I love me better when I'm with you - HEAVEN & ALAN

( i love me better when i'm with you )
HEAVEN & ALAN

La solitude. La solitude est un des pires sentiments qu'il a pu ressentir. Et il le ressent presque au quotidien depuis son départ pour L.A. Évidemment, il est entouré. Oui, il côtoie des gens. Pourtant rien ne peut lui retirer cette impression. Il est seul. Se sent seul en tout cas. Parce qu'il a laissé les seules personnes qui comptent derrière lui. Parce que la personne qu'il voit dans le miroir chaque matin n'est qu'une pâle imitation de qui il est vraiment. Parce que son vrai lui, il l'a tu quelque part au fond de son cerveau. Il le tait plus encore avec l'alcool qu'il consomme à outrance. Il le tait en couchant. Avec ces filles qu'il ne désire même pas. Parfois avec des hommes avant de s'en mordre les doigts. Sa réputation. Sa réputation est si importante. Il faut qu'il la protège. Qu'il passe pour un fêtard, ça n'est pas bien grave. Qu'on sache pour ses véritables penchants sexuels... Ce serait pire que tout. Il sait que bon nombre de carrière dans le cinéma, les séries... Beaucoup de ces carrières peuvent être mises à mal, détruites en un claquement de doigt. Juste sur la base d'une rumeur. Alors si ça s'avère être vrai, s'il est gay de façon avérée, c'est pire encore. Le monde du show-business est cruel. Mais après tout, c'est celui qu'il a choisi alors... Il n'a aucun droit de s'en plaindre et il devrait assumer les conséquences. Garder son intimité secrète.

Pourtant ce soir là, avec Heaven, parmi tout ce beau monde, il n'était pas seul. Il avait trouvé une oreille attentive, presque une épaule pour pleurer. Ils s'étaient trouvés et ne s'étaient pas lâchés de la soirée. Lui qui aurait habituellement passé son temps un verre voire plusieurs à la main, à s'imbiber l'esprit s'était surpris à ne presque rien boire. Assez pour se desinhiber et oublier la pudeur, pas assez pour oublier comme ça avait pu lui arriver, de trop nombreuses fois. Elle aussi avait parlé, beaucoup. Au moins autant que lui. Ils s'étaient trouvé des points communs. Une alchimie fluide, simple, sans arrière-pensée. Il n'avait étrangement pas craint qu'elle ébruite quoi que ce soit. Et quand le lendemain, il s'est réveillé, sans mal de crâne, il s'est empressé de bien vérifier qu'il avait son numéro dans son répertoire. Et il l'a contacté par message. Leur relation s'est ainsi déroulée. Par texto interposé. Assez rares mais suffisants pour entretenir le lien.

Alors quand il revient dans le Queens, il ne met pas longtemps avant de la contacter.

"Je passe au Moonwalker ce soir vers 19h30. Si ça te dit de me rejoindre..."
Envoyé le XX/XX à 17:06

Une simple invitation. Elle peut tout aussi bien refuser. Mais étrangement, il sent qu'elle n'en fera rien. Elle viendra. C'est ce qu'il se répète encore, comme pour s'en convaincre lorsqu'il se pose à une table, dans un coin de ce bar, assez loin des regards pour ne pas être emmerdé, sa notoriété naissante lui valant quelques interruptions impromptues dans son train-train quotidien. Et finalement, il la voit passer la porte. Petite, menue, l'air d'une poupée, le regard doux, comme il s'en est souvenu durant ces derniers mois. Elle est "si choue" comme diraient certains. Et ils auraient raison. Il lui fait signe, d'un geste de la main, lui adressant un simple sourire en la laissant approcher. Puis quand elle se pose il vient doucement glisser sa main sur la sienne pour serrer ses doigts brièvement avant de récupérer son verre. "C'est cool, t'es venue." Prononce-t-il étrangement soulagé. Il n'était donc pas si sûr que ça de sa venue. "Comment tu vas ?" S'enquiert-il en venant boire une nouvelle gorgée de sa bière. "Tu veux commander ? Ils font des cocktails sympas ici. Et la pression est pas trop forte." explique-t-il comme si elle ne connaissait pas. Alors que s'il faut, elle connaît très bien. Ce bar a un succès certain dans le coin. Elle vient d'ici, elle aussi, après tout. Il rit nerveusement à sa propre bêtise. "J'y venais souvent quand j'étais jeune. Et mineur. C'est mal. Mais j'avais une fausse carte d'identité. Ça passait crème. En tout cas, le patron à l'époque faisait très bien semblant de ne pas remarquer qu'on était pas en âge de boire." Raconte-t-il tout à coup pris de nostalgie. Ça aurait été bien... Vraiment bien qu'elle fasse partie de son cercle d'amis à l'époque. Comme Hyunjin, elle aurait compris son rêve. Et peut-être même qu'elle aurait compris son attirance pour les hommes. Elle ne l'aurait pas jugé. Ils auraient pu être proches. Il aurait vraiment aimé qu'elle fasse partie de sa vie pendant l'adolescence, à l'époque où il avait compris. Compris qu'il était gay. Compris qu'il était amoureux d'un garçon. Du seul et unique garçon qui n'avait jamais compté. Il lui aurait parlé de Hyunjin. Elle l'aurait peut-être aidé à trouver les bonnes solutions. Mais peut-être qu'il n'était pas trop tard. Peut-être qu'il peut encore lui en parler. Peut-être qu'elle trouvera, elle, des idées pour... Qu'il le récupère. En tant qu'ami, au moins.

Heaven avait lu son message entre deux sessions photos et même si un large sourire teinté d’excitation avait fendu son visage, elle n’avait pas répondu. Elle avait rapidement écrit bordel, t’es à NYC ? c’est trop cool ! à ce soir évidemment ! mais n’avait pas envoyé sa réponse car au moment d’appuyer sur la touche « envoyer », le photographe l’avait sommé de retourner devant l’objectif. Ensuite, elle avait tout bonnement oublié, même s’il ne faisait aucun doute dans son esprit qu’elle irait à la rencontre d’Alan le soir-même. Ils se connaissaient depuis peu mais ça avait très vite matché entre eux, assez pour casser les codes en se traitant très vite comme des amis de longue date. Ainsi, ils n’avaient cessé de discuter lors de leur première rencontre et depuis ce jour, s’épanchant sur leurs vies respectives comme s’ils se connaissaient depuis toujours, par l’intermédiaire d’anecdotes et de confidences qu’ils savaient tous deux pourtant préjudiciables à leur carrière si elles étaient rendues publiques.

Heaven n’avait jamais fait particulièrement preuve de prudence à l’égard de sa vie ou de sa personne et ce, malgré les nombreux déboires auxquels elle avait été confrontée. Si son entourage proche l’invitait à la pudeur, son attachée de presse se montrait plus réservée à ce sujet ; Heaven attirait l’attention des médias. Alors que certains devaient redoubler d’efforts pour se faire remarquer et décrocher de nouveaux contrats, Heaven n’avait pas eu à se créer un quelconque personnage pour exister : elle existait malgré elle. On l’adorait ou on la détestait mais elle ne laissait personne indifférent ; si les producteurs de the real housewives of nyc l’encensaient pour sa capacité innée à faire le buzz, certaines housewives refusaient d’apparaître à l’écran en même temps qu’elle parce qu’il lui arrivait de leur voler la vedette, quand il ne s’agissait pas de sa propre mère « reste à ta place, c’est moi la star du show ».

Moonwalker (queens)

« Salut toi ! », s’exclama-t-elle en souriant, raclant bruyamment la chaise devant elle pour s’asseoir à la table, sous le regard réprobateur d’un couple assis non loin « bah je t’ai dit que j’allais venir », ajouta-t-elle amusée, sans se rappeler que son message n’était jamais parti. Lorsque les doigts d’Alan se posèrent brièvement sur les siens, Heaven fut de nouveau enveloppée par la sensation de le connaître depuis toujours, alors qu’elle ignore pourtant tout de lui – ou presque.

« Comment tu vas ? (…) Ils font des cocktails sympas ici (…) J’y venais souvent quand j’étais jeune (…) » « Je ne connaissais pas du tout l’endroit », dit-elle avec honnêteté, balayant la pièce du regard en hochant la tête comme si elle l’approuvait. « Je ne me lasserai jamais de vivre à new york, on découvre toujours de nouveaux endroits. Depuis le temps que je te dis que de passer à la grosse pomme ! », fit-elle en lui adressant une tape amicale sur le bras, « si un jour tu me montres ta fausse carte, je te montrerai la mienne : Rita Hernandez » ajouta-t-elle hilare en lui révélant son alias. « Bon maintenant dis-moi tout, t’es là pour combien de temps ? T’as trouvé un contrat ici ? » Ajouta-t-elle tout en faisant signe au personnel de l’établissement de venir à sa rencontre. Alan ne l’avait jamais vu boire une goutte d’alcool, aussi, Heaven ne dérogea pas à ses habitudes en commandant un soda et quelque chose à grignoter ; des piments fourrés au fromage en l’occurrence. Cette simple incitation à consommer de l’alcool alors qu’elle n’en buvait jamais lui rappela qu’ils ne se connaissaient que depuis peu. Il était étrange d’avoir partagé autant de confidences alors même qu’ils ignoraient l'un et l'autre des choses aussi élémentaires.

@Alan Park

( i love me better when i'm with you )
HEAVEN & ALAN

Il a vraiment craint qu'elle ne vienne pas en ne recevant aucune réponse et pourtant, elle est là, toute guillerette comme si de rien n'était et affirmant qu'elle l'a prévenu de sa venue. A ces mots il fronce les sourcils et vérifie discrètement sa messagerie. Mais non. Non son texto est bien resté sans réponse. Il n'insiste pas. Qu'importe, elle est est là donc tout va bien. Ses angoisses sont déjà derrière. Il prend des nouvelles, lui présente les lieux comme s'il ne s'agissait pas d'un des bars les plus connus du coin, se sentant un peu bête de le faire d'ailleurs. Mais par chance, il l'entend lui répondre qu'elle ne connaît pas du tout l'endroit et ça le réjouit en un sens d'être à l'origine d'une découverte et de ne pas se ridiculiser à parler et s'extasier pour rien sur sa madeleine de Proust architecturale. "Je ne me lasserai jamais de vivre à new york, on découvre toujours de nouveaux endroits." Elle a sûrement raison mais pour Han, New York est aussi le berceau de son enfance et de son adolescence dont il a tellement essayé de s'échapper. En s'émancipant de l'influence familiale, de l'autorité parentale qui piétinait ses rêves comme s'il s'agissait d'une simple lubie. Alors oui, la ville en elle-même a beaucoup d'intérêt, il n'en doute pas. Mais elle est aussi pleine de souvenirs douloureux. Ca, c'est s'il oublie Hyunjin. La seule raison de son retour ici. "Depuis le temps que je te dis que de passer à la grosse pomme !" C'est vrai qu'elle n'a pas cessé de l'inviter à revenir. Mais il a repoussé l'échéance, encore et encore. Et au final, peut-être qu'elle fait partie des autres raisons de sa venue ici. Peut-être oui... « si un jour tu me montres ta fausse carte, je te montrerai la mienne : Rita Hernandez » Un rire lui échappe alors que celui de Heaven est délicieusement communicatif et que ce faux nom détient aussi quelque chose d'étrangement cocasse. "Enchanté Rita." Lui répond-t-il en tâchant de calmer son rire. "Moi, c'est Brad O'Connell. Pas du tout suspect hm ?" ajoute-t-il avec un clin d'œil avant de porter sa boisson à ses lèvres, doucement. Elle enchaîne assez rapidement, changeant de sujet pour lui demander les raisons de sa présence ici, soupçonnant un contrat. Il lui sourit doucement, faisant tourner l'écume posé sur le liquide ambré en agitant légèrement son verre. "Pas vraiment non. J'ai toujours mon contrat pour la série à L.A. Il faudra que j'y retourne d'ici quelques semaines." L'informe-t-il avant de revenir à sa première interrogation. "Je suis venu voir... Ma famille et... Un ami." Sa réponse est vague, trop vague. Pourtant durant ces derniers mois il a été d'une honnêteté étonnante avec elle. Mais là, il hésite à aborder le sujet, même s'il sait et sent qu'elle ne le jugera pas. Il laisse le temps durant lequel elle passe sa commande se dérouler, découvrant à l'occasion que ce qu'il lui proposait de boire ne l'intéresse pas du tout. Peut-être qu'elle ne consomme pas d'alcool ? Il l'ignorait. Ils ont encore tant de chose à découvrir l'un sur l'autre. Quand le serveur s'éloigne à nouveau, il est encore en train de chercher ses mots, comment aborder le propos sensible qui le turlupine. "Je t'en ai parlé je crois... De Hyunjin. Ce copain avec lequel j'ai grandi. Et... Que... J'ai embrassé au lycée. Juste avant de tout plaquer pour rejoindre L.A." Il tente un sourire en racontant cette anecdote, voulant la jouer "détaché". Mais elle ne sera clairement pas dupe. Il n'est pas mauvais acteur, certes. Mais lorsqu'il s'agit de la vraie vie et de ses vraies émotions, c'est plus compliqué de feindre quoi que ce soit. Ses sentiments pour le plus jeune l'ont toujours perturbé. Encore aujourd'hui, il n'arrive pas à les assumer, à vivre avec. Il en a peur. Peur de gâcher sa carrière, peur de gâcher ce qu'il peut rester de leur amitié, peur de se gâcher la vie.

Il voit la commande de son amie revenir et lui pique un de ses piments apéritifs avec un sourire taquin, cherchant à détourner l'attention. "Hm. C'est bon cette connerie." dit-il en repartant à l'assaut des autres petits légumes fourrés, en profitant pour détourner le regard et éviter ainsi peut-être les interrogations qu'il pourrait déceler dans les yeux de son interlocutrice. "Sinon, toi ça va ? T'en es où ?" demande-t-il en la regardant fixement.

« Moi, c’est Brad O’Connel. Pas du tout suspect hm? » Heaven esquisse un sourire parce qu’elle comprend l’ironie, mais elle hausse surtout les épaules parce qu’elle se sent au-dessus de ce genre de préjugés. « Autant que Rita Hernandez, surtout quand on sait que la seule chose que je sais dire en espagnol c’est : holà. » Ajoute-t-elle en reculant ses bras de la table afin que le serveur puisse déposer sa commande dont les effluves envahissent aussitôt l’espace. Ça y est, j'vais sentir la frite. « (…) Je t'en ai parlé je crois... de Hyunjin. Ce copain avec lequel j'ai grandi. Et... Que... J'ai embrassé au lycée. Juste avant de tout plaquer pour rejoindre L.A. » La jeune mannequin médite quelques instants ces paroles, s’efforçant de rassembler ses souvenirs afin de se rappeler de ce garçon dont elle n’oserait reprendre le nom, tant son accent est à couper au couteau. « Ah oui, c’est vrai. » Répondit-elle en s’accoudant de nouveau à la table, l’air dubitative. Il avait évoqué le garçon d’un air faussement désinvolte, comme s’il s’agissait d’un fait totalement anecdotique. Pourtant, des microdétails qu’Heaven avait su relever contredisaient l’indifférence qu’il feignait de ressentir ; des inflexions subtiles dans la voix, de légers tremblements aux commissures des lèvres…

« Hm. C’est bon cette connerie. » Dit-il en piochant allègrement dans son assiette ; Heaven s’en fichait éperdument, elle partageait tout ce qu’elle avait à partager et si la notion de propriété lui semblait être un concept relativement flou la plupart du temps, il jouait néanmoins en faveur de sa générosité. « Sinon, toi ça va ? T’en es où ? » Demande-t-il soudainement, le plus sérieusement du monde, tandis qu’elle le dévisage sans mot dire. « Sérieusement ? » Dit-elle en roulant des yeux, sirotant bruyamment son soda sans le quitter des yeux. « J’crois qu’il est temps de parler… », elle sembla hésiter un instant et fit de son mieux pour ne pas trop écorcher son nom « d’Entchin ». Entsin. Huntchin. Bordel. Elle enfourna une bouchée fumante si rapidement qu’elle s’en brûla aussitôt la langue « ah pu’chtain », mais elle poursuivit néanmoins « tu ch’lui as dit qu’t’étais dans ch’coin au moins ? ».

Elle voulut lui demander plus de détails mais l’écran de projection géant qui tapissait l’arrière de la salle - et qui diffusait un match de basket auquel elle n’avait pas prêté attention, cessa un instant sa diffusion dans un interlude des plus racoleurs : un spot publicitaire en l’honneur du prochain épisode de the real housewives of nyc. Jettons un coup d'oeil, une fois n'est pas coutume. Elle avala une seconde bouchée et… éclata de rire lorsqu’elle s’entendit dire à l’écran « je suis une plouc et je l’assume » tandis que le montage dévoilait un extrait d’elle-même entrain de lécher son assiette sous le regard horrifié de sa mère et des convives attablés. Autour d’elle, les rires des personnes ayant porté un intérêt à l’écran, et le sien, parce qu’elle s’en moquait éperdument. On ne leur prêta pas grande attention ; parce qu’ils n’avaient pas fait le lien entre la fille aperçue cinq secondes à l’écran et la vorace attablée à côté d’eux, parce qu’ils ne s’intéressaient pas à la télé-réalité… et d’autres chuchotaient, peut-être depuis son arrivée, de façon plus ou moins discrète, avec plus moins d’égard… Heaven haussa de nouveau les épaules et dit. « Désolé, tu disais ? »

@Alan Park

» (esdras), heaven help a fool who falls in love
» ABS / alan (01/02).
» ABS / alan (10/09).
» this love is rough, but it's true. don't be afraid, it's a love story, baby, say yes.
» ABS / Alan Park (02/03)