friends. (winnie)

des cris stridents font s'enfuir les prémices d'une nuit complète, d'une nuit bienfaitrice. sierra remue dans les draps, fronce les sourcils et plisse les yeux ; malgré tout, alors que le sommeil lui échappe petit à petit, elle se rend compte des lueurs qui brillent de l'autre côté, dans la réalité. des fenêtres qu'elle a oublié de fermer, quand elle s'est octroyé une petite sieste diurne. et elle repousse rageusement les couvertures, non sans quelques cris – et quelques jurons retenus de peu. elle se lève, les yeux toujours fermés, et se rapproche du berceau. elle se prend quelques meubles au passage, et certaines insultes parviennent à briser la barrière de ses lèvres.
- désolée mon amour.
elle marmonne, non sans lui adresser un regard noir au passage. oh, elle l'aime ce gamin… elle l'aime plus que tout, plus que sa propre vie même. et c'est bien pour ça que sierra continue de tourner la tête de droite à gauche quand les parents lui refont les mêmes propositions en boucle. certes, isaac n'aura jamais de papa… certes, sa maman est loin d'être parfaite. mais isaac aura au moins une vie bien rangée, une vie juste, une vie légale.
elle attrape le bébé dans ses bras en faisant particulièrement attention à garder sa tête bien nichée au creux de son bras. elle passe les doigts sur ses petites joues toutes mouillées, le berçant contre elle. et puis sierra, elle retient encore une fois une flopée de jurons.
sierra, elle n'est pas franchement du genre à dire des grossièretés ; papa et maman ont toujours veillé à ce qu'elle soit bien éduquée. et même elle, elle n'a jamais voulu se laisser aller et tomber dans la décrépitude des rues dégueulassées et des rats qui se plaisent à devenir des humains, s'enlisant dans la crasse, les péchés, les insultes et une vie décrépie. mais depuis que le bébé est arrivé et qu'elle se retrouve seule pour l'élever, c'est beaucoup plus compliqué.
elle pourrait l'appeler, ce salaud qui l'a mise en enceinte. depuis qu'il a divorcé, il s'est dit qu'il pourrait retrouver un semblant de famille avec sierra. mais sierra, c'est clairement pas de ça qu'elle veut… pas d'un autre loser, comme elle. d'un gars qui se laisse déconcerter par une paire de jambes trop longues, par une paire de seins trop gros, par tout ce qui porte une jupe et des talons hauts. sierra, elle mérite mieux que ça… et sierra, elle refuse de faire appel à papa et maman pour l'aider avec isaac, parce qu'ils n'auront pas une bonne influence sur lui.
non, sierra, elle préfère winnie.
bien que winnie ne sera pas franchement mieux que papa et maman.
mais winnie ne juge pas, winnie n'est pas douce, winnie dit la vérité… et winnie est ce qui se rapproche le plus d'une meilleure amie. une meilleure amie qui fascine dans son excentricité, sa franchise incisive, sa façon déglinguée de vivre.
elle n'est pas comme tous ces rats qui font horreur à sierra. winnie a une vie particulière, mais winnie sera toujours mieux que tous les autres. alors sierra attrape son téléphone – malgré les pleurs incessants d'isaac – et tape un texto rapide.
besoin de toi.
trois mots, rien de plus, rien de moins. elle sait faire dans le mélo, sierra, mais c'est surtout qu'avec un paquet sur les bras, c'est pas évident de taper quelque chose de plus concret. et puis surtout, sierra, ça lui écorche la gueule de dire la vérité. quoi que, c'est pas si éloigné que ça de la vérité… au fond, winnie, c'est un peu le papa d'isaac : elle est l'une des figures maternelles du petit. pas franchement la meilleure – pas qu'il y en ait une – mais la plus fidèle.
sierra, au fond, elle serait rien sans winnie. c'est winnie qui l'a aidée à se propulser sur le devant de la scène, qui l'a aidé à intégrer le projet superstar et qui lui a donné la liberté d'effleurer son rêve du bout des doigts. et elle l'a croqué à pleines dents, sierra, son rêve ; elle a cru que ça s'arrêterait jamais. comme eux tous. jusqu'aux conneries. jusqu'à odyss.
jusqu'à ce que la vie reprenne ce qu'elle avait donné.