Je suis un songe et tu me rêves

traits de caractère /  La fille, la femme. L’intelligente, la surdouée. L’ombre, le sourire.
 Elle est. Antigone.
 Dans sa droiture, dans sa posture.
 Elle est.
 Assume.
 Un caractère de cendre sur les marges d’un cahier.
 Une rigidité drastique.
 Dragonne, protectrice.
 Silencieuse et calme.
 Elle semble une eau douce dans une grotte aux merveilles.
 Un zéphyr en haut du ciel
 Elle ne parle pas, elle observe
 Comme une reine sur une ruine
 Comme une sainte sur le dos d’un sarcophage

Une onde sur le chemin désert d’un précipice. Ils pleurent. Elle tremble. Tout son corps et son esprit muet. Elle tremble et elle crie dans le capharnaüm de sa psyché morcelée. Avant. Avant elle était la fille sur le bord de la route, intelligente, persuasive, réservée. Avant. Avant elle était cette gosse, instruite, ironique et ivre de justice. Avant. Avant, elle semblait perdue dans un rêve de couleurs et de respect. Avant. Et puis. Après. Après. Après. Les coups de feu. Les pas. Les cris. Les cris. Fragiles. Assassinés. Les cris. Des corps aussi. Allongés sur le sol. Un ruisseau. Une flaque. Du sang. Rouge. Incarnadin. Une flaque énorme. Une mer de carmin où les cadavres expirait un souffle incendiaire. Ils étaient si jeunes. Après. Ca c’était l’après. Dans les rues, la nuit, elle exhibe sa présence fantomatique. Elle errait. Et maintenant. Maintenant elle vend parce qu’elle a fugué. Elle se vend, corps désenchanté, corps maigre, corps d’une juvénile adolescente. La culpabilité dresse son drapeau sur la peau écorchée, livide et frigide de la beauté. Elle a ce visage fermé, pétrifié, gardé à l’état sauvage de la honte. Lui, il a tué. Et tu étais sa copine ! Partout les doigts se levaient, montraient. Cette présence qu’elle paraissait. Une présence silencieuse. Un pétale dans le creux d’une main ferme. Une rose dans les paumes meurtrières d’un homme. C’est à eux qu’elle se vend, ces mâles de fer, qui inspirent et édictent les lois. Pour survivre, elle s’allonge. Et regarde le plafond. Pour se punir, elle s’agenouille. Les limites ne se comptent plus, elle n’en a plus. Alors elle pense, aux cris oui, mais elle pense à ce prénom qu’on lui a choisi, Antigone n’avait sur le coeur qu’un désir sacrificiel de bien. Elle avait sur ses mains le courage d’une lionne. Antigone. Mais je ne suis rien. Rien qu’une tâche effacée sur une toile. Il ne l’avait pas touché, il s’était suicidé, devant elle, elle avait pardonné. Elle l’aimait. Et maintenant. Elle se hait. Alors. Elle ne remarque pas les caresses, ne ressent pas la détresse. Elle prend l’argent qu’on lui confie, qu’elle place dans une tirelire, bientôt aura-t-elle le choix de se payer un avenir. Solitaire Antigone, immergée dans la tourmente d’une fillette, elle n’est plus.