Ice and Fire | Leor #1

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{ Ice and Fire }
crédit/ tumblr ☾ w/@Leonide Tendler

Elle est là, quelque part, pour toi.

Dans l’attente d’une femme qu’il ne connaît pas, Gregor Ferreira s’installe à cette table qu’il a coutume de fréquenter depuis quelques mois. La jeune bâtarde ne le voit pas toujours. Parfois trop absorbée par ses lignes à étudier ou par un texto à envoyer. Et parfois, elle le regarde et lui adresse un sourire. Ou comme l’autre fois, elle vient s’installer à sa table. Faut-il être idiot pour ne pas comprendre que Greg apprécie la compagnie tacite de cette sœur indigne de son nom ? Il ne pourrait le reconnaître car Lais Thoma est une enfant née dans les fleurs, elle est un secret honteux n’appartenant qu’à Javier Ferreira. Et pourtant, ce secret n’en est déjà plus totalement un. Gregor fréquente ce secret depuis quelques mois, le regarde de loin et se demande quelle vie mène la petite actrice. Un métier trop ingrat que pour mériter de figurer dans le tableau familial. Et pourtant, qu’il le veuille ou non, cette gamine est bel et bien de son sang. A moitié. Il ne cesse de se le rappeler pour bien ancrer qu’elle ne sera jamais des leurs.

Assis, il sirote un café noir. Le portoricain aime la vie sans sucre, sans distraction. Pourtant, il lui arrive de prendre du caramel ou autres mets destinés aux femelles. Mais il les cache toujours derrière un visage impassible, celui d’un homme d’affaires. Derrière son journal, il ne guette plus. Elle viendra ou pas. La routine est de toute façon instaurée, désormais. Il vient tous les deux jours s’asseoir à cette table vers 14h et attend de voir si les traits foncés de sa demi-sœur se présentent dans le café.

Un tintement retentit, la porte qui s’ouvre à nouveau. Une ombre cachée sous un manteau de diva, une chevelure qui perce la morosité du local. L’amoureux des belles femmes est instantanément subjugué par l’apparition qui vient de pénétrer le café. Une envie de se lever pour aller lui adresser la parole le submerge et pourtant, le froid et tacite Gregor ne cille pas. Il se renfrogne derrière son journal, gardant un œil sur cette femme qu’il n’a jamais vue mais qui transpire le désir. Trop belle pour être réelle, Greg sait qu’il aimerait la planter sur son tableau de chasse. Mais comment approche-t-on une apparition ? Comment fait-on pour qu’elle ne disparaisse pas tel un voile de fumée lorsqu’on tente de l’appréhender ?

Les minutes passent et l’homme s’agrippe à son journal, jetant un coup d’œil discret de temps à autres. Il est doué pour rester à sa place, pour ne pas bouger. Les femmes sont celles qui s’approchent de lui habituellement. Mais dans ce contexte, qu’en est-il ? Il la voit passer commande enfin. La file était grande et le nombre de places assises manque. Alors qu’il se demande si elle va consommer sur place ou prendre à emporter, la brune se tourne vers lui, attrape son regard et marche droit dans sa direction. Le cœur battant à la chamade, Greg croit vivre un de ces rêves surréalistes. Que fait cette inconnue avec cet air sûr, avec cette démarche nette, que fait-elle ici ?

Elle tire une chaise tout en continuant de le regarder droit dans les yeux, sans mot dire. Cet échange silencieux est surréaliste. Greg la dévisage sans aucune retenue. Mais son regard est froid. Cette femme est d’une force rare, d’un sang-froid peu courant et surtout d’une beauté qui est à couper le souffle. Seulement, derrière ces atouts de charme, elle fait preuve d’un défaut qui pourrait lui coûter toute l’attention de son compagnon de table : cette confiance en elle. Greg aime les femmes qu’il protège, pas celles qui le défient… du moins jusqu’ici.

« Cette place est réservée. » dit-il au bout d’un silence qui semblait sans fin. Le visage fermé, il analyse les traits gracieux de son interlocutrice. Il pourrait tendre une main dans sa direction pour caresser cette peau que la nature a trop gâtée. Mais il ne bouge pas. Trop confiante, il la défie de rester là, de continuer ce jeu qu’il n’a pas encore cerné.

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{ Ice and Fire }
crédit/ tumblr ☾ w/@Gregor Ferreira

En ouvrant les yeux ce matin, Leonide n’est pas seule. Elle est incapable de se rappeler de son prénom, tout ce qu’elle sait ce qu’il était là au bon –ou mauvais selon les points de vue- moment. Elle l’a croisé au détour du cocktail organisé la veille par le théâtre dans lequel elle venait de terminer une série de dates. Enivrée par le champagne et la poudre avec laquelle elle s’était repoudrée le nez, le jeune homme s’était montré assez divertissant pour que Leo s’attarde quelques heures sur lui. Elle ne lui a pas demandé ce qu’il faisait dans la vie, elle ne se souvient même pas lui avoir posé une seule question, elle s’est contentée de répondre vaguement aux siennes, et de le ramener dans son grand appartement vide et froid qu’elle ne voulait pas rejoindre seule. Elle ne l’a pas laissé l’embrasser, et ne l’a pas regardé lorsqu’il était venu en elle. Elle a pris ce qu’elle voulait de lui puis s’est endormie, sans se soucier de ce partenaire dont elle ne voyait plus l’utilité. Elle avait espéré qu’il serait assez intelligent pour partir durant la nuit, il ne l’a apparemment pas été. Elle le repousse alors qu’il s’essaye à lui caresser le bras, et se redresse sans même lui adresser un regard. « Je vais aller me doucher. J’aimerais que tu sois parti à mon retour. » Sans attendre une réponse ou une réaction et sans même prendre le temps de revêtir un bout de tissu, elle se lève et se dirige vers la salle de bain. Elle y croise son reflet dans un des miroirs ; un regard noir, presque haineux. Elle observe les griffures le long de ses hanches, derniers vestiges d’une nuit déjà oubliée, tandis qu’elle laisse l’eau couler et se réchauffer pour l’accueillir. Elle s’engouffre dans la douche, où elle laissera ruisseler l’eau presque brulante le long de son corps nu de longues minutes. « Lève-toi, sois baptisée et lavée de tes péchés ». À son retour dans la chambre, il sera parti.

Ses talons claquent le bitume au rythme de ses pas. Le regard fixé sur son téléphone, Leo fend la foule sans se soucier du monde qui l’entoure. Après tout, elle n’en a jamais vraiment fait partie. Theodore ne l’a pas encore appelé. Étrange. Elle s’assurera ce soir que tout va bien si elle n’a pas de ses nouvelles d’ici-là. En passant la porte du Café des Artistes où elle a ses habitudes, Leo soupire à la vue de la queue qui s’étend devant elle. Elle déteste attendre. Elle se demande alors pourquoi elle est venue ici plutôt qu’au Palace de la 5ème avenue où on lui aurait retiré son manteau des épaules à peine le seuil passé, sans pour autant se l’expliquer. Une fois son tour arrivé, elle commande un Americano sans sucre en guise de petit déjeuner. La caféine la ramènera peut-être parmi les vivants.

Elle balaye rapidement la salle du regard à la recherche d’une place où s’assoir et y croise le sien. Lais lui a parlé à plusieurs reprises de ce fantôme qui semble lui tourner silencieusement autour ces dernières semaines. La table, le visage, le journal, l’heure et même le jour semble correspondre. Sans se poser une question de plus, elle traverse la salle sans le quitter du regard. En tirant la chaise sur laquelle elle vient s’assoir, elle est surprise par une légère décharge électrique qui parcoure le long de sa colonne, qui vient chatouiller son cœur et ébranler le cours de ses pensées. Silencieux, presque stoïque, il ne baisse pas les yeux, l’a transperçant du regard. Leo y reconnait une lueur sombre qui lui semble familière, un noir dans lequel elle a envie de plonger et de se noyer. « Cette place est réservée. » Un sourire légèrement amusé se dessine sur les lèvres de Leonide, colorées d’un rouge éclatant presque vibrant. « Ça ne me dérange pas. » Elle lève sa tasse au niveau de sa bouche, et souffle légèrement à la surface du liquide fumant, prenant soin de ne pas quitter des yeux l’homme qui lui fait face. Elle commence à oublier le sourire affiché sur le visage de Lais lorsqu’elle lui a raconté se sentir observée par un bel inconnu. « Elle ne viendra pas aujourd’hui. » Elle détourne finalement le regard le temps d’avaler une gorgée de son café, invitant l’élixir de vie à se frayer un chemin à travers les muqueuses de son œsophage. « Tu sais, si tu veux la saisir un jour, le plus simple serait peut-être de te décider à lui parler. » Elle le jauge Leo, elle a envie de comprendre ce qu’il lui trouve à cette gamine. Et meurt soudainement d’envie de savoir si elle peut l’avoir à sa place. « Ou peut-être n’est-ce pas ce que tu désires ? » Elle retire son manteau découvrant un chemisier de soie noir dont elle sort, d’un mouvement de main assuré, une mèche de cheveux prise dans son col. Elle ne fait plus attention à ce qui se passe autour, absorbée par la présence d’un homme dont elle ne connait rien. Et elle se met à danser. Une chorégraphie qu’elle connait bien et dont elle est la danseuse étoile, celle du désir et de la séduction.

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crédit/ tumblr ☾ w/@Leonide Tendler

Et quand se pose l'oiseau, son plumage te révèle sa nature de rapace.

Ca ne la dérange pas. Voilà, plusieurs minutes d'un charme plongé sous l'aura du silence brisées par cet échange brutal entre les deux inconnus. Tous deux séduits par l'aspect physique de l'autre, ils sont trop fiers pour sourire. La brune affirme son caractère avant même d'avoir donné son prénom, avant même d'avoir dit bonjour. Gregor l'analyse, pose son journal, visiblement agacé que celle qu'il espérait aborder ait fait ainsi le premier pas. Ca ne la dérange pas. Il a indiqué que la chaise était réservée à une autre, dans une sorte d'instinct de survie face à cette prédatrice qui l'a pris au dépourvu et voilà qu'il constate qu'elle est bel et bien un vautour. Gregor s'apprête à lui dire que lui, ça le dérange. Mais l'inconnue le prend de court et affirme qu'elle ne viendra pas. A qui fait référence ce "elle" qui leur serait commun ? Gregor n'en a pas la moindre idée. Son visage qui affichait l'agacement passe à l'incompréhension. « Je vous demande pardon? » Mais la brune n'a pas l'intention de s'expliquer, elle continue sur sa propre lancée, s'adressant à lui comme s'ils étaient de vieux amis.

Le tutoiement
Elle te tutoie
Comme l'autre
Ici même, ici bas.

Elle te prend de haut
Elle te parle comme si
Tu n'étais pas le bourreau
De sa bien triste amie.

Lais. Il n'y a plus de doute sur ce qui les unit tous les deux. Devant le silence prolongé de Gregor, la brune pousse le bouchon plus loin en osant poursuivre son interrogatoire.« Que je sache, on ne se connait pas Miss. Alors j'apprécierais que vous preniez un autre ton. » Paternaliste, il n'en est pas moins surpris par ce caractère tranchant qui vient poser ses fesses là, face à lui, et qui l'agresse directement. Lais s'imagine-t-elle qu'il veut la séduire? Quel horrible scénario. Mais Gregor a la tête ailleurs, il est concentré sur ces pupilles dilatées par le jeu et l'envie de plaire. Penché par-dessus la table, il sourit en parlant « Habituellement, je préfère les modèles plus mûrs. » Son sourire est étincelant. La partie a démarré et il adore déjà de se savoir en face d'une adversaire qui saura sûrement déceler les subtilités. Parle-t-il de Lais ou de son inconnue? L'ambiguïté est volontaire. Il la regarde, fasciné par ses yeux en forme d'amande et par son toupet totalement inédit. « Vous me parlez de votre amie et pourtant, étrangement, j'ai l'impression que ce ne sont pas ses intérêts que vous défendez. » Le Ferreira la taquine, toujours avec son sourire collé au visage. Cette rencontre inattendue le revigore. Pourtant, flirter avec une amie de Lais est tout sauf conseillé. Il ne pourrait jamais y avoir rien entre eux, le risque de se voir exposer serait dangereux. Mais là, pour le temps de la matinée, il est prêt à jouer un peu avec le feu.

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{ Ice and Fire }
crédit/ tumblr ☾ w/@Gregor Ferreira

En s’asseyant à la table de cet inconnu, Leonide est partie en chasse. Elle est partie à la recherche de ce qui la fait vibrer, de ce qui lui donne l’impression d’exister. Elle se nourrit du désir dans le regard des hommes. Leo est de ces prédateurs qui ont le regard vif et un appétit insatiable. Elle prend par surprise, aveuglant de sa lumière noire les proies qui croisent son chemin. Elle se prélasse, mouvant avec langueur ses longues jambes et ses doigts fins. Avant de bondir, planter ses griffes dans leur chair et se nourrir de leur ardeur. Parfois, tel un chat elle joue avec sa proie à moitié morte. Mais toujours elle finit par laisser ses victimes agonisantes derrière son passage, le goût sucré de sa peau encore sur leurs lèvres. Elle se donne facilement Leo, mais à la seule condition de tout prendre sur son passage.

L'inconnu qui lui fait face ne semble pas tout de suite comprendre de qui elle lui parle. Peu importe, Lais n’est qu’un prétexte, un détail qu’elle souhaite éclipser de son esprit et venir le hanter à sa place. Calme, elle ne relève pas l’incompréhension qui semble s’emparer de son interlocuteur, se contentant de continuer à tenter de le faire réagir. Et comme souvent, elle finit par obtenir ce qu’elle souhaite. Elle hausse légèrement un sourcil quand ce dernier dissimule la menace sous les formes de la politesse, lui rappelant que l’inconnue n’utilise pas le « tu ». Malheureux est l’homme qui pense que la panthère a peur du fouet. « Pour l’instant, mais je connais plusieurs manières d’y remédier. » Son regard est magnétique, il semble même à Leo qu'il lui serait impossible de s’en détacher si elle finissait par avoir envie de le faire. Elle sent le danger. Elle reconnait la rare assurance dont il fait preuve, celle de ceux qui aiment faire s’agenouiller les autres. Et ça ne fait qu'éveiller un peu plus sa curiosité.

« Habituellement, je préfère les modèles plus mûrs. » Un sourire se dessine sur les lèvres de celui qui est devenu, en quelques minutes, le centre de toute son attention. Son sourire est aussi éclatant qu'il choque avec la noirceur de son regard. Leonide l’observe se rapprocher un peu plus, se penchant légèrement au-dessus de la table. Elle finit par l’imiter, une malice certaine imprégnant son regard et les traits de son propre sourire. « Il serait dommage de changer de bonnes habitudes, non ? » Le fait qu’il continue de la vouvoyer l’amuse, pire encore, ça attise l'envie qui commence doucement à embraser tout son être. « Ai-je seulement prétendu vouloir le faire ? » Peut-être dit-il ces quelques mots seulement pour la taquiner, sans se douter qu’il vise bien plus juste qu’il n’oserait l’imaginer. Pourtant, si Lais a su trouver une certaine grâce aux yeux de Leo, se seront toujours ses propres intérêts, ses propres envies qui passeront toujours en premier. Elle se rapproche un peu plus, défiant silencieusement l'inconnu de l’imiter, de prendre le risque d’être assez près pour s’enivrer de son parfum. « Alors, que faisons-nous ? On explore l’une des manières d’y remédier, ou tu préfères goûter à cette sainte prostitution de l'âme qui se donne tout entière, poésie et charité, à l'imprévu qui se montre, à l'inconnu qui passe ?* » Baudelaire a toujours accompagné Leo, et elle est encore loin de se douter que son obsession pour les fleurs du mal finira par prendre tout son sens une fois le masque de cet inconnu tombé. Mais pour l’instant, elle veut jouer, voir jusqu’où il est prêt à aller. Elle veut continuer à voir le désir s'animer dans son regard, dans ces lunes noires où les fantômes semblent avoir l’habitude de danser.

*Les foules, Baudelaire

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crédit/ tumblr ☾ w/@Leonide Tendler

Et quand se pose l'oiseau, son plumage te révèle sa nature de rapace.

Mêlant attirance et agacement, le volatile s'en prend à Gregor Ferreira avec ses griffes sorties. Elle pourrait aisément le défigurer, il sent toute la passion qui traîne sous ses airs de femme distinguée. Cette inconnue est d'un charme sans égal et en même temps, Greg sait qu'elle pourrait vite perdre de son intérêt si elle ne fait que le pousser dans ses retranchements. Elle connaît plusieurs manières d'y remédier. Avec cette arrogance, elle le pousse, elle le pousse et encore plus, elle l'abuse. Plus elle insiste dans ce sens et moins il a envie de lui céder. Il sourit d'un sourire ironique et plat. Le Ferreira se repose sur son dossier, remettant de la distance entre eux pendant que la brune affirme qu'elle n'a jamais prétendu vouloir défendre les intérêts de son amie. « Intéressant. » Ce petit jeu le rassure quelque peu, ce n'est pas Lais qui a envoyé cette créature pour venir le sonder, du moins cela n'en a pas l'air. Si c'était le cas, elle se comporterait autrement. Là, elle semble accorder peu d'intérêt à ce que pense la jeune actrice de Gregor. Et pour leur bien à tous, il espère que sa demi-soeur ne s'est pas mise en tête qu'il venait pour la courtiser. « Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés.* » répond-il sans aucun cillement. Gregor s'amuse à lui répondre en empruntant au même texte qu'elle vient de citer, en appuyant sur les mots qui servent son propre intérêt. La poésie fait partie de ses petits charmes cachés mais Baudelaire en particulier. En tant que propriétaire des Fleurs du mâles, un cabaret décoré complètement sous l'influence du poète, Gregor connaît assez bien ses recueils. « Je réitère mon interrogation. Qu'est-ce qui vous fait croire que vous pouvez me tutoyer? » Il n'aime plus ce jeu. C'était amusant pour un début mais elle est trop sûre d'elle et trop différente des charmes qu'il cherche chez ses dames de compagnie. Loin de la pucelle qu'il pourrait protéger, cette inconnue semble être un requin bien plus qu'une hirondelle. « Vous devez réaliser qu'avec votre comportement, tout ce que vous pourriez obtenir, au mieux, ce serait un passage entre mes draps et quelques secondes plus tard, un hasta la vista. » Froid, il ne cherche plus à la séduire. Il vient de poser les cartes sur table. La croqueuse d'hommes, car il ne doute pas qu'elle en soit une, n'a aucun avenir avec lui. A vrai dire, il ne sait même pas s'il l'entraînerait jusqu'au cabaret. Elle l'agace et un ébat charnel pourrait lui clore le bec et satisfaire l'attrait dérangeant qu'elle exerce sur lui. Mais c'est tout. Alors il offre ces mots sincères et sans détour, quitte à la voir se lever et partir sans un regard en arrière.

*Baudelaire.

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crédit/ tumblr ☾ w/@Gregor Ferreira

Elle observe cet inconnu, qu’elle ne se souvient pas avoir croisé ici. Si c’était le cas, elle est certaine qu’elle s’en souviendrait. Du bout des yeux elle décrit son visage, s’attardant sur son sourire qui semble au fil des secondes perdre de son éclat. Sans qu’elle ne comprenne ce revirement de situation, il semble lui résister, pire, il s’éloigne. Elle ne bouge pas alors que le brun se repose sur son dossier, elle ne retire pas le masque qui cache son visage depuis le début de cette conversation. Son sourire est toujours éclatant, malgré le goût amer que lui laisse ce mouvement de recul. Elle n’a pas l’habitude qu’on lui résiste Leo, elle est habituée à ce qu’un mouvement de tête et un battement de cil suffisent à faire s’agenouiller les hommes. Lui sort de la norme, et si au premier abord une flamme est apparue dans son regard, elle ne trouve maintenant dans ses lunes noire plus qu'une froideur qui lui colle au teint. « Il est bon d'apprendre quelquefois aux heureux de ce monde, ne fût-ce que pour humilier un instant leur sot orgueil, qu'il est des bonheurs supérieurs au leur, plus vastes et plus raffinés.* » Et pourtant, s’il parait vouloir se retirer de la partie, l’inconnu continue d’une certaine façon à se prendre au jeu. Elle sonde le regard de celui qui semble vouloir la provoquer par son soudain dédain, y cherchant des ombres qui pourraient laisser croire qu’il est encore en vie. « Je réitère mon interrogation. Qu'est-ce qui vous fait croire que vous pouvez me tutoyer? » Toujours penchée sur la table, un sourire accroché aux lèvres elle lui répond d’une voix nette et assurée « Mon insolence et mon amour du risque » . Une fois ces mots prononcés, elle imite l’homme qui lui fait face en se réinstallant dans sa chaise, effaçant son sourire sans le quitter des yeux. « Vous devez réaliser qu'avec votre comportement, tout ce que vous pourriez obtenir, au mieux, ce serait un passage entre mes draps et quelques secondes plus tard, un hasta la vista. » Un très léger rire s’échappe d’entre ses lèvres. Il ne semble pas avoir compris, et cela amuse leo en même que ça la désespère. « Et toi, qu'est-ce qui te fait croire que je pourrais vouloir quelque chose de plus venant de toi ? » Elle lui sourit en coin avant de prendre une gorgée de son café et de renfiler sa veste. En se redressant elle ne le quitte pas du regard, cherchant la flamme qu’elle avait cru apercevoir plus tôt. Une fois debout et rhabillée, elle se penche lentement jusqu’à son oreille, une main posée sur la table, et lui souffle « Peu d'hommes ont le droit de régner, car peu d'hommes ont une grande passion.* » Elle veille à croiser le noir de ses yeux avant de se retourner, prête à partir.

* Baudelaire

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{ Ice and Fire }
crédit/ tumblr ☾ w/@Leonide Tendler

Un sursaut de vie, c'est tout ce dont tu as besoin. Un sursaut de ce pétillement qui ramène l'aigle auprès de son maître, auprès de la profondeur de vos êtres.

Vorace, l'inconnue ne se laisse pas faire. S'il lui trouve quelque chose d'agaçant dans ses manières, Gregor est aussi séduit par sa force. Acide, elle ne lâche rien. Elle l'attaque encore et encore, préférant perdre son charme plutôt que son égo. Tous deux rassis sur leurs chaises, ils se toisent comme des chiens prêts à bondir. Lequel aura la jugulaire le premier? C'est inédit. Jamais une femme n'a fait une entrée pareille dans sa vie. Son insolence et son amour du risque. Elle a failli lui décocher un sourire sinistre. De toute évidence, elle ne sait pas qui il est. En ce moment même, tout son clan, toute sa famille, est en train de se battre pour savoir s'il faut ou non aller tuer les Marlowe pour venger la mort de l'un des leurs. Si elle aime le risque et le danger, elle pourrait être servie auprès de Gregor. Mais l'insolence ne se pardonne pas dans la mafia, pas quand on s'adresse à la tête du clan. Et il se fait, que pour lui et pour nombreux autres, c'est Gregor le chef.

Surprenante, la brune incendiaire ne s'offusque pas du propos cru de son interlocuteur. Il sourit. Il n'a pas gagné la joute mais il sent que le vent tourne. La demoiselle se redresse et instinctivement, il regarde ses mains, à la recherche d'une attache potentielle. Aucune bague ne révèle qu'elle soit déjà la propriété d'un autre. Attrapant son avant-bras sans douceur mais sans violence non plus, il la retient. « Doucement, où crois-tu aller? » Le sourire carnassier dressé sur son visage, il a fait un pas dans sa direction, adoptant le tutoiement qu'elle a imposé. Il se lève et l'attire contre lui dans un geste de toupet que peu d'hommes osent. L'inconnue est à quelques centimètres de lui, même pas. Le regard de Gregor la pénètre, la fouille et sans crier gare, il abaisse son visage vers celui de sa mystérieuse squatteuse. Le baiser tombe dans un élan, conséquence logique du mouvement de sa main sur la hanche de la belle pour la rapprocher de lui. Sans aucun égard pour ses éventuelles réticences, il passe sa langue entre ses dents et l'accable d'une passion qu'elle n'a cessé d'exhiber depuis son arrivée. Puis, il se retire et souriant d'un sourire trop blanc, s'exprime « Ne te fais pas d'illusions, mes passions n'interfèrent jamais avec mon règne. » Et bien qu'il semble répondre à la phrase sortie de Baudelaire uniquement, Gregor dit une vérité. Jamais une de ses lubies féminines n'a pu le détourner du pouvoir et de son trône.

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crédit/ tumblr ☾ w/@Gregor Ferreira

Et c’est alors qu’elle s’apprête à partir qu’elle sent une main fermement saisir son bras. « Doucement, où crois-tu aller ? »Un sourire se dessine sur ses lèvres tandis que celui qu’elle pensait finalement désintéressé se rapproche d’elle, et s’étire à mesure qu’elle aperçoit le prédateur se révélait au grand jour. Elle savoure la victoire de cette dernière provocation, elle se délecte du désir qu’elle entrevoit à nouveau se dessiner dans ses lunes noires. Elle le dévore des yeux alors qu’elle sent sa main glisser le long de sa hanche, la rapprochant dangereusement de lui, le défiant silencieusement d’aller plus loin. Et lorsque ses lèvres touchent enfin les siennes, sa langue se frayant un chemin à travers ses dents, elle s’abandonne à ce baiser, se rassasiant de cette passion qu’elle cherchait à trouver, ne prêtant guère attention aux regards qui pourraient se poser sur eux. Elle se replonge dans son regard noir lorsqu’il se détache d’elle, répondant à son sourire avec une malice non dissimulée. « Ne te fais pas d'illusions, mes passions n'interfèrent jamais avec mon règne. » Elle essuie du bout de son doigt une trace laissée par son rouge la lèvre sur le coin des lèvres de cet homme dont l’imprévisible la revigore. « Intéressant ». Elle pourrait chercher à savoir à quoi il fait allusion, mais la vérité est qu’elle aime le mystère qui l’entoure et qu’elle n’a aucune envie de le percer. Elle glisse alors sa main contre la sienne, un sourire joueur dessiné sur son visage. « Je veux t’amener quelque part. » Puis, sans attendre de réponse, elle l’entraîne hors du café.

Ils n’ont le temps de faire que quelques pas, qu’elle les détourne du trottoir pour les emmener le long d’un théâtre préférant l'entrée des artistes à l'entrée principale. Avant de passer la porte, elle se retourne vers lui et tout en commençant à s’appuyer contre cette dernière pour l’ouvrir lui confie« je suis sûre que tu aimes jouer. » En pénétrant dans l’enceinte de ce sanctuaire du spectacle vivant, elle ne prête presque aucune attention au gardien derrière son guichet. Elle se contente de lui fournir un sourire faussé et suffisant, « Michel, je te présente Ben on vient faire des repérages de plan de feu pour la prochaine mise en scène de Caro. » Elle sait qu’il avalera la moindre de ses paroles, et d’un pas assuré se faufile avec son inconnu à travers les couloirs des coulisses. Elle s’arrête, arrivée devant une grande porte en bois massif, pour fait face à cet homme qu’elle ne parvient pas à comprendre. « J’espère que tu n’as pas le traque » dit-elle tout en poussant la porte pour l’ouvrir et ainsi fouler le planché ciré de la scène de ce théâtre vide. Elle laisse tomber son manteau sur le sol, s’approchant d’un pas langoureux, presque félin de celui qu’elle a entraîné dans son antre. « Dis-moi, qu’est-ce que tu veux ? La joie ou le désespoir ? la haine ou la passion ? » Elle n’est qu’à quelques centimètres de lui, son regard plongé dans le sien. « Je peux tout t’offrir, il suffit de demander ». Le rouge vibrant de ses lèvres laisse apparaître la blancheur éclatante de ses dents ; elle qui pensait cette partie terminée, en réalité elle ne fait que commencer.

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{ Ice and Fire }
crédit/ tumblr ☾ w/@Leonide Tendler

Un baiser est vite volé, vite échangé mais son souvenir se grave dans les mémoires pour l'éternité. Selon qu'il est puissant ou passionné, selon celui qui vous l'a donné, un baiser, c'est votre âme qu'on a un peu écorché.

Elle ne le repousse pas. Elle pourrait mais elle ne le fait pas. Au contraire, son corps se balance contre celui de Gregor, lui intimant de poursuivre cet assaut de sa personne. Et quand il se retire, conscient du geste déraisonnable qu'il vient de poser, elle se contente de dire "intéressant" comme si la brune analysait cela d'un oeil académique. Intéressant, comme s'il s'agissait d'une thèse défendue par un étudiant sous le regard du prof qui l'assiste. Elle lui prend la main et il la suit. Gregor n'est pas le genre de gars à se laisser entraîner ainsi, docile. Mais après l'avoir embrassée sauvagement, il se dit que si elle est toujours là, elle mérite le bénéfice du doute. Bien qu'il n'aime pas suivre les gens, il coopère.

Adossée contre la porte qu'elle ouvre, elle le surprend en pénétrant dans un théâtre. Greg arque un sourcil en guise de réponse. Il aime jouer mais cela dépend dans quel contexte et avec qui. Il ne la connaît pas assez, pas du tout. Ils passent devant le vigile et Gregor sourit poliment au gars qui semble se soucier assez peu de savoir qui la femme entraîne dans ce sanctuaire. A cette heure-ci, les entrées sont réservées aux artistes et il est donc facile de conclure que pour avoir une liberté pareille de circuler dans la zone, elle doit en être une. A moins qu'elle ne soit femme de ménage et que le gars de l'entrée connaisse son manège par coeur. Cela serait drôle. Même si l'égo de Greg lui fait repousser l'idée d'être attiré par une femme de classe inférieure. Le chef de mafia est assez impérial dans ses goûts.

Le traque. Il la regarde avec un air plein de sous-entendus. Ses mots expriment sans détour ce qu'il pense. « De quoi devrais-je avoir peur ? De toi? » Son sourire est mesquin. Il la laisse s'enthousiasmer et proposer d'offrir ce qu'il veut. Gregor pense à la Vénus de Milo en guise de réponse mais il se retient. Il a déjà fait assez d'avances à cette croqueuse d'hommes. « Je n'aime pas devoir demander. » Il croise les bras sur son torse et la défie du regard. « Trouve toi-même ce que je veux. » Son ton est mordant, il la fixe avec froideur, une froideur qui n'est pas glaciale. C'est juste Gregor qui refait surface dans toute sa splendeur. « Et fais attention, ce serait dommage de perdre ton public. » Curieux de voir ce qu'elle compte faire maintenant, il attend, caché derrière son statut de grand homme.

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{ Ice and Fire }
crédit/ tumblr ☾ w/@Gregor Ferreira

Que cherches-tu encore à savoir ? Le parfum de la lumière ou la couleur des sons ? Qu’espères-tu découvrir sinon quelque autre cadavre putréfié sur ta route ? Ne vois-tu rien venir ? Sous la couleur dorée de sa peau, c’est un cimetière que tu vas trouver.

Léo sent le regard de celui qu’elle a entraînait jusqu’ici avec elle détailler son dos alors qu’elle avance dans les couloirs désertés du théâtre. Elle l’a conduit ici dans un sursaut de folie, de ceux qui peuvent parfois la définir, de ceux qui surviennent lorsqu’une envie la défie. Cet homme, au regard sombre et plein de secrets qu’elle ne veut pas percer, lui donne une impression qu’elle n’a encore jamais eu, celle de ne pas être sûre de réussir à vaincre et la peur d’être vaincue. Et ce doute, cette victoire incertaine, difficile, réveille en elle une envie dévorante de le voir être consumé par le désir.

Adossée contre la porte en bois massif elle s’amuse de la réponse du brun, répondant à son sourire mesquin avec un simple hochement de tête, comme pour lui faire comprendre qu’il devrait peut-être se méfier. Car si elle semble fragile, de par la finesse de ses poignets et la douceur de sa peau, Leo est loin d’être une enfant de cœur. Elle aime détruire le beau, et il semble avoir envie de jouer. Elle l’observe s’accrocher à ce masque blanc qu’il porte sur son visage. « Trouve toi-même ce que je veux. » Elle se pince légèrement la lèvre inférieure dans un sourire saturé par la provocation. « Tu es sûr de toi ? » Elle a rarement croisé des hommes avec ce noir dans les yeux, et leo est un oiseau de nuit attiré par l’obscurité. Lorsqu’il évoque la possibilité qu’elle ne puisse le satisfaire, son sourire s’étire encore un peu plus pour en devenir presque sinistre. « La haine se sera. » Et dans un sourcillement aussi inattendu que discret, Leo change de masque. Son regard se noircit et ses traits se tirent ; elle répond à la noirceur du regard de cet inconnu qu’elle veut vaincre en invoquant un personnage de Corneille qu’elle a déjà joué. « Que ce jeune Monarque immolé de ta main, te rende abominable à tout le genre humain, Elle ne le quitte pas des yeux, elle le transperce presque, en incarnant cette tirade qui pousse dans ces mots la haine à sa véritable limite. Elle déboutonne calmement son chemisier, pour lui dévoiler la blancheur de sa peau presque nue, à peine couverte d'une dentelle noire et délicate. Qu’il t’excite partout des haines immortelles, Que de tous tes sujets il fasse des rebelles. Elle saisit l’une des mains de cet homme qu’elle veut voir se consumer, et la dépose à la naissance de sa gorge. Je t’épouserai lors, et m’y viens d’obliger, elle se rapproche, elle n'est plus qu’à quelques millimètres de ses lèvres, Pour mieux servir ma haine, et pour mieux me venger…* » Et tout en passant sa main derrière sa nuque et la faisant remonter dans ses cheveux, elle embrasse cet adversaire inespéré, s’abandonnant à la folie d’un désir qu’elle ne souhaite contrôler. Lorsqu’elle finit par se détacher de ses lèvres tièdes, elle maintient une proximité entre leurs deux visages, attisée par l'envie de se rassasier de la caresse du rythme de son souffle sur sa peau. Elle le défie du regard ; elle le sonde à la recherche d’un signe d’abandon.

* Pertharite, Corneille.