you'll come around. /elierr

il a pas envie d'y aller. parce qu'il sait à quoi s'attendre. c'est toujours la même chose, toujours les mêmes examens. il va pas y aller. pas aujourd'hui. il a pas l'courage à c'qu'on lui annonce les mêmes choses. il sait qu'il est malade, que son coeur est simplement une bombe à retardement. il sait qu'il peut lâcher à tout moment qu'il panique rapidement quand il le sent s'emballer après un petit effort physique. le réveil est difficile, tout comme la nuit qu'il a pensé. sûrement parce qu'il angoisse. mais ils veulent pas l'foutre dans une liste en attente d'un coeur, parce qu'il considère que c'est trop dangereux pour être tenté. elio, il apprécie trop la vie pour qu'elle lui échappe sans qu'il n'soit prêt. et puis, sa famille lui manque. il est trop épuisé en ce moment pour tenir et les avoir au téléphone. et quand il se sent mieux, il est bien trop tard en france. il a des photos d'la vie de sa soeur sur snapchat, mais c'est jamais bien mieux.

merde.

faut qu'il y aille.
faut qu'il s'bouge.
et puis merde.

il ira pas. il va sortir pour profiter du soleil, peut-être qu'il f'ra demi tour au bout de la rue pour retourner s'allonger, mais il a vraiment pas l'courage d'aller voir un médecin. pas aujourd'hui. c'est pas bien grave. il s'habille. son portable vibre, mais il est tellement en train d'se concentrer à c'que sa chambre arrête de tourner qu'il n'y fait pas attention. au fond, il est sûrement déjà trop en retard. c'est sûrement son médecin qui l'appelle. qui essaye de le joindre. ça l'étonnerait pas. alors il tend l'bras, regarde l'heure, et s'rend compte qu'il est vraiment déboussolé.

c'est trop tard,
il jette son téléphone,
y'a un sentiment bizarre en lui.

il a juste envie d'jeter l'éponge. hormis sa famille, il a quoi elio ? il en sait rien. il s'en moque. il est déjà à l'extérieur d'son appartement, prend les escaliers dans l'but d'se prouver qu'il en est capable. on lui tient la porte, il s'apprête à remercier la jeune femme mais on va dire qu'il s'calme d'un coup. il se sent tellement pas bien dans sa peau aujourd'hui qu'il se renferme presque sur lui-même. j'habite ici, j'ai l'droit j'crois. il répond pas méchamment. est sur la défensive, mais est extrêmement doux dans ses paroles. mais toi c'quoi ton problème ? pourquoi tu t'en prends à moi ? t'es mal luné ? mal baisé ? p't'être qu'il est vraiment trop à bout d'nerfs pour se permettre d'être vulgaire.

des fois, y'a le destin. une connerie qu'elio croit dur comme fer. il a toujours eu cette image que c'qu'il se passent dans la vie, c'est parce que c'est écrit sur un livre qui a pour titre leurs noms. elio, il croit pas à un paradis, à un enfer. il croit à une vie après la mort, est certain qu'on recommence directement une autre vie, avec d'autres personnes. ouais, le destin, il y croit elio. pour lui, c'est pas un hasard de voir cette fille a de nombreuses reprises. au fond, c'est pas un destin. ils sont voisins, vivent dans le même immeuble. en quoi ça en est étonnant qu'ils se croisent sur le palier de l'immeuble ? elle lui parle froidement, qu'il se sent vraiment ... presque minable. comme si vivre ici, c'était une mauvaise chose. comme si elle réalisait, qu'du coup, elle se coltinait sa tête sans vraiment s'en apercevoir. ça en est insultant. ouais, au deuxième étage. il arrive pas à être froid, lui. il sait même pas comment il doit faire. elle rigole. ça l'fait limite sursauter. il sait pas comment réagir face à des personnes comme ça. il aimerait répondre, mais pour quoi dire ? la bouche entrouverte, il trouve rien. c'est pas la première fois qu'elle lui adresse la parole, mais c'est bien la première fois qu'elle se montre aussi cruelle. et il s'rend compte qu'il est en train de parler dans sa tête, qu'ça monte en lui. c'est pas bon. pas alors qu'il se sentait déjà pas au top de sa forme. à cause d'un coeur de merde, il est même pas capable de tenir tête à une fille, ou alors il a simplement trop de gentillesse pour être capable de lui dire si fort ce qu'il pense si bas. son téléphone vibre. ça l'fait paniquer. trop d'choses. il voit plus grand chose, entend plus grand chose. y'a son coeur qui bat fort. trop. il est paumé, déboussolé. puis il voit définitivement plus rien, et y'a sûrement sa tête qui vient d's'exploser contre le bitume.

ça arrive de plus en plus. c'est peut-être pour ça qu'il a autant peur de retourner chez le médecin. peut-être parce qu'son coeur fatigue. p't'être parce qu'il prend pas vraiment ses traitements. parce qu'il est épuisé d'se bourrer de conneries pour pas grand chose. ça soigne pas. c'est pas une blessure qu'on panse. c'est pas en mettant une compresse dessus qu'tout va s'arranger. putain. mais ça arrive aussi, ça, quand il pense trop, un coup d'pression, un pic de stress. un trop d'choses. il a pas eu le temps de s'asseoir, de s'allonger, d'se préparer un minimum parce que d'habitude il arrive à les sentir arriver. c'est ça, l'problème d'elio. c'est qu'au fond, on aura beau le confronter, il y a de grandes chances pour qu'il finisse comme ça. l'corps inconscient, avec un coeur qui a b'soin d'sa dose de médicaments pour fonctionner normalement. et c'est comme toujours, il est incapable de savoir c'qu'il s'est passé exactement. il aura, en prime, une bosse à la tête, mais ça s'arrête là. quelques jours à l'hôpital, l'temps de reprendre des forces et cet épisode sera d'hors et déjà oublié. parce que c'est toujours la même chose. elio n'sait plus c'qu'il se passe. pourtant, entre le moment où il est tombé dans les pommes et le moment où l'ambulance est arrivée, de nombreuses minutes se sont écoulées. un masque à oxygène sur le visage, p't'être qu'il est en arrêt cardiaque. il sent pas l'empressement qu'il y a autour d'lui. il sent pas les mains sur son corps. et elio, il rêve d'une seule chose à ce moment précis, c'est d'retourner en arrière. d'jouer au foot, d's'amuser, d'faire ce qu'il aime bordel. le moment où sa vie était encore trop innocente, parce qu'il pouvait faire ce qui lui plaisait sans qu'on l'empêche de vivre. parce qu'elle était belle, bordel. mais c'est pas beau d'se faire mal en repensant au passé, et au moment où il accepte enfin d'ouvrir les yeux, il s'retrouve encore dans cette même chambre qu'il commence à ne plus tolérer. avec la même perfusion sur son bras, avec les mêmes sons sonores qui contrôlent son coeur. c'est toujours la même chose putain.

il est pas tout seul. c'est la seule chose qu'il arrive vraiment à distinguer. il est encore dans les vapes, est encore en train d'essayer de comprendre ce qu'il s'est vraiment passé. c'est perturbant. et pourtant, dès qu'il réalise, dès qu'il capte, elio a juste envie d'se barrer. d'arracher les tubes, d'arracher les capteurs qu'il a sur son torse, d'enlever cette compresse autour de son bras. il en a marre d'avoir la sensation d'être comprimé. et, bordel, il n'est pas tout seul. c'est la première fois que ça arrive. depuis qu'il s'est installé ici, il n'a pas sa mère pour lui prendre la main à son chevet. remarque, peut-être que ça l'arrange. parce que ça l'évite de devoir la rassurer. ça l'évite de devoir lui dire des choses que lui même est certain d'ne pas croire une seule seconde. c'est la même fille. elle est déjà en train de lui hurler dessus, et elio il arrive pas à tout comprendre. ça le perturbe. elle fout quoi, ici ? un acte de conscience, parce qu'elle a sûrement pas voulu qu'il crève devant elle. elle s'cassera après s'être vantée qu'elle l'avait retrouvé, puis il s'retrouvera seul. parce que c'est comme ça que ça va s'passer, non ? et après tu dis qu'c'est moi qui te suis partout. le pire c'est que c'est même pas un reproche. il y a toujours cette même douceur dans sa voix, les mêmes volontés malgré l'fait qu'il vient -encore une fois- de frôler la mort. tu fais quoi ici ? tu veux t'assurer que j'sois vivant pour taper chez moi par la suite ? tu veux m'pourrir la vie ? même se battre, même parler, ça l'épuise. mais t'sais, j'ai déjà un coeur assez merdique qui m'pourri bien la vie. j'ai pas b'soin de toi. et c'est ça, qui fait mal.

elio n'arrive pas à comprendre. d'abord, il se dit que ce n'est pas à elle d'être ici. c'est pas elle qui est censée s'inquiéter, en tout cas faire semblant, d's'intéresser un minimum à la santé d'elio pour être ici. ça d'vrait être sa famille. il sait qu'dès qu'il a un accident comme celui-ci, y'a sa mère qui est directement au courant. mais jamais depuis qu'il a quitté son pays, oh ça jamais ils sont venus. et au fond, c'est en train de l'attrister. parce que bordel, il connaît même pas l'prénom d'cette fille malgré les nombreuses fois où ils se sont croisés. libre à toi, tu connais la sortie. parce qu'il va pas la retenir. elle a fait l'choix de venir, mais peut-être encore qu'c'est par conscience. mais en toute honnêteté, elio n'a pas la force de se battre. il est épuisé. physiquement. il supporte de moins en moins les hôpitaux. crève d'envie de dégueuler à chaque fois qu'il sent cette odeur qui lui sort par le nez. et p't'être qu'il lui dira jamais, mais au fond, p't'être que ça lui donne un sentiment d'plaisir qu'elle soit là. p't'être qu'elle est venue pour sa propre conscience, mais elle s'rait sûrement partie dès qu'elle l'aurait vu dormir dans ce lit. elle serait pas rester jusqu'à son réveille. peut-être que c'est parce qu'elle est pas si con que ça. et en quelques secondes, elle efface les pensées qu'il vient d'avoir. et j'suis pas du genre à balancer. il se redresse, sent son dos qui se met à craquer. t'sais, c'est arrivé parce que tu me hurlais d'ssus et que je savais pas quoi dire. mais si jamais ça c'était pas passé, j'aurais tôt ou tard fini par tomber dans les pommes. ouais, il essaye de chercher des excuses, des arguments. et moi, j'suis pas ces genres d'hommes. t'es pas mon style. c'est faux. parce que -putain- elle est vraiment mignonne. mais le dire à haute voix, c'est la satisfaire. et elio estime qu'elle le mérite pas.