stone and flowers. (w/rym)

@rym ahmadi / stone and flowers

Plus qu’aucun autre jour de la semaine, Thelma aimait le lundi. Pour elle, chaque lundi était un nouveau départ. Une nouvelle opportunité, l’occasion de voir la vie sous un nouvel angle. Chaque lundi, elle se disait « peut-être que cette semaine sera celle de ma greffe ». Et pourtant, chaque lundi, elle y croyait toujours. Elle n’a jamais perdu espoir Thelma, elle était toujours pleine de vie. Pleine de vie, même quand la vie a commencé à se dérober entre ses doigts. Et même lors de son dernier souffle, même là, Thelma a souri. Un sourire qu’Arthur aurait aimé graver dans sa mémoire. Un sourire qu’il essaie de se remémorer, mais un sourire qui s’efface doucement. Arthur soupire. Il boutonne sa chemise rouge, celle que Thelma lui a offerte, celle qu’elle préférait. Il soupire parce qu’elle perd un peu de son éclat après chaque lavage. Lui, il est sûr que c’est parce que Thelma n’est plus là. Que sa chemise est comme en train de faner. Ou alors c’est lui. Lui qui voit les couleurs moins intensément maintenant. Il en sait rien, mais ça ne lui plait pas. Il ferme les paupières quelques secondes. Plus qu’aucun autre jour de la semaine, Thelma aimait le lundi. Alors pour elle, il fait en sorte que chaque lundi soit un jour à peu près heureux. À peu près heureux, même si c’est au cimetière qu’elle l’attend, maintenant. Il quitte la colocation sans faire un bruit. Ce chemin, il pourrait le faire les yeux fermés maintenant. Même lorsqu’il franchit le portail, il sait exactement où elle repose. Thelma Holmes. « Et dire que tu es juste là. » Il murmure, avant de poser son bouquet de lys blancs à côté des fleurs que sa famille a dû déposer un ou deux jours plus tôt. Ses pupilles dessinent machinalement les lettres gravées dans le marbre, ces lettres qui lui font face. Son coeur se serre. Il se serre comme le jour de son départ, toujours aussi fort. Même si aujourd’hui, jour pour jour, ça fait deux ans que Thelma n’est plus là. Il y a des bruits de pas derrière lui, mais sans même se retourner, Arthur devine de qui il s’agit. Rym. Lundi après lundi, ils se retrouvent ici. Parfois de longues heures, parfois quelques minutes. « Hey. », qu’il articule simplement en se tournant vers elle. « C’est un beau lundi, tu ne trouves pas ? » Un lundi comme tu les aurais aimé, Thelma. Un lundi où, encore une fois, j’essaie de voir les choses différemment. Comme tu le faisais. J’essaie, mais c’est tellement difficile.

Le pas léger, l'âme un peu plus lourde. Tu connais ce chemin par coeur depuis le temps, tu sais exactement où poser les pieds et quelle direction prendre. Tu pourrais le parcourir les yeux fermés, et c'est presque comme ça que tu le fais - car ta tête est ailleurs, certainement pas dans ces rues, ou avec ces gens. Comme bien souvent à cet instant de la semaine, tu penses à Thelma. Que le soleil brille, ou que la pluie tombe droite sur les têtes, tu penses à elle. Une amie comme tu n'en avais jamais retrouvé une seule, une bonne âme comme il y en avait si peu sur cette terre, Thelma resterait à jamais unique pour toi. Une amitié qui t'avait bercée, qui t'avait rassurée, qui t'avait tant donnée. Elle te manquait, c'était certain - mais ta tristesse, sans être éteinte, s'était simplement installée en toi sans nécessairement t'affliger. Car Thelma était partie, mais tu savais qu'elle voudrait que tu vives autrement que dans le chagrin ou la peur - que chaque pas soit pris avec détermination, qu'elle te disait. Tu peux tout faire, Rym. Thelma te le disait.

Le cimetière n'est pas trop achalandé - mais il y a bien sûr cette silhouette, près de la pierre de Thelma, que tu reconnais sans peine. Vous vous retrouvez souvent là, Arthur et toi. Liés à jamais par la perte de Thelma, mais aussi par le fait de l'avoir connue - et aimée avec tant de force, aussi.

Il dépose quelques fleurs - toi, tu n'as qu'une rose que tu as dérobé à un marchand, en chemin. « Hey. C’est un beau lundi, tu ne trouves pas ? » Il se tourne vers toi, et tu lui adresses un doux sourire. Ton visage paisible, malgré la peine qui te serre le coeur. Tu acquiesces, t'approchant suffisamment pour déposer la rose aux côtés des autres fleurs. « Comme elle les aime tant. » Tu n'aimais pas trop parler au passé, même si tu savais qu'il le faudrait - mais le souvenir de Thelma vivait toujours en toi. Tu te recules, tu joins les mains en observant la pierre. « J'arrive à peine à croire que ça fait deux ans. J'ai l'impression qu'elle était encore là hier. » Tu baisses un peu les yeux, inspirant profondément l'air autour de vous, avant de relever la tête vers Arthur. Tu attrapes son poignet, et tu le serres un petit peu. « Elle t'aimait tellement, tu sais ? » Ça l'a rendue heureuse jusqu'à la toute fin. « Tu crois qu'elle sait qu'on est là ? » La gorge serrée, tu l'observes.

-- @arthur rodehorst

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