Owen, comme le paradis jamais connu, Owen, comme le bonheur perdu, Owen, comme le cauchemar qui dure, Owen, la douleur, la rancœur, Owen, détenteur de son cœur.
Elle l’a aimé, adoré, presque adulé, il y a de ça une éternité. Poussière d’un amour envolé, il a fini cendré. Elle l’a cru, ou a voulu le croire, toutes ces années. Puis il est revenu. Tornade imprévue, il a toujours su la prendre au dépourvu. Seul fragment jamais maîtrisé dans une vie, finalement, pas si incontrôlée. Chaque passage de l’ouragan vient rouvrir dans l’organe fêlé par la première tempête infligée, de nouvelles séquelles indélébiles. Owen, il est son irréversible. Elle ne sait pas le fuir sans pour autant être capable de le retrouver. Depuis tous ces jours, toutes ces semaines, tous ces mois qui sont passés.
La valse aurait pu encore longtemps durer, après tout, ils s’étaient promis l’éternité.
Mais Cassey, elle en a assez.
Assez de le faire mariner, assez de les torturer, assez de toujours hésiter, assez de ne l’aimer, toujours qu’à moitié.
Alors, ce soir, elle a décidé de le retrouver. L’esprit submergé, depuis plusieurs jours déjà, par la dernière conversation qu’ils ont partagée. L’une des seules échangées à cœur ouvert. La première fois, qu’elle lui a confié, toutes les peurs qui peuvent la submerger. Se livrer lui a fait du bien, comme quelque chose dont elle avait nécessairement besoin. Mais il attend une réponse qu’elle ne veut plus tarder à lui donner. Une étape dans la relation chaotique qu’ils ont depuis qu’ils se sont retrouvés. Sur cette idée, la nymphe arrive devant sa porte, sans n’avoir rien préparé. Il y a juste la bouteille de vin, entre ses mains, elle en aura sûrement besoin. Elle tape un léger coup, avant de voir la porte de bois s’ouvrir, pour laisser apparaître son amour déchu. – Bonsoir toi. le salue-t-elle, un doux sourire sur les lèvres. Et les battements de son cœur ne cessent de s’accélérer, c’est le moment de vérité, ce soir, ou jamais.
Cassey, elle n’a jamais eu peur. Peur de se jeter dans le vide accrochée à un élastique, peur de partir à l’aventure dans une ville exotique, peur de faire d’un inconnu son meilleur ami. Elle n’a jamais eu peur, ni du monde qui l’entoure, ni de ceux qui le composent. Elle vit des sensations provoquées par l’adrénaline, le cœur tambourinant dans la poitrine, les étoiles scintillant dans ses iris. Cassey, elle n’a jamais eu peur, sauf de lui. Il lui a brisé le cœur alors qu’il était à peine construit. Les sentiments balayés sans ménagement alors qu’elle aurait tout donné pour lui. Owen, il n’a pas gâché sa vie. Elle est heureuse, en réalité, de tout ce qu’elle a accompli. Tout le chemin qu’elle a entrepris, seule, avec comme unique moteur sa fille. Elle n’aurait sûrement pas eu une vie aussi remplie, aussi… libre. Elle n’aurait peut-être même jamais eu la même relation avec Arya, s’il avait été là. Pas de celles qui réinventent le passé, le papillon, elle a seulement continué de virevolter ; continué de vivre et savourer ; continuer, tout, sauf aimer. C’est cela, plus que tout le reste, qu’il lui a pris. Sans le vouloir, sans même le savoir. Peut-être plus qu’Owen, elle est la seule responsable. Parce qu’il y a cette peur, désormais, bien réelle. Cette peur de voir l’amour tout lui prendre une nouvelle fois. C’est aussi vrai avec son premier amour qu’avec tous les hommes qu’elle a rencontrés depuis.
Mais c’est avec lui que tout a débuté, c’est avec lui que, peut-être, tout va se terminer.
La pointe d’appréhension dans ses pupilles azurées, écartée par la bouteille de vin qu’elle lui tend, le sourire qui se veut chaleureux sur les lèvres. Elle entre dans la demeure qu’elle connaît presque par cœur tout en le remerciant. – Je suis désolée de passer à l’improviste. Mais il l’attendait. Elle sait qu’il l’attendait. Elle connaît Owen et son besoin de tout contrôler. Lui laisser le temps de prendre une décision sans tenter un pas vers elle a dû lui coûter énormément. Pour cela aussi, elle lui en est reconnaissante. Elle avait besoin de temps, la jolie blonde, pour savoir ce qu’elle est prête à donner ; ce qu’elle a envie de partager, ce qu’elle refuse de sacrifier. Elle avait besoin de temps, mais elle est là, désormais, prête à offrir la vérité qu’elle a promise. La silhouette frêle suit celle du propriétaire des lieux, les opales distraitement posées sur le vin qu’il commence à servir. – Oui, plutôt, et toi ? elle demande, par réflexe plus que par réel souci d’intérêt. Elle a l’esprit obnubilé par les pensées qui ne cessent de l’accaparer. Alors elle n’attend pas longtemps, Cassey, pour se lancer. – J’ai réfléchi… tu sais. Un peu abrupt, peut-être, mais la nymphe a toujours été directe. Elle ne sait pas enjoliver ce qu’elle ressent, elle le ressort souvent brut, pour ne pas dire brutalement. – D’abord, je voulais te remercier pour ta patience, pour m’avoir laissé le temps d’assimiler tout ce qui se passe entre nous. Il n’était pas obligé, Owen. Lui paraissait sûr de ce qu’il voulait, il aurait pu la repousser d’emblée pour oser encore hésiter. Cassey, elle a le cœur cadenassé depuis trop longtemps, pour en offrir tout de suite la clé. Mais elle a besoin de clarté, besoin, peut-être, de lui à ses côtés. Besoin de ne plus lui échapper.
Les battements frénétiques, le cœur tambourine beaucoup trop vite dans sa poitrine. Elle connaît cette sensation, elle la connaît par cœur. Elle l’éprouve chaque fois qu’elle s’aventure dans quelque chose de fort, quelque chose qui bouleverse son existence. Elle reconnaît ces instants, Cassey, ceux qui représentent un nouveau tournant. Elle sait qu’elle s’apprête à chambouler sa vie mais, surtout, son cœur trop fragile. Elle sait qu’elle est en train de prendre un risque. Et, en réalité, ça la terrorise. Elle masque la peur irréfrénée qui l’envahit, elle tente d’avoir une attitude posée et adulte. Alors qu’à l’intérieur, c’est l’anarchie. Owen, il fait tout pour la mettre à l’aise, comme il l’a toujours fait. Il est d’une patience remarquable avec elle, elle qui ne sait jamais ce qu’elle veut, elle qui se consume toujours entre deux feux. Sourire fébrile sur les lippes, la sirène ne répond pas à ses paroles, trop perdue dans ses pensées, trop hésitante sur la manière dont elle doit procéder. C’est lui qui la sort subitement de ses songes pour tenter de la rassurer. Peut-être a-t-il vu combien elle est nerveuse, combien elle est loin d’être apaisée. Ses mots, ils la touchent, ils lui font du bien à entendre. Car, peu importe l’avenir de leur relation, elle a besoin de le savoir près d’elle. Besoin de savoir qu’elle ne risque plus de le perdre. Cassey, elle refuse d’envisager de le voir partir une nouvelle fois. C’était déjà beaucoup trop difficile la première fois. Depuis son retour dans sa vie, Owen est devenu un pilier, un repère qui contribue à son équilibre. Elle tient beaucoup trop à lui pour le voir sortir de sa vie. – Merci, c’est… ta promesse me va droit au cœur. Car elle en a besoin. Il le sait, elle en a besoin. Besoin de lui, sûrement plus que de n’importe quel homme qui a pu entrer et sortir de sa vie. La belle imprévisible porte son verre de vin jusqu’à ses lèvres pour en boire une gorgée, et enfin se lancer. – Il faut que tu saches que depuis… ta déclaration… Elle ne parle pas de leur dernière conversation… elle parle de ce jour où il lui a dit qu’il l’aimait encore. Ce jour où, brutalement, elle a senti le danger qu’il représentait. Ce jour où, subitement, elle a décidé de tout arrêter alors qu’ils commençaient seulement à se retrouver. – Ça a été très difficile pour moi de rester loin de toi. Plus d’une fois, j’en ai eu envie, je… je me suis retenue de revenir parce que… je n’étais pas prête à te donner tout ce que tu étais prêt, toi, à m’offrir… L’amour, l’engagement, la confiance dans une véritable relation. Toutes ces choses qu’elle ne sait plus, Cassey, toutes ces choses qu’elle ne connaît plus. – Je me suis dit qu’en restant à distance, j’éviterais de te blesser et… et en fait, ce n’est pas totalement vrai… en réalité, j’avais aussi peur de tout ce que notre relation pouvait engendrer. J’avais peur de ce que moi, je pourrais ressentir. elle se mordille la lèvre d’un geste fébrile. Le papillon n’a pas l’habitude de dévoiler ainsi tout ce qu’elle peut ressentir. C’est loin d’être facile pour celle qui a toujours préféré montrer ses sentiments plutôt que les dire. – J’ai été lâche et… je n’ai plus envie d’être lâche. Je n’ai plus envie de te fuir quand j’ai envie d’être avec toi… j’ai envie de voir si… c’est toujours possible, toi et moi. Les azurs abaissés osent enfin se relever, pour se planter dans ses iris tout aussi bleutés. Se noyer dans cet océan qui lui a toujours fait perdre pied. Incroyablement embarrassée mais, pour la première fois, transparente de sincérité.
Parler à cœur ouvert. C’est quelque chose qu’elle n’a pas fait depuis des semaines, des mois, peut-être des années. Il a été le premier, Owen, mais peut-être aussi qu’il a été le dernier. Elle a connu des relations avec lui, des histoires fébriles, parfois presque chimériques. Mais l’amour, elle n’a plus jamais su le dire, pas comme ça, pas avec une telle transparence. Pas avec une telle confiance. C’est depuis qu’elle l’a retrouvé que, peu à peu, il a été capable de regagner cette confiance qu’il avait perdue. C’est lui, au fil de leurs rencontres, qui a su la retrouver. Et Cassey aussi, tout doucement, il l’a retrouvée. Elle se livre à lui comme elle ne l’a pas fait depuis une éternité. Elle ose lui confier, les peurs inavouées, les angoisses mal assumées, les souffrances mal cicatrisées. Elle ose tout lui dire, à Owen, tout ce qu’elle peut éprouver. Combien elle était paumée, tout ce temps, combien elle était effrayée aussi par ses sentiments. Combien elle a redouté de, seulement, suivre ses envies quand il s’agissait de lui ; justement parce que c’était lui. Elle ne lui promet pas de retrouver le couple qu’ils formaient ; elle n’était qu’une adolescente prête à tout lui donner, alors qu’elle n’est plus la même désormais. Elle n’a plus cette facilité, celle de se se donner, elle, à quelqu’un, dans son entièreté. Mais elle refuse de vivre dans la peur, elle refuse de continuer à cadenasser son cœur.
Alors peut-être qu’il ne voudra pas, peut-être que ça ne marchera pas, mais t’es prête, enfin, à sauter le pas.
Elle veut seulement se laisser aller. Comme elle l’a toujours fait. Suivre ses désirs et non plus les craintes qui l’animent. Suivre son cœur et non plus cette peur. Elle ignore si son ex petit-ami est prêt à la suivre aveuglément dans ce chemin dont elle ne peut encore lui donner l’issue. Mais il sait, au moins, il sait tout ce qu’elle éprouve. Elle lui devait cette vérité depuis trop longtemps. Les confidences échappées, le papillon se sent bien plus légère, prête à virevolter. Les yeux d’azur posés sur lui, elle attend seulement son verdict. Elle le contemple, alors qu’il s’avance, désormais plongée dans le silence. La main du jeune homme glisse contre son minois délicat, alors qu’il affirme qu’elle n’a rien d’une femme lâche. – Un peu. elle insiste, avec un faible sourire ; et de poursuivre. – J’ai tellement laissé la peur prendre le pas que je ne savais même plus ce dont j’avais envie. alors que c’est ce qu’elle a toujours fait, Cassey, suivre ses envies. Son instinct plus fort que tout, sauf avec lui. Sauf avec Owen, parce qu’il l’effrayait bien trop. Sauf avec Owen, parce qu’il représentait bien trop. Il n’a jamais été un homme comme les autres. Les doigts de son ex qui s’entremêlent aux siens, c’est bientôt ses lèvres qu’il capture dans un baiser enflammé ; baiser aussitôt prolongé. Elle savoure le goût sucré des lippes qui l’ont si souvent envoûtée jusqu’à en avoir le souffle coupé. Quand il reprend la parole, c’est pour lui dire qu’il veut se laisser guider par l’envie. Son corps chaud planqué contre le sien lui en donne déjà, des envies. – Tu es sûr… ? T’as le droit de réfléchir… c’est ce qu’elle a fait, elle, elle s’est laissé le temps de réfléchir. Mais il l’interrompt avec un nouveau baiser qui signifie plus que tout ce qu’il pourrait dire. Les bras de la sirène glissent autour du cou de son amour déchu et retrouvé alors qu’elle ne cesse de l’embrasser, encore et encore, inlassablement. Après tout ce temps à s’empêcher de l’approcher, le retrouver lui paraît comme une évidence.
C’est peut-être une chimère, c’est peut-être une illusion éphémère, c’est peut-être la pire erreur qu’ils pourraient faire, mais Owen, il met ton cœur à l’envers, mais Owen, c’est ton histoire éternelle. Sentiments immortels, même derrière la colère, même derrière la haine. Sentiments plus forts que tout, inoubliable est le premier amour. Elle était gagnée par le stress en arrivant, elle redoutait qu’il ne la rejette obstinément. Ou, peut-être, qu’il ait besoin de plus d’explications ; des confessions, une déclaration qu’elle n’est pas prête à confier. L’amour, Cassey, elle ne sait plus ce que c’est ; plus tout à fait. Elle se souvient des peaux qui se consument et des cœurs qui s’affolent. Elle se souvient de toutes ces sensations qu’elle retrouve lorsqu’il capture ses lèvres avec fièvre. Les soupirs qui se mêlent, les langues qui s’entremêlent ; c’est son corps qu’elle a besoin de retrouver mais il n’est pas en reste. Un à un, il détache les boutons du chemisier de la nymphe qui se laisse faire alors que ses doigts délicats glissent contre le dos d’Owen. Elle savoure sous les bouts de tissus la douceur de sa peau nue au moins autant que les caresses reçues. Les paupières closes, elle se laisse transporter ; elle se laisse remonter, tout droit jusqu’à cet amour cendré qui renaît. Échappée dans un autre monde, loin de toute réalité, elle entend beaucoup trop brutalement une voix l’y rappeler. La voix de l’enfant qui vient de se lever. Les lippes scellées à celles d’Owen se reculent vivement alors qu’elle se penche pour récupérer le chemisier retiré. Embarrassée, elle enfile le vêtement pour le reboutonner comme elle peut alors que la petite Gaby, elle, a déjà une idée en tête. La jeune femme esquisse un doux sourire en entendant sa demande mais laisse son tuteur lui répondre. – Je viendrais dessiner avec toi bientôt. elle promet à la petite fille juste avant qu’elle ne retourne au lit. Elle peut le faire car il semblerait qu’elle va plus souvent être dans le coin. Une fois seule, la jolie blonde finit de se rhabiller correctement avant de rejoindre le salon ; à peu près remise de ses émotions. Elle attend Owen sur le canapé, perdue dans ses pensées. Elle se demande ce qui va se passer, à présent, quelle sera leur nouvelle relation. Elle n’a aucune envie de se précipiter. Revenir vers lui, sans crainte de l’avenir, est déjà un pas dont elle n’imaginait pas être capable. Là, tout de suite, elle a seulement envie de profiter de lui, de sa présence, de tout ce qu’elle s’est refusée jusqu’à maintenant. Sortie de ses songes quand elle entend les pas du pompier approcher, elle laisse un sourire se dessiner sur ses lèvres devant son air désolé. – Ce n’est pas grave. Viens avec moi. elle lui demande en lui tendant la main pour l’attirer. Elle ne reste pas longtemps loin de lui puisqu’elle se penche très vite pour lui voler un doux baiser. – Il faudrait qu’on apprenne à utiliser la chambre. elle déclare d’une voix amusée avant de laisser sa tête se poser contre l’épaule du jeune homme. Avec Gabriella, les conséquences ne sont pas bien graves. Ça aurait été bien différent avec Arya. Elle ne sait pas comment leur fille pourrait prendre un retour de flammes entre ses deux parents. Mais Cassey, là tout de suite, elle ne veut pas y penser. Ses doigts fins viennent glisser contre le bras d’Owen, comme si elle y dessinait des formes imaginaires. – Ça te va qu’on y aille doucement cette fois ? elle lui demande finalement en relevant son minois, plongeant ses opales dans les deux immenses océans. Elle mentirait, Cassey, si elle disait ne pas redouter l’engagement. Car elle se souvient, la dernière fois ; il y a seulement quelques mois. Un an, même. À partir du moment où ils sont retombés dans les bras l’un de l’autre, tout s’est accéléré. Ils se sont comportés, tous les deux, comme s’ils ne s’étaient pas vraiment séparés. Comme le couple qu’autrefois, ils étaient. Tu veux faire les choses autrement, tu veux prendre le temps de le découvrir à nouveau, prendre le temps de l’aimer à nouveau.