son tour deux pochons de son portefeuille. « Ce soir on mélange les plaisirs. »  Elle n’est pas venue les mains vides, elle a apporté son propre poison. Elle savait ce qu’elle voulait, et connait la marche à suivre pour mettre son cerveau sur off. Elle dépose son téléphone près de l’évier et y vide un peu du contenu des deux sachets avant de venir mélanger le tout et former deux longues lignes destinées à leurs cerveaux. La kétamine pour anesthésier. La cocaïne pour ne pas sombrer. Méthodique, elle répète des mouvements qu’elle n’exécute pas pour la première fois. Elle répète un rituel qui s’impose à elle à chaque fois que les pensées deviennent trop envahissantes. « Prête pour un tour de grand huit ? »   Elle sait qu’Ava ne dira pas non, qu’elle est animée par la même volonté de se coller le cerveau au plafond du crâne. C’est pour ça que c’est elle qu’elle est venue chercher ce soir. Elle invite un des traits à se faufiler dans une de ses narines avant de faire glisser le téléphone vers Ava qui s'exécute à son tour.

Le monde devient coton et Leonide ne peut s’empêcher d’allumer une cigarette pour parfaire ce sentiment de délivrance qu’elle ressent tout à coup. « Tu sais ce qui nous faut maintenant ? » Ava se redresse avec encore un peu de poudre sur la base du nez. « À boire. »  Elle essuie avec l’index le reste de poudre sur le visage de sa partenaire avant de la prendre par la main et sortir des toilettes. Mais à peine la porte est-elle ouverte qu’elles tombent nez à nez avec deux blonde platines, dont la paire de talons indique qu’elles font partie de cette catégorie de personnes qui veulent étaler une richesse qui ne leur appartient pas. Les deux brindilles leur jettent un regard méprisant et Leonide ne peut retenir un sourire mauvais. « Regarde-moi ça. Le peuple nous juge. »  Elle tire sur sa cigarette dans un geste qui transpire la condescendance avant de reprendre « Tu crois qu’on devrait se remettre en question ? » Elle jette un regard complice à Ava, convaincue qu’elle saura parfaitement saisir la perche qu’elle est en train de lui tendre.  

Pas foutue de m'faire plaisir.
C'est ce qu'elle pense en répétant à voix basse les mots de Leonide. Pas de nouveaux escarpins en vendant une trace, mais des nouveaux dès demain en se servant de propre carte bancaire. Tant pis. D'un oeil curieux, elle observe les pochons qu'elle extirpe de son portefeuille, range soigneusement le siens contre un de ses seins. Il servira plus tard, dans une heure ou demain pour l'aider à affronter son début de journée. on mélange les plaisir ? hum ? un sourire amusé se dessine sur ses lèvres alors qu'elle s'approche de la jeune femme, passant une main tendre dans son dos, prête à donner de sa personne pour varier sa soirée. Ses yeux se posent sur les poudres qu'elle mélange avec soin, un sourcil s'arque. t'as envie de me renvoyer en cure plus vite que prévu ou ? t'sais bien que si je me paye encore un tour d'ambulance dans nyc, ma mère va m'enfermer à vie. elle pouffe de rire, s'appuie contre la faïence en regardant la brune prendre sa première trace. Il ne lui en faut pas plus pour aiguiser son appétit. Comme une enfant en manque de friandise, elle s'offre à son tour quelques milligramme de blanche. Secoue la tête de gauche à droite sous le coup des drogues qui lui éclatent les narines. L'euphorie est instantanée, explose dans sa cervelle comme un millier de popcorns.

une bonne partie de jambe en l'air ? à boire. ah... la déception dans sa voix est immense, puisque de l'alcool elle en a déjà plein la panse. Elle se laisse faire, se laisse entrainer par les envies de Leo qui la tire déjà par la main pour les sortir de ces chiottes qui commençaient à devenir trop petits. Dans son organisme c'est l'extase, elle peut entendre son cœur frapper jusque dans ses phalanges, la chaleur s'invite le long de ses muscles, fait son nid entre ses cuisses. Leur semblant de course à la vie est stoppé net par deux blondes. Le regard gourmand d'Ava glisse sur les déesses sui semblent sorties d'un magasine de mode bon marché. Des nouvelles riches, des femmes de riches, des petites copines de footballers. Tout à fait sa came pour ce soir. Ava, au summum de sa défonce est incapable d'analyser les regards méprisants qui se posent sur leur duo, elle ne voit que les décolletés plongeants. Son attention vogue entre les deux bimbos, puis jusqu'à Leonide qui parle, mais les mots parviennent déformés à ses oreilles. j'sais pas laquelle de vous trois est la plus canon, elle réfléchit, on m'a toujours dis que ça ne servait à rien de faire des choix dans la vie, j'peux vous avoir toutes les trois ? non ? un ricanement lui échappe alors qu'elle jette ses cheveux en arrière dans un geste maitrisé depuis une décennie. Son cerveau fait des siennes, elle s'empare de la cigarette de l'héritière et tire dessus, j'ai pas soif. c'est ça que j'veux. De l'index et du majeur tenant sa clope elle désigne les corps coincés dans des robes trop moulantes.

À l’abri des regards Leonide s’applique à leur préparer de quoi se griller les neurones, et elle veille à ce que la quantité soit suffisante pour empêcher ses pensées de continuer à s’animer dans son esprit. Le regard d’Ava luit alors que Leo le croise à redressant la tête au contact de la main de son amie contre son dos. Elle savait, avant même de lui proposer, que l’idée ne serait pas pour lui déplaire. Ava évoque sa carte de fidélité aux programmes de désintox’ comme si elle parlait de son abonnement au câble. La triste vérité, est que c’est Leo qui a été la première à mettre cette merde entre les doigts d’Ava alors qu’elle n’était qu’une adolescente et qu’elle a donc une part de responsabilité dans le naufrage fracassant de son amie. Elle pourrait prendre conscience qu’en préparant ces deux traces elle l’enfonce encore un peu, mais Leonide s’en fout. Tout ce qui compte c’est de mettre son cerveau sur pause, et c’est toujours plus drôle de le faire à deux.  « Comme si t’avais besoin de moi pour te foutre en l’air. » Elle joint son rire au sien, loin de vouloir s’encombrer du poids des remords, avant de consommer l’un des mets qu’elle leur a préparé. Effet immédiat, soulagement éphémère. Le monde est plus doux quand on perd le fil, quand on plane à dix mille.

 « Ça c’est pour plus tard chérie ». Elle prend Ava par la main et l’entraîne avec elle hors des toilettes, où leur chemin croise celui de deux brindilles que Leo a soudainement envie d’écraser. Galvanisée par le mélange détonnant qui vient de lui passer par le nez elle leur sert son arrogance sur un plateau. Elle invite Ava à la rejoindre dans son plus beau numéro de mépris, mais Ava ne semble pas comprendre ce qu’elle lui dit, ni même ce qu’il se passe. Elles ne voient que les corps et l’envie qui anime  son cerveau anesthésié. Putain, t’es déjà plus là Ava. Son amie ose la comparer aux deux blondes, et l’exaspération de Leonide peut se lire sur son visage. Elle tire une nouvelle fois sur sa cigarette, et la fumée lui paraît plus douce que jamais.  « Tu te fous de ma gueule, tu vas pas te taper ça ? Respecte-toi merde. » Elle s’approche d’Ava pour la saisir par le bras, et l’entraîne avec elle loin des deux pétasses perchées sur des Louboutin sûrement achetés remisés. « Tu me remercieras demain. » Leonide glisse sa cigarette entre les lèvres d’Ava en même temps qu’elles avancent vers ce dont Leo a besoin : le bar. Arrivées à destination, elle commande deux shots de tequila, et de deux shots d’eau qu’elle tend Ava. T’es tellement faite que tu te rendras compte de rien.  « À notre éternelle jeunesse ! » L’alcool lui brûle encore la langue quand elle approche son visage de celui d’Ava, et qu’elle lui montre avec son index une magnifique femme aux cheveux de feu en train de danser au milieu du regard des hommes.  « Ça, c’est ce qu’il te faut. » Un sourire malicieux se dessine sur ses lèvres quand elle pousse Ava vers la piste de danse, qu’elle la jette dans la fausse aux lions.  « En piste ! »  lui dit-elle, en même qu’elle suit son sillage en commençant doucement à se déhancher.

A cette heure-ci, Ava n'est que caprices.
L'enfant est de sortie, ne pouvant plus se focaliser que sur ses seules envies. Et l'envie se prend en forme sous ses yeux, qu'importe, une des trois feras l'affaire. Elle serait prête à tirer au sort. C'est ce qu'elle est en train de faire mentalement, ses iris allant de l'une à l'autre, de l'autre à l'une jusqu'à ce que Leonide n'en décide autrement. Pas maintenant. Pour plus tard. L'agacement se fraye un chemin dans ses neurones intoxiqués. qu'est-ce qu'on en a à foutre au juste ? qu'elle siffle lorsque la brune la traine avec elle, du moment que j'en ai envie. elle marmone pour elle-même, son visage reste fermé quand elles s'atteignent le bar, elle y appose son coude avant de zieuter le pseudo barman. Quelques secondes d'ennuie lui suffisent à regarder son téléphone qu'elle tenait toujours fermement entre ses doigts. Des notifications sans intérêt. Les shots glissent jusqu'à elle et la stupeur s'empare de ses traits à la première lampée. tu t'fous de ma gueule ? de la flotte ? c'est qu'elle aurait l'impression d'être en compagnie de sa mère. En quelques mouvements elle vole le second verre de sa partenaire pour l'avaler d'une traite, j'suis pas assez défoncée pour pas m'rendre compte que t'essayes de m'entourlouper leo. elle grogne l'italienne, lève les yeux au ciel quand son amie lui montre du doigts une rouquine sur la piste improvisée.

j'ai jamais aimé les rousses. elle n'a pas le temps de justifier ses goûts qu'elle se fait pousser au milieu de la foule, la musique s'intensifie à mesure que la drogue grignote son organisme. Le son devient un bourdonnement désagréable à ses oreilles, bruit qu'elle tente de chasser en suivant le rythme imposé par le dj. La fille Caruso n'a jamais aimé danser, certainement parce que c'est un don qui lui manque. Elle s'est toujours contenter des fauteuils des carrés VIP, assise comme un charognard observant des proies. C'est d'ailleurs ce qu'elle s'applique à faire, se dandinant à peine alors que ses yeux glissent sur le corps de celle qu'elle n'a jamais considéré autrement -du moins, dans ses souvenirs les plus proches. Son sourire se fait plus carnassier. Si elle s'approche de l'héritière, ce n'est que pour venir murmurer contre sa joue. tu m'as fait perdre trois potentiels coups ce soir, t'es en train de m'obliger à me rabattre sur toi. fallait m'le dire si t'étais jalouse. elle ricane Ava, puis s'éloigne, j'me fais chier. j'veux pas rester ici. qu'elle annonce tout en s'avançant une nouvelle fois vers le bar, elle réclame une bouteille cette fois-ci, du champagne qu'elle renverse en partie en portant le goulot à ses lèvres. Elle reste appuyée au comptoir, observant les corps se déhancher, s'attardant longuement sur Leonide que l'alcool et la drogue rendent de plus en plus désirable. donne moi une clope. qu'elle crache à l'homme posé à ses côtés, il obéit, tente d'entamer une conversation qu'elle ne veut pas écouter.

Ava grimace, Ava se plaint. Leonide peut lire l’agacement sur le visage de son amie alors qu’elle l’éloigne de la possibilité de pouvoir se taper les deux brindilles qui se sont interposées sur leur chemin. « Rends-nous service et ferme-la deux secondes. »  Leonide se rappelle soudain pourquoi elle espace autant ses sorties avec Ava : elle est incroyablement exaspérante lorsqu’elle s’y met. « Ça t’évitera peut-être de sortir une connerie à la seconde. »  Les deux femmes ne s’épargnent pas, ce n’est pas leur genre et malgré l’acidité dont elles font preuve l’une envers l’autre, leurs chemins finissent toujours pas recroiser. Arrivée au bar, Leonide boit d’un cul sec de quoi pimenter le cocktail qui se diffuse dans ses veines, à peine son verre vide touche-t-il le comptoir qu’elle entend à nouveau la voix d’Ava, qui s’énerve de l’eau qu’elle a trouvée dans son verre à la place de la tequila. Un rire narquois s’échappe d’entre les lippes de fille Tendler alors qu’Ava s’empare du second shot qui ne lui était pourtant pas destiné. « Ravie de voir que tu ne nous as finalement pas déjà quittés. »  Leonide montre du bout du doigt une rousse qui danse à Ava, pensant qu’elle trouverait en elle de quoi faire taire ses caprices mais l'italienne semble soudain prêter à nouveau attention à la qualité de ses proies. « T’es sérieuse ? tu fais la difficile après le numéro qu'tu viens de me faire à la sortie des chiottes ? »  Leonide pousse son amie pour la faire danser au milieu des autres, déterminée à n’en faire qu’à sa tête.

Elle sait très bien qu’Ava préfère les banquettes du carré vip aux corps qui transpirent en rythme mais ce que veut ou non la brune l’importe peu, elle est là pour répondre à ses propres envies et non à celles de la jeune Caruso. Leo laisse son corps s’approprier la musique, elle se laisse aller à la caresse des basses sur son corps attendri par la drogue. Elle observe un sourire qu’elle connait sur les lèvres de son amie, celui d’un prédateur qui a faim. Elle écoute tout en continuant de danser Ava lui glisser quelques mots à l’oreille. « Je ne suis pas faite pour les seconds rôles. »  Son sourire est mauvais, il brille d’un éclat provocateur. Leonide hausse légèrement les épaules en observant la brune s’éloigner et elle continue à danser. Elle lève ses bras au ciel, se déhanche dans des mouvements lascifs qui capturent les regards. Les yeux mi-clos, un léger sourire sur ses lèvres pigmentées d’un rouge carmin, elle attise le feu de la séduction et apprécie à sa juste valeur l’anesthésie éphémère provoquée par le mélange de poudre qu’elle s’est envoyé un peu plus tôt. Quand elle rouvre les yeux, elle aperçoit Ava accoudée au bar qui la regarde, une bouteille de champagne dans une main, une cigarette dans l’autre. Elle peut lire l’envie qui luit dans ses pupilles, et ça l’amuse. Et peut-être est-ce l’alcool, peut-être est-ce pour provoquer les hommes hypnotisés autour d’elle, ou peut-être est-ce par simple amour de la séduction, la femme féline s’élance vers son amie. En arrivant à son niveau, Leonide baptise l’homme qui tente désespérément d’attirer l’attention d’Ava d’un regard froid et méprisant, avant de dédier toute son attention à son amie. Elle s’approche d’elle, un sourire mauvais esquissé sur son visage, prête à attiser l’envie de l’italienne. Ses lèves frôlent les siennes quand elle lui susurre un « c’est ça que tu veux Ava ? », juste avant de plonger sur sa bouche. Elle glisse sa langue contre la sienne, l’embrasse de manière provocante et langoureuse. Puis, se détache à nouveau avant de pencher la tête en arrière et de grimacer. « hm, toujours pas chérie, sorry. »  Ce baiser ne voulait rien dire, il s’agissait d’une simple provocation, et la douceur qu’elle y a trouvé manqué cruellement de masculinité à son goût. Elle prend la bouteille des mains d’Ava, boit à même le goulot, et c’est à ce moment précis qu’elle les aperçoit de l’autre côté du bar : lui, son regard saphir et son sourire funeste. Andrea. « T'étais pas foutue d'me dire qu'il était là ? » Agacée, elle attrape la cigarette des mains de sa partenaire de jeu pour se l'approprier, et invite le goudron à s'étaler dans ses poumons.

L'homme parle, parle, parle, sans jamais s'arrêter et Ava remue la tête comme si elle en avait quelque chose à foutre. Ses doigts accrochés au goulot de la bouteille et ses yeux ancrés au déhanché de Leonide. Elle ne devrait pas, elle ne devrait pas la regarder de cette façon là. Elle ne devrait pas faire naître l'envie au creux de son ventre, en sachant pertinemment que cela ne mènera à rien. Ce n'est que passager, comme toutes les émotions qui traversent le corps de l'italienne. Elles sont toutes éphémères, durent quelques minutes, quelques heures, parfois quelques heures jusqu'à ce qu'elle se concentre sur autre chose. Ava n'est qu'une jeune femme capricieuse, se noyant dans un ennuie perpétuel.

Son sourire s'élargit quand son amie s'avance jusqu'à elle avec sensualité, dans un coin de son crâne elle se dit qu'elle est en train de gagner. La sensation s'intensifie lorsque leurs lèvres se frôlent, le murmure lui arrache un frisson et elle n'a pas le temps d'opiner que déjà Leonide lui offre un baiser. Ava se laisse faire, profite de l'instant, dévore sa bouche avec tout le désir qui gravite dans ses veines. Elle aimerait intensifier la chose, faire disparaître les regards curieux pour l'enfermer dans une pièce sombre. Mais l'allumeuse se retire aussitôt. La gamine se mord la lèvre inférieure, étouffe un grognement. t'as vraiment aucun goût putain. qu'elle lâche, en tirant une nouvelle fois sur la clope, de quoi chasser le goût de celle qu'elle n'aura jamais. Ni ce soir, ni jamais. La bouteille lui est subtilisée. Elle ne sait pas ce qui la retient de prendre le large, monter dans un taxi et se trouver un plan pour la soirée. N'importe laquelle de ses conquêtes fera l'affaire. Elle s'apprête d'ailleurs à lui fausser compagnie lorsque la voix de Leo revient à elle. de quoi tu m'parles ? elle tourne la tête, observe au même endroit que la jeune femme. Andréa et son regard sulfureux, là, dans un coin de la pièce. Bien entouré, comme à son habitude. je l'avais pas vu, j'étais bien trop occupée à te mater. elle ricane, puis regarde son amie, apprécie presque cet air qui se dessine sur ses traits. La vision de l'homme ne la laisse pas indifférente. c'est vrai qu'il est pas mal dans son genre... ça l'amuse, ça l'amuse parce qu'elle se doute de ce que cela provoquera chez l'héritière, tu crois que ? ... j'sais pas pourquoi j'ai jamais pensé à lui avant maintenant. peut-être parce que les hommes n'attirent son attention que trop rarement, qu'ils ne la marquent jamais réellement.

Leonide, maître dans l’art de la provocation, s’approche d’Ava à la manière d’un félin, elle élance ses jambes, contrôle parfaitement le mouvement de ses cheveux qui balaye la peau de son dos nu. Elle aime jouer de son pouvoir de séduction, elle aime attiser la flamme de l’envie dans les regards qu’elle croise. C’est ce dont elle se nourrit, le désir dans les regards qu’on pose sur elle la rassasient. Et c’est ce qu’elle voit en ce moment même dans les pupilles d’Ava. Alors, sans trop s’expliquer pourquoi, sans même en avoir vraiment envie, juste pour le plaisir du jeu et l’amour de provocation elle va planter ses griffes dans la peau de son amie. Elle se joue de son envie, parade et accroche ses pupilles aux siennes. Lui murmure ce qu’elle veut entendre, et mélange sa salive à la sienne dans un baiser qui a le goût du péché. Sans se soucier une seule seconde de l’impact que cela pourrait avoir sur leur amitié. Et quand elle se détache ses lèvres de celles d’Ava, qu’elle revêt le masque d'une insatisfaction méprisante, la réaction de l’italienne l’amuse encore un peu plus, et son sourire vilain se fraye à nouveau un chemin sur le bout de ses lèvres encore humides.

Puis, son regard se pose sur lui. Il est là, entouré de pétasses dont il ne doit même pas se souvenir du prénom. Car il est comme ça Andrea, aussi méprisant et désintéressé qu’elle peut l'être. Elle se raidit, et le sourire satisfait qui s’étirait sur ses lèvres a disparu à la seconde où ses pupilles se sont posées sur lui. Elle tire sur la cigarette qu’elle vient de piquer entre les doigts d’Ava, lui signifie son agacement face à l’apparition de cet invité surprise dont elle se serait bien passée. Il ne l’a pas vu, ou du moins, elle détourne les yeux avant qu’il ne le fasse de peur de croiser les deux saphirs plantés au milieu de son visage parfait. Sept ans, et c’est toujours aussi douloureux à chaque fois que je te vois. Ava ricane, et prétexte avoir été trop occupée par Leo et le numéro qu’elle vient de lui jouer. « Pas la peine de continuer à me flatter, t’auras rien de plus. »  Son ton est sec, asséché par son irritation naissante face à cet homme qu’elle a laissé derrière elle à contre cœur sept ans plus tôt. Ce double noir et maléfique qui voulait l’entraîner dans les abysses avec lui. Elle entend Ava complimenter celui auquel il est interdit de toucher et son regard noir vient se poser sur elle alors que l’italienne continue d’avancer sur un chemin dangereux. « Tu ne devrais pas t’attaquer à plus fort que toi Ava. »  Un seul et unique avertissement pour celle qui sait très bien où se trouvent les limites à ne pas dépasser. Elle les a connus, Andrea et elle, à l’époque où l’un n’existait pas sans l’autre. Leonide s’approche de son amie, penche légèrement la tête dans un mouvement qui transpire le dédain. « Vas-y, ose te jeter dans la gueule du loup si tu crois en être capable. Il n’a jamais su dire non aux pauvres filles passé minuit de toute façon. »  Ses pupilles plantées dans celles de la fille Caruso, elle la défie de commettre l’impardonnable.