L'encre de tes yeux (Warston)

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{ l'encre de tes yeux }
crédit/ tumblr ♛  w/ @Nikolaï Warren

Démente, violente est la colère qui la submerge,
Nikolaï, il reproduit les mêmes erreurs qu’hier.
Victime de sa jalousie comme autant de coups qu’elle n’a pas mérités,
Isabella, subit sans rien divulguer.
Reine du monde, elle s’éclipse avec l’élégance des plus raffinées. La prestance dans le corps, le port altier et la tête relevée, la stabilité dans ses ivoires. Même quand le cœur est vulnérable, même quand la douleur devient insoutenable, elle demeure imperturbable.
Justement parce qu’elle s’en va.
Elle ne sait pas, la ténébreuse, si elle serait aussi bien capable de se contrôler face à lui. Devant l’Amour, elle devient plus fébrile. Plus fragile. Isabella, elle est faite de cassures,la poupée tout en écorchures.

il suffirait de souffler un peu pour voir les brèches insoupçonnées,
il lui suffit, à lui, de si peu pour la pousser à se consumer.

Inébranlable face aux supplications de l’homme qui fait pourtant battre son cœur, elle le sent vaciller, elle le sent éclater en elle, mais elle continue de se diriger jusqu’à l’ascenseur. – Laisse-moi, Nikolaï. la voix ferme, l’allure princière. Elle ne montre toujours rien, Isabella. L’habitude embrassée depuis trop longtemps de ne rien dévoiler, rien dire, jusqu’à frôler l’asphyxie. Mais il continue, Nikolaï, il insiste. Il finit par la devancer pour l’empêcher d’aller plus loin ; il suit ses propres envies plutôt que son seul besoin. Peut-être que c’est elle la plus injuste, elle qui souhaite le fuir. Elle qui souhaite partir sans rien lui dire. Leur relation est si difficile à déterminer, il n’est pas surprenant qu’il finisse ébranlé ; lui non plus, sans doute, ne sait plus où il en est. Mais la sirène, elle perd pied. À trop jouer, elle finira noyée. Alors elle essaie, seulement, de rester à la surface ; elle tente péniblement de garder son calme. Le minois dressé, les opales enflammées, elle le contemple avec une fureur qu’elle parvient (encore) à combler. Les yeux fauves, elle l’observe, prend une longue inspiration entre ses lèvres. – Crois-moi, il vaut mieux pour tous les deux que je m’éloigne. elle affirme, l’assurance dans ses prunelles assombries. Parce qu’elle ne sait pas combien de temps elle va la retenir, l’envie de l’incendier pour ses dérives. Elle ne sait pas combien de temps elle va la retenir, l’envie de se jeter sur lui. Elle contourne le colosse pour rejoindre enfin la porte de fer. Elle appuie sur le bouton pour l’appeler, l’esprit en ébullition, la fièvre au corps. L’alcool encore dans ses veines, l’ébène est à fleur de peau. Elle veut juste échapper à la dispute, retrouver le calme qu’elle n’a pas encore totalement perdu. Elle veut juste s’oublier, Isabella, elle et son cœur ébréché.
Nikolaï, tu me rends malade,
tu la ravives sans cesse, la fièvre, à chaque fois,
la fièvre de toi.

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{ l'encre de tes yeux }
crédit/ tumblr ♛  w/ @Nikolaï Warren

Je t’aime mais on s’est brisé,
je t’aime mais on s’est tué,
je t’aime mais je m’en vais.

Elle l’a connu il y a plus de deux ans. Deux ans de passion consumée, l’amour inchangé, mais toujours ébranlé. Ne le voit-il pas ? Elle voltigeait sur un fil vacillant bien avant de le rencontrer. Isabella, virtuose au cœur anarchique, l’esprit chancelant sous les battements suffoqués d’une vie trop difficile à porter. Elle évolue en permanence dans une existence en déséquilibre.
Et lui, il aurait pu la faire tomber,
Nikolaï, il aurait pu la bousiller,

encore plus qu’elle ne l’est.

Il la trouve peut-être lâche de le fuir dans ce long couloir ; comme il doit trouver lâche sa fuite devant leur amour-désespoir. Mais c’est le moyen qu’elle a trouvé pour survivre, Isabella. S’éloigner de lui pour cesser de souffrir. Ou, au moins, continuer de vivre. Inatteignable devant les demandes de son amour cendré, la poupée fêlée continuer de s’échapper ; et elle s’engouffre dans l’ascenseur pour mieux respirer. Il ne perd pas de temps, Nikolaï, pour s’immiscer à son tour dans la cage de fer. Là où elle ne pourra pas le faire disparaître. Les prunelles embrasées le contemplent avec un agacement non dissimulé. Elle n’a jamais connu un homme qui insiste autant.
Elle n’a jamais connu un homme qui l’aime autant.
L’âme incomprise n’a plus aucun moyen de le fuir. Surtout, il insiste tant pour savoir les pensées houleuses qu’elle s’efforce de contenir. Elle ne comprend pas pourquoi il est tant décidé à s’acharner sur elle, c’est comme s’il voulait la rendre dingue.

Détruire toutes ses barrières,
pour qu’enfin elle s’incline, pour qu’enfin, elle cède,

et, en fin de compte, il y parvient.

Seule avec lui, enfermée pour plusieurs minutes, elle tente encore péniblement de se taire. Mais lui balancer qu’elle contrôle constamment ce qu’elle ressent, c’est la provocation de trop. Car elle ne maîtrise rien du tout, la rose, elle essaie seulement de l’épargner de ses maux. L’épargner de ses épines qui s’enfoncent dans son propre cœur à l’agonie. Seulement il la pousse au-delà de ses limites, Nikolaï. Si bien qu’elle craque. – Je suis partie parce que je refuse de me donner en spectacle auprès de dizaines de personnes, et c’est ce que tu allais faire ! Tu n’avais aucune raison d’agir de cette manière, c’était puéril et… machiste en plus. Je déteste ça, tu le sais ! Mais il continue de le faire. Il continue encore de le faire alors que c’est la raison même de leur destin funeste. – Pourquoi ? Pourquoi tu as ce besoin de montrer… je ne sais même pas ce que tu essaies de montrer, tu croyais qu’il se passerait quoi ? Que je le ramènerais dans notre chambre ? Que je coucherais avec lui ? Tu croyais quoi, Nikolaï ?! et sa voix s’emporte, elle monte à chaque mot un peu plus fort.
Le regard foudroyant, l’incompréhension dans les deux diamants,
Isabella, elle est au bord de l’implosion.

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{ l'encre de tes yeux }
crédit/ tumblr ♛  w/ @Nikolaï Warren

Les deux cœurs victimes d’une malédiction,
les deux âmes en damnation.
Les constellations si opposées, les astres viennent s’entrechoquer. Il n’y a rien pour les rassembler, juste ce cœur qu’ils n’ont pas choisi de partager. Son seul crime à lui est de trop l’aimer ; elle est coupable, elle, de ne pas l’accepter. Refuser cet amour inconditionnel qui lui est offert comme si elle ne le méritait pas, comme si elle ne le comprenait pas. L’écorchée vive n’évoque pas souvent les cassures qu’elle a subies ; les horreurs dont elle a été victime. Elle s’est livrée à Nikolaï une seule fois, peut-être deux, mais pas davantage. Comme elle n’en a jamais dit un mot à quiconque, comme une culpabilité que c’est elle qui porte sur ses trop frêles épaules. Avoir été sous le joug abusif de son propre père laisse indéniablement des séquelles. De celles qu’elle n’arrive pas à réparer, de celles qui n’ont jamais totalement cicatrisées.
Isabella, elle est prisonnière des chaînes de son passé.
Tant, beaucoup trop, à tel point qu’elle est incapable de saisir toute la dévotion dont il peut témoigner. La poupée cassée a des difficultés à comprendre la notion de jalousie. L’exclusivité avide de l’Amour lui rappelle l’asservissement qu’elle a subi.
Isabella, aujourd’hui encore, elle en est captive.
Les abysses détournées, le minois embrouillé, elle essaie encore de garder son calme quand il ne cesse de la provoquer. Et la colère finit, fatalement, par éclater. S’il voulait avoir une idée de ce qui peut se passer dans l’esprit tumultueux de l’écorchée, il ne met guère longtemps à se justifier. Mais elle n’attend pas ses excuses, Isa, tout au plus beaucoup trop confuses. Elle voudrait qu’il réalise, juste une fois, qu’elle ne peut pas le laisser jouer de son emprise ; Nikolaï, il est beaucoup trop possessif. – Non, c’est faux. J’étais toute seule, au bar, il est venu discuter. elle rétorque aussitôt, presque à regret, parce qu’elle a la sensation désagréable qu’elle doit elle aussi se justifier. Elle n’a rien fait, rien qui puisse expliquer son attitude cavalière.
Le sentiment malsain d’être un objet,
la poupée qu’il refuse de partager.
Il ne se serait rien passé avec cet homme, jamais. Même si elle en avait envie, même si elle l’avait voulu, elle n’aurait jamais rien fait. Pas avec Nikolaï juste à côté. Pas après tous les moments qu’ils viennent de partager. Même avant ces vacances, elle ne l’aurait pas fait. Isabella, il en faut bien plus pour l’apprivoiser. Et même si elle l’avait désiré, même si elle avait cédé au séducteur, c’est un choix qui devrait lui appartenir, à elle seule. La seule réponse qu’il trouve, c’est son amour. Un amour qu’il balance comme une excuse ; comme une évidence à tout. D’un mouvement fébrile, l’abîmée secoue la tête, loin de se contenter de ses maux.

Elle l’aime,
elle aussi, elle l’aime,
cela ne change rien.

Ce sont les paroles suivantes qui commencent à la déstabiliser. Il joue avec sa corde sensible, Nikolaï, il fait vibrer son cœur fragile. La dépendante affective le contemple, sans colère mais encore loin de l’apaisement. Ses iris tourmentés se perdent, un peu trop longuement, dans ses perles azurées. Elle garde le silence alors que la cage de fer se décide enfin à les libérer. L’âme en peine en sort, encore déboussolée, c’est sans un mot qu’ils rejoignent la chambre partagée. Elle retire lentement, perdue dans le fil de ses songes, un à un ses bijoux sans le regarder. Elle ôte sa deuxième boucle d’oreille juste avant de reprendre enfin. – Je ne voulais pas te blesser. Sa voix est plus posée, alors qu’elle tourne enfin son visage vers lui, à nouveau, l’encre dans l’océan. – Pour moi aussi, ce séjour me fait du bien, depuis le début il est même… parfait. Mais elle a le sentiment amer que tout est gâché. Que tout ne tient qu’à un fil qu’elle a rompu seulement en discutant avec un étranger. L’ange déchue a la voix douloureuse, moins encore que l’est son cœur. – Seulement j’ai peur, Nikolaï. Tu comprends, j’ai peur parce que j’ai la sensation de t’appartenir quand tu réagis de cette manière et… je me sens démunie face à toi ; parce que je n’arrive même pas à t’en vouloir…
Parce qu’il a une emprise sur elle,
comme avait son père,
et elle a la sensation d’être toujours possédée,
bien plus que celle d’être aimée.

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crédit/ tumblr ♛  w/ @Nikolaï Warren

Comme un coup d’éclair,
en plein dans le cœur.
L’amour, elle l’a connu, elle l’a entrevu. Plus d’une fois, elle s’y est essayée, sans jamais y arriver. Il est toujours arrivé, cet instant où la peur l’a submergée. Il est toujours arrivé, ce moment, où elle a paniqué.  L’emprise sentimentale lui a trop souvent rappelé les griffes acérées du père qui la malmenait. Comme si, dans son esprit tourmenté, les rouages avaient cessé de fonctionner depuis trop longtemps comme ils le devaient. Comme si les fragments morcelés de son corps si si souvent brisé avaient fini par éclater son âme torturée. Bousillée, Isabella, elle est bousillée par le premier amour qu’elle a connu. Celui d’un père qui l’a déchue. Damnée aux abîmes alors qu’elle n’était encore qu’une enfant, l’âme était condamnée d’avance. Il lui est difficile de croire en l’amour, sous sa forme la plus pure, alors qu’elle ne l’a jamais connu. Difficile de croire que la possessivité acide de l’être aimé n’est pas qu’un reflet de l’asservissement qui l’a brisée.  

Et tu ne sais pas l’expliquer,
tu ne sais pas en parler,

comme t’as jamais su être aimée.

L’esprit nébuleux et chaotique, tout à la fois, la tourmentée est comme ensevelie sous les fondements morcelés de son passé. Chaque pensée, chaque émotion, chaque sentiment la ramène aux souvenirs qui l’ont abîmée, cassée ; coup après coup, depuis qu’elle est née. Devant la question de son amour cendré, Isabella le contemple, confuse, déboussolée. Il semble avoir deviné, dans ses prunelles noires, les démons qu’elle voudrait cacher. – Je ne sais pas… Ce n’était pas… confus, avant ce soir… Lentement, elle se rapprochait. Doucement, elle lui revenait. Elle était presque prête, enfin, à s’y risquer. Mais la jalousie malade de Nikolaï la replonge dans les éternels questionnements. Les doutes sur ses propres sentiments. Les incertitudes sur elle, ce qu’elle ressent, ce qu’elle est, même, réellement. La rose écorchée sait que c’est l’amour qui dicte ses réactions. Mais elle n’en est pas moins victime de ses émotions. Victime de lui, peut-être, mais moins encore qu’elle ne l’est toujours de son père. Pour cette raison, plus que tout le reste, elle sent son cœur se serrer dans sa poitrine. Il la prive d’oxygène, elle a la sensation de manquer d’air.

Elle suffoque, Isa, mais ce n’est pas à cause de lui,
c’est à cause de tout ce qu’elle a subi.

Les opales se mettent à briller, le cœur à flancher. Et la voix, lentement, à trembler. – Non… non. Je n’ai jamais pensé une chose pareille… et je sais que tu ne me veux pas de mal… Mais il lui en fait encore. Comme elle doit lui en faire encore plus fort. Ils se font du mal, tous les deux, ils laissent cet amour les consumer. Isa, elle a peur qu’ils finissent ravagés. Que cette valse sentimentale les envoie un jour à la mort. Qu’ils soient envoyés dans le décor. Isa, elle est terrorisée, à l’idée qu’ils puissent autant s’aimer. Le sel de ses perles commence à la piquer, mais elle se retient encore de craquer. Devant ses mots, destinés à la repousser, elle finit inexorablement par s’approcher. – Non, arrête… je ne pourrais jamais te détester… C’est elle-même qu’elle déteste ; qu’elle hait de tout son être. Car elle les empêche d’être heureux, elle les prive de bonheur, tous les deux. – Je t’aime Nikolaï… je t’aime et… c’est bien le problème. elle laisse échapper, la gorge nouée. Elle se laisse tomber sur le lit, juste à ses côtés. Ses iris détournés, l’âme en perdition tente, péniblement, de se livrer. – Il me disait qu’il m’aimait… tu sais. Et que… si moi aussi je l’aimais… je devais le laisser faire. les abysses perdues dans le vague, l’âme vacillante se met à trembler, devant l’aveu de ses plus sombres secrets. – Je ne sais même pas ce que c’est l’amour, Nikolaï, je n’arrive même pas à savoir quand une réaction est appropriée ou quand j’ai raison de m’éloigner, je… je pars à la moindre difficulté parce que c’est trop douloureux de me remémorer tout ça…

Sauf qu’avec toi,
j’y arrive pas,
sauf qu’avec toi,
j’aime trop fort,
mais je souffre plus encore.

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{ l'encre de tes yeux }
crédit/ tumblr ♛  w/ @Nikolaï Warren

Elle peine à maintenir l’équilibre.
Elle peine, depuis toujours, à rester sur le fil de sa propre vie. Fébrile Isabella, elle tremble trop souvent, elle vacille depuis trop longtemps. Elle a retenu la chute, jusqu’à présent, mais il est bien plus difficile de rester debout quand tout est si confus. Quand son cœur entier ne devient qu’un brouillard embrumé, au point qu’elle en oublie elle-même, tout ce qu’elle peut éprouver. Tout cet amour qui la hante, il la ronge, il la consume. Peu à peu, il la tue. Il la tue autant qu’il l’a sauvée. Parce qu’elle n’était sûrement pas prête à aimer autant, la tourmentée, il aurait d’abord fallu la soigner. Guérir les maux qui n’ont pas pu cicatriser.
Peut-être qu’elle l’aime trop,
trop pour ce que son âme bousillée peut supporter.
Peut-être qu’elle n’était pas préparée,
à aimer avec un tel excès.

Peut-être qu’elle est simplement trop bousillée pour aimer.

Les lunes brillent ce soir, mais il n’y a pas d’étoiles. Elles sont comme engouffrées dans un immense trou noir. Une obscurité lancinante de laquelle elle ne parvient pas à s’échapper. Engloutie, submergée par les démons de son passé. Isabella, elle n’arrive pas à se libérer. Car leur échapper, serait se s’échapper d’elle-même. Il est trop tard depuis longtemps car, déjà, les ténèbres la possèdent.
Ils font partie d’elle.
Elle ne sait même pas, la rose abîmée,
ce qu’elle serait,
si elle parvenait à se délivrer.
Alors, devant les mots de Nikolaï, il y a juste la culpabilité qui l’enveloppe. Elle agit comme un ombre de plus qui la ronge. Qui prend possession d’elle, égoïstement, jalousement. Elle sait qu’il a raison, au fond, il a raison dans chacun de ses mots. Elle le fait souffrir depuis des mois, déjà. À rester loin de lui, mais pas suffisamment pour qu’il l’oublie. À le quitter, sans pouvoir réellement s’en séparer. Elle l’aime, Nikolaï, elle l’aime trop fort pour le libérer des chaînes qui l’ont à son tour emprisonné. Mais il croit pourtant, à tort, que c’est elle qui est prise au piège à ses côtés. Qu’elle devrait le fuir alors que c’est lui, entre les deux cœurs ravagés, qui devrait s’éloigner. C’est lui qui souffre à cause d’elle, pas le contraire. – C’est moi qui te fais du mal. C’est moi qui te fais vivre l’enfer depuis des mois. elle le contredit, elle fera tout pour le contredire. L’empêcher de croire, même une seule seconde, qu’il est responsable de ses souffrances. Il est ailleurs, le coupable de sa déchéance. Elle est peut-être aussi fautive, Isabella, elle n’a jamais su se guérir. Mais pas lui.
Pas lui,
lui,
l’amour est son seul crime.

Et il l’aime tant, Nikolaï,
que, jamais, il ne l’avouera,
que c’est elle la coupable.

L’écorchée vive secoue la tête, fébrilement, quand elle voit qu’elle lui fait mal, une fois encore. La gorge sèche, le cœur prêt à éclater, elle tente de reprendre. – Oui, c’est le problème, parce que je t’aime tellement que je n’arrive pas à partir. Je n’arrive pas à te libérer de… de tout ça. De toute cette horreur, toute cette noirceur ; tout ce désespoir qui étreint son cœur. Il en devient prisonnier, lui, seulement parce qu’il a eu le malheur de l’aimer. Isabella, cruelle fatalité. – Tu ne le vois pas… ce n’est pas toi qui m’as pris au piège… C’est le contraire. elle conclue comme une évidence qu’elle a trop souvent pensé. Une vérité qui écorche la gorge autant qu’elle brise un peu plus un cœur déjà estropié.

Trop attachée,
trop accrochée,
elle vient encore à s’approcher,
malgré l’obscurité,
malgré toutes les peurs avouées,
Isabella, elle est inexorablement attirée.

Elle les dévoile, lentement, les écorchures de son âme, les tourments qui l’assaillent. Elle les dévoile malgré la douleur obsédante qui l’envahit, elle parle de Lui. Lui, celui qui l’a tuée en la laissant en vie. Lui, celui qui l’a brisée assez pour qu’elle ne puisse jamais totalement se reconstruire. Lui, le monstre de son enfance, qui la suivra jusqu’à la fin de son existence. Les mots de son Amour, elle les connaît, elle les a si souvent lus ; elle a tenté de se dire qu’elle en était convaincue. Elle a essayé, Isabella, elle a essayé de se soigner. Mais Il l’a marquée à jamais. Comme un bout de lui qu’il répandait en elle chaque fois qu’il la possédait. Comme un fragment de lui qui est toujours en elle, gardien de son enfer. – Je sais tout cela… mais je ne peux pas contrôler ce que je ressens, c’est… c’est ancré en moi, tu comprends ? elle murmure, le souffle court. Elle a du mal à maintenir la conversation à flot mais l’âme en perdition ne s’attend aucunement à la demande formulée. Pourtant, c’est sans protester qu’elle accepte de fermer les yeux. Les paupières closes, elle tente, péniblement, de se prêter à ce qui n’a rien d’un jeu. Les doigts de Nikolaï posés contre son menton, elle se concentre sur sa voix, sa voix à lui, plutôt que toutes celles qui envahissent son esprit. Comme il lui demande, la belle torturée tente de faire le vide. Elle évacue les pensées obscures, celles qui la bouffent, celles qui la détruisent. C’est plus facile en se focalisant sur son ex petit-ami. Elle ravale sa salive mais, devant les mots emplis de tendresse, elle laisse échapper une perle salée contre sa joue. Son discours la touche, il atteint directement son cœur, alors qu’il fait tout pour qu’elle évacue ses peurs. – Je ne sais pas si j’y arriverais… elle confie, la voix tremblotante, alors qu’elle finit lentement par ouvrir ses opales sombres. Elles se retrouvent tout de suite entrechoquées, accrochées aux deux océans. Elle remarque à cet instant qu’ils brillent, eux aussi, sans savoir ce que cela signifie. Chamboulée, déboussolée par l’instant qu’ils viennent de partager, Isabella approche son visage du sien. Elle lui vole un baiser, pas prévu, pas prémédité, mais dont elle a terriblement besoin. Parce que penser à son bonheur, c’est penser à l’élu de son cœur. Nikolaï, il en est le détenteur. Mais, à cet instant plus encore que durant toute leur conversation, elle laisse entrevoir tous ses tourments, toutes ses contradictions. Toutes ses émotions qu’elle ne sait pas comment maîtriser.
Isabella, elle fait ce qu’elle fait trop souvent,
elle se noie dans ses sentiments.