Une page qui se tourne, le début d'une nouvelle vie. w/ Ambroise

Il n’avait eu besoin qu’à une reprise de proposer son aide à Thomas, ce qui connaissant la timidité du jeune homme, relevait quasiment de l’exploit : pour tout ce qui était susceptible de l’arranger, il l’avait prié de ne jamais avoir peur de le déranger, il trouverait bien un jour de libre entre deux journées passées aux urgences. Il n’était pas expert dans tous les domaines mais globalement Ambroise n’était pas trop mauvais bricoleur, peut-être pourrait-il lui être utile pour un peu de peinture, refaire le parquet, porter les meubles à travers les escaliers et puis les monter, puisque pour le reste il n’avait que peu d’affaires à déménager. Il avait été franchement satisfait que Thomas vienne lui demander un coup de main le moment venu – chose qu’il avait acceptée sans hésitation aucune. Il lui avait dit de prévoir les fournitures, de protéger le sol, ce genre de choses... Et puis il l’aiderait pour mettre les coups de rouleaux et pinceaux. Il se doutait que peut-être Ella avait appris à son récent ex-colocataire qu’il avait été blessé et surtout été contraint quelques temps au repos forcé... Mais ça n’avait duré que le strict nécessaire, il ne savait pas rester à la fois la tête et les mains libres. Il avait besoin d’occuper a minima l’une ou l’autre. Depuis la reprise du travail, toutefois, il avait gardé l’habitude de ces longs moments passés ensemble, rien que tous les deux, Wes et lui. La coïncidence était presque amusante : quand le canapé de sa moitié se libérait, c’était le sien qui pour la toute première fois se retrouvait occupé plus que quelques jours. Mais à son ami, Ambroise avait répété à de multiples reprises que jamais il ne le dérangeait, qu’il pourrait rester aussi longtemps qu’il en ressentirait le besoin. Il le pensait très fort. Et tous les matins, c’était à lui qu’il consacrait un moment. Plus court quand il travaillait – mais ils se levaient tôt, les deux insomniaques, l’un au cœur trop anéanti pour trouver le repos, l’autre simplement détraqué par des heures d’activité totalement décousues. Ce matin-là il avait prévenu qu’il avait des choses à faire, qu’il n’arriverait pas aux aurores du tout. Tous les matins, il servait un café à Wes sans lui demander son avis, lui proposait de grignoter un morceau – mais l’âme en miettes avait un appétit minuscule, qui se réveillait bien péniblement au fil des heures. Et puis ils discutaient, de choses existentielles vraiment parfois, de choses anecdotiques à d’autres moments. Il parlait bien plus que Wes, son meilleur ami inconsolable écoutait d’une oreille distraite mais écoutait, les informations, ses journées aux urgences, les petites pièces en plastique qu’il avait dû lutter pour récupérer dans le nez d’un gamin quand il s’imaginait partir le matin pour sauver des vies – et puis souvent ils ne parlaient pas du tout, il était juste une présence. Tous les matins, inlassablement. Cette fois-là Wes avait été exceptionnellement bavard. Bavard était un bien grand mot, mais les lèvres fatiguées s’étaient déliées... Jamais il ne lui aurait pris l’idée ou l’envie de le couper.

C’est aux alentours de onze heures qu’il frappa chez Thomas, adresse notée dans un sms tout récent, qui puisqu’il ne s’était pas exilé bien loin, lui avait permis de venir à pieds. « Bonjour, un sourire solaire plus tard il enchaina : excuse-moi je ne suis pas très en avance. Alors ton nouveau chez toi te plaît ? »

« Oh tu sais moi je vais toujours bien, et toi ? » C’était en effet à peu près vrai, non pas qu’il soit tout le temps un parfait imbécile heureux (quoi que ?), mais plutôt l’optimiste avait-il d’incroyables capacités à relativiser. Il ne se plaignait pas souvent, Ambroise. Il râlait éventuellement pour des broutilles parfois, mais finissait toujours par conclure que ça n’était rien. Le comportement pouvait agacer les autres, surtout quand il estimait par exemple qu’un coup de couteau dans le ventre ne représentait rien de grave du moment où il s’en sortait avec une chance remarquable et sans séquelle – pour lui tout allait bien, tout allait toujours bien, tout finirait forcément par s’arranger : toujours. Il retira et abandonna sa veste dans l’entrée, indispensable même pour quelques minutes de marche pour affronter l’automne new-yorkais mordant. Il se fit la réflexion que la pièce principale était sacrément lumineuse et qu’avec un bon coup de peinture, quelques meubles et de quoi personnaliser les lieux, Thomas y serait très bien. Il y serait forcément mieux que sur un canapé, aussi confortable fut-il, aussi attachante son hôte fut-elle. Ella lui il la trouvait plus qu’attachante bien-sûr, il la trouvait solaire quoi qu’elle dise, ensorcelante et envoûtante, mais à Thomas il ne pouvait pas transposer toute l’intensité de ses sentiments amoureux – qu’ils ne partageaient pas, Dieu merci, même s’il comprenait qu’on puisse tomber sous le charme de la belle en un claquement de doigts.

Son visage très expressif capta très rapidement la joie de son ancien voisin (cette époque n’était pas si lointaine mais elle lui semblait remonter à une éternité), lui réellement heureux de le sentir enfin aux portes de l’épanouissement, si excité et impatient. Quand Thomas nuança, Ambroise le reprit aussitôt : « Il ne faut pas ! Tu le dis toi-même, tu en finis enfin avec toutes ces galères et tu peux être fier de toi. Ce sont des habitudes différentes à prendre mais tu ne pars pas loin de chez elle, vous allez pouvoir vous voir régulièrement. » Il était d’un naturel jaloux oui, mais il avait pleinement confiance en eux… Et puis Thomas était déjà à dormir dans le canapé d’Ella (et rien que dans son canapé, la curiosité mal placée l’avait emporté et il avait posé la question à la jeune femme) avant qu’ils ne se retrouvent, il n’était pas question d’être en plus possessif. Tout ce qu’il disait était hautement sincère.

« Je t’en prie ce n’est rien, il accompagna la parole en balayant l’air d’un geste rapide de la main, il n’était pas du genre à balancer des propositions rien que par politesse et à se raviser. Tu y serais arrivé tout seul, simplement à deux nous serons plus rapides. » Il affirma sur le ton de la réassurance et sourit à nouveau. Au moins, pensa-t-il, les deux colocataires faisaient la paire, niveau manque total de confiance en soi. Thomas enchaina en lui proposant une bière, il était trop tôt encore dans ses habitudes à lui alors il déclina : « Pas tout de suite, merci. Mais tout à l’heure oui volontiers ! »

Il se hissa sur un escabeau, armé d’un peu de la peinture blanche, pinceau et rouleau. Il était arrivé assez tard dans la matinée, ils pouvaient bien continuer à discuter sans pour autant tarder à s’atteler à la tâche. Il s’égara rien qu’un instant dans ses pensées, les mains occupées, puis lança tout fort : « Entre nous, j’en connais une à qui tu vas manquer » Il eut un sourire un brin malicieux, parce qu’Ella était du genre sauvage à avouer tout et n’importe quoi sauf ses sentiments réels. Mais ça crevait les yeux, qu’elle était d’ores et déjà nostalgique. Qu’elle avait besoin de Thomas encore, dans la solitude qu’il aimerait tant voir enfin comblée.

« Tu dis ça parce que tu ne m’as jamais vu le matin avant d’avaler un café ! » Il se hissa sur son escabeau avec un sourire mutin, la question n’était pas simple. Ca n’était pas une bête recette de cuisine qu’il aurait pu lui transmettre – il était un savant mélange entre optimisme, chance et naïveté, il avait à peu près toujours été comme cela, l’imbécile heureux. Il était plus curieux d’apprendre à connaître que son prochain que timide ; plus patient qu’agacé dans la large majorité des situations, c’était comme cela. Question de caractère, probablement ? Il n’avait pas la moindre idée de comment répondre à Thomas, alors il préféra rester sur cette simple réponse évasive alors qu’il s’armait d’un pinceau pour tartiner la première couche sur le plafond. Il ne savait pas rester en place sagement, si la tête n’était pas occupée par les lignes d’un livre intéressant, il avait besoin d’avoir le corps en mouvement. Sa présence ici était donc tout sauf une contrainte. Ambroise gardait les yeux concentrés sur ses gestes mais les oreilles bien ouvertes, songea que probablement Thomas n’avait pas idée d’à quel point il connaissait Ella. « Je comprends, mais je crois vraiment qu’il est aussi important que vous réussissiez à vous épanouir individuellement », divagua-t-il en reprenant de la peinture, sur un rouleau cette fois. Thomas avait les clefs en main pour se propulser dans cette nouvelle vie, un nouvel appartement où il serait bien, un travail solide et honorable : il pensait vraiment qu’il avait de quoi trouver enfin le bonheur qu’il méritait. « Ella a des ressources incroyables qu’elle ne soupçonne pas », il ne se lamentait pas sur le manque de confiance de sa douce, il ne faisait qu’énoncer une vérité. En elle il avait une foi inébranlable... Dont Thomas, une fois de plus, ne soupçonnait sans doute pas l’intensité. Il ne répondit pas qu’il était prêt à la protéger au point de se prendre un coup de couteau par peur qu’elle ne soit blessée elle, ni n’ajouta qu’il espérait procurer à la jeune femme ne serait-ce qu’un fragment de tout le bonheur qu’elle lui offrait quand ils étaient tous les deux. Ella était son opposé et sa complémentarité absolue, à cela près qu’ils étaient elle et lui le même genre de sauvages. Aussi Ambroise avait-il supposé qu’Ella ne s’était pas attardée pour annoncer à son colocataire le genre de relation qu’ils entretenaient tous les deux et lui-même n’avait jusqu’alors pas été franchement loquace. Pas plus que d’ordinaire, du moins.

Thomas avait parlé d’un déclic mais lui s’était perdu entre deux pensées, il avait acquiescé distraitement en songeant très fort qu’Ella finirait forcément heureuse car lui refusait de toutes ses forces qu’il puisse en être autrement... Et son acolyte bricoleur avait fait un grand écart pour enchainer en parlant d’un mur rouge brique et de quelques meubles à monter. Lui n’était pas très doué dans l’art du design ou pour faire dans l’originalité, il manquait cruellement de fantaisie mais il n’empêche qu’il s’enthousiasma : « Super, de toute façon moi je te suis, mais bonne idée ! Pour les meubles je te donnerai un coup de main avec plaisir. Je n’ai pas mon planning en tête, je te redis ça tout à l’heure. Je pourrais emmener quelques outils si tu as besoin, à moins que tu aies déjà tout ? »

Hormis la peinture, les rouleaux, les pinceaux, les perceuses, les meubles en pièces détachées, les marteaux... Bien-sûr qu’il parlait d’Ella, il n’avait qu’elle en tête. Ca n’était pas comme s’il était familier avec qui que ce soit d’autre au point de les connaitre par cœur, comme il la connaissait elle. Elle était complexe, Ella : et pourtant avec elle tout était toujours si simple.

Et puis soudain lâcha l’annonce comme une bombe d’un seul coup d’un seul, et lui se retrouva bloqué deux ou trois secondes comme un idiot, un bras en l’air à recouvrir le plafond de blanc. Alors ça, c’était inédit. « Oh. » Il dit bêtement, surpris, avant de rebaisser son rouleau pour retrouver une position plus confortable, rien qu’un instant. La toute première pensée de l’urgentiste fut : heureusement qu’Ella n’avait pas réussi à cacher les saloperies qu’elle consommait. Heureusement qu’il était au courant, qu’il ne l’apprenait pas à l’instant. Il fronça un peu les sourcils sans même s’en rendre compte, car le sujet le renvoyait brutalement à toute son incapacité pendant les quinze dernières années – lui l’avait vraiment abandonnée, Ella. Le sujet restait tabou. Il avait honte de lui-même, il avait bien plus peur pour elle. Il était terrifié à l’idée qu’elle pousse la dose un peu trop parce qu’il aurait été incapable de l’accrocher plus fort que la coke n’envahissait sa tête et ses veines et qu’il arrive une fois de plus trop tard. Il n’empêche qu’il était tout bonnement incapable d’en parler avec elle. Incapable. C’est Thomas qui à nouveau le sortit de la torpeur de ses pensées, mélange entre choc, surprise, peur surtout. Il soupira doucement : « Je ne te juge pas, vraiment pas. Je suis content pour toi que tu aies trouvé de quoi t’en sortir... Ce nouveau job, c’est vraiment le tournant vers un nouveau départ. » Il le pensait très fort, il sourit doucement et se remit enfin à la tache. Il hésita un moment. « C’est juste que j’ai peur pour elle. » Il voulut ajouter : des camés j’en vois à la pelle beaucoup trop souvent, peu importe à quel point elle unique ou différente, c’est une éventualité à ne pas négliger – et j’ai vraiment peur. Toujours positif, hein ? Il voulut nuancer qu’il avait une confiance totale en elle, mais une fois de plus il avait la fâcheuse tendance à ne guère plus se dévoiler qu’une huitre, alors... Le deuxième membre du couple de sauvages qu’ils formaient quand il s’agissait de dévoiler leurs sentiments, voilà. Il n’avait jamais croisé Thomas dans leur colocation improvisée, ce qui lui permettait de douter vraiment. Tout au plus avait-il laissé trainer un pull à une ou deux reprises sur le canapé... Il n’empêche qu’il fut pris d’un doute soudain, alors il jugea bon d’intervenir : « Tu es au courant qu’Ella et moi on est tous les deux, n’est-ce pas ? Je veux dire, on se fréquente depuis quelques temps maintenant. » Il voulait dire que c’était plus qu’un simple crush, qu'elle le rendait fou, qu'ils faisaient plus que jouer au scrabble quand elle passait la nuit vers lui (mais Thomas avait dû remarquer qu'elle faisait de plus en plus souvent l'école buissonnière)... bien mal à l’aise quand il s’agissait de parler de lui-même. Il n’aimait pas le terme « petite-amie » qu’il trouvait enfantin, mais parler « d’amour de sa vie » paraitrait un brin excessif, bien qu’il le pensait véritablement. « C’était quoi, au fait, ton déclic ? »

« Elle ne laisserait personne à la rue, Ella. Elle est douée pour prendre soin des autres. » Autre fait dont elle n’avait pas conscience, pour lequel lui était persuadé que cela viendrait tôt ou tard. Le cœur brisé par la vie était doux et immense, mais encore trop fragile pour oser s’épanouir tout fort. Il avait affirmé sur le ton du constat, une foi immense en ce qu’il avançait. Pour des choses, il pouvait bien être naïf, aveuglé. Mais pas quand il s’agissait de croire en Ella : il savait qu’il avait raison de le faire. Très fort. Il éluda la suite, à l’aise avec Thomas certes, mais trop sauvage, trop maladroit quand il s’agissait de se livrer, pour lui laisser le libre accès au labyrinthe de ses pensées. Le travail mettait des années.

Plaisanter, faire dans la légèreté, tendre une main sans compter les heures : pour cela, par contre, il était meilleur. « Je veillerai à ce que tu restes en un seul morceau... Et si jamais, j’ai toujours un ou deux kits de suture qui trainent dans mes placards. Ca te donnera un côté aventurier et intrépide. » Sourire taquin, mutin, entre deux passages appliqués de rouleau plein de peinture blanche. Et puis il rassura, un brin plus sérieusement : « Pas de souci, j’emmènerai ce qu’il faut »

Ambroise avait toujours aimé les travaux manuels. Il était suffisamment patient pour s’appliquer sans s’agacer, il était consciencieux et pouvait, quand il était seul, laisser libre court à sa méticulosité. Il n’était pas maladroit de ses deux mains, avait l’esprit relativement pratique : dans une autre vie, dans laquelle il aurait eu plus de temps, Ambroise se serait probablement plu à bâtir quelque chose de solide de ses deux mains. Refaire une maison du plafond au plancher, par exemple. Une vieille voiture de collection, et puis tout recommencer à plusieurs reprises. Avec un pinceau pour laisser libre court à un art qui n’aurait jamais voulu de lui, il aurait été bien plus mauvais... Ses parents avaient bien lutté pour lui donner un semblant de cette fibre artistique là, en lui faisant enchainer les heures de solfège et de piano, sous prétexte que cela aidait les esprits des enfants à s’épanouir, et ça avait été un calvaire dont il s’était débarrassé dès que possible.

Et puis aussi, les travaux manuels lui permettaient d’avoir une bonne raison d’avoir l’air concentré. De fuir l’air de rien les bribes de la conversation qui ne l’arrangeaient pas... Par exemple, quand il s’agissait de remettre sur le tapis les vices de sa moitié, ceux-là même qu’il était incapable d’affronter droit dans les yeux. Il garda un temps les lèvres pincées, l’urgentiste terrorisé, qui n’avait pas su et ne savait toujours pas comment aborder le sujet de sa foutue came avec Ella. Alors avec Thomas... Il fit diversion. Avoua leur relation – sans toutefois que cela soit un véritable secret, c’était juste qu’il gardait égoïstement leur bulle rien que pour eux, à Ella et lui. Force fut de constater que le sujet de la drogue fut bien vite écarté (quel soulagement), et Thomas lui arracha un sourire tout à fait embarrassé, très nigaud. Ainsi donc, il était depuis belle lurette pris sur le vif. « J’ai ça dans les yeux, moi, vraiment ? » Oh, ça n’était pas comme si qui que ce soit avant elle avait su lui procurer de telles sensations, lui tirer des airs idiots tant amourachés. Il leur avait toujours trouvé des allures idiotes, à ces types fou amoureux... Voilà qu’il avait les deux pieds dans le plat. Grillé, cramé, pris en flagrant délit. « Une chance que je sache faire les plâtres... » Il supposa très ironiquement, un poil provocateur, tout à fait mal à l’aise avec la conversation frôlant de bien trop près ses sentiments intimes. « Mais ça n’arrivera pas », il promit sans douter.

Il n’expliqua pas plus longtemps le pourquoi du comment, le chemin de ses pensées, l’effort d’inspection intérieure que ça lui avait coûté, d’à quel point il s’était trouvé crétin, toutes ces années perdues , il ne raconta pas qu’en fait avant d’être amants, encore maintenant et pour toujours, elle était son âme sœur et donc logiquement sa meilleure amie, celle qu’il connaissait sur le bout des doigts, celle qui en lui lisait comme en livre ouvert. Il préférait garder ses pensées pour lui, savoir Thomas veiller sur elle. Sa muse en petits morceaux avait besoin de plus d’une paire de bras bienveillante, rassurante. Il n’était même pas certain que cela puisse un jour suffire pour combler le manque hurlant d’amour, d’affection.

Ils étaient doués pour tout faire à l’envers... Et pourtant, il donnait des conseils, piètre Cupidon, pour que Thomas prenne son temps, apprenne à faire rire cette autre fille et à la connaitre s’il n’avait pas envie de se précipiter et de jeter bille-en-tête – sans toutefois s’arrêter de penser qu’il faudrait bien qu’il finisse un jour ou l’autre par se jeter à l’eau, puisqu’elle avait l’air de furieusement lui plaire, cette mystérieuse âme. « Tu m’en demandes trop, Thomas ! » Il s’exclama, rit de bon cœur. « J’ai l’imagination d’un crustacé et je ne me suis pas déguisé depuis mes sept ou huit ans... Tu es certain de vouloir mon avis ? » On l’avait déguisé en cowboy pour un goûter d’anniversaire, et il avait détesté cela. Il avait toujours fui avec insistance les soirées déguisées : mais pour les autres, il trouvait cela très bien. « Elle te plait vraiment, alors ? »