something i've never felt before. (zephyr)

Deux heures. Deux heures du matin, fermeture du bar et elle est partagée, Asmée. Partagée entre poursuivre cette folle soirée, continuer la nuit dans un club branché, briller de mille feux et consommer. Consommer. Toujours consommer. L’alcool qui coule à flot, systématiquement, dans ces endroits. Ceux qui lui rappelle sans cesse sa vie d’avant. Sa vie qu’elle mène toujours un peu, au final. Elle n’est plus à Chicago, mais elle est toujours cette même étoile filante, cette starlette perdue qui ne sait quoi éprouver. Elle est partagée entre cette première option, et celle qui se révèle être bien plus sage. Regagner son domicile. Le domicile de son père mais aussi celui de Zephyr. T’es la première surprise, Asmée, lorsque tu réalises que cette maison est comme un cocon pour toi. T’es la première surprise, parce qu’avec ton père, tu n’imaginais pas une seule seconde, pouvoir trouver une quelconque stabilité, une quelconque chaleur. Mais ce n’est pas à lui, que tu la dois, mais bien à elle. Ta belle-mère. La présence de Zephyr change tout. Elle bouleverse tout. Tout ce qu’elle s’était imaginée, Asmée. Si au départ elle était plutôt anxieuse, à l’idée de rencontrer la femme qui partage la vie de son père, depuis un long moment maintenant, cette pression est rapidement retombée lorsqu’elle s’est trouvée face à elle. Zephyr, si douce, si vulnérable. Tellement, que pour la première fois, elle se sent changer, l’actrice. Pour la première fois, elle ressent ce besoin de s’occuper de quelqu’un d’autre que d’elle-même. Pour la première fois, elle se sent responsable de quelqu’un d’autre que d’elle-même. Et au fond, elle ne t’a pas vraiment laissé le choix, Zephyr. Elle s’est accrochée à toi de la façon la plus adorable qui soit, rassurée de ne pas être rejetée. Rejetée à cause de son trouble qui lui complique la vie, beaucoup trop. Une vie qu’elle tente de simplifier, l’étudiante, de rendre plus facile, plus douce, plus agréable. Et elle fait parfois des erreurs, avec elle, elle le sait. Elle apprend tous les jours, elle découvre peu à peu de quelle façon elle doit se comporter avec elle. Elle fait parfois des erreurs, mais elle fait de son mieux pour toujours rassurer sa belle-mère. Pour lui faire sentir qu’elle n’est pas le problème, qu’elle n’est pas un problème. C’est finalement cette pensée, Zephyr, qui guide ses pas jusqu’à cette villa qu’elles partagent. Parce que tu te dis que, de cette façon, tu pourras être présente pour le petit-déjeuner demain matin, Asmée. Tu pourras être là, avec elle et t’assurer qu’elle soit bien. Alors une fois devant cette dernière, elle passe la porte, doucement, dans le plus grand des silences car elle imagine sans mal qu’à cette heure-ci, ils sont tous les deux déjà endormis. Elle dépose sa veste et son sac, retire ses talons, mais lorsqu’elle s’avance un peu plus dans l’entrée, c’est Zephyr, qu’elle aperçoit. Zephyr, dans le salon, à plus de deux heures du matin. - Zephyr ? Qu’elle murmure, s’approchant d’elle, surprise de la trouver ici, en pleine nuit. - Tu ne dors pas ? C’est anormal, Asmée, et tu le sais. Si elle ne dort pas, c’est forcément qu’il s’est passé quelque chose. Forcément qu’il se passe quelque chose. D’autant plus que son père, lui, semble bien endormi.

(c) calaveras.

depuis quelques temps déjà, elle avait cette impression, zephyr. cette impression qu'elle avait fait fausse route, cette voix dans sa tête qui lui disait qu'elle n'était pas au bon endroit, qu'elle ne devait pas se retrouver là, se retrouver avec lui, se retrouver avec elle. parce que tu avais des sentiments, zephyr. et ils n'étaient pas pour l'homme qui partageait ta vie, mais pour la fille qu'il avait, cette jeune femme qui avait fait irruption dans ton monde avec tant de douceurs, que c'était en larmes et effrayée que tu t'étais confiée à ton amie. tu l'aimais. tu. l'aimais. elle. la fille de l'homme qui passait ses nuits avec toi. tu ne savais pas comment cela était possible, tu ne comprenais pas la logique de ton coeur, et cela te rendait encore plus mal. elle n'était pas à la bonne place, mais ne savait pas comment le faire comprendre, ne savait même pas si elle voulait réellement remettre les choses en places. parce que jamais elle n'avait ressenti un tel bonheur, qu'en étant aux côtés de la jeune chamberlain, qu'en lui souriant, qu'en faisant des crêpes avec elle. c'était comme une nouvelle zephyr, c'était comme une autre vie. un endroit, un moment, où elle n'était plus l'anormale, mais la normale. et cela te faisait tellement de bien. bien plus que les moments passés avec byron. parce qu'elle ne l'aimait pas, lui. il était son moyen de survivre, elle n'était que le trophée trônant à ses côtés. et il ne comprenait pas. il ne comprenait pas à quel point il pouvait être blessant, lorsqu'il l'insultait, lui disait qu'elle était débile, qu'elle ne comprenait rien.
non, elle ne comprenait pas.
elle ne comprenait pas comment les mots qu'il avait sortis pouvaient ne pas lui faire de peine.
elle ne comprenait pas pourquoi les larmes étaient sorties.
elle ne comprenait pas pourquoi il lui avait crié dessus.
elle n'avait rien fait.
elle n'avait rien fait, pourtant.
mais dans le salon, elle s'était réfugiée. elle savait qu'asmée était de sortie, mais elle avait besoin d'elle. alors elle s'était assise, elle avait ramené ses jambes à elle et s'était tenue dans le canapé en l'attendant. peu importait combien de temps elle l'attendrait. elle n'arrivait pas à oublier. elle n'arrivait pas à se reposer. elle n'arrivait pas à comprendre.
tu n'étais pas comme les autres. les mots avaient une plus grande force lorsqu'ils venaient à te rencontre. les mots devenaient de véritables armes contre toi. sans même qu'on s'en aperçoive.
sans même qu'on s'en aperçoive.
il fallut quelques heures à asmée pour rentrer. et zephyr l'attendait toujours. elle fut avertie par le bruit des clés dans la serrure, et fut ravie de voir le visage de sa belle-fille, tandis qu'elle avançait dans le salon. asmée... elle voulut se lever, se rapprocher, mais ce fut tout l'inverse, asmée, fit les premiers pas pour s'installer à ses côtés, alors que la quinquagénaire mimait un non de la tête. non je... je ne peux pas... parce qu'elle avait mal. mal à son petit coeur, qui ne comprenait toujours pas. j'ai... dû faire une bêtise... elle ne comprenait tout de même pas. qu'avait-elle fait ? elle ne comprenait pas. mais byron, lui, n'était pas autiste. s'il disait quelque chose, cela se devait d'être la vérité, selon ses standards. non ?
non... mais elle ne le comprenait pas.
non... mais une larme s'échappait tout de même.
non... mais elle enlaça asmée presque instantanément.
elle avait besoin de ne pas y penser.

(c) calaveras.

Il y a des signes qu’elle commence à détecter, Asmée. Des regards qui ne trompent pas. Des attitudes qui en disent long. Elle commence à connaître sa belle-mère, à l’apprivoiser. Elle commence également à comprendre comment se comporter avec elle, quoi faire, quoi dire, pour qu’elle se sente bien. A l’inverse, elle sait désormais qu’elle ne doit pas utiliser l’ironie avec elle, que les plaisanteries doivent être marquées et non déguisées. Elle apprend, chaque jour un peu plus. Elle apprend, parce que Zephyr compte pour elle. Elle compte déjà, parce que t’es comme ça, Asmée, tu t’attaches vite. Tu t’attaches très vite. Ton cœur s’emballe, s’accroche, et retombe, parfois. Souvent. Mais avec Zephyr, ce sera différent, parce qu’elle est amenée à rester dans ta vie. Elle ne pourra pas s’en détacher et elle n’a pas envie de s’en détacher, parce qu’elle est attendrie, véritablement, par la délicatesse de la quinquagénaire. Parce qu’elle voit combien elle pourrait être incroyable, si seulement elle voulait bien le voir, elle aussi. Mais tu sais que c’est difficile pour elle de voir au-delà de cet handicap. Difficile, lorsque tout le lui rappelle sans arrêt. Et tout ce que tu souhaites, toi, Asmée, c’est de pouvoir apporter un peu d’étoiles dans sa vie. La faire se sentir normale, pour une fois, parce qu’à tes yeux, elle n’est en rien anormale. Et lorsqu’elle la trouve, perdue, recroquevillée sur le canapé, elle n’hésite pas à la rejoindre, s’installant à ses côtés. Ce qu’elle ressent en la regardant ne lui plait pas, l’impression qu’elle est toute triste, qu’il s’est passé quelque chose et que c’est pour cette raison qu’elle n’est pas déjà dans les bras de Morphée. Pour cette raison que ses paroles lui semblent aussi déconcertantes. - Quoi ? Quelle bêtise ? Elle ne comprend pas, Asmée, mais lorsqu’une larme coule le long de son visage de porcelaine, son cœur se fend immédiatement. Cela lui fait toujours aussi mal, de voir Zephyr malheureuse. Toujours aussi mal, lorsqu’elle la sent incomprise. Et c’est naturellement, qu’elle l’attrape dans ses bras lorsque cette dernière vient l’enlacer. - Hei… Zephyr… Caressant son dos avec tendresse, elle dépose un baiser contre son front en la gardant toujours contre elle. - Qu’est-ce qui se passe ? Explique-moi… Sa voix est douce, tendre, elle murmure pour ne pas la brusquer. Elle murmure pour ne pas trahir le calme qui règne dans la maison. Elle ne voit plus rien, rien sauf elle, l’alcool en elle semble s’être évaporé et elle ne pense même pas à son père. Il n’y a qu’elle, elle dans tes bras, qui semble bouleversée. Il n’y a qu’elle, et toi qui souhaite la rassurer.

(c) calaveras.

Qu’avait-elle fait ? Elle l’ignorait. Que s’était-il passé ? Pour elle c’étaient de vilains mots qui étaient venus pour l’abattre, pour Byron se devait-être une simple remise à niveau, un simple moment à l’engueuler. Avait-elle mal agi ? Avait-elle fait une bêtise ? Avait-elle dit quelque chose ? Ou était-ce plus profond ? Byron savait-il quels sentiments résidaient en elle ? Elle n’en savait rien, elle en avait peur. D’un coup, elle s’était sentie mal. D’un coup elle avait eu peur de cet homme qui crachait tant d’horribles mots. je... je ne sais pas... je ne sais pas... je réfléchis... je dois en avoir fait une... parce qu’il... a crié. elle était comme une enfant, parfois. Et c’était peut être ça ? C’était peut être sa maladie, son état, qui, tout simplement, exaspérait l’homme ? c’était donc tout naturellement que tu t’étais réfugiée dans les bras de la jeune fille. Là où tu te sentais véritablement bien. Là où tes larmes pouvaient couler sans apporter de paroles blessantes. Là où tu n’avais rien à craindre. et dans ses bras, elle se lâchait, elle avait mal, elle pleurait. C’était plus fort qu’elle, c’était plus fort que tout. Elle était fatiguée, elle était mal dans sa peau, et elle réfléchissait, je ne sais pas... je ne sais pas ce que j’ai fait... je ne sais pas... je ne comprends pas... qu’y avait-il à comprendre ? Que manquait-elle ? Son cerveau avait-il raté quelque chose ? Les regards, les mimiques, le langage corporel ? Elle ne connaissait pas cela, sauf de nom. Était-ce quelque chose en rapport avec ce qu’elle ne savait pas ? Avait-elle énervé Byron ainsi ? Avait-elle regardé Byron d’une façon qui trahissait ses sentiments ? je... elle regardait sa douce Asmée, tentait d’essuyer ses quelques larmes. elle était si tendre avec toi, elle s’était approchée, elle t’avait aussitôt serrée contre elle quand tu l’avais enlacée, le coeur si lourd. Et elle voulait comprendre, elle aussi. je ne sais pas ce qu’il s’est passé... j’ai du mal à comprendre... il a commencé à élever la voix. Est ce que j’ai fait quelque chose de mal ? Peut être... sans doute... lui... lui il est normal... il doit savoir... il doit... il a sans doute raison... les mots... les mots avaient tant d’impact sur elle. Un mot de travers, et c’était comme un coup dans le ventre. Elle avait toujours du mal, à comprendre les subtilités mises dans la voix d’autrui. Quand on était ironique, elle avait du mal. Quand on était sarcastique, elle avait du mal. Quand on était plaisantin. Elle avait du mal. Elle ne comprenait que les définitions des mots employés contre elle. Elle ne comprenait que les qualificatifs qu’on lui attribuait. La colère, elle ne la connaissait pas. Parce que pour elle, chaque mot prononcé était pensé. Elle ne voyait pas que la rage pouvait tout foutre en l’air. Elle ne voyait pas que la peine pouvait pousser à d’autres significations. je ne pouvais pas... dormir. Je... je n’arrête pas d’y repenser... et... je voulais... je voulais être avec toi... c’était doux, c’était réel, une vérité qu’elle lâchait sans force, tandis qu’elle ne sentait même pas que ses sentiments étaient derrière tout cela. pour toi, il y avait la vérité et le mensonge. Il y avait le vrai et le faux. Et tu étais incapable de dire le faux. Tu pouvais te tromper, mais ce que tu pensais juste était prononcé, ce que tu pensais faux ne l’était jamais. C’était comme marcher, c’était comme courir, c’était comme respirer. Le mensonge ne savait exister. Si on te demandait de dire que le ciel était vert, tu ne le pourrais tout simplement pas. Tu ne le pourrais jamais. tu sais... je... je ne comprends pas tout... je sais que... je ne comprends pas tout... je sais que... je suis... différente... mais j’essaie... j’essaie vraiment. son coeur était blessé. Son âme était touchée. Elle avait mal, tellement mal.

(c) calaveras.