L'encre de tes yeux (Warston)

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{ l'encre de tes yeux }
crédit/ tumblr ♛  w/ @Nikolaï Warren

Nikolaï, est-ce que tu l’aimeras,
quand les pétales seront tombés,
quand la fleur sera asséchée,
quand il n’y aura plus que les épines pour te caresser ?
Nikolaï, est-ce que tu l’aimeras,
la rose, quand elle ne sera plus aussi belle,
quand elle éclatera ton cœur comme des débris de verre ?
Nikolaï, est-ce que tu l’aimeras,
quand elle te mettra à terre ?

Elle est bousillée, Isabella.
Les écorchures visibles ne sont que les fragments infimes de toutes les plaies qui n’ont jamais cicatrisé. Toutes les cassures de son âme meurtrie dont les morceaux s’éparpillent autour d’elle et encerclent ceux qui croisent son chemin.
Elle est fracassée, Isabella.
Prisonnière des démons qui la suivent de près, à chaque pas qu’elle fait, ils gagnent du terrain, pour mieux la garder. Ils s’attaquent à elle, à son cœur déjà fissuré ; à son âme ébréchée. Ils profitent des blessures encore béantes pour s’engouffrer. Ils hurlent dans ses oreilles, ils vocifèrent toute cette haine. Toute cette détresse qui, chaque jour, s’insinue davantage en elle. Ils s’insèrent à l’intérieur, comme pour fracasser un peu plus les fondements déjà bancals d’une vie qui n’a jamais été stable.
Ils la tuent, les démons putrides,
ils la détruisent,
et ils l’émietteront, lui aussi,
pour avoir cru qu’il pouvait la libérer de leur damnée. Pour avoir cru qu’elle pouvait être sauvée. Pour lui aussi, l’issue pourrait bien être fatale. Elle le sait, l’écorchée vive, parce qu’elle sent bien qu’il est pris au piège dans le même cercle infernal. Il est emprisonné dans ce tourbillon sentimental. Loin de se contenter d’une douce valse, elle l’entraîne avec lui dans les tempêtes abyssales. Car chaque brise qu’ils doivent affronter devient, avec elle, une véritable rafale. Les ouragans se sont multipliés, ils les ont déstabilisés, ils les ont égarés ; jusqu’à finir par les séparer. Et qu’en sera-t-il, quand il y aura de réels ouragans ? Quand ils devront affronter des cataclysmes qu’elle n’a jamais vu auparavant ? Qu’en sera-t-il, quand elle aura raison d’avoir aussi peur ?
Comment le supportera son cœur ?
Et celui de Nikolaï, ne sera-t-il pas épuisé,
à force de porter le sien si abîmé ?

Au jeu de celui qui fait le plus souffrir l’autre,
elle gagnera, Isabella, elle le sait déjà.

Le cœur à la mer, la vérité devient trop amère. C’est dans le silence qu’elle reste noyée, comme incapable de respirer. Elle ne veut pas songer à toutes les fois où il lui a fait du mal, Nikolaï. Il était coupable de son amour quand elle est gouvernée par des maux bien plus dangereux. – C’est peut-être ce que c’est, une malédiction. elle avoue, la voix plus très claire. Mais l’esprit bien persuadée des paroles avancées. La poupée fêlée, elle engendre le chaos, chaque fois qu’elle se risque à aimer. L’âme est maudite ;  avec elle, tous ceux qui l’approchent le sont aussi. Pourtant, il fait tout pour la persuader du contraire. – Je ne dis pas ça pour te contredire… mais parce que c’est ce que j’éprouve. elle conclue dans un murmure, avant de détourner ses lunes. L’attention portée sur un point imaginaire, à quelques mètres devant elle, la torturée tente de lui expliquer ; lui faire comprendre combien sa vision de l’amour est biaisée ; manipulée par des années d’horreur qui l’ont ravagée. Elle prend une profonde inspiration mais, devant ses dires, ses lippes deviennent plus acides. Mutilées par les abus subis. – Non, tu ne comprends pas ! Je ne suis pas « bloquée » par ce que j’ai vécu, je suis le résultat de ce que j’ai vécu ! Sa voix s’élève, à peine, mais se brise à la fin. Parce qu’il n’est pas question d’avancer, dans son esprit tourmenté, elle ne pourra jamais avancer. Ce n’est pas une chose qu’elle peut oublier, ou même, dont elle peut se relever. Elle s’est déjà relevée puisque, depuis toutes ces années, elle continue d’exister. Mais aimer, être aimée, avoir une véritable relation dans la durée… il ne saisit pas, Nikolaï, qu’elle en est cruellement incapable. Qu’elle n’est pas construite comme lui, comme la majorité des personnes dans le monde ; qu’elle a été formatée dans un autre, bien plus tortueux, bien plus sombre. – Je suis désolée… c’est trop difficile… elle finit par dire, les prunelles qui brillent. L’épineuse commence lentement à craquer, sous l’émotion qui se met à la submerger. Elle tente de se calmer, sous les iris azurés, elle essaie de l’écouter. C’est le son de sa voix, plus que n’importe quoi, qui parvient à l’apaiser. Caressée par le souffle chaud de l’être aimé, par les mots qui lui demandent d’écouter ses propres souhaits ; les sentiments qui recommencent à remonter.

Isabella, elle finit par craquer,
d’un baiser enflammé,
désespéré,
pourtant excessivement désiré.

Les paupières closes, elle savoure la douceur de ses lèvres qu’elle capture en otage sans attendre son avis ; les lèvres qui répondent aux siennes avec harmonie. Ils prolongent ce baiser qui semble lui redonner vie. Mais vite, trop vite, l’ange recule pour planter son regard dans ses pupilles assombries. Elle ne saisit pas, la beauté tumultueuse, combien son baiser est inapproprié. Elle observe les océans de l’homme qu’elle aime commencer une phrase sans en soupçonner une seconde la fin. – Tu… tu veux disparaître…? elle répète, bouleversée ; l’ébène est chamboulée par une issue non préméditée. La possibilité que, lui, puisse s’en aller ; sans jamais le retrouver. La lippe tremblotante, le cœur encore plus vacillant, elle le contemple se reculer, incapable de parler. L’encre se met à briller tandis que la déchue ne sait comment réagir ; ce qu’elle est censée dire. La main masculine contre sa joue, les mots qui la brisent un peu plus. Il l’aime, il l’aime mais il lui demande s’il doit partir. – Je… Non, ce n’est pas ce qu’elle veut. Un cri du cœur que ses lèvres ne parviennent pas à formuler. Et les rétines se mettent toujours plus à briller. La tourmentée finit par se relever comme si elle ressentait le besoin de reculer. S’éloigner. Respirer. – Je viens de t’embrasser… et… et elle l’aime. Elle l’aime plus qu’il ne pourra jamais l’imaginer. Mais peut-être qu’elle est trop amochée ; trop dégradée. Peut-être juste qu’elle est trop détraquée pour avoir le droit de l’aimer. – Tu me dis que je suis capable d’aimer et juste après, je viens t’embrasser et… et tu veux partir maintenant ? elle est paumée, Isabella. Elle est noyée dans les flots incessants qui viennent la chavirer. Perdue dans les torrents d’un amour qu’elle ne sait plus maîtriser.

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{ l'encre de tes yeux }
crédit/ tumblr ♛  w/ @Nikolaï Warren

Isabella,
elle n’est pas une énigme que l’on espère résoudre,
simplement en ôtant le voile posé dessus,
elle n’est pas un mystère que l’on peut décortiquer,
comme un jeu de logique avec une solution quasi-impossible à trouver,
mais qui a le mérite d’exister.
Isabella, elle n’a pas de solution,
Isabella, c’est juste une âme en damnation,
une malédiction.

Il aura beau prétendre le contraire mille fois,
elle lui prouvera que c’est vrai deux milles fois.
Il aura beau essayer de la convaincre qu’elle se trompe, la vérité est là, douloureuse, fracassante, mais inévitable : elle le fait souffrir constamment. Elle le fait souffrir rien qu’en respirant. Elle a mal, elle aussi, elle subit la même douleur lancinante dans le cœur, elle aussi. Mais cette souffrance n’est qu’un écho irisé, un effet de miroir de celle qu’elle supporte depuis son enfance. Elle a accepté sa peine, la damnée, elle vit avec ces ombres qui la hantent.
Mais Nikolaï, il n’a rien demandé,
Nikolaï, il vivait mieux, avant de la rencontrer.
C’est cette idée, plus que tout le reste, qui ne cesse de la torturer. Quand lui semble seulement culpabiliser, de n’avoir pas réussi à la sauver. Mais ce n’est pas sa mission, pas son rôle. Il ne devrait avoir qu’à l’aimer… pas à soigner toutes ses plaies ; à guérir des cicatrices qui étaient là bien avant qu’ils ne se soient rencontrés. – Ce n’est pas avec toi que je ne me sens pas en sécurité. C’est partout ; tout le temps ; à chaque instant qui passe. Jamais, elle ne se sent totalement en sécurité. Il y a toujours une parcelle d’elle en danger.
Isabella, elle a l’âme condamnée.
Les instants de répit n’existent que pour qu’elle puisse continuer de survivre,
continuer de vivre dans les abysses.

Mais ce n’est pas sa place, à lui.

Elle aura toujours peur de ces démons. Peur de l’emprise que, Lui, n’a jamais cessé d’avoir sur elle. Cela ne l’a pas empêchée d’avancer, d’évoluer. Elle a construit sa vie, Isabella, peut-être plus qu’on ne l’aurait cru. Bien plus que toutes les statistiques ne l’ont prévue. Elle en a lu, des articles, qui disaient qu’elle serait maudite. Qu’elle garderait des séquelles de tout ce qu’elle a subi. Mais la courageuse a été capable de s’en sortir. Elle a su diriger sa vie.
Sa vie, mais pas son cœur. Lui, il la fait trop souffrir.
Le silence qu’elle retrouve, l’abîmée, elle ne sait pas ce qu’elle pourrait bien lui répondre. Il y a la douleur qui lui serre la gorge. Elle se sent suffoquer, elle se sent étouffée par les tourments qui la possèdent. Elle a la sensation, en écoutant Nikolaï, qu’il n’appartient qu’à elle d’aller mieux. Comme si c’était elle qui se retenait toute seule prise au piège ; comme si elle n’était prisonnière que d’elle-même. Elle le trouve injuste, ses mots sont douloureux. Il n’a aucune idée de tout ce qu’elle peut souffrir chaque jour. Combien elle a du mal, parfois, ne serait-ce qu’à sourire. Il n’a aucune idée du combat qu’elle mène, au quotidien, pour continuer de simplement exister. Elle secoue la tête, fébrilement, sans pouvoir prononcer une parole. Elle voudrait partir, à cet instant, elle n’a pas la force de rester ; elle a encore tout juste celle de respirer. Mais il parvient à la retenir, avec cet exercice, il la pousse à calmer toute la tension qui menace d’éclater. Les paupières fermées, l’âme en perdition tente péniblement d’évacuer toutes les pensées infernales qui ne cessent de la torturer. Elle tente de s’extirper de cette torpeur pour se focaliser sur ses sentiments ; sur ce qu’elle ressent ; réellement. Elle oublie un faible instant les démons toujours là, elle refuse d’entendre leurs voix, leurs âmes putrides lui crier de rester avec eux. Elle n’est plus qu’avec lui, Nikolaï, juste une seconde.

Et elle chavire,
elle se laisse consumer par le désir,
par l’envie de l’aimer,
peut-être aussi d’oublier.

Le baiser paraît éternel ; mais à peine terminé, il redevient une chimère. Comme une illusion qu’il n’est pas prêt à lui offrir, comme un égarement qu’il refuse d’accomplir. Déboussolée, l’âme névrosée ne sait plus comment elle est censée réagir. Il lui demande d’écouter son cœur mais, quand elle se risque à le faire, il choisit de la repousser. La rejeter. Il se dit prêt à s’éloigner, prêt à l’abandonner, si c’est vraiment son souhait. Comme s’il détenait ce pouvoir qu’elle n’a pas, celui de lui dire définitivement au revoir. Juste pour elle. Pour elle. Comme si c’était ce qu’elle voulait, elle. Isabella, elle ne se sent plus très bien. Aux douleurs sentimentales, s’ajoute ce mal. Ces maux physiques qui l’envahissent, prennent part en elle, ils la consument comme un poison acide. Non, elle ne veut pas le voir partir. Il se redresse à son tour mais c’est pour mieux l’approcher. Lui dire ce qu’elle ne devrait pas ignorer. – Je n’ai jamais dit qu’un baiser arrangerait tout… elle se sent minable. Elle se sent coupable. Elle a le sentiment affreux qu’il y a vraiment quelque chose qui ne fonctionne pas correctement chez elle. Une sensation qu’il ne provoque que davantage en la repoussant de cette manière. Pourtant, elle reste silencieuse, Isa, elle encaisse. Elle encaisse chaque mot prononcé, parce qu’elle sait qu’il dit vrai. Elle rejette cet amour qu’elle n’a pas la sensation de mériter ; cet amour qu’elle ignore comment gérer. Les opales brillantes, la gorge nouée, elle le contemple avec douleur.

Nikolaï, il lui lacère le cœur.

– Tu es seulement en train de prouver que j’ai raison quand je dis que je te fais trop souffrir. elle lâche, soudain, la voix déjà lointaine. Elle est en train de détacher sa main de la sienne. Une à une, les phalanges se démêlent. Isabella, elle est déjà trop loin. Les démons l’attirent, toujours plus possessif quand il est prêt, lui, pour la première fois, à la libérer. Mais, sans lui, ce sont les ténèbres assurés. Sans lui, elle va se laisser couler. Sans lui, elle est déjà en train de tomber. – Ce voyage, c’était aussi le moyen de savoir si quelque chose est possible entre nous. J’ai accepté de te suivre, j’ai… j’ai tenté d’écouter seulement mon cœur. Mais je n’y arrive pas, même toi, tu n’y arrives plus… elle sent qu’elle pourrait craquer à tout instant. Mais elle refuse de pleurer, pas ici, pas maintenant. La poupée brisée se saisit de son sac à main, prête à partir. Prête à s’enfuir. Une nouvelle fois, elle lui échappe. Mais c’est la dernière fois. Juste avant de quitter la chambre, elle laisse échapper dans un murmure cassé. – J’aurais voulu que ça marche. Elle n’a jamais autant voulu que ça marche.
Mais c’est sans espoir,
c’est déjà trop tard,
déjà les larmes.